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22/03/2017 | LUXEMBOURG | N°37773

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mars 2017, 37773


Tribunal administratif N° 37773 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2016 3e chambre Audience publique du 22 mars 2017 Recours formé par l’administration communale de …, contre une décision de la commission des pensions, en présence de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux et de Madame …, …, en matière de pension

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37773 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 avr

il 2016 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av...

Tribunal administratif N° 37773 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2016 3e chambre Audience publique du 22 mars 2017 Recours formé par l’administration communale de …, contre une décision de la commission des pensions, en présence de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux et de Madame …, …, en matière de pension

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37773 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 avril 2016 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant ses bureaux à la maison communale à L-…, tendant à la réformation d’une décision du 27 janvier 2016 de la commission des pensions du secteur communal ayant déclaré que Madame …, expéditionnaire administratif au sein du service technique de la commune de …, n’est pas sujette à des infirmités qui la mettraient hors d’état de continuer son service ;

Vu l’exploit de l’huissier suppléant Cathérine NILLES, en remplacement de l’huissier de justice Patrick KURDYBAN, demeurant à Luxembourg, du 4 et 6 mai 2016, portant signification de ce recours à Madame …, demeurant à L-…, à la commission des pensions ayant son adresse à L-1931 Luxembourg, 63, avenue de la Liberté, représentée par son président actuellement en fonction, de même qu’à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux, établissement public, ayant ses bureaux à L-2420 Luxembourg, 20, avenue Emile Reuter, représentée par le président de son conseil d’administration actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 août 2016 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 septembre 2016 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom et pour le compte de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 septembre 2016 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

1 Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne-Claire BLONDIN, en remplacement de Maître Steve HELMINGER, Maître Nicolas DECKER et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er février 2017.

Constatant que Madame …, expéditionnaire administratif au secrétariat communal de l’administration communale de … depuis le 1er septembre 2012, était absente pour cause de maladie pendant une durée totale de 130 jours, respectivement 136 jours y inclus les jours fériés, sur une période de douze mois consécutifs, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de … saisit le 6 mai 2014, en application de l’article 49, paragraphe (3) de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-

après « la loi du 24 décembre 1985 », la commission spéciale des pensions du secteur communal.

Par décision du 18 août 2014, la commission spéciale des pensions retint que Madame … était hors d'état d'exercer ses fonctions d'origine, mais qu’elle serait toutefois en état d’exercer une fonction correspondant à ses capacités au sein d'un autre service de son administration.

Dans la mesure où Madame … a continué à être absente pendant de longues périodes malgré un changement d’affectation, Madame … ayant été affectée au service technique de la commune de …, le collège des bourgmestre et échevins a de nouveau saisi la commission des pensions le 17 août 2015, en vue de prononcer la mise à la retraite d'office de celle-ci pour cause d'invalidité.

Par décision du 27 janvier 2016, la commission des pensions déclara que Madame … n’était « pas sujet à des infirmités qui la mettraient hors d’état de continuer son service ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2016, l’administration communale de … a fait introduire un recours en réformation contre la décision précitée de la commission des pensions du 27 janvier 2016.

Malgré le fait que la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux n’a pas comparu, bien que la requête introductive d’instance lui a été notifiée en date du 4 mai 2016, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision juridictionnelle contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ».

L’article 75 de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l’Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois, ci-après désignée par « la loi du 3 août 1998 », attribuant compétence au tribunal administratif pour connaître comme juge du fond d’un recours dirigé contre une décision de la Commission des pensions, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision précitée du 27 janvier 2016.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

2 A l’appui de son recours et en fait, l’administration communale de … précise qu’après la décision de la commission spéciale des pensions du 18 août 2014, Madame … aurait repris ses fonctions dès le 27 novembre 2014 tout en ayant été assignée à une fonction administrative auprès du service technique communal, fonction qui aurait correspondu à ses capacités. La commune soutient que malgré ce changement d’affectation, Madame … aurait néanmoins continué à être souvent absente, de sorte que le collège des bourgmestre et échevins aurait de nouveau saisi la Commission des pensions le 17 août 2015, en vue de prononcer la mise à la retraite d'office de celle-ci pour cause d'invalidité Les parties auraient ensuite été convoquées à l’audience de la commission des pensions du 6 janvier 2016, audience lors de laquelle Madame … aurait déclaré vouloir reprendre ses fonctions à partir du 9 janvier 2016, ce qu’elle n’aurait toutefois pas fait.

En droit, et en se basant sur l’article 67.III. de la loi du 3 août 1998, l’administration communale soutient que ce serait à tort que la commission des pensions aurait estimé que Madame … serait en état de continuer son service, alors que son inaptitude à ce faire ressortirait des nombreux certificats d’incapacité de travail versés par celle-ci. Ainsi, et d’après les certificats médicaux en question, Madame … aurait été inapte à remplir ses fonctions pour cause de maladie pendant 130 jours ouvrables entre le 6 mai 2013 et le 5 mai 2014, ce qui équivaudrait à un taux d’absence de 52%.

Entre le 6 mai 2014 et le 5 mai 2015, Madame … aurait été absente pour cause de maladie pendant 185 jours de travail, ce qui équivaudrait à un taux d’absence de 75%.

Au cours de l’année 2015, elle aurait encore été absente aux dates suivantes :

- le 5 octobre, - du 28 au 30 octobre, - du 2 au 6 novembre, - du 8 au 31 décembre.

En 2016, Madame … aurait été en incapacité de travail du 1er janvier au 18 mars. Bien qu’elle aurait remis un certificat médical d’après lequel elle aurait été en incapacité de travail du 3 mars au 4 avril 2016, elle serait toutefois retournée travailler le lundi 21 mars 2016, pour être de nouveau absente les deux jours suivants. Elle aurait encore été absente du 29 mars au 1er avril 2016, le 7 et le 8 avril 2016, ainsi que le 12 avril 2016.

La commune fait ainsi plaider que Madame … se serait trouvée en congé de maladie de façon ininterrompue du 8 décembre 2015 au 18 mars 2016, soit pendant 72 jours ouvrés et aurait été absente pendant plus de 12 mois sur une période de 24 mois consécutifs.

Elle donne ainsi à considérer que malgré le changement d’affectation de Madame … suite à la décision de la commission spéciale des pensions du 18 août 2014, les périodes d’incapacité de travail de celle-ci auraient augmenté de manière substantielle, passant de 52% entre mai 2013 et mai 2014 à près de 75% entre mai 2014 et mai 2015 et à 100% entre le 8 décembre 2015 et le 18 mars 2016, absences qui démontreraient clairement son inaptitude à exercer ses fonctions au sein de la commune.

Dans la mesure où elle continuerait à être absente, l’administration communale conclut qu’elle serait incapable de reprendre ses fonctions, que ce soit à court, ou à long terme.

3Madame … quant à elle fait plaider qu’elle aurait été victime d’harcèlement moral de la part de sa chef de service pendant la période durant laquelle elle aurait travaillé au sein du bureau de la population. Ainsi, sa chef de service aurait non seulement ignoré ses demandes de congé, ainsi que ses demandes à participer à des cycles de formation auprès de l’Institut national d’administration publique, mais elle n’aurait par ailleurs pas cessé de la ridiculiser vis-à-vis du secrétaire communal. Elle précise encore qu’elle se serait plainte auprès du secrétaire communal et du collège des bourgmestre et échevins, plaintes qui seraient toutefois demeurées sans suites, si ce n’est que le collège des bourgmestre et échevins lui aurait conseillé de chercher un autre emploi.

Madame … affirme ensuite qu’à travers sa décision du 18 août 2014 recommandant un changement d’affectation, la commission spéciale des pensions aurait de facto reconnu ses problèmes et fait droit à ses doléances.

Elle précise ensuite qu’en août 2014, elle se serait blessée à sa main droite et qu’elle aurait dû être opérée le 12 août 2014. Elle aurait par ailleurs été mordue à sa main gauche par un chien, de sorte qu’elle aurait de nouveau dû être opérée. Elle aurait ainsi été incapable de travailler durant la période d’août 2014 à novembre 2014. Lorsqu’elle aurait repris son service le 27 novembre 2014, elle aurait été dans un premier temps installée au grenier de la mairie pour y exercer la fonction de standardiste. Au bout d’un mois elle aurait été intégrée au service technique où elle n’aurait rien eu à faire, mis à part quelques travaux mineurs. Vu que sa situation ne se serait pas améliorée et qu’elle aurait continué à être victime de harcèlement moral, elle aurait de nouveau dû avoir recours à ses médecins traitants.

Tant l’administration communale que Madame … demandent à voir instituer une expertise médicale en vue de déterminer l’état de santé de cette dernière.

Le délégué du gouvernement de son côté fait plaider que par la décision attaquée, la commission des pensions aurait décidé, sur base d’un rapport médical établi par le médecin de contrôle en date du 10 décembre 2015, ainsi que sur base des déclarations de Madame …, que cette dernière serait apte à reprendre ses fonctions à temps complet. Dans un nouveau rapport médical du 18 mars 2016, le médecin de contrôle aurait à nouveau confirmé que Madame … serait apte à reprendre son travail, ce qu’elle aurait fait en date du 21 mars 2016, le délégué du gouvernement soulignant qu’elle aurait toutefois de nouveau été absente par la suite. Il affirme qu’en reprenant son travail, Madame … aurait démontré qu’elle est capable de travailler et aurait implicitement confirmé les divers diagnostiques du médecin de contrôle, ainsi que la décision de la commission des pensions. Les nouveaux certificats médicaux versés en cause par Madame … seraient dès lors à considérer comme certificats de complaisance.

Le délégué du gouvernement soutient ensuite qu’en considérant que Madame … devrait être pensionnée, l’administration communale de … ferait une application erronée de la procédure prévue à l’article 74 de la loi du 3 août 1998, alors qu’aux termes dudit article, elle aurait dû exécuter la décision de la commission des pensions en prenant une décision sur la reprise du travail de Madame …, ce qu’elle aurait toutefois omis de faire.

Il ajoute que d’après l’article 74 prémentionné, les nouvelles absences de Madame … seraient à considérer en tant que absences de service non autorisées susceptibles d’être poursuivies comme telles sur la base des dispositions relatives à la discipline. Par ailleurs et indépendamment d’éventuelles poursuites disciplinaires, les absences injustifiées pourraient être imputées sur le traitement ou les congés de Madame ….

4Le délégué du gouvernement fait ainsi valoir que la mise à la retraite pour invalidité d’agents comme Madame …, dont le comportement serait abusif, ne serait pas l’option appropriée pour se débarrasser de tels agents et il est d’avis qu’en l’espèce, la procédure devant la commission des pensions aurait été dénaturée.

L’administration communale rétorque que depuis le dépôt de son recours, Madame … aurait encore été absente du 19 au 28 avril 2016, ainsi que l’après-midi du 29 avril 2016, de même que les 13, 14, 20 et 24 juin 2016, les 12, 13, 14, 15, 27, 28 et 29 juillet et le 4 août 2016, date à laquelle elle aurait remis un certificat médical d’après lequel elle serait en incapacité de travail du 4 au 15 août 2016.

Elle donne encore à considérer que le rapport médical du médecin de contrôle du 10 décembre 2015 dont le délégué du gouvernement ferait état ne lui aurait pas été communiqué malgré sa demande en ce sens introduite le 11 mars 2016. Elle n’aurait dès lors eu connaissance dudit rapport que postérieurement au dépôt de son recours, à savoir au moment de la communication du dossier administratif. Elle aurait toutefois nécessité ledit rapport afin de vérifier si Madame … a continué à solliciter des congés de maladie en rapport avec l’état de santé ayant entraîné sa comparution devant la Commission des pensions, afin de pouvoir éventuellement assimiler ses absences à des absences de service non autorisées. Elle aurait d’ailleurs également saisi le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire en date du 28 avril 2016 pour procéder à une instruction à l’encontre de Madame … conformément à l’article 68 paragraphe 2 alinéa 1er de la loi modifiée du 24 décembre 1985. Par courrier du 2 mai 2016, le collège des bourgmestre et échevins aurait de nouveau saisi le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire en raison de faits nouveaux retenus à l’encontre de Madame …, de sorte qu’on ne saurait lui reprocher de détourner la procédure prévue devant la commission des pensions.

Elle précise ensuite que suite à la notification de la décision de la Commission des pensions, elle aurait invité Madame … à reprendre ses fonctions d’expéditionnaire administratif auprès du service technique, par décision du 14 mars 2016.

Finalement, elle donne à considérer que les absences répétées de Madame … auraient pour conséquence qu’il lui serait de plus en plus difficile de maintenir le fonctionnement normal de son service technique et causeraient un préjudice à ses collègues de travail, lesquels devraient à chaque fois faire face à un supplément de travail pour palier à ces absences. Elle fait encore valoir qu’il lui serait indispensable de savoir si Madame … était atteinte ou non d’infirmités graves et permanentes l’empêchant d’exercer la fonction d’expéditionnaire administratif.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique précise que l’instruction disciplinaire dont Madame … aurait fait l’objet serait actuellement clôturée et qu’une seconde instruction disciplinaire serait actuellement en cours, tout en affirmant que l’ouverture d’une telle procédure disciplinaire aurait été le seul moyen d’action approprié pour remédier aux problèmes qui existeraient en l’espèce.

Dans un premier temps, il échet de rappeler que le recours en réformation est l’attribution légale au juge administratif de la compétence spéciale de statuer à nouveau, en lieu et place de l'administration, sur tous les aspects d’une décision administrative querellée.

Le jugement se substitue à la décision litigieuse en ce qu’il la confirme ou qu’il la réforme.

Cette attribution formelle de compétence par le législateur appelle le juge de la réformation à ne pas seulement contrôler la légalité de la décision que l’administration a prise sur base d’une situation de droit et de fait telle qu’elle s’est présentée à elle au moment où elle a été 5appelée à statuer, voire à refaire - indépendamment de la légalité - l’appréciation de l’administration, mais elle l’appelle encore à tenir compte des changements en fait et en droit intervenus depuis la date de la prise de la décision litigieuse et, se plaçant au jour où lui-

même est appelé à statuer, à apprécier la situation juridique et à fixer les droits et obligations respectifs de l’administration et des administrés concernés.

Il suit partant de ce qui précède qu’en l’espèce, il y a lieu de prendre en considération non seulement l’ensemble des certificats et rapports médicaux émis au sujet de la demanderesse, disponibles au jour où la décision sous examen a été prise par la commission des pensions, mais également ceux émis postérieurement à cette date, de sorte qu’il y a lieu d’examiner l’état de santé de la demanderesse à la date à laquelle le tribunal va prononcer son jugement sur le fond de l’affaire.

A cet égard, et en ce qui concerne les développements de la partie étatique selon lesquels l’administration communale de … aurait dû avoir recours à la procédure prévue à l’article 74 de la loi du 3 août 1998, vu qu’après la décision de la commission des pensions sous analyse, Madame … aurait continué à solliciter des congés de maladie, il y a lieu de préciser que ledit article dispose ce qui suit « Lorsqu’un fonctionnaire a comparu devant la commission soit à sa demande, soit à la demande de l’administration, n’a pas été reconnu sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service, il est aussitôt tenu de reprendre son service. Si postérieurement à la décision visée à l’alinéa qui précède, l’intéressé sollicite des congés de maladie en rapport avec l’état de santé ayant entraîné sa comparution devant la commission, ces congés de maladie sont assimilés à des absences de service non autorisées et poursuivies comme telles sur la base des dispositions relatives à la discipline prévues suivant le statut qui lui est applicable ».

Force est de constater que ladite disposition légale vise la situation spécifique où la commission des pensions a retenu qu’un fonctionnaire ne souffre pas d’infirmités l’empêchant de remplir ses fonctions et où, postérieurement à ladite décision, ce même fonctionnaire continue à solliciter des congés de maladie pour les mêmes raisons médicales l’ayant amené devant la commission des pensions. Ledit article a ainsi pour but d’éviter que la personne ayant comparu devant la commission des pensions et qui a été déclarée apte à remplir ses fonctions eu égard à son état de santé, ne puisse solliciter postérieurement à cette décision, des congés pour le même type de problèmes de santé dont la commission des pensions a estimé qu’ils n’empêchent pas ladite personne à remplir ses fonctions. Cet article vise dès lors implicitement, mais nécessairement une décision définitive de la commission des pensions, c’est-à-dire une décision qui n’est plus susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux et qui est coulée en force de chose décidée. En effet, une décision non définitive qui est notamment encore susceptible d’être réformée par les juridictions administratives, ne saurait entraîner une telle procédure disciplinaire, dans la mesure où les conclusions de la commission des pensions sur l’aptitude de la personne intéressée de remplir ses fonctions, et partant sur l’état de santé de celle-ci, peuvent encore être invalidées. Or, en l’espèce, la seule décision de la commission des pensions ayant acquis autorité de chose décidée et étant devenue définitive pour ne pas avoir été attaquée est celle du 18 août 2014, par laquelle la commission des pensions retint que Madame … était hors d'état d'exercer ses fonctions d'origine, mais qu’elle est apte d’exercer une fonction correspondant à ses capacités au sein d'un autre service de son administration. Ainsi, et dans la mesure où en l’espèce, il n’existe pas de décision définitive de la commission des pensions au sens de l’article 74 précité, alors que la décision précitée du 27 janvier 2016 fait l’objet du présent recours contentieux, les développements de la partie étatique relatifs au fait que l’administration communale aurait dû avoir recours à la procédure prévue à l’article 74 de la loi du 3 août 1998 et aurait procédé à un détournement de la procédure prévue devant la commission des pensions sont à rejeter 6pour ne pas être fondés.

En l’espèce, l’administration communale a saisi la commission des pensions afin de voir prononcer la mise à la retraite de Madame …, conformément au paragraphe III de l’article 67 de la loi du 3 août 1998, aux termes duquel « La mise à la retraite est prononcée d'office si le fonctionnaire est atteint d'infirmités graves et permanentes et si l'inaptitude au service a été constatée par la Commission des pensions prévue aux articles 68 et suivants de la présente loi. ».

Ledit article prévoit dès lors qu’un fonctionnaire qui est atteint d’infirmités graves et permanentes et dont l’inaptitude d’exercer ses fonctions a été constatée par la commission des pensions, fait l’objet d’une mise à la retraite d’office.

En l’espèce, force est de constater que pour arriver à la conclusion que Madame … n’est pas atteinte de telles infirmités graves et permanentes et n’est pas inapte au service, la commission des pensions s’est basée sur le rapport établi en date du 10 décembre 2015 par le médecin de contrôle, le docteur ….

A cet égard, et en ce qui concerne l’affirmation de l’administration communale selon laquelle ledit rapport ne lui aurait pas été communiqué, force est de constater qu’elle ne tire aucune conclusion de ce défaut de communication et ne fait état d’aucun préjudice à cet égard. De même, elle reste en défaut d’invoquer les dispositions légales qui auraient le cas échéant été violées en l’espèce et d’expliquer dans quelle mesure elles auraient été violées.

Or, les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte que ces développements sont à rejeter.

Il y a ensuite lieu de relever que dans son rapport médical du 10 décembre 2015, le médecin de contrôle a, après une description détaillée quant à l’état de santé de Madame … et quant à ses antécédents médicaux, retenu que « l’intéressée reste capable d’exercer ses fonctions actuelles », et que « L’état dépressif s’est estompé à la suite d’un changement de service en automne 2014. La pathologie dégénérative lombaire est susceptible de s’améliorer par le traitement appliqué », en relevant encore que « La reprise des fonctions actuelles est possible à court terme, sauf imprévu ».

Force est toutefois de constater que cette conclusion du médecin de contrôle est en contradiction avec les conclusions du médecin traitant de Madame …, le docteur …, lequel a retenu dans son certificat médical du 9 janvier 2017, tel que versé en cause par Madame …, que celle-ci « continue de présenter un état dépressif majeur qui s’est nettement aggravé ces derniers temps ». Le même docteur a encore mis en exergue que « elle pleure pendant les entretiens, elle rumine beaucoup son sort, se sent dévalorisée et tout à fait injustement mise à l’écart » et que « Madame … est actuellement désespérée ». Il est, par ailleurs, venu à la conclusion que Madame … « est actuellement tout à fait incapable de travailler ». Le médecin de contrôle et le médecin traitant arrivent dès lors à des conclusions médicales diamétralement opposées. Si le docteur … a certes précisé que l’état dépressif de Madame … s’est aggravé suite à la procédure disciplinaire dont elle a fait l’objet, il n’en reste pas moins qu’il résulte du libellé dudit certificat qu’elle a déjà présenté un état dépressif avant cette date, cet état de santé a priori précaire résultant d’ailleurs également des nombreuses absences de Madame … pour cause de maladie, qui s’élèvent en effet. d’après les explications circonstanciées et non contestées de l’administration communale, ainsi que 7d’après les pièces versées en cause, et plus particulièrement d’après les nombreux certificats médicaux établis par différents médecins et retenant à chaque fois une incapacité de travail dans le chef de Madame …, ainsi que d’après les itératifs courriers électroniques adressés par Madame … à l’administration communale et dans lesquels elle explique ne pas pouvoir se rendre à son travail, vu son état de santé, à 52% entre mai 2013 et mai 2014, à près de 75% entre mai 2014 et mai 2015 et à 100% entre le 8 décembre 2015 et le 18 mars 2016.

Dans le cadre du recours en réformation, dont le tribunal est valablement saisi, il lui appartient de prendre position par rapport à la situation de fait et de droit existant au jour où il va rendre son jugement quant au fond de l’affaire. Il échet de constater à partir de l’ensemble des rapports et certificats médicaux relevés ci-avant que les éléments qui étaient en possession de la commission des pensions lors de sa prise de décision du 27 janvier 2016 sont contradictoires, et que par ailleurs, le certificat médical du docteur … du 9 janvier 2017, lequel a été établi postérieurement à la décision attaquée et qui tient compte de l’évolution de l’état de santé de Madame … semble également être de nature à contredire les conclusions retenues par la commission des pensions. Au vu des éléments qui sont actuellement à sa disposition, le tribunal ne se trouve pas en mesure d’apprécier si, comme l’a relevé la commission des pensions dans la décision sous examen, la demanderesse n’est pas sujette à des infirmités qui la mettraient hors d’état de continuer son service. Dans la mesure où, en outre, le tribunal ne se trouve pas être outillé pour résoudre lui-même la question de fait d’ordre médical consistant à savoir si la demanderesse est atteinte d’infirmités graves et permanentes la rendant inapte à un service à temps plein auprès de l’administration communale de …, il y a lieu, avant tout autre progrès en cause, de recourir aux lumières d’experts et partant de nommer un expert avec la mission plus amplement définie au dispositif du présent jugement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, et avant tout autre progrès en cause, nomme comme expert, le docteur …, médecin spécialiste en psychiatrie, demeurant à L-… ;

avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de savoir si Madame … est atteinte d’infirmités la mettant hors d’état de continuer son service et, dans l’affirmative, si la mise à la retraite de celle-ci s’impose ;

invite l’expert à remettre son rapport pour le 1er juin 2017 au plus tard et à solliciter un report de ce délai au cas où il n’arriverait pas à remettre son rapport dans le délai lui imparti ;

dit qu’en cas d’impossibilité d’accepter la mission, l’expert désigné sera remplacé à la requête de la partie la plus diligente par ordonnance du président de la troisième chambre du tribunal administratif, les autres parties dûment informées ;

ordonne à la demanderesse de consigner la somme de 1.000,- euros (mille euros) à titre d’avance sur les frais et honoraires des experts à la caisse des consignations ou à un établissement de crédit à convenir avec les parties au litige, et d’en justifier au tribunal jusqu’au 1er avril 2017 ;

8dit qu’en cas de dépassement de la provision ainsi fixée, en cours d’exécution de la mesure d’expertise ordonnée, il appartiendra à l’expert de s’adresser au président de la troisième chambre du tribunal administratif en vue de la fixation d’une provision supplémentaire à consigner par la demanderesse, au vu de justificatifs de ses dépenses et honoraires encourus ou à encourir dans le cadre de l’accomplissement de sa mission ;

réserve les frais ;

fixe l’affaire au rôle général.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 mars 2017 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Hélène Steichen, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 mars 2017 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 37773
Date de la décision : 22/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-03-22;37773 ?

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