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22/03/2017 | LUXEMBOURG | N°37822

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mars 2017, 37822


Tribunal administratif N° 37822 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2016 3e chambre Audience publique du 22 mars 2017 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de la Santé en matière de reclassement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37822 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2016 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une déci...

Tribunal administratif N° 37822 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2016 3e chambre Audience publique du 22 mars 2017 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de la Santé en matière de reclassement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37822 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2016 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Santé du 29 octobre 2015 lui refusant un reclassement de la carrière de l’employé de l’Etat C dans la carrière de l’employé de l’Etat D, ainsi que de la décision confirmative sur recours gracieux du 27 janvier 2016 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick MULLER, en remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 29 avril 2016 portant signification de la prédite requête en réformation, sinon en annulation au Laboratoire nationale de Santé, établi et ayant son siège social à L-3555 Dudelange, 1, rue Louis Rech, représentée par le président de son comité de direction actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2016 par Maître Jean-Marie BAULER pour compte de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 février 2017.

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Par contrat de travail à durée indéterminée signé en date du 14 septembre 2011 entre le ministre délégué à la Fonction publique et à la Réforme administrative et Madame …, cette dernière fut engagée en qualité d’employée de bureau à mi-temps, dans la carrière C, à partir du 15 septembre 2011, en exécution d’une décision du gouvernement en conseil du 10 juin 2011.

Par arrêté du 20 octobre 2011, le ministre délégué à la Fonction publique et à la Réforme administrative fixa l’indemnité de Madame … comme employé au Laboratoire national de Santé comme relevant de la carrière C et du grade 4, et ceci en exécution du 1règlement grand-ducal modifié du 28 juillet 2000 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l’Etat, ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 ».

Par un avenant à son contrat de travail du 30 janvier 2012, le temps de travail hebdomadaire de Madame … fut augmenté à 40 heures avec effet à partir du 1er février 2012.

Après avoir obtenu le diplôme de fin d’études secondaires techniques au Lycée Technique Ecole de Commerce et des Gestion en date du 25 septembre 2014, Madame …, par le biais d’un courrier du 31 août 2015, sollicita du ministre de la Santé, ci-après désigné par « le ministre », son reclassement dans la carrière D, demande qui a été rejetée par une décision ministérielle du 29 octobre 2015 dans les termes suivants :

« […] En réponse à votre courrier du 15 septembre 2015 par lequel vous soutenez les demandes de reclassement des dames …, … et …, employées de l'Etat auprès du Laboratoire national de santé, je me permets de vous faire tenir les observations ci-après.

Suite au vote de la loi du 7 août 2012, le Laboratoire national de santé a obtenu le statut d'un établissement public. En ce qui concerne le personnel de cet établissement, l'article 17.2° dispose entre autres que « les membres du personnel engagés comme employés de l'Etat auprès du nouvel établissement conservent leur statut actuel et les emplois et fonctions, fixés par leur contrat de travail originaire, qu'ils sont appelés à accomplir dans l'établissement ».

A noter que cette loi a encore prévu que les agents de l'Etat (fonctionnaires, employés et salariés de l'Etat), en service à la date de son entrée en vigueur, peuvent opter entre le statut actuel (agent public) et le nouveau régime (employé privé).

Par conséquent, les agents actuellement encore au service du LNS qui n'ont pas opté pour le régime de l'employé privé, restent soumis à toutes les dispositions législatives et réglementaires découlant de la loi, à savoir celles des fonctionnaires, des employés respectivement des salariés de l'Etat.

Au vu de ce qui précède, je ne peux pas marquer mon accord aux reclassements sollicités.

Rien n'empêche cependant que les agents concernés, suite à leur démission en tant qu'agent public, changent de statut dans le but de faire valoriser leurs compétences sous le régime salarial de votre établissement. […] ».

Par courrier de son mandataire du 18 décembre 2015, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 29 octobre 2015, dans lequel elle fit soutenir qu’elle remplirait les conditions pour pouvoir être classée dans une carrière de type D et non pas de type C, et ceci au regard de son activité et des responsabilités au sein du Laboratoire national de Santé. En conséquence, Madame … réclama une requalification de sa carrière pour obtenir une classification dans la carrière de l'employé de l'Etat D.

Par décision du 27 janvier 2016, le ministre rejeta le recours gracieux précité de Madame …, en confirmant sa décision initiale du 29 octobre 2015 comme suit :

2 « […] En réponse à votre courrier du 21 décembre 2015 par lequel vous me demandez de reconsidérer ma position en matière de reclassement de Madame …, actuellement employée de l'Etat C, dans la carrière de l'employé de l'Etat [D], je suis au regret de vous informer que je ne peux pas faire droit à votre demande.

En effet, la loi du 7 août 2012 portant création de l'établissement public « Laboratoire national de santé » précise en son article 17.2° que « … les membres du personnel engagés comme employés de l'Etat auprès du nouvel établissement conservent leur statut actuel et les emplois et fonctions, fixés par leur contrat de travail originaire, qu'ils sont appelés à accomplir dans l'établissement ».

De plus, la même loi prévoit que les agents de l'Etat en service à la date de son entrée en vigueur peuvent opter entre le statut actuel et le nouveau régime établi par cette loi dans un délai de trois mois.

Ceci étant, les agents de l'Etat actuellement au service du LNS ne se sont pas valablement exprimés avant l'expiration de ce délai pour le nouveau régime et sont censés avoir opté pour le statut dont ils disposaient avant l'entrée en vigueur de la présente loi. Ils restent par conséquent soumis aux dispositions législatives et réglementaires de dernier.

De plus, le reclassement de Madame … dans une carrière de l'employé de l'Etat supérieure à la sienne reviendrait à la création d'un poste dans cette carrière. Or, une telle opération n'est pas conforme aux dispositions de la loi, de sorte que je ne peux pas y réserver une suite favorable. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 avril 2016, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 29 octobre 2015, telle que confirmée par la décision également précitée du 27 janvier 2016.

Le tribunal relève, de prime abord, que bien que la requête introductive d’instance ait été signifiée par exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick MULLER, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal du 29 avril 2016 au Laboratoire national de Santé, celui-

ci n’a pas déposé de mémoire en réponse. En vertu des dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire, même si la partie tierce intéressée n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Dans la mesure où l’article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat attribue une compétence de pleine juridiction au tribunal en ce qui concerne les contestations relatives à la rémunération, ainsi que les contestations résultant du contrat d’emploi des employés de l’Etat, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, à titre principal, contre les décisions ministérielles précitées des 29 octobre 2015 et 27 janvier 2016.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

3Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base du présent litige, se prévaut des articles 17 de la loi du 7 août 2012 portant création de l’établissement public « Laboratoire national de santé », ci-après désignée par « la loi du 7 août 2012 », et 22 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l’Etat, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 18 juillet 2000 », pour soutenir remplir les conditions d’études et d’emploi pour un reclassement dans la carrière de l'employé de l'Etat D en ce que, d’une part, elle serait détentrice d’un diplôme de fin d’études secondaires techniques reconnu par l’Etat, et, d’autre part, les tâches exercées quotidiennement de sa part auprès du Laboratoire de Santé, à savoir celles d’une secrétaire de département, correspondraient à la carrière D. Elle conteste encore l’argumentation ministérielle à la base des décisions de refus déférées consistant à affirmer que son reclassement reviendrait à la création préalable d’un poste dans la carrière D, au motif qu’il ne s’agirait pas d’une condition prévue par la loi. A supposer que la création d’un poste correspondant à ses qualification constituerait une exigence légale, elle donne à considérer que le poste existerait de facto et de jure en ce qu’elle l’occuperait depuis des années, ce qui serait formellement reconnu par les responsables du Laboratoire national de Santé. Elle conclut finalement à la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, en ce qu’une seconde secrétaire de département aurait été engagée sous le statut d’employée privée pour un poste de carrière D et qui exercerait exactement les mêmes tâches qu’elle, bien qu’à des horaires différents.

Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, explique, sur base de l’article 17 de la loi du 7 août 2012, qu’avec la création de l’établissement public « Laboratoire national de santé », les membres du personnel engagés comme employés de l’Etat auprès du Laboratoire avaient le choix, à exprimer dans un certain délai par courrier recommandé à adresser au directeur de l’établissement, soit de garder leur statut, soit d’opter pour le nouveau statut prévu par la loi du 7 août 2012. A défaut de réaction endéans le délai imparti, tel que cela fut le cas de la demanderesse, les personnes concernées seraient présumées avoir gardé leur statut actuel. Dans la mesure où, d’une part, tout engagement, voire reclassement d’une personne en qualité d’employé de l’Etat présupposerait en premier lieu une création de poste et l’accord d’engagement ou de reclassement afférent avec détermination de la carrière, à décider par le ministre d’Etat, Commission d’Economies et Rationalisation, qui n’aurait cependant plus d’emprise en matière de créations et de reclassements de postes au Laboratoire national de Santé suite à l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2012, et, d’autre part, la demande de reclassement litigieuse serait basée sur des degrés d’études obtenus postérieurement à l’entrée en vigueur de ladite loi, le recours sous examen serait à rejeter pour ne pas être fondé.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste l’argumentation de la partie étatique en soutenant que le fait qu’elle ne se serait pas prononcée en faveur d’un changement de statut ne serait pas pertinent, en l’espèce, au motif que l’objet de sa demande serait le reclassement dans une autre carrière. Elle réfute de la même manière la position étatique selon laquelle le reclassement dans une autre carrière nécessiterait la création d’un poste, respectivement que la Commission d’Economies et Rationalisation n’aurait plus d’emprise en ce qui concerne le Laboratoire national de Santé, dans la mesure où elle occuperait de facto et de jure un poste de la carrière D. La circonstance qu’elle ait obtenu son diplôme postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2012 serait pareillement sans 4incidence, étant donné que ce serait le règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 qui définirait les conditions de changement de carrière.

Il y a tout d’abord lieu de relever que la demanderesse reste en défaut d’étayer utilement le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, respectivement de non-discrimination, en ce qu’une autre personne aurait été engagée pour exercer les mêmes tâches que la demanderesse, cette personne ayant été classée dans la carrière convoitée par cette dernière, étant rappelé qu’afin de pouvoir utilement réformer ou annuler une décision administrative, le tribunal, en tant qu’organe juridictionnel, est appelé à statuer par rapport aux moyens tant en droit qu’en fait qui lui sont soumis par la partie demanderesse, mais il ne lui appartient pas, en l’absence de moyens concrètement soumis,- sous la réserve de moyens d’ordre public qui sont à soulever d’office -, d’instruire de sa propre initiative une demande qui lui est adressée : ainsi l’exposé d’un moyen de droit requiert normalement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué1. Il n’appartient en effet pas au tribunal administratif de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base des conclusions de celle-ci2. D’autre part, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à des moyens simplement suggérés sans être soutenus effectivement.

Force est encore de constater que la demanderesse n’a invoqué l’article 17 de la loi du 7 août 2012 que pour préciser la nature juridique de son emploi auprès du Laboratoire national de santé et que le seul moyen de réformation de la demanderesse des décisions déférées du 29 octobre 2015 et 27 janvier 2016 a trait à une violation de l’article 22 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 aux termes duquel : « L’employé n’est admis à une carrière déterminée que si la condition d’études et celle de l’emploi correspondant sont remplies conjointement, sauf les exceptions prévues à l’annexe. », en ce que la demanderesse remplirait les conditions d’études pour l’emploi qu’elle occuperait déjà dans les faits et pour lequel elle a sollicité le reclassement dans la carrière de l'employé de l'Etat D.

Force est cependant au tribunal de constater que la disposition réglementaire ainsi invoquée par la demanderesse a été abrogée par l’article 1er du règlement grand-ducal du 30 septembre 2015 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 28 juillet 2000 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l’Etat qui a supprimé le chapitre II du règlement du 29 juillet 2000 comprenant l’article 22 précité et qui est entré en vigueur, conformément à son article 3, le 1er octobre 2015, soit antérieurement aux décisions déférées du 29 octobre 2015 et du 27 janvier 2016.

Dans la mesure où un moyen tiré d’une violation d’une disposition légale ou réglementaire abrogée avant la prise de la décision administrative déférée ne saurait conduire à la réformation de celle-ci, il y a lieu, en l’absence d’autres moyens, de rejeter le recours sous examen pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500.- € introduite par la demanderesse sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

1 trib. adm. 27 mai 2013, n° 32017 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 406 et les autres références y citées.

2 trib. adm. 5 juillet 2000, n° 11527 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 409 et les autres références y citées.

5 Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 mars 2017 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 mars 2017 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 37822
Date de la décision : 22/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-03-22;37822 ?

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