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26/04/2017 | LUXEMBOURG | N°37256

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 avril 2017, 37256


Tribunal administratif N° 37256 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2015 1re chambre Audience publique du 26 avril 2017 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, en matière de morcellement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37256 du rôle et déposée le 8 décembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie

et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellem...

Tribunal administratif N° 37256 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2015 1re chambre Audience publique du 26 avril 2017 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, en matière de morcellement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37256 du rôle et déposée le 8 décembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à l’annulation d'une décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 25 novembre 2015 refusant de faire droit à une demande de morcellement de la parcelle inscrite au cadastre d’Esch-sur-Alzette sous le numéro …;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank Schaal du 15 décembre 2015, demeurant à Luxembourg, portant signification de la prédite requête à la Ville d’Esch-sur-Alzette, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, ayant sa maison communale à L-

4002 Esch-sur-Alzette, Hôtel de Ville ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2016 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Ville d’Esch-sur-Alzette ;

Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2016 par Maître Steve Helminger au nom de la Ville d’Esch-sur-Alzette, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 mars 2016 par Maître Georges Krieger au nom de la société anonyme … S.A., préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2016 par Maître Steve Helminger au nom de la Ville d’Esch-sur-Alzette, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Steve Helminger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique.

___________________________________________________________________________

La société anonyme … S.A., ci-après désignée par « la société … », est propriétaire d’un terrain sis à L-…, inscrit au cadastre d’Esch-sur-Alzette sous le numéro …et classé à la partie graphique du Plan d’Aménagement Général de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ci-après désigné par « le PAG », en zone urbanisée II.

Le 28 mars 2013, elle introduisit auprès de la Ville d’Esch-sur-Alzette, conformément à l’article 52 du règlement sur les bâtisses, une demande de morcellement dudit terrain en deux unités, dans le but d’affecter le deuxième terrain ainsi créé à la construction d’une maison conformément au PAG en vigueur.

Par courrier du 10 octobre 2013, ladite demande de morcellement fut refusée sur base des considérations suivantes :

« […] Suite à votre demande du 28 mars 2013 concernant le morcellement de la parcelle en deux lots, je vous informe qu’un avis favorable ne peut être donné qu’après introduction d’un plan d’aménagement particulier (PAP) conformément à notre Plan d’aménagement général (PAG).

D’après le plan d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette, la parcelle …se situe en « secteur urbanisé 2 ». Ce secteur est soumis aux dispositions du règlement sur les secteurs Titre II qui fixe les règles d’urbanisme applicables. Ledit règlement prévoit la possibilité de dresser des plans de quartier pour définir les alignements des volumes à construire par rapport à la rue, ainsi que l’affectation des constructions. Mais, il y a lieu de constater qu’un tel plan de quartier n’existe pas pour le terrain en question. Or, la commune oblige le demandeur de procéder à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier qui fixera alors les prescriptions nécessaires à appliquer, pour garantir une intégration harmonieuse dans le tissu urbain existant.

D’autre part il est à préciser que le PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette n’a pas encore fait l’objet d’une refonte et adaptation complète au sens de l’article 108 paragraphe 1 de la loi du 19 juillet 2004, de sorte que l’article 108 bis (3) de ladite loi est applicable en l’espèce. Ledit article, en son alinéa 2, dispose que « dans le cadre de la mise en œuvre du présent article, l’obligation d’établir un plan d’aménagement particulier incombe aux communes ainsi qu’aux associations, sociétés ou particuliers dans les zones définies au plan d’aménagement général comme zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier et en cas de création ou de développement de lotissements de terrains ou de groupes d’habitations. On entend par groupe d’habitations deux maisons ou plus occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement ». […] ».

La société … a fait introduire, par requête déposée le 26 novembre 2013 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 33666 du rôle, un recours tendant à l’annulation de la décision de refus, précitée, du 10 octobre 2013.

Par un jugement du 1er décembre 2014, le tribunal administratif a annulé la décision lui déférée du 10 octobre 2013 pour incompétence de son auteur, en renvoyant le dossier en prosécution de cause au bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ci-après désigné par « le bourgmestre », dans la mesure où la décision de refus a été signée par une personne relevant, d’après les indications figurant sur ladite décision, de l’administration de l’architecte, division du développement urbain, de la Ville d’Esch-sur-Alzette et non pas par le bourgmestre, en violation des articles 67 de la loi communale du 13 décembre 1988, telle que modifiée, et 51.1 du règlement sur les bâtisses de la Ville d’Esch-sur-Alzette.

Aucune nouvelle décision n’ayant été prise suite au jugement, précité, du tribunal administratif du 1er décembre 2014, même après un courrier du litismandataire de la société … du 21 mai 2015, celle-ci saisit à nouveau le tribunal administratif, par une requête du 11 juin 2015, inscrite sous le numéro 36409 du rôle, en vue de la désignation d’un commissaire spécial, conformément à l’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif. Dans ce cadre, la société … fit encore déposer le 11 novembre 2015 une requête en abréviation des délais au greffe du tribunal administratif.

Par jugement du 11 janvier 2016, inscrit sous le numéro 36409 du rôle, le tribunal administratif, tout en condamnant la Ville d’Esch-sur-Alzette au paiement d’une indemnité de procédure, rejeta la demande de la société … en nomination d’un commissaire spécial pour être devenue sans objet, étant donné que par décision du 25 novembre 2015, le bourgmestre avait, entretemps et à nouveau, refusé la demande de morcellement de la société … dans les termes suivants :

« […] Vous avez introduit en date du 28 mars 2013 une demande de morcellement en deux unités d'un terrain sis à L-…, inscrit au cadastre d'Esch-sur-Alzette sous le numéro …et classé dans la partie graphique du Plan d'Aménagement Général en zone urbanisée II.

Par courrier de l'Administration de l'architecte - division du développement urbain du 10 octobre 2013, vous avez été informé que cette demande de morcellement vous a été refusée.

Vous avez alors fait introduire, par requête déposée le 26 novembre 2013 au greffe du tribunal administratif, un recours tendant à l'annulation de cette décision.

Par jugement du 1er décembre 2014 (rôle n°33.666), le tribunal administratif a annulé la décision du 10 octobre 2013 pour incompétence de son auteur.

Suite à ce jugement, je vous informe que je ne peux donner une réponse favorable à votre demande de morcellement, pour les raisons qui suivent.

D'après le plan d'aménagement général de la Ville d'Esch-sur-Alzette, la parcelle …se situe « en secteur urbanisé II ».

Ce secteur est soumis aux dispositions du règlement sur les secteurs Titre II qui fixe les règles d'urbanisme applicables. Ledit règlement prévoit la possibilité de dresser des plans de quartier pour définir les alignements des volumes à construire par rapport à la rue, ainsi que l'affectation des constructions.

Il y a toutefois lieu de constater qu'un tel plan de quartier n'existe pas pour le terrain en question et qu'à défaut d'un tel plan de quartier la réglementation urbanistique communale ne fixe aucune règle de constructibilité pour ce terrain.

Il y a partant lieu de procéder préalablement à l'élaboration d'un plan d'aménagement particulier qui fixera alors les prescriptions nécessaires à appliquer, pour garantir une intégration harmonieuse dans le tissu urbain existant.

Un morcellement visant à diviser un terrain construit en vue de la réalisation de deux terrains constructibles ne saurait être autorisé, à défaut d'un PAP fixant les règles de constructibilité pour ces nouvelles parcelles à créer.

Il importe encore de préciser que le PAG de la Ville d'Esch-sur-Alzette n'a pas encore fait l'objet d'une refonte et adaptation complète au sens de l'article 108 paragraphe 1 de la loi du 19 juillet 2004, de sorte que l'article 108 bis (3) de ladite loi est applicable en l'espèce.

Conformément à l’alinéa 2 de cet article :

« Dans le cadre de la mise en œuvre du présent article, l'obligation d'établir un plan d'aménagement particulier dont le contenu des parties graphique et écrite correspond à celui du plan d'aménagement particulier „nouveau quartier", incombe aux communes ainsi qu'aux associations, sociétés ou particuliers dans les zones définies au plan d'aménagement général comme zones soumises à l'élaboration d'un plan d'aménagement particulier et en cas de création ou de développement de lotissements de terrains ou de groupes d'habitations. On entend par groupe d'habitations deux maisons ou plus occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement ».

Votre demande de morcellement visant à diviser un terrain ne pouvant actuellement accueillir qu'une seule construction afin de permettre d'en accueillir deux requiert partant également l'élaboration préalable d'un PAP en vertu de cette disposition.

Votre demande de morcellement est partant refusée et ne pourra être accordée qu'après introduction d'un plan d'aménagement particulier conformément au PAG de la Ville d'Esch-sur-Alzette et aux dispositions légales régissant la matière. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 décembre 2015, la société … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision de refus, précitée, du bourgmestre du 25 novembre 2015 de procéder au morcellement en deux unités de sa parcelle portant le numéro cadastral 1852/16203.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base du présent litige, conclut à l’annulation de la décision de refus de morcellement déférée, en ce qu’il n’existerait aucune disposition légale, ni réglementaire imposant, dans son cas de figure, l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier, ci-après désigné par le « PAP », avant de pouvoir se voir octroyer une autorisation de morcellement.

Elle conteste ainsi plus particulièrement l’obligation lui imposée d’élaborer un PAP à cause de l’absence d’un plan de quartier pour le terrain concerné, en relevant que ni le plan d’aménagement général en vigueur, ci-après désigné par « le PAG », ni les dispositions du règlement sur les secteurs urbanisés ne prévoiraient l’obligation de procéder à l’élaboration d’un PAP au cas où il n’existerait pas de plan de quartier.

Elle conteste de même l’obligation de procéder à un PAP en vertu des règlements applicables à la Ville d’Esch-sur-Alzette, au motif que ni le règlement sur les secteurs urbanisés, en ses articles 2 et 13, ni le règlement sur les bâtisses, et plus particulièrement ses articles 52.1 et 55 relatifs au morcellement d’un terrain, ne prévoiraient une quelconque obligation de procéder à l’élaboration d’un PAP en cas de morcellement d’un terrain.

Elle réfute finalement l’interprétation de l’article 108 bis de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », faite par la Ville d’Esch-sur-Alzette, en relevant que le terrain visé ne serait pas classé par le PAG en zone soumise à l’élaboration d’un PAP, que sa demande ne concernerait pas le lotissement d’un terrain, mais uniquement son morcellement, et finalement qu’elle ne projetterait pas la création ou le développement d’un groupe d’habitations, puisque son projet de construction ne viserait que la construction d’une seule maison uni-, respectivement bifamiliale sur l’une des parcelles issues du morcellement, dont la taille ne permettrait d’ailleurs pas la réalisation d’une deuxième maison, l’autre parcelle accueillant déjà une maison demeurant intacte. La demanderesse donne finalement à considérer que la nouvelle parcelle, issue du morcellement de son terrain, serait entièrement viabilisée dans la mesure où elle donnerait sur la … où toutes les infrastructures nécessaires à sa viabilisation seraient présentes.

La partie défenderesse conclut, quant à elle, au rejet du recours sous analyse pour ne pas être fondé.

En se basant sur l’article 3.1. du règlement sur les secteurs urbanisés de la Ville d’Esch-sur-Alzette, applicable aux secteurs urbanisés 1 et 2, selon lequel la partie graphique résultant des plans de quartier fixe notamment l’alignement des volumes à construire par rapport à la rue, la Ville d’Esch-sur-Alzette fait valoir que l’absence d’un tel plan de quartier créerait une incertitude juridique si le bourgmestre autorisait le morcellement de la parcelle litigieuse, dans la mesure où aucune disposition réglementaire régissant le recul de la construction par rapport à la rue ne serait à observer.

La Ville d’Esch-sur-Alzette soutient encore que les conditions imposant l’obligation d’élaborer un PAP, telles que découlant de l’article 108 bis de la loi du 19 juillet 2004, seraient remplies en l’espèce, en ce que la demanderesse projetterait de morceler son terrain, sur lequel serait actuellement érigée une maison, en vue de pouvoir construire, sur cette parcelle, une deuxième maison, la défenderesse se référant à ce sujet à un arrêt de la Cour administrative du 21 mars 2013, inscrit sous les numéros 31933C et 31941C du rôle définissant la notion de « maison ». Son analyse serait encore confirmée par l’article 14 du règlement sur les secteurs urbanisés, intitulé « Plan de lotissement » aux termes duquel « le lotissement de terrains à bâtir sert à morceler des parcelles plus grandes en unités fondamentales pouvant être couvertes chacune par une seule construction. […] ». Le fait que sur une des parcelles à créer une maison d’habitation serait déjà construite ne réfuterait pas cette conclusion, dans la mesure où, d’une part, l’article 14 du règlement sur les secteurs urbanisés ne distinguerait pas entre construction existante et construction à réaliser, et, d’autre part, la demanderesse pourrait, après l’octroi d’une autorisation de morcellement, démolir l’immeuble existant sur son terrain afin de disposer de deux terrains constructibles vierges. Elle se base encore sur l’arrêt susmentionné de la Cour administrative pour affirmer que la demanderesse, propriétaire du terrain litigieux, devrait être qualifiée de promoteur professionnel, ce qui ressortirait expressément de ses statuts, de sorte que l’élaboration d’un PAP s’imposerait. La Ville d’Esch-sur-Alzette soutient finalement que dans son jugement du 1er décembre 2014, inscrit sous le numéro 33666 du rôle, le tribunal administratif aurait implicitement confirmé la nécessité, pour la société …, de devoir réaliser un PAP, en ce qu’il a retenu que « […] la société …, en tant que propriétaire d’un terrain qu’elle désire morceler en deux parcelles distinctes, a un intérêt personnel direct suffisant à faire contrôler le refus lui opposé avec la réglementation urbanistique, et ce indépendamment de la question éventuelle - relevant d’ailleurs de l’examen au fond du recours - qu’elle devrait de toute façon procéder par le biais de l’établissement d’un plan d’aménagement particulier, le tribunal relevant d’ailleurs que cette question telle que soulevée par l’administration communale ne se poserait pas si la demanderesse ne désirait que procéder au morcellement en vue de la revente de l’un ou de plusieurs des terrains ainsi créés, sans vouloir elle-même procéder à des constructions.[…] ».

La demanderesse, dans son mémoire en réplique, réfute l’argumentation de la Ville d’Esch-sur-Alzette quant à la nécessité d’élaboration d’un PAP, en l’espèce, au motif que la décision déférée concernerait uniquement le refus d’autoriser un morcellement et que la question quant à l’opportunité de devoir réaliser, à ce stade, un PAP serait inopérante pour ne se poser, le cas échéant, que lors de la demande d’octroi d’une autorisation de construire. Elle conteste encore la position de la Ville d’Esch-sur-Alzette quant à une prétendue obligation de devoir procéder à l’élaboration d’un PAP pour combler l’absence d’un plan de quartier, au risque d’avoir sinon une incertitude juridique quant à la possibilité de construire sur le terrain morcelé, en faisant valoir qu’à défaut de plan de quartier, respectivement de PAP, ce seraient les dispositions du PAG, respectivement du règlement des bâtisses en vigueur qui devraient être prises en considération pour être d’application générale. Elle réitère, à ce sujet, l’argumentation développée dans son recours consistant à soutenir qu’aucun texte réglementaire, ni législatif n’imposerait, en l’espèce, l’obligation d’élaborer un PAP, en précisant que les conditions cumulatives de l’article 108 bis de la loi du 19 juillet 2004 ne seraient pas remplies, en l’espèce, dans la mesure où son projet de morcellement ne viserait, ultérieurement, que la construction d’une seule maison, le terrain litigieux, déjà entièrement viabilisé et d’une surface de 7 ares, ne permettant pas la réalisation davantage d’immeubles.

Elle conteste finalement, pour être purement spéculative et hypothétique, l’affirmation de la Ville d’Esch-sur-Alzette selon laquelle elle pourrait, une fois l’autorisation de morcellement accordée, procéder à la démolition de la maison existante sur la parcelle litigieuse, pour disposer, ainsi, de deux terrains vierges de toute construction.

Dans son mémoire en duplique, la Ville d’Esch-sur-Alzette réitère sa position quant à la nécessité d’élaboration préalable d’un PAP avant l’octroi d’une autorisation de morcellement d’un terrain lorsqu’il s’agirait de construire deux maisons ou plus sur un même terrain. Elle fait encore valoir que la ratio legis de l’article 108 bis de la loi du 19 juillet 2004 serait d’éviter la création de nouvelles situations urbanistiques non suffisamment couvertes par les règlementations découlant du PAG et du règlement sur les bâtisses d’une commune, soit pour défaut d’infrastructures, soit, comme en l’espèce, pour défaut de règles urbanistiques pouvant régir la future construction.

Lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, le tribunal a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger des intérêts privés.

Il y a d’abord lieu de relever que le recours sous examen a pour objet non pas une décision portant refus d’une autorisation de construire, mais une décision portant refus d’accorder une autorisation de morcellement d’un terrain, un morcellement au sens urbanistique du terme s’analysant en la division foncière d’une ou de plusieurs parcelles en plusieurs nouvelles parcelles en vue de créer des places à bâtir. Cette analyse est d’ailleurs confirmée par l’article 105 de la loi du 19 juillet 2004, abrogé par la loi du 28 juillet 2011 portant modification de la loi du 19 juillet 2004, qui définissait le morcellement de parcelles comme étant « la division d’une ou de plusieurs parcelles en plusieurs nouvelles parcelles en vue de les affecter à la construction d’un groupe d’au moins deux maisons », le but et le cadre d’une telle procédure étant ainsi spécifiquement la création respectivement le maintien de places à bâtir.

Il y a encore lieu de relever que toute autorisation de morcellement doit être analysée comme étant un préalable à la délivrance valable, conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables, d’un permis de construire, dans la mesure où elle conditionne les contours officiellement arrêtés, ainsi que les dimension et contenance de la parcelle à construire, ceux-ci dictant à leur tour les règles d’urbanisme applicables, s’imposant à l’autorité communale en vue de la délivrance d’un permis de construire1, étant encore rappelé que le bourgmestre n'est pas tenu d'accepter tout morcellement respectivement tout détachement d'un terrain pour l'hypothèse où pareil détachement heurte lesdites règles d'urbanisme2.

Le morcellement requiert dès lors un élément objectif, à savoir la division d’un terrain, ainsi qu’un élément subjectif, à savoir que ce terrain soit divisé pour y ériger de nouvelles constructions, de sorte à nécessiter une analyse sommaire du bourgmestre quant à la constructibilité générale des terrains à créer en question, une telle analyse pouvant, le cas échéant, exiger des autorités communales un examen quant à l’exigence de réalisation d’un PAP, au regard de la situation, respectivement de l’envergure du terrain concerné.

Force est tout d’abord au tribunal de constater que la constructibilité du terrain litigieux n’est pas remise en cause, en l’espèce, étant précisé que l’intégralité de la parcelle litigieuse, y compris la partie à morceler en vue d’accueillir, aux vœux de la demanderesse, une nouvelle construction est classée à la partie graphique du PAG en zone urbanisée II destinée, au sens de l’article 2.1. du PAG, aux habitations ainsi qu’aux activités de commerce, de service et d’artisanat. Cette zone peut également comprendre des établissements socio-culturels et des équipements de service public.

En l’espèce, le bourgmestre indique dans la décision de refus déférée du 25 novembre 2015 que l’autorisation de morcellement sollicitée n’aurait pas pu être délivrée au motif qu’un PAP aurait dû, préalablement à l’octroi d’une autorisation de morcellement, être élaboré au regard, d’une part, de l’absence d’un plan de quartier, pour le terrain en question, définissant les alignements des volumes à construire par rapport à la rue, et, d’autre part, de l’article 108 bis de la loi du 19 juillet 2004 dont les conditions d’application seraient réunies en l’espèce.

1 Trib. adm. 8 mars 2000, n° 11241 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n° 665 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 18 juin 2003, n° 15787 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n° 666.

Quant au bien-fondé de la décision de refus litigieuse, il échet de relever qu’une décision de refus, indiquant une pluralité de motifs à sa base, est dûment justifiée si elle repose sur un motif légal qui la sous-tend.

En ce qui concerne le motif fondant la décision de refus litigieuse et basé sur la considération que l’élaboration d’un PAP s’imposerait, en l’espèce, en vertu de l’article 108 bis de la loi du 19 juillet 2004 aux termes duquel, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision déférée, « […] l’obligation d’établir un plan d’aménagement particulier dont le contenu des parties graphique et écrite correspond à celui du plan d’aménagement particulier «nouveau quartier», incombe aux communes ainsi qu’aux associations, sociétés ou particuliers dans les zones définies au plan d’aménagement général comme zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier et en cas de création ou de développement de lotissements de terrains ou de groupes d’habitations. On entend par groupe d’habitations deux maisons ou plus occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement. […] », force est au tribunal de constater que ledit article ne peut pas légalement justifier la décision déférée pour ne pas être applicable en l’espèce.

Force est au tribunal de constater que, tel que l’argumente, à juste titre, la demanderesse, le terrain litigieux n’est pas soumis à l’obligation d’élaborer un PAP en ce qu’il est, tout d’abord constant en cause pour ne pas être contesté par les parties, que ledit terrain n’est pas situé dans une zone définie au plan d’aménagement général comme zone soumise à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier.

Par ailleurs, s’agissant de la condition ayant trait à la création, respectivement au développement de lotissements de terrains ou de groupes d’habitations, il est constant en cause, pour ressortir des pièces du dossier et plus particulièrement du projet de morcellement et de l’extrait cadastral, que la parcelle litigieuse à diviser portant le numéro cadastral 1852/16203, accueille déjà une maison construite sur la partie touchant la rue Henry Bessemer.

Force est encore de constater que la parcelle à créer par le biais du morcellement litigieux, d’une part, se situe à l’arrière du terrain portant le numéro cadastral …et touche, comme voie desservante, la …, de sorte à disposer de voies d’accès et des équipements sanitaires et de confort assurant sa viabilité, et, d’autre part, a une largeur de 27,45 mètres, une profondeur, à partir de la …, d’au moins 29,18 mètres, ainsi qu’une superficie de 7,08 ares, tel que cela ressort du projet de morcellement de la demanderesse versé par la Ville d’Esch-sur-Alzette, de sorte à pouvoir accueillir tout au plus une maison uni-respectivement bi-familiale, en respectant les dispositions urbanistiques applicables.

Il suit des considérations qu’au regard de la situation et des dimensions de la nouvelle parcelle à créer, il ne peut pas être retenu qu’il y aurait, en l’espèce, création d’un lotissement de terrains, ou d’un groupe d’habitations.

Il s’ensuit que le motif de refus basé sur l’article 108 bis de la loi du 19 juillet 2004 ne constitue pas une base légale valable pour justifier le refus d’octroi d’une autorisation de morcellement.

Cette conclusion n’est pas énervée, d’une part, par l’affirmation de la Ville d’Esch-

sur-Alzette que la demanderesse pourrait procéder à la destruction de la maison existant sur le terrain litigieux, une telle argumentation devant être qualifiée de purement hypothétique pour ne reposer sur aucun élément concret soumis à l’analyse du tribunal, et, d’autre part, par la référence faite par la Ville d’Esch-sur-Alzette au jugement, précité, du tribunal administratif du 1er décembre 2014, inscrit sous le numéro 33666, étant donné que le tribunal, contrairement à l’argumentation de la défenderesse, n’a pas implicitement retenu la nécessité de devoir recourir, en l’espèce, à l’élaboration préalable d’un PAP, mais a uniquement relevé, lors de l’analyse de l’intérêt à agir de la société …, qu’une telle question « […] ne se poserait pas si la demanderesse ne désirait que procéder au morcellement en vue de la revente de l’un ou de plusieurs des terrains ainsi créés, sans vouloir elle-même procéder à des constructions […] ».

En ce qui concerne le motif de refus de l’autorisation de morcellement fondé sur la considération que la réglementation urbanistique applicable ne prévoirait, en l’espèce, pas l’alignement des volumes à construire par rapport à la rue, en ce qui concerne la nouvelle parcelle à créer, de sorte à exiger l’élaboration préalable d’un PAP, il est certes vrai que, d’une part, aux termes de l’article 3.1 du règlement sur les secteurs urbanisés « La partie graphique résultant des plans de quartier fixe [notamment] l’alignement des volumes à construire par rapport à la rue […] » et, d’autre part, il est constant en cause, pour ne pas être contesté par les parties, qu’un tel plan de quartier portant sur le terrain litigieux n’a pas été élaboré par les autorités communales. Cependant l’obligation d’élaborer un règlement incombant à la Ville d’Esch-sur-Alzette ne peut pas engendrer, en cas de défaut par celle-ci de ce faire, comme corollaire une obligation, dans le chef des administrés concernés, de procéder à l’élaboration d’un PAP, respectivement un motif de refus d’une autorisation de morcellement.

Par ailleurs, la Ville d’Esch-sur-Alzette reste en défaut d’indiquer une quelconque base réglementaire, telle que le PAG, le règlement sur les secteurs urbanisés, respectivement le règlement sur les bâtisses de la Ville d’Esch-sur-Alzette, imposant au propriétaire d’un terrain, en cas d’absence de plan de quartier couvrant ledit terrain et déterminant l’alignement des constructions par rapport à la voie desservante, l’obligation d’élaborer un PAP avant de pouvoir prétendre à l’octroi d’une autorisation de morcellement.

Il y a, à ce sujet, encore lieu de relever, tel que soulevé, à juste titre, par la partie demanderesse, que le PAG est muet quant aux conditions d’un morcellement d’un terrain, tandis que le règlement sur les secteurs urbanisés de la Ville d’Esch-sur-Alzette en ce qui concerne les demandes de morcellement, ne prévoit, à travers son article 143, que la procédure à suivre pour introduire une telle demande, et que le règlement sur les bâtisses, d’une part, précise la nécessité d’obtenir une autorisation, dans son article 52.1.4, et, d’autre part, à travers son article 555, indique les documents à joindre à une telle demande, étant 3 Aux termes de l’article 14 du règlement sur les secteurs urbanisés « Le lotissement de terrains à bâtir sert à morceler des parcelles plus grandes en unités fondamentales pouvant être couvertes chacune par une seule construction. Le morcellement nécessite une autorisation préalable qui sera accordée d’après la même procédure que le permis de construire. » 4 En vertu de l’article 52.1. du règlement sur les bâtisses « Lorsqu’un terrain aménagé constructible, bâti ou non, est morcelé ou remorcelé, le propriétaire devra solliciter une autorisation de morcellement. » 5 L’article 55 du règlement sur les bâtisses dispose que « A toute demande d’autorisation de morcellement il convient de joindre :

a) une copie du plan cadastral, à l’échelle de 1/2.500 ou 1/1.250 permettant de localiser le ou les terrains (à marquer en couleur) ;

b) un plan de situation précis établi par un géomètre officiel et renseignant sur :

-

l’orientation, précisé que le caractère complet du dossier de demande de morcellement de la société …, mise à part la question litigieuse de la nécessité d’un PAP, n’a pas été remis en cause, en l’espèce.

Il s’ensuit que le motif de refus de l’autorisation de morcellement litigieuse tiré du fait que l’élaboration d’un PAP serait nécessaire en raison de l’absence de plan de quartier déterminant l’alignement de la nouvelle construction par rapport à la rue ne justifie pas non plus légalement la décision déférée.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que le bourgmestre a, à tort, refusé la demande en obtention d’une autorisation de morcellement telle que présentée par la demanderesse, en exigeant l’élaboration préalable d’un PAP, de sorte que la décision déférée du 25 novembre 2015 est à annuler pour n’être fondé sur aucun motif légal.

La partie demanderesse sollicite, finalement, l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qu’il y a lieu de rejeter, étant donné qu’elle omet de préciser en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non répétibles à charge de la demanderesse, la simple référence à l’article de loi applicable n’étant pas suffisante à cet égard.

Quant à la demande de la Ville d’Esch-sur-Alzette à se voir allouer une indemnité de procédure de 1.500 euros, celle-ci est également à rejeter, au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 25 novembre 2015 refusant la demande de morcellement d’un terrain sis à L-…, inscrit au cadastre d’ Esch-sur-Alzette, Section A d’Esch-Nord, sous le numéro …, présentée par la société anonyme … S.A.;

rejette les demandes en obtention d’une indemnité de procédure telles que formulées par la société … et la Ville d’Esch-sur-Alzette ;

condamne la Ville d’Esch-sur-Alzette aux frais.

Ainsi jugé par :

-

les limites des propriétés avant et après un remembrement éventuel, -

l’alignement des voies publiques et celui des constructions, -

les écarts par rapport aux limites et aux constructions voisines ainsi que des constructions entre elles, -

le nombre des étages et la hauteur des constructions prévues. » Annick Braun, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Alexandra Castegnaro, premier juge, et lu à l’audience publique du 26 avril 2017 par le vice-président en présence du greffier Michèle Hoffmann.

Michèle Hoffmann Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26.4.2017 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 37256
Date de la décision : 26/04/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-04-26;37256 ?

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