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28/03/2017 | LUXEMBOURG | N°37861

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 mars 2017, 37861


Tribunal administratif N° 37861 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2016 3e chambre Audience publique du 28 mars 2017 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37861 du rôle et déposée le 2 mai 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, au nom de Mons

ieur … et de Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulat...

Tribunal administratif N° 37861 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2016 3e chambre Audience publique du 28 mars 2017 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37861 du rôle et déposée le 2 mai 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, au nom de Monsieur … et de Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 janvier 2016 ayant rejeté comme non fondée leurs réclamations dirigées contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2009, 2010 et 2011 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 août 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2016 par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, au nom et pour le compte de Monsieur … et de Madame …, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Tania CARDOSO SIMOES, en remplacement de Maître Maximilien LEHNEN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou THILL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 2017.

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A défaut de déclarations d’impôt déposées pour les années 2009 à 2011, le bureau d’imposition … de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … et de Madame …, ci-après désignés par « les époux … », le 20 novembre 2013 les bulletins de l’impôt sur le revenu relatifs aux années 2009 à 2011.

Les époux … introduisirent par trois courriers du 11 décembre 2013 une réclamation à l’encontre des bulletins d’impôt relatifs aux années 2009 à 2011.

Par courrier déposé le 20 février 2014 auprès du bureau d’imposition, les époux … complétèrent leurs réclamations en joignant plus particulièrement les déclarations fiscales pour les années 2010 et 2011.

1 Par décision datée au 29 janvier 2016, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », rejeta lesdites réclamations comme non fondées dans les termes suivants :

« […]Vu les requêtes introduites le 12 décembre 2013 par les époux, Me … et la dame …, pour réclamer contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des années 2009, 2010 et 2011, tous les trois émis en date du 20 novembre 2013 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que les deux requêtes, portées au rôle sous les numéros respectifs … et …, ayant un objet connexe, il y a lieu de les joindre, dans l'intérêt d'une bonne administration de la loi ; que le fait de joindre les deux requêtes ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu'il n'y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d'imposition de les avoir imposés par voie de taxation ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d'impôt étant d'ordre public ; qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que les réclamants n'ayant pas remis les déclarations des années en cause, le bureau d'imposition a dû recourir à la taxation, conformément au § 217 AO ; que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c'est-à-dire le moyen qui permet au bureau d'imposition qui a épuisé toutes les possibilités d'investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d'imposition, d'arriver néanmoins à la fixation de l'impôt, à laquelle les contribuables ne peuvent guère se soustraire (cf. Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d'impôts directs, in études fiscales nos 81-

85, novembre 1989, n°190, page 117 et trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Impôts, n° 272 et autre référence y citée) ;

Considérant, à titre d'illustration en ce qui concerne les principes et modalités régissant en matière de taxation, que dans son arrêt du 30 avril 2009, n° 25231C du rôle, la Cour administrative a retenu que : « Pour la détermination des bases d'imposition, le directeur dispose encore des mêmes droits et obligations que le bureau d'imposition en ce qui concerne l'appréciation des preuves et les moyens d'investigation pour s'assurer d'une détermination juste des revenus du contribuable. Il est vrai que le principe d'ordre public de la détermination exacte des bases d'imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en oeuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement 2 possible à la réalité. Au cas cependant où le contribuable, malgré rappels et moyens de contrainte infructueux, se soustrait à son obligation de collaboration en omettant de remettre une déclaration d'impôt, mettant ainsi le bureau d'imposition dans l'impossibilité de déterminer de manière exacte le revenu imposable, il est censé se contenter de cette approximation, qu'elle opère en sa faveur ou en sa défaveur, et il ne saurait utilement réclamer devant le directeur contre un bulletin d'impôt établi par voie de taxation au seul motif que la cote d'impôt fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle. Il ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s'il rapporte la preuve que ses revenus s'écartent de manière significative des bases d'imposition fixées par le bulletin d'impôt. Dans le cadre de la preuve à rapporter ainsi, ses déclarations ne bénéficient cependant d'aucune présomption de véracité » ;

Considérant que l'instruction du dossier a révélé que la manière de procéder à la taxation du revenu imposable par le bureau d'imposition ne donne pas lieu à critique ; que, tout comme le bureau d'imposition, le directeur doit instruire (§ 204 AO) sur le revenu imposable ; que c'est par la consécration du principe du réexamen intégral et d'office de l'imposition litigieuse dans les dispositions combinées des §§ 204, 243 et 244 AO que le législateur a exprimé sa volonté qu'aucun impôt que celui qui est légalement dû ne puisse être réclamé au contribuable ; que rien ne s'oppose à ce que le réclamant présente dans le cadre de sa réclamation des éléments nouveaux, sous réserve d'abattements ou de bonifications à accorder sur demande, tendant à apporter des modifications à sa déclaration d'impôt ; que s'il est loisible au contribuable, sous l'empire de la loi générale des impôts, de s'opposer à une surtaxe, il lui incombe toutefois d'infirmer la taxation par des allégations circonstanciées qui permettent, dans le cadre du § 243 AO, de mieux asseoir l'impôt ;

Considérant à ce titre que les réclamants n'ont jamais, même pas à ce jour, daigné remettre leurs revenus des années litigieuses, ni au bureau d'imposition ni même à l'instance contentieuse ; que dès lors, notamment en partant de l'hypothèse qu'un contribuable réclamant contre une taxation conformément au § 217 AO, due au fait de non remise d'une déclaration d'impôt au bureau d'imposition « ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s'il rapporte la preuve que ses revenus réels s'écartent de manière significative des bases d'imposition retenues dans le bulletin d'impôt. » (Cour administrative du 14 octobre 2008, n° 24907C du rôle) ; que force est d'admettre que les réclamants n'ont par conséquent pas réussi à démontrer qu'il existerait un écart significatif entre les revenus soumis à l'impôt fixé à travers les bulletins litigieux, établis par voie de taxation, et les revenus réels des années 2009, 2010 et 2011, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ajuster les taxations en cause ;

Par ces motifs reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2016, les époux … firent introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale du 29 janvier 2016.

3 Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision directoriale du 29 janvier 2016 qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de leur recours, les époux …, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base du présent litige, reprochent au directeur une violation des paragraphes 204, 243 et 244 AO, sinon de toute autre base légale consacrant le principe d’un réexamen intégral et d’office de leur imposition, rien ne s’opposant, d’après les demandeurs, à ce qu’un contribuable, dans le cadre de sa réclamation, présenterait des éléments nouveaux tendant à apporter des modifications à sa déclaration d’impôt. Dans la mesure où il leur aurait incombé d’infirmer la taxation d’office de leurs revenus pour les années d’imposition 2009 à 2011 par des allégations circonstanciées, ils auraient déposé, le 20 février 2014, leurs déclarations d’impôts pour les années 2010 et 2011, éléments dont l’administration des Contributions directes aurait cependant, de manière injustifiée, fait abstraction, tel que cela ressortirait expressément de la décision directoriale déférée leur reprochant de ne pas avoir établi leur situation financière. En qualifiant l’imposition de leurs revenus opérée par voie de taxation d’office de disproportionnée par rapport à leurs revenus réels, ils concluent à la réformation de la décision déférée en ce qu’ils ne seraient pas redevables des montants leur réclamés par le biais des bulletins litigieux.

Le délégué du gouvernement insiste tout d’abord sur le fait que les taxations d’office seraient intervenues à défaut de déclarations d’impôt. Après l’envoi répété mais infructueux d’innombrables rappels et astreintes, le bureau d’imposition aurait dû recourir à la taxation des revenus des époux …. Ce n’est que suite à l’introduction le 11 décembre 2013 d’une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2009 et 2011, que les époux … auraient finalement remis, le 20 février 2014, leurs déclarations d’impôt pour les années d’imposition 2010 et 2011.

Quant au fond, le délégué du gouvernement soutient que le recours serait non fondé.

En effet, aux termes des paragraphes 167 et suivants AO, le contribuable aurait l’obligation légale de faire une déclaration d’impôt, ce que les demandeurs n’auraient cependant fait, en l’espèce, qu’après l’émission des bulletins. La procédure d’imposition reposerait ainsi sur les principes de bonne coopération et de confiance réciproque entre le contribuable et le bureau d’imposition. En cas de contestation d’un bulletin d’impôt émis à la suite d’une procédure d’imposition régulière, le paragraphe 228 AO permettrait au contribuable de présenter une réclamation au directeur, lequel, aux termes des paragraphes 243 et 244 AO, serait tenu de procéder au réexamen intégral de la cause, tout en ayant à sa disposition les mêmes moyens et droits que ceux utilisés par le bureau d’imposition lors de la procédure d’imposition. Le réexamen intégral ne serait cependant pas à confondre avec une première procédure d’imposition ou un premier examen par le directeur de nouvelles déclarations, demandes ou autres éléments nouvellement présentés par le contribuable, que ce dernier s’est refusé 4 jusqu’alors à fournir au bureau d’imposition. Le représentant étatique soutient qu’une telle première procédure d’imposition, rendue impossible au niveau du bureau d’imposition par le refus de collaboration du contribuable, ne saurait être admise devant le directeur. En effet, la ratio legis du paragraphe 243 AO ne serait pas d’offrir à un contribuable négligent et fautif le choix entre l’acceptation et le refus d’une taxation et de lui permettre d’imposer à sa guise sa collaboration au directeur en obligeant ce dernier non pas à un réexamen d’un dossier déjà traité par le bureau d’imposition mais à un premier examen d’une déclaration d’impôt que le contribuable n’a pas voulu présenter au bureau d’imposition.

Par ailleurs, si le directeur disposait en vertu du paragraphe 244 AO des mêmes moyens et droits que ceux dont disposerait le bureau d’imposition, les fonctions du directeur et du bureau d’imposition ainsi que les principes gouvernant les procédures et le régime des preuves ne seraient cependant pas les mêmes. Ainsi, si la déclaration d’impôt présentée au bureau d’imposition bénéficiait en vertu du paragraphe 166 AO d’une présomption de sincérité et d’exactitude, la nature juridique d’une déclaration d’impôt remise après une réclamation introduite sur base du paragraphe 228 AO devant le directeur serait cependant différente, alors qu’il ne s’agirait que d’un simple état d’avoirs et de dettes du contribuable couché sur le formulaire de la déclaration d’impôt sur le revenu, ne bénéficiant pas d’une présomption de sincérité ou d’exactitude. Devant le directeur, la charge de la preuve de la déclaration d’impôt incomberait partant au contribuable.

Or en l’espèce, les demandeurs se seraient limités à contester en bloc, dans le cadre de leurs réclamations du 11 décembre 2013, la taxation litigieuse et à affirmer que les montants retenus par le bureau d’imposition ne reflèteraient pas la réalité. En se fondant sur un arrêt de la Cour administrative du 30 avril 2009, inscrit sous le numéro 25231C du rôle, le délégué du gouvernement conclut encore à la régularité de la taxation des revenus des demandeurs en ce que ces derniers n’auraient pas rapporté la preuve que leurs revenus s’écarteraient de manière significative des bases d’imposition fixées par les bulletins d’impôt litigieux.

Dans leur mémoire en réplique, les époux … affirment que le défaut de dépôt de leurs déclarations d’impôt pour les années d’imposition 2009 à 2011 avant l’émission des bulletins afférents serait dû à leur précédent comptable, ce dont ils auraient informé l’administration des Contributions directes. Ils soutiennent encore que leurs réclamations du 11 décembre 2013 auraient clairement indiqué les motifs de contestation des bulletins litigieux à savoir que les bulletins n’auraient pas reflété la réalité des honoraires perçus par Monsieur …, que des frais exposés, tels que loyer, frais de personnel et leasing, n’auraient pas été pris en considération et que le revenu imposable n’aurait pas dépassé un montant de 35.000 euros au regard des frais exposés.

Quant au fond, les demandeurs font valoir avoir régulièrement contesté les bulletins d’impôt litigieux par le biais de leurs réclamations du 11 décembre 2013 et par le dépôt de leurs déclarations d’impôt le 20 février 2014, de sorte que le directeur aurait dû procéder au réexamen intégral de leur situation financière pour les années d’imposition 2009 à 2011. Or en omettant de prendre en considération leurs déclarations d’impôt, qui n’auraient cependant pas été soumis au directeur par le bureau d’imposition, la décision déférée serait à réformer.

Quant au principe de la taxation, il y a lieu de rappeler en premier lieu que le paragraphe 217 AO dispose que :

5 « (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.

(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».

La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt1. Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable ou approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique. Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération2. La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents3.

Il n’est, tout d’abord, pas contesté que les demandeurs, malgré des rappels, des sommations d’astreinte et des décisions liquidant l’astreinte, n’ont pas donné suite aux injonctions administratives de remettre les déclarations d’impôt des années 2009 à 2011. Il n’est pas non plus contesté que ce n’est que dans le cadre des réclamations dirigées contre les bulletins d’impôt établis par la voie de la taxation d’office que les demandeurs ont soumis au bureau d’imposition les déclarations d’impôt des années 2010 et 2011, ainsi que différentes pièces justificatives afférentes.

Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à constater que c’est à bon droit que le directeur a retenu que le bureau d’imposition était tenu, conformément aux termes du paragraphe 217 AO, de procéder par voie de taxation pour fixer les bases d’imposition. Il y a lieu de relever dans ce contexte que le principe du recours à la procédure de la taxation d’office n’est pas en soi remis en question par les demandeurs, mais ils contestent le résultat, auquel aboutissent les taxations d’office faites par le bureau d’imposition, qu’ils considèrent comme excessif.

Le paragraphe 228 AO dispose qu’une réclamation contre un bulletin doit « être introduite devant le directeur de l’Administration des contributions directes ou son délégué ».

Le paragraphe 243 (1) AO prévoit que « Soweit die Rechtsmittelbehörden zur Nachprüfung tatsächlicher Verhältnisse berufen sind, haben sie den Sachverhalt von Amts wegen zu ermitteln ». Il résulte de cette disposition que le directeur est tenu de procéder 1 Trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts n° 638 et les autres références y citées.

2 Cour adm. 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts n° 639 et les autres références y citées.

3 Trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts n° 643 et les autres références y citées.

6 d’office à l’examen de la situation de fait et de droit à la base de la réclamation. En d’autres termes, le directeur saisi d’une réclamation procède d’office à un réexamen intégral de la situation du contribuable et à l’établissement de l’impôt en lieu et place du bureau d’imposition. A cette fin, le paragraphe 244 AO confère au directeur les mêmes prérogatives que celles revenant au bureau d’imposition dans le cadre de la procédure d’imposition.

Il résulte encore de ces dispositions légales que le directeur, en sa qualité d’instance compétente pour statuer sur le bien-fondé d’une réclamation contre un bulletin d’impôt, est appelé à clarifier la situation de fait à la base de la réclamation et à obtenir à cette fin de la part du contribuable réclamant ou, le cas échéant, de tierces personnes les informations complémentaires de nature à lui permettre de se prononcer sur le bien-fondé de l’imposition sujette à critique.

Dès lors, le directeur, en procédant à un réexamen intégral de la situation du contribuable est ainsi tenu de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis, y compris les éléments de fait dont le bureau d’imposition ne disposait pas encore lors de la détermination de la base imposable et qui n’ont été présentés que durant l’instance de réclamation.

Il appartient dès lors au directeur de vérifier notamment si les bases imposables fixées par la voie de la taxation d’office se rapprochent autant que possible de la réalité économique et si la marge de sécurité fixée par le bureau d’imposition a été établie avec mesure et modération. Cependant, cette appréciation, comportant comme relevé ci-avant nécessairement une marge d’approximation, ne saurait ipso facto s’imposer au juge administratif lorsqu’elle fait, comme en l’espèce, l’objet de contestations, le tribunal, appelé à connaître du fond du litige, devant en effet se livrer à un examen du bien-fondé de la décision déférée sous le double aspect de sa légalité et de son opportunité, de sorte que l’appréciation de l’administration doit pouvoir être matériellement et juridiquement retracée.

Force est cependant au tribunal de constater qu’en l’espèce, les demandeurs sont restés en défaut de produire des pièces permettant de prouver que les montants retenus lors de la taxation d’office étaient erronés.

En effet, et en ce qui concerne l’année d’imposition 2009, les demandeurs n’ont soumis à l’appréciation du tribunal aucun élément pour réfuter la décision déférée.

Pour les années 2010 et 2011, les demandeurs ont, d’une part, uniquement déposé des déclarations d’impôt qui sont, tel que relevé ci-avant, dépourvues, dans une procédure de réclamation, de force probante suffisante pour établir que les bulletins d'impôt établis par voie de taxation s'écartent de manière significative des revenus réels. Ils n’ont, d’autre part, produit aucune pièce justificative probante en ce qui concerne les revenus perçus au cours des années d’imposition litigieuses, respectivement l’ensemble des dépenses qu’ils considèrent comme déductibles. En ce qui concerne leurs revenus, les demandeurs n’ont, en effet, versé que des listes établies de manière unilatérale par eux, sans toutefois les corroborer par des pièces justificatives, telles que notamment les notes d’honoraires de Monsieur …, respectivement les extraits bancaires afférents. Par ailleurs, les documents annexés à leurs déclarations d’impôt pour les années 2009 et 2011 ne portent que sur une partie de leurs dépenses, comme notamment les intérêts bancaires débiteurs, les primes d’assurances et les montants payés dans le cadre d’un contrat d’épargne-logement.

7 Il suit des considérations qui précèdent que les demandeurs n'ont pas produit, en l'état, des éléments de preuve suffisants pour établir le caractère erroné des bulletins d'impôt établi par voie de taxation d’office pour les années 2009 à 2011 ni devant le directeur par la voie de la réclamation ni dans le cadre de la procédure contentieuse. A défaut de disposer de pièces susceptibles de prouver le caractère erroné des montants retenus lors de la taxation d’office, le directeur ne pouvait pas prendre une autre décision que celle sous examen, de sorte que le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision directoriale déférée.

A défaut de tout autre moyen, le recours est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Les demandeurs réclament encore sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros, demande est toutefois à rejeter au regard de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours principal en réformation recevable en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en indemnité de procédure telle que formulée par les demandeurs ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 mars 2017 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 mars 2017 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 37861
Date de la décision : 28/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-03-28;37861 ?

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