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21/04/2017 | LUXEMBOURG | N°39131

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 avril 2017, 39131


Tribunal administratif N° 39131 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2017 2e chambre Audience publique extraordinaire du 21 avril 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39131 du rôle et déposée le 21 février 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Hakima Gouni, avo

cat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur...

Tribunal administratif N° 39131 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2017 2e chambre Audience publique extraordinaire du 21 avril 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39131 du rôle et déposée le 21 février 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Hakima Gouni, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Afghanistan), alias … …, né le 1er janvier 1994, de nationalité afghane, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 février 2017 de le transférer vers la Pologne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif du 23 février 2017, inscrite sous le numéro 39132 du rôle ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mars 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hakima Gouni et Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 avril 2017.

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Le 20 décembre 2016, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 5 janvier 2017, il fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et 1mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III ».

Par une décision du 7 février 2017, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg avait, en vertu de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1) d) du règlement Dublin III, pris la décision de le transférer vers la Pologne, qui serait l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, au motif, d’une part, qu’il y aurait déposé une telle demande le 18 juillet 2014 et, d’autre part, que les autorités polonaises auraient, en date du 31 janvier 2017, accepté de prendre, respectivement de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2017, inscrite sous le numéro 39131 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 7 février 2017. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 39132 du rôle, il a encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers la Pologne et à se voir autoriser à séjourner provisoirement au Luxembourg jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond.

Par ordonnance du 23 février 2017, le vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, a suspendu l’exécution de la décision du 7 février 2017 prise par le ministre et a autorisé Monsieur … à séjourner provisoirement sur le territoire luxembourgeois jusqu’au jugement sur le mérite du recours au fond.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (3) de la loi du 12 décembre 2015 prévoit un recours en annulation contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telles que la décision déférée, un recours en annulation a valablement pu être introduit à l’encontre de celle-ci, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de sa requête au fond, Monsieur … expose les faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale tout en précisant être mineur, être arrivé au Grand-

Duché de Luxembourg en date du 7 octobre 2016 sans avoir été accompagné par un adulte et être actuellement scolarisé au Lycée technique du Centre. Il donne encore à considérer qu’après avoir fui son pays d’origine à l’âge de treize ans, il aurait traversé plusieurs pays dont l’Iran, la Turquie, la Grèce et la Pologne, pays dans lequel il aurait été appréhendé par la police et où il aurait été emprisonné pendant 5 mois. Pour être libéré de prison, il aurait été forcé de déposer une demande de protection internationale en Pologne, Monsieur … étant ainsi d’avis que cette demande aurait été extorquée par la force.

Il explique ensuite que par ordonnance du juge des tutelles auprès du tribunal de la jeunesse et des tutelles près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, Maître Hakima 2Gouni aurait été désignée comme son administratrice ad hoc avec la mission de le représenter au cours des procédures relatives à sa demande de protection internationale. Il donne encore à considérer qu’au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale au Luxembourg, il n’aurait disposé d’aucun document d’identité, et que celui dont il disposerait actuellement, à savoir une « tazkira », ne lui aurait été transmis que par téléfax du 25 novembre 2016. Il aurait remis ledit document d’identité en mains propres à l’agent ayant procédé à l’entretien visant à déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III.

Monsieur … fait encore valoir que son litismandataire se serait également vu adresser une copie de cette « tazkira » de la part de sa famille restée en Afghanistan, laquelle se serait d’ailleurs engagée à envoyer l’original le plus rapidement possible. Ladite « tazkira » aurait entretemps été traduite en langue française et son litismandataire l’aurait fait parvenir au ministre par télécopie du 20 février 2017 tout en sollicitant la prise en charge de l’examen de la demande de protection internationale de son mandant.

A l’audience des plaidoiries, le litismandataire de Monsieur … a déposé une copie plus lisible de cette « tazkira » tout en expliquant qu’il n’aurait pas encore reçu l’original.

En droit, le demandeur reproche en substance au ministre d’avoir violé l’article 8 du règlement Dublin III, dans la mesure où il n’aurait pas tenu compte de son intérêt supérieur en tant que mineur non accompagné en ce qu’il aurait, à tort, refusé de déclarer le Luxembourg compétent pour connaître de sa demande de protection internationale. Il reproche en outre au ministre d’avoir sollicité auprès de la Pologne l’accord d’une reprise en charge, sans avoir pris au préalable toutes les mesures nécessaires afin de déterminer son âge réel. Il donne encore à considérer qu’il n’aurait aucun lien affectif ou social en Pologne et il estime enfin que le fait d’avoir franchi illégalement les frontières polonaises devrait être sans incidence dans le cadre de la détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, au vu de l’article 8 du règlement Dublin III.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, au motif que le ministre aurait valablement pu décider de ne pas examiner la demande de protection internationale de Monsieur … et de le transférer en Pologne, qui serait l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile.

Il conteste plus particulièrement que le demandeur serait mineur en donnant à considérer qu’il aurait donné différentes dates de naissance dans les pays dans lesquels il aurait auparavant déposé des demandes de protection internationale laissant penser qu’il serait majeur, et ajoute que le document d’identité versé en cause, sur lequel il ne serait pas aisé de reconnaître la photo, serait non seulement facilement falsifiable, mais reposerait également uniquement sur des déclarations des personnes ayant demandé son établissement. Il remet en cause la crédibilité du demandeur en ce qui concerne son âge et relève que le demandeur resterait en défaut d’établir sinon rendre vraisemblable sa minorité.

Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre 3requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale. ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 18, paragraphe (1) d) du règlement Dublin III sur lequel le ministre s’est basé, en l’espèce, pour conclure à la responsabilité des autorités polonaises pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, prévoit que « L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (…) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23,24,25, et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre. ».

Le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre se serait basé sur cette disposition du règlement Dublin III pour procéder à l’examen de sa demande de protection internationale, au motif que compte tenu de sa qualité de mineur non accompagné, il aurait appartenu audit ministre de faire application des dispositions de l’article 8 dudit règlement, aux termes duquel : « (…) En l’absence de membres de la famille, de frères ou sœurs ou de proches visés aux paragraphes 1 et 2, l’État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur. (…) ».

Concernant l’interprétation de cet article, par arrêt du 6 juin 2013, la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », a décidé que : « (…) [L]’expression «l’État membre […] dans lequel le mineur a introduit sa demande d’asile » ne saurait être comprise comme indiquant «le premier État membre dans lequel le mineur a introduit sa demande d’asile».

(…) [L]es mineurs non accompagnés formant une catégorie de personnes particulièrement vulnérables, il importe de ne pas prolonger plus que strictement nécessaire la procédure de détermination de l’État membre responsable, ce qui implique que, en principe, ils ne soient pas transférés vers un autre État membre.

(…) [L’]article 6, second alinéa, du règlement n° 343/2003 doit être interprété en ce sens que dans des circonstances telles que celles au principal, dans lesquelles un mineur non accompagné dont aucun membre de la famille ne se trouve légalement sur le territoire d’un État membre a déposé des demandes d’asile dans plus d’un État membre, il désigne comme l’«État membre responsable» l’État membre dans lequel se trouve ce mineur après y avoir déposé une demande d’asile. »1 1 CJUE, arrêt du 6 juin 2013, n° C-648/11, affaire « MA, BT, DA v. Secretary of State for the Home Department » 4Il suit de cette jurisprudence rendue à propos de l’article 6 du règlement n° 343/2003 que si l’article 8 du règlement Dublin III prévoit que l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale introduite par un mineur non accompagné n’ayant pas de membres de sa famille sur le territoire d’un Etat membre est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur, il est, en principe, dans l’intérêt supérieur du mineur que cette responsabilité incombe à l’Etat membre dans lequel il se trouve après y avoir déposé sa demande de protection internationale. Il y a encore lieu de préciser qu’en vertu de l’article 7 (1) du règlement Dublin III, les critères fixés à l’article 8 ont priorité sur ceux prévus par les articles suivants, dont ceux résultant de l’article 18 dudit règlement, sur lequel le ministre s’est en l’espèce basé pour prendre la décision de transfert litigieuse.

Pour qu’il puisse estimer qu’un autre Etat membre est responsable de la demande de protection internationale d’une personne qui prétend être mineur non accompagné et qui a auparavant déposé une demande de protection internationale dans un ou plusieurs Etats membres, le ministre doit pouvoir raisonnablement penser au vu des éléments dont il dispose que le demandeur est majeur.

Le délégué du gouvernement relève à cet égard que le ministre aurait à bon droit considéré le demandeur comme majeur en raison des différentes dates de naissance données aux autorités polonaises, allemandes et suisses qui laisseraient penser qu’il n’est pas mineur, de l’absence de pièce d’identité valable démontrant sa minorité et des tests osseux réalisés sur sa personne qui prouveraient sa majorité, et qu’en conséquent, le ministre aurait à bon droit décidé de transférer le demandeur en Pologne, ce dernier n’ayant pas « établi ou rendu vraisemblable sa minorité ».

Il convient de rappeler que, s’il est de principe que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, la vérification de la matérialité des faits s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif2, respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue.

Au vu des éléments qui lui ont été soumis, le tribunal constate que le demandeur a indiqué aux autorités polonaises lors du dépôt de sa demande de protection internationale qu’il serait né le 1er janvier 1994, et aux autorités suisses, qu’il serait né le 1er janvier 1997.

Au moment de la prise de décision, le ministre disposait de ces dates de naissances, seulement contredites par l’affirmation de Monsieur … qu’il serait mineur, information qu’il a donnée lors de son arrivée au Luxembourg et qu’il a confirmée lors de l’entretien du 5 janvier 2017 au ministère, à l’occasion duquel il a également remis une copie du document afghan censé établir son identité en langue originale. Lors du prédit entretien, l’agent en charge de l’audition a notamment relevé à cet égard que « Monsieur a inventé cette date de naissance, il ne connaît ni 2 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 1996, n° 276.

5le jour ni le mois de sa date de naissance. Il insiste seulement qu’il a 17 ans. Sur la copie de la carte d’identité, aucune date de naissance n’est notée. ».3 Au vu des dates de naissance enregistrées par les autorités polonaises et suisses sur base des affirmations du demandeur lui-même, du fait que le document censé établir l’identité du demandeur ne comportait pas de date de naissance et que la traduction dudit document n’est parvenue au ministre que le 20 février 2017 par courrier du litismandataire du demandeur, le ministre pouvait a priori valablement retenir au moment de la prise de décision que Monsieur … était majeur et ne pas faire application de l’article 8 du règlement Dublin III.

Il ressort cependant des pièces versées par la partie étatique avec son mémoire en réponse du 30 mars 2017 qu’après la prise de décision, les autorités luxembourgeoises ont requis le 27 février 2017 des autorités suisses qu’elles leur fassent parvenir le compte rendu du test osseux réalisé sur Monsieur … afin de déterminer l’âge de ce dernier. Il ressort également de ces pièces que le ministre a convoqué le demandeur le 1er mars 2017 à un examen médical au Centre hospitalier Emile Mayrich de Dudelange aux mêmes fins et qu’un rapport a été rendu par le Service médico-judiciaire du Laboratoire National de Santé de Luxembourg le 17 mars 2017.

En ce qui concerne la prise en compte, par les juridictions administratives, de la situation de droit et de fait ayant existé au moment de la décision, il a été décidé par la Cour administrative par arrêt du 7 février 2017, n° 38584C du rôle, que «(…) Le critère de l’existence vérifiée des faits au moment de la prise de la décision administrative litigieuse est par ailleurs en phase avec l’autre critère de l’existence des motifs – comprenant en partie les éléments de fait – au moment de la prise de la décision litigieuse et qui, d’après une jurisprudence dorénavant constante, peuvent encore être proposés par la partie publique en cours d’instance contentieuse.

Ici encore, l’accent a été clairement mis par la jurisprudence sur l’existence vérifiée des motifs en question au moment de la prise de la décision administrative litigieuse.

En conclusion, la Cour confirme dès lors de manière expresse la démarche des premiers juges ayant consisté à prendre en considération, dans le cadre de l’analyse du bien-fondé du recours en annulation porté devant eux, l’ensemble des faits ayant existé de manière vérifiée au moment de la prise de la décision ministérielle critiquée. (…) Toujours in abstracto, du fait qu’il y a lieu, pour les raisons pré-exposées, de tenir compte de l’ensemble des faits ayant existé au moment de la prise de la décision administrative contestée, le bien-fondé du recours dépend également à la fois de la collecte des faits à la base du dossier administratif par rapport auquel l’autorité administrative a statué et, pour certains d’entre eux, de leur révélation opérée ou de la preuve y relative rapportée ultérieurement, étant constant que ces faits doivent avoir existé de manière vérifiée au moment de la prise de la décision litigieuse.

Autrement dit, la question de bien-fondé du recours en annulation peut dépendre, dans certains cas, de la façon dont le dossier a été constitué par l’autorité administrative. (…) » 3 page 2 du rapport d’audition du 5 janvier 2017 6Dès lors, l’autorité ministérielle pouvait, en cours de procédure, étayer les éléments de preuve de la majorité du demandeur.

Toutefois, il ressort des différents rapports médicaux versés en cause que, bien que les médecins suisses et luxembourgeois chargés d’établir l’âge du demandeur aient retenu que ce dernier était majeur, il subsiste encore un doute sur la majorité de Monsieur ….

En effet, dans le rapport dressé par le « Spital Thurgau » le 12 juin 2015 suite à la demande des autorités suisses pour déterminer l’âge du demandeur, il est indiqué, après avoir retenu que Monsieur … avait 19 ans, que : « (…) Die Individuelle Variabilität (Standardabweichung) des Knochenalters, bestimmt nach Greulich und Pyle, beträgt bei einem 17-jährigen männlichen Jugendlichen beispielsweise ca. 15 Monate. Unter Berücksichtigung einer doppelten Standardabweichung, die üblicherweise als Mass für die Normalität in der Medizin gebraucht wird, ergibt sich daraus eine Abweichung bis über 2 Jahre. So kann ein gesunder 17-jähriger Knabe durchaus ein Knochenalter von 19 Jahren aufweisen. Bei Asylbewerbern ohne dokumentiertes Al[t]er ergibt die Altersbestimmung nach Greulich und Pyle somit nur eine grobe Schätzung des biologischen Alters! (…) Die Methode von Greulich und Pyle basiert auf einem Normalkollektiv von weissen Kindern aus den USA. Ethnisch bedingte Verschiebungen der Normalverteilung auf der Zeitachse sind bekannt, jedoch nur ansatzweise untersucht. (…) » Par ailleurs, et surtout, il ressort du rapport médical du service médico-judiciaire du Laboratoire national de santé de Luxembourg du 17 mars 2017 que :

« (…) Herr … … … ist folglich mit überwiegende Wahrscheinlichkeit älter als 18 Jahre.

Ein Alter von unter 18 Jahren muss als möglich, jedoch mit einer Wahrscheinlichkeit von weniger als 50 % angesehen werden. ».

Le tribunal constate dès lors que tant les médecins suisses que luxembourgeois admettent qu’il n’est pas certain que Monsieur … ait réellement atteint la majorité et que les doutes subsistant à cet égard ne sont pas négligeables.

A cet égard, l’article 20 (4) de la loi du 28 décembre 2015 dispose que « Le ministre peut ordonner des examens médicaux afin de déterminer l’âge du mineur non accompagné lorsqu’il a des doutes à ce sujet après avoir pris connaissance de déclarations générales ou de tout autre élément pertinent. Si, par la suite, des doutes sur l’âge du demandeur persistent, il est présumé que le demandeur est un mineur. » En application du prédit article 20 (4), au vu des doutes qui persistent concernant l’âge réel du demandeur, ce dernier doit donc être présumé mineur.

Dès lors, étant donné (i) que le tribunal vient de retenir qu’au regard de la jurisprudence susmentionnée de la CJUE, il est, en principe, dans l’intérêt supérieur d’un mineur non accompagné n’ayant pas de membres de sa famille sur le territoire d’un Etat membre, ainsi que 7cela est le cas du demandeur, que la responsabilité pour l’examen de sa demande de protection internationale incombe à l’Etat membre dans lequel il se trouve après y avoir déposé sa demande d’asile, (ii) que le délégué du gouvernement n’a pas fourni d’éléments permettant de conclure qu’il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant de le transférer vers la Pologne et (iii) qu’au contraire, il est, au vu des circonstances concrètes de la cause, manifestement dans l’intérêt supérieur de Monsieur … de pouvoir continuer sa scolarité au Luxembourg et de ne pas être renvoyé en Pologne où il n’a pas d’attaches et où il aurait, selon ses dires, été « emprisonné pendant 5 mois » et introduit une demande de protection internationale qui lui aurait été « extorquée par la force »4, le tribunal retient que c’est à tort que le ministre a décidé de ne pas examiner la demande de protection internationale de l’intéressé et de le transférer vers la Pologne.

Il s’ensuit que la décision déférée encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 février 2017 par laquelle ledit ministre a décidé de ne pas examiner la demande de protection internationale de Monsieur …, alias … …, et de le transférer vers la Pologne ;

renvoie l’affaire devant ledit ministre en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 21 avril 2017, par le vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 avril 2017 Le Greffier du Tribunal administratif 4 page 3 du recours du 21 février 2017 8 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 39131
Date de la décision : 21/04/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-04-21;39131 ?

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