Tribunal administratif Numéro 39304 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mars 2017 4e chambre Audience publique du 31 mars 2017 Recours formé par Madame …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 39304 du rôle et déposée le 23 mars 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, actuellement retenue au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 8 mars 2017 ayant ordonné la prolongation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2017 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2017 par Maître Frank Wies au nom de sa mandante ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank Kessler, en remplacement de Maître Frank Wies, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives.
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Il ressort d’un procès-verbal du 12 décembre 2016, dressé par la police grand-ducale, Centre d’intervention Luxembourg Gare, sous le n° 55723/2016, que le même jour, Madame … se présenta audit bureau de police pour demander à être hébergée dans un foyer pour lui permettre de se reposer, alors qu’elle serait en chemin pour Strasbourg où elle compterait déposer une plainte contre le Danemark pour avoir refusé de statuer sur sa demande de protection internationale et l’avoir transférée en Espagne où elle aurait déjà vécu entre 2003 ou 2004 et 2013 ou 2014. Elle indiqua encore aux policiers être consciente de se trouver de manière irrégulière au Luxembourg en sa qualité de ressortissante marocaine sans papiers d’identité, qui auraient été saisis au Danemark. Elle versa encore à la police, un laissez-passer établi par les autorités espagnoles en date du 8 décembre 2016 en vue d’un transfert du Danemark vers l’Espagne.
Par un arrêté du même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-
après « le ministre », constata le séjour irrégulier de Madame … sur le territoire luxembourgeois et prononça à son encontre un ordre de quitter ledit territoire sans délai, tout en prononçant, à son égard, une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.
Le même jour, le ministre prononça à l’encontre de Madame … une mesure de placement en rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision, basée sur les motifs et considérations suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 12 décembre 2016, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans ;
Attendu que l’intéressée est dépourvue de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressée, alors qu’elle ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressée seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; ».
Par arrêtés des 10 janvier et 7 février 2017, notifiés à l’intéressée respectivement en date des 12 janvier et 10 février 2017, le ministre prorogea à chaque fois la mesure de placement initiale pour une durée supplémentaire d’un mois à partir des notifications respectives des arrêtés en question.
Par un arrêté du 8 mars 2017, notifié à l’intéressée en mains propres en date du 10 mars 2017, le ministre prorogea la mesure de placement pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 12 décembre 2016, 10 janvier 2017 et 7 février 2017, notifiés le 12 décembre 0216, le 12 janvier 2017 et le 10 février 2017, décidant de soumettre l’intéressée à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 12 décembre 2016 subsistent dans le chef de l’intéressée ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressée ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; ».
Par requête déposée le 23 mars 2017 au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision de prorogation précitée du 8 mars 2017.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est, par ailleurs, recevable, pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse rappelle les rétroactes précités tout en insistant s’être trouvée au Luxembourg uniquement pour des raisons de transit avant de se rendre dans les meilleurs délais à Strasbourg.
En droit, elle reproche au ministre de ne pas justifier la nécessité impérieuse de proroger la mesure de placement pour une troisième fois, soulignant que le placement en rétention devrait rester une mesure exceptionnelle qui ne saurait être prorogée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendraient nécessaire. Dans ce contexte, la demanderesse fait plaider que les démarches effectuées en vue de son éloignement seraient insuffisantes pour permettre d’écourter au maximum la durée de sa privation de liberté. Ainsi, à l’exception d’un courrier adressé aux autorités marocaines en date du 14 février 2017, aucune autre démarche n’aurait été entreprise suite à la notification de la deuxième prorogation de la mesure de rétention. Elle constate encore, dans ce contexte, que depuis le 12 décembre 2016, les démarches n’auraient même pas permis d’identifier l’autorité étrangère compétente afin de garantir un échange d’informations régulier à son sujet, de même qu’elle n’aurait pas encore été présentée aux autorités du pays dont elle revendique la nationalité.
En deuxième lieu, elle considère, au vu du principe qu’une mesure de rétention ne saurait être prononcée si d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives sont envisageables, que l’obligation de se présenter à des intervalles fixés par le ministre auprès d’un service donné ou l’assignation à résidence auraient pu lui être imposées en lieu et place de la rétention administrative.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait encore relever qu’il ressortirait d’une réponse du Centre de coopération policière et douanière du 23 décembre 2016 que son titre de séjour espagnol ayant expiré le 1er août 2015 pourrait faire l’objet d’une prolongation si elle en faisait la demande, de sorte qu’elle critique le ministre de ne pas l’avoir mise en contact avec les autorités diplomatiques espagnoles au Luxembourg, mais d’avoir, en revanche, saisi les services espagnols en vue d’une reprise en charge, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III », et ce, malgré le fait qu’elle n’aurait jamais déposé de demande de protection internationale en Espagne.
Ainsi, elle souligne qu’en ignorant cette dernière information sur sa situation administrative en Espagne, toutes les démarches du ministre depuis le 23 décembre 2016 seraient à qualifier d’insuffisantes en vue de son éloignement rapide, alors que si elle avait pu être mise en contact avec les autorités diplomatiques espagnoles au Luxembourg, elle aurait pu solliciter un renouvellement de son titre de séjour en Espagne, permettant ainsi son éloignement rapide à cette destination.
Par ailleurs, dans le cadre de son moyen relatif à la proportionnalité de la mesure de rétention, elle fait plaider que le renouvellement de son titre de séjour pour l’Espagne aurait réduit « au maximum » tout éventuel risque de fuite en son chef, étant donné qu’elle « n’aurait pas pris la fuite, si elle savait qu’elle a droit à [un] nouveau droit en Espagne ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, tel que modifié par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après « la loi du 18 décembre 2015 », : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, si, comme en l’espèce, il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
En l’espèce, la demanderesse reproche tout d’abord au ministre de ne pas exécuter le dispositif d’éloignement avec toute la diligence requise pour permettre son éloignement rapide et pour écourter la privation de sa liberté.
Etant donné que la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressée et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressée ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressée, c’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. Tel que relevé ci-
avant, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Il ressort en l’espèce des éléments soumis au tribunal que la demanderesse ne dispose ni de documents d’identité, ni de documents de voyage valables, ce qui rend ainsi indispensables des démarches en vue de son identification préalable à l’organisation de son éloignement, le seul laissez-passer établi par les autorités espagnoles en vue d’un transfert du Danemark vers l’Espagne ne saurait suffire à cet égard.
L’arrêté de prorogation de la mesure de rétention actuellement sous examen est fondé sur le constat que toutes les diligences en vue de son identification afin de permettre son éloignement auraient été entreprises auprès des autorités compétentes, en l’occurrence celles de l’Espagne et du Maroc, et qu’il y aurait lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement.
En ce qui concerne les démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement de la demanderesse, il échet de constater qu’il ressort du dossier administratif que dès le 12 décembre 2016, à savoir en date de sa mise rétention, le ministre a ordonné la prise des empreintes digitales de la demanderesse, sur base desquelles une recherche « Eurodac » a été opérée en date du 19 décembre 2016 ayant permis de confirmer qu’elle avait été appréhendée au Danemark en date du 1er mai 2016.
Il ressort ensuite d’un rapport du 23 décembre 2016, dressé par la police judiciaire, service de la police des Etrangers et des Jeux, que les autorités françaises ont obtenu de la part des autorités espagnoles l’information selon laquelle la demanderesse serait en possession d’un titre de séjour de longue durée en Espagne périmé depuis le 1er août 2015, mais qui pourrait être prolongé si la concernée en faisait la demande.
En date du 27 décembre 2016, les autorités luxembourgeoises ont adressé une demande de réadmission aux autorités espagnoles sur base du règlement Dublin III, demande de reprise en charge qui fut refusée par ces dernières au motif que la demanderesse n’aurait pas demandé de protection internationale au Luxembourg.
Par un courrier électronique du 9 janvier 2017, les autorités étrangères ont adressé une demande de réadmission aux « autorités Schengen du Royaume d’Espagne », à laquelle il fut répondu le 11 janvier 2017, dans un premier temps, par les autorités espagnoles, que le titre de séjour en Espagne n’était plus valable depuis le 1er août 2015.
Par un courrier électronique du 19 janvier 2017, le ministre a rappelé sa demande de réadmission de la demanderesse adressée aux autorités espagnoles, un nouveau rappel y relatif ayant encore été envoyé par courrier électronique en date du 2 mars 2017.
En date du 16 mars 2017, les autorités luxembourgeoises ont fait droit à la demande des autorités espagnoles du même jour visant à obtenir des copies plus lisibles des empreintes digitales de la demanderesse.
Parallèlement à ces démarches auprès des autorités espagnoles, le ministre a encore fait contacter les autorités diplomatiques du Maroc en Belgique en date du 14 février 2017 en vue de l’identification de la demanderesse aux fins de la délivrance d’un laissez-passer à son égard, demande qui a été rappelée par courriers des 3, 8 et 22 mars 2017, le deuxième rappel incluant l’information selon laquelle la demanderesse aurait disposé d’un passeport marocain portant le n° K906840.
Il ressort enfin d’un courrier du consulat général du Royaume du Maroc à Liège du 8 mars 2017, que la demande d’identification a été continuée aux autorités marocaines compétentes pour analyse et examen et que le ministre serait informé de tout nouvel élément dès réception.
Quant aux démarches ainsi déployées, le tribunal relève tout d’abord que la demanderesse n’avait elle-même pas informé les autorités luxembourgeoises de l’existence d’une autorisation de séjour en Espagne, même périmée, mais seulement d’une demande de protection internationale au Danemark après avoir passé quelques années en Espagne et en France.
En l’espèce, force est de relever, au vu de la circonstance que la recherche « Eurodac » a effectivement confirmé qu’aucune demande de protection internationale n’avait été introduite en Espagne, et étant donné que la demanderesse n’a pas introduit une telle demande au Luxembourg, la demande de reprise en charge adressée aux autorités espagnoles sur base du règlement Dublin III s’est avérée peu utile, surtout en raison du fait que ces dernières se sont limitées à vérifier leur responsabilité à l’égard de la demanderesse uniquement en ce qui concerne le champ d’application strict dudit règlement. Il s’ensuit que les autorités luxembourgeoises ont alors été contraintes de rediriger leur demande vers le bureau dit « SCHENGEN » du Royaume d’Espagne, compétent pour traiter les demandes de réadmission en Espagne qui tombent en dehors du champ d’application du règlement Dublin III. Etant donné que cette dernière demande du 9 janvier 2017 a dû faire l’objet de plusieurs rappels avant que les autorités espagnoles ne se manifestent en date du 16 mars 2017 pour réclamer une nouvelle copie plus lisible des empreintes de la demanderesse, force est de conclure que les autorités luxembourgeoises ont été et restent actuellement toujours tributaires de la collaboration des autorités espagnoles en ce qui concerne un éloignement de la demanderesse en Espagne.
Au vu du manque de réactivité des autorités espagnoles, il ne saurait dès lors pas être reproché aux autorités luxembourgeoises, d’avoir, parallèlement aux démarches auprès de ces dernières, entrepris des démarches auprès du Maroc, pays dont la demanderesse est ressortissante.
Il s’ensuit qu’il y a lieu de conclure que la procédure d’identification et d’éloignement est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation de la demanderesse, selon laquelle il aurait appartenu au ministre de la mettre en relation avec les autorités diplomatiques espagnoles au Luxembourg pour lui permettre de demander un renouvellement de son permis de séjour en Espagne ayant expiré depuis le 1er août 2015, alors qu’il n’appartient pas au ministre de s’occuper de la régularisation de la situation de la demanderesse en Espagne, démarche qui incombe personnellement à cette dernière qui ne pouvait manifestement pas ignorer qu’elle ne disposait plus, depuis le 1er aout 2015, d’un titre de séjour en Espagne en cours de validité. De plus, force est de constater que l’absence de renouvellement du titre de séjour espagnol de la demanderesse ne constitue pas un obstacle à un éloignement vers l’Espagne, étant donné qu’il ressort des éléments du dossier administratif que le laissez-passer de la part des autorités espagnoles du 8 décembre 2016 a été émis alors même qu’à ce moment, son titre de séjour avait déjà expiré depuis plus d’un an.
Au vu de ce qui précède, le moyen relatif à une prétendue absence de diligences suffisantes du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide de la demanderesse est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne ensuite l’absence de risque de fuite alléguée, il y a lieu de rappeler qu’en l’espèce, la demanderesse a fait l’objet en date du 12 décembre 2016 d’une décision de retour comportant l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois sans délai, ainsi qu’une interdiction d’y entrer pour une durée de trois ans, de sorte qu’elle se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, fait qu’elle admet d’ailleurs expressément. Or, l’article 111, paragraphe 3 c) de la loi du 29 août 2008 prévoit qu’un risque de fuite est légalement présumé notamment lorsque l’étranger se trouve en séjour irrégulier, de sorte que le risque de fuite résulte en l’espèce d’une présomption légale qui n’a pas été renversée par la demanderesse. Au contraire, la circonstance selon laquelle la demanderesse affirme avoir seulement pénétré sur le territoire luxembourgeois en vue de se diriger vers Strasbourg, pour y introduire une plainte contre le Danemark en raison du fait que ce dernier l’aurait transférée vers l’Espagne, est plutôt de nature à conforter la présomption du risque de fuite, en ce qu’il en découle qu’elle n’entend pas retourner volontairement en Espagne.
Les conclusions de la demanderesse relatives à une absence de risque de fuite sont dès lors à rejeter pour ne pas être fondées.
La demanderesse reproche finalement au ministre de ne pas avoir envisagé dans son chef une autre mesure moins coercitive qu’un placement au Centre de rétention.
L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, tel qu’il a été modifié par la loi du 18 décembre 2015, régit les mesures moins coercitives pouvant être appliquées par le ministre comme suit : «Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…) On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
L’article 125, paragraphe (1), en indiquant que les mesures y prévues peuvent être appliquées conjointement, laisse au ministre le choix d’appliquer, suivant les cas de figure, les trois mesures moins coercitives précitées soit de manière cumulative, soit de manière alternative.
Ensuite, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), tel que modifié, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.
L’article 125, paragraphe (1), tel que modifié, de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Il convient néanmoins de relever qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du demandeur, celui-ci doit présenter des garanties de représentation suffisantes pour le prévenir.
Or, il y a lieu de constater qu’en l’espèce, la demanderesse ne soumet au tribunal aucun élément concluant quant à des attaches particulières au Luxembourg, respectivement une adresse de résidence plus ou moins pérenne, susceptibles de constituer des garanties de représentation effectives propres à prévenir, conformément à l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, le risque de fuite qui est, tel que relevé ci-dessus, présumé dans son chef. En effet, la seule affirmation suivant laquelle elle devrait être considérée comme présentant des garanties de représentation effectives du fait qu’elle serait en mesure de prolonger son titre de séjour en Espagne n’est d’aucune pertinence dans ce contexte.
Ainsi, à défaut d’un lieu de résidence fixe au Luxembourg, ainsi que de garanties de représentation suffisantes dans le chef de la demanderesse, une assignation à résidence n’est pas envisageable.
En ce qui concerne la demande d’être soumise à l’obligation de se présenter régulièrement à des intervalles fixés par le ministre auprès d’un service déterminé, force est de relever que l’application de cette mesure présuppose, conformément à l’article 125, paragraphe (1), point a), précité, la remise préalable par l’étranger de l’original de son passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de son identité. Dans la mesure où il est constant en cause que la demanderesse est démunie de tels documents, elle ne remplit de toute façon pas les conditions pour pouvoir bénéficier d’une telle mesure.
Il s’ensuit que le constat du ministre qu’il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement en rétention, n’encourt aucune critique.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 31 mars 2017, par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
sMarc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31/03/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 10