Tribunal administratif N° 37293 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2015 3e chambre Audience publique du 8 février 2017 Recours formé par Monsieur … et Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37293 du rôle et déposée le 16 décembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … et son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes rendue le 30 septembre 2015, faisant suite à leur réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2012 et 2013 émis en date du 6 janvier 2015 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2016 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur …, et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 janvier 2017.
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Ayant acquis en 2012 une maison d’habitation unifamiliale construite en 1967 située à …, au prix de ….-€, Monsieur … et son épouse, Madame …, y firent exécuter des travaux de rénovation. Dans le cadre de leur déclaration de l’impôt sur le revenu pour les années 2012 et 2013, ils entendirent faire valoir les frais afférents, s’élevant à un montant de ….-€ pour l’année 2012 et de ….-€ pour l’année 2013, en tant que frais d’entretien et de réparation et demandèrent la déduction de ces frais en tant que frais d’obtention dans la catégorie des revenus provenant de la location de biens.
Par courrier du 28 novembre 2014, le bureau d’imposition …, section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », informa les époux … sur le fondement du paragraphe 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », qu’il envisageait de redresser leurs déclarations de l’année 2012 et 2013, dans les termes suivants : « […] Les frais de remise en état ou de modernisation déclarés pour l’immeuble acquis en 2012 pour vos propres besoins d’habitation ne peuvent être déduits.
1Les travaux entrepris conduisent à une amélioration considérable de l’immeuble. Les frais dépassent 20% du prix d’acquisition initial de l’immeuble hors prix du terrain.
Bien disposé de vous entendre en cas de désaccord je vous prie de formuler vos objections pour le 19/12/2014 au plus tard. Ce délai passé, je me permets d’admettre votre approbation, et l’imposition de l’exercice 2012 et 2013 sera établie comme décrit ci-dessus.
[…] ».
Par courrier réceptionné le 5 décembre 2014, les époux … formulèrent leurs objections dans les termes suivants : « […] On vous prie de bien vouloir accepter une version rectifiée de notre déclaration pour l’impôt de l’année 2013 dans laquelle on a diminué le montant des frais (cf. annexe) de rénovation en relation avec notre immeuble sis à … pour revenir en-dessous du seuil de 20% du prix d’acquisition qui est de … EUR (Prix d’acquisition de … x 80% Reprise par terrain x 20% = …).
D’après la circulaire 105/8-98/1 du 16 mars 2005, si « le total des frais de remise en état ou de modernisation ne dépasse pas 20% du prix d’acquisition initial du bâtiment (prix d’acquisition hors terrain), lesdits frais ne conduisent pas à une amélioration considérable ». Il s’ensuit que ces frais soient déductibles comme frais d’obtention dans le cadre du revenu net provenant de la location de biens des années 2012 et 2013. […] ».
En date du 6 janvier 2015, le bureau d’imposition émit à l’égard des époux … les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2012 et 2013 et informa ces derniers que l’imposition a été effectuée conformément à son courrier du 28 novembre 2014.
Par un courrier réceptionné le 5 mars 2015, les époux … introduisirent une réclamation à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2012 et 2013 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
En date du 10 juin 2015, le directeur procéda à une mise en état en invitant les réclamants à présenter : « […] un relevé détaillé de l’ensemble des frais encourus lors de la remise en état de leur maison d’habitation sise … (abstraction faite tant de la date de leur paiement effectif (avant ou après l’emménagement en date du 14 avril 2014) que de la qualification fiscale à leur donner par la suite (frais d’obtention et/ou dépenses d’investissement) […] » pour le 4 juillet 2015 au plus tard.
Par courrier du 25 juillet 2015, les époux … déposèrent ledit relevé au directeur.
Par décision du 30 septembre 2015, référencée sous le numéro … du rôle, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation précitée du 5 mars 2015 en les termes suivants :
« Vu la requête introduite le 5 mars 2015 par les époux, le sieur … et la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2012 et 2013, les deux émis en date du 6 janvier 2015 ;
Vu le dossier fiscal ;
2Vu la mise en état du directeur des contributions du 10 juin 2015, en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO), et la réponse y relative des réclamants, entrée le 29 juillet 2015 ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;
Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;
Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir refusé la déduction à titre de frais d’obtention d’une série de dépenses afférentes à la remise en état de leur immeuble sis …, immeuble acquis en 2012 et utilisé à partir du 14 avril 2014 comme résidence principale ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;
qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu’en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau d’imposition avait informé les réclamants en date du 28 novembre 2014 qu’il entendait diverger des déclarations pour l’impôt sur le revenu des années litigieuses, telles que remises de la part des requérants, ceci notamment en ce qui concerne la détermination du revenu net provenant de la location de biens, en ce qu’il envisageait de considérer les frais relatifs à l’immeuble cité en rubrique comme dépenses d’investissement et non comme frais d’entretien ou de réparations, tel que souhaité par les réclamants ;
Considérant que le prix d’acquisition de la maison d’habitation litigieuse s’est élevé à … euros hors frais d’acte, les travaux de réfection y réalisés pendant les années 2012, 2013 et 2014 (année ne faisant cependant pas l’objet de la présente décision sur réclamation), donc quasi immédiatement après son acquisition, se présentant comme suit :
AUFLISTUNG SÄMTLCHER KOSTEN DER JAHRE 2012-2014 ZUR INSTANDSETZUNG DER IMMOBILIE IN … Bereits angegebene Rechnungen der Jahre 2012-2014:
Verkäufer:
Produkt:
Datum:
Betrag in Euro:
Kontainer&entsorgung 19.11.2012 Admin. Comm. … Energieberatung 16.11.2012 3Convex Sà rl Architekt/Baugenehmigung 05.12.2012 Form Society Baumaterialien 19.11.2012 HORNBACH Trier (D) Baumaterialien 26.11.2012 Baumateriatien 10.11.2012 Baumaterialien 17.11.2012 Baumaterialien 29.12.2012 Baumaterialien 23.10.2012 Thomas Bauzentrum (D) Baumaterialien 19.11.2012 Baumaterialien 22.11.2012 Baumaterialien 23.11.2012 Baumaterialien 01.12,2012 Ausleihe Baurutsche 31.12.2012 Zwischensumme 2012 Kontainer&entsorgung 30.01.2013 Admin. Comm. … Kontainer&entsorgung 31.10.2013 Antony Farben Farbe 10.04.2013 Baulift Sari Ausleihen Baulift 01.03.2013 Comptoir des F&M Sanitärzubehör 15.01.2013 Fachmaart R.Steinhäuser Farben & Tapeten 08.10.2013 Farben & Tapeten 19.10.2013 Farben & Tapeten 12.11.2013 Farben & Tapeten 02.11.2013 Farben & Tapeten 25.11.2013 Farben & Tapeten 07.12.2013 Farben & Tapeten 17.12.2013 Farben & Tapeten 18.12.2013 Baumaterialien 18.03.2013 Hela Junglinster Baumaterialien 10.01.2013 Hoffmann-Neu SA Baumaterialien 14.01.2013 Baumaterialien 22.01.2013 Baumaterialien 24.01.2013 Baumaterialien 06.02.2013 Baumaterialien 14.02.2013 Baumaterialien 15.02.2013 Baumaterialien 21.02.2013 Baumaterialien 08.03.2013 Baumaterialien 15.03.2013 Baumaterialien 21.03.2013 Baumaterialien 25.03.2013 Baumaterialien 02.04.2013 Baumaterialien 09.04.2013 Baumaterialien 10.04.2013 Baumaterialien 22.04.2013 Baumaterialien 29.05.2013 Baumaterialien 11.06.2013 Baumaterialien 17.06.2013 Baumaterialien 24.06.2013 Baumaterialien 27.06.2013 Baumaterialien 02.07.2013 Baumaterialien 16.07.2013 Baumaterialien 17.07.2013 Baumaterialien 12.08.2013 RETOUR 13.09.2013 Baumaterialien 28.11.2013 Baumaterialien 02.17.2013 Baumaterialien 17.12.2013 Baumaterialien 19.12.2013 4 neues Parkett 18.12.2013 Holz Welt Kauth Türen & Zubehör 18.12.2013 Baumaterialien 10.04.2013 Hornbach Trier (D) Baumaterialien 20.04.2013 Baumaterialien 20.04.2013 Baumaterialien 07.05.2013 Baumaterialien 24.05.2013 Baumaterialien 19.06.2013 Baumaterialien 18.07.2013 Baumaterialien 13.09.2013 Baumaterialien 27.09.2013 Baumaterialien 08.10.2013 Baumaterialien 15.10.2013 Baumaterialien 26.10.2013 Baumaterialien 28.10.2013 Baumaterialien 12.12.2013 Baumaterialien 30.12.2013 Fensterbänke 02.07.2013 Juny Naturstenie Putz- & Gipsarbeiten 23.08.2013 Lang Frères Parkett-Zubehör 30.12.2013 Leyeridecke Haiziand Baumaterialien 03.01.2013 Leysser GmbH Baumaterialien 13.07.2013 Baumaterialien 12.08.2013 Fliesenzubehör 10.04.2013 Scholtes Fliesen (D) Baumaterialien 03.01.2013 Thomas Baumarkt (D) Baumaterialien 10.01.2013 Baumaterialien 15.01.2013 Baumaterialien 10.04.2013 Baumaterialien 19.06.2013 Baumaterialien 18.08.2013 Baumaterialien 16.10.2013 Baumaterialien 14.11.2013 Baumaterialien 30.12.2013 Elektromaterial 30.01.2013 Unielektro Elektromaterial 29.04.2013 Elektromaterial 07.05.2013 Elektromaterial 15.05.2013 Elektromaterial 24.05.2013 Elektromaterial 24.05.2013 Elektromaterial 24.05.2013 Elektromaterial 27.05.2013 Elektromaterial 10.06.2013 Elektromaterial 10.06.2013 Elektromaterial 02.08.2013 Elektromaterial 02.08.2013 Elektromaterial 02.08.2013 Elektromaterial 02.08.2013 Elektromaterial 02.08.2013 Elektromaterial 02.08.2013 Elektromaterial 02.08.2013 Elektromaterial 16.09.2013 Elektromaterial 27.09.2013 Elektromaterial 27.09.2013 Fliesen & Estrich 09.10.2013 Wagner Fliesen Fliesen & Estrich 20.11.2013 Zwischensumme 2013 Abdichtungsarbeiten 27.01.2014 5Bagrat Farben & Tapeten 15.01.2014 Fachmaart R.Steinhauser Farben & Tapeten 27.01.2014 Farben & Tapeten 06.02.2014 Baumaterialien 31.01.2014 Hoffmann-Neu SA Baumaterialien 04.02.2014 Baumaterialien 10.02.2014 Baumaterialien 04.12.2014 Hornbach Trier (D) Baumaterialien 21.01.2014 Zubehör Parkett 30.01.2014 Leyendecker Baumaterialien 11.01.2014 Leysser GmbH Zubehör Türen 05.02.2014 Holzwelt Kauth Fliesen Zubehör 17.01.2014 Marbrerie Bertrand Fliesen Zubehör 17.01.2014 Maroldt Baumaterialien 03.01.2014 Thomas Baumarkt (D) Baumaterialien 01.02.2014 Fliesen & Estrich (Anzahlung) 26.02.2014 Wagner Fliesen Fliesen & Estrich (Abschluss) 26.02.2014 Zwischensumme 2014 GESAMTSUMME DER BEREITS ANGEGEBENEN KOSTEN … € Noch nicht angegebene Rechnungen (Rechnungen wurden als Investment angesehen):
Holzbau Heintz Dachausbau & Isolierung 18.07.2013 .
OST Manufaktur Fenster & Türen 05.11.2013 SECURITEC Alarm-Anlage 12.09.2014 GESAMTSUMME DER NOCH NICHT ANGEGEBENEN KOSTEN … € GESAMTSUMME DER INSTANDSETZUNG: … € BEMERKUNG:
Nach dem Umzug wurde nur noch eine Alarmanlage installiert. Diese Rechnung liegt bei.
Considérant que le bureau d’imposition a qualifié les dépenses litigieuses s’élevant en tout et pour tout à … euros de dépenses d’investissement, alors qu’il s’agirait selon les requérants de dépenses d’entretien ou de réparation ;
Considérant, en matière de principe, que le propriétaire d’un immeuble bâti réalise un revenu de location au sens de l’article 98 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) lorsque, même en l’absence immédiate de recettes, il expose des dépenses faites directement en vue d’acquérir des recettes (article 105, alinéa 1er L.I.R.) ; qu’en vertu de l’article 105, alinéa 4 L.I.R. les frais d’obtention n’entrent cependant en ligne de compte que dans la mesure où ils sont en rapport avec des revenus imposables ; qu’il en découle que si le propriétaire d’un immeuble passagèrement inoccupé est en principe en droit de déduire les frais d’obtention s’y rapportant, encore faut-il que les dépenses engagées soient à qualifier de dépenses d’entretien ou de réparation, et non de dépenses d’investissement, celles-ci faisant partie intégrante de l’immeuble auquel elles se rapportent tout en en augmentant le prix de revient ; qu’elles sont ainsi prises en considération à force de l’amortissement (cf. article 106 L.I.R.) ;
6Considérant que la distinction entre dépenses d’entretien (Erhaltungsaufwand) et dépenses d’investissement (Herstellungsaufwand) est usuellement opérée en droit luxembourgeois à partir de trois critères, dont l’établissement d’un seul suffit pour qualifier la dépense concernée de frais d’investissement (Tribunal administratif du 28 mars 2001, n° 10835 du rôle) ;
Considérant que des dépenses sont notamment à considérer comme dépenses d’investissement (TA du 14 janvier 1998, n° 10111 du rôle ; TA du 28 mars 2001, n° 10835 du rôle ; TA du 23 février 2000, n° 11541 du rôle) lorsque les travaux aboutissent à :
a) un changement de la nature du bâtiment, ou b) une augmentation essentielle de la substance du bâtiment, ou encore c) une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment ;
Considérant qu’aux termes de la circulaire du directeur des contributions L.I.R. 10518-
9811 du 16 mars 2005, l’envergure des travaux constitue un indice permettant, le cas échéant, de conclure à une amélioration considérable ; qu’ainsi, des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l’état de plusieurs éléments majeurs de l’équipement d’une habitation, tels que fenêtres, installation électrique, installation sanitaire ou installation de chauffage, peuvent conduire, dans leur ensemble, à une amélioration considérable de l’immeuble ; que le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme une mesure d’entretien, n’empêche pas cette qualification globale ;
Considérant, qu’en l’espèce, d’importants travaux de remise en état ont été effectués au cours des années 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de … euros, à savoir :
- travaux de gros œuvre - chapes et carrelages - menuiserie - travaux d’aménagement du grenier - travaux de chauffage - travaux de sanitaire - électricité - travaux de peinture, etc. ;
Considérant que le total du coût des travaux de remise en état, se chiffrant à … euros, représente pas moins de 54,24 pour cent du prix d’acquisition de la bâtisse initiale, la valeur du terrain étant éliminée à raison de 20 pour cent (… x 80% = … euros ; … / … x 100 = 54,24%) ;
Considérant qu’en l’espèce, l’ensemble des travaux exécutés, de par leur nature et de par leur envergure, aboutit sans conteste à une amélioration considérable de l’état antérieur, de sorte que les dépenses litigieuses sont à qualifier de dépenses d’investissement augmentant le prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble ;
Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;
PAR CES MOTIFS 7reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2015, les époux … ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur précitée du 30 septembre 2015.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part notamment contre un bulletin de l’impôt sur le revenu.
Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de leur recours, les époux … indiquent avoir acquis en 2012 une maison unifamiliale, construite en 1967, d’une surface de 320 mètres carrés à … au prix de ….-€. L’état intérieur et extérieur de l’immeuble aurait nécessité une remise en état ponctuelle, de sorte que des travaux de remise en état auraient été effectués pour un montant de ….-€ en 2012 et pour un montant de ….-€ en 2013. Dans leurs déclarations fiscales des années 2012 et 2013, ils auraient différencié les frais d’investissement, tels que l’aménagement et l’isolation du toit, des frais d’entretien ou de réparation, tels que le remplacement des anciennes chapes et carreaux et le réaménagement du plâtre et des tapisseries. Tant le bureau d’imposition que le directeur auraient cependant refusé la déduction des frais d’entretien ou de réparation, et auraient considéré ces frais comme dépenses d’investissement.
En droit, les demandeurs se basent sur la circulaire L.I.R. 105/8-98/1 du 16 mars 2005, ci-après dénommée « la circulaire » et sur un jugement du tribunal administratif1 pour faire valoir que dans la mesure où les travaux effectués n’auraient pas changé les possibilités d’utilisation de l’immeuble et n’auraient pas donné naissance à un bien économique nouveau, alors que le seul but des travaux aurait été la rénovation du bâtiment, ils seraient à qualifier de dépenses d’entretien ou de réparation.
Ils estiment encore qu’en vertu de ladite circulaire, chaque travail exécuté lors de la rénovation d’un bâtiment devrait être considéré séparément, ce qui imposerait la ventilation des frais d’investissement par rapport aux frais de rénovation, ventilation qu’ils auraient d’ailleurs opérée dans leurs déclarations fiscales respectives des années 2012 et 2013. A cet égard ils indiquent avoir déclaré comme frais d’entretien ou de réparation au total de ….-€, correspondant notamment à des travaux de création d’une lucarne, d’isolation du toit, de remplacement des fenêtres, de façade, d’installation d’un système d’alarme, ainsi qu’à des frais bancaires. A titre subsidiaire et en vertu de l’envergure des travaux exécutés, ainsi qu’en raison de la difficulté de séparation des frais exposés, les demandeurs ne s’opposent pas à la ventilation 1 Trib. adm., 20 septembre 2011, n°27420 du rôle.
8des frais d’investissement par rapport aux frais de rénovation par voie de taxation, tel que prévu par la circulaire. La décision directoriale serait en conséquence à réformer pour violation des articles 98 et 105 LIR.
Le délégué du gouvernement soutient quant à lui que ce serait à bon droit que le directeur aurait qualifié les dépenses litigieuses de dépenses d’investissement.
Il précise à cet égard qu’en l’espèce, les travaux effectués auraient abouti à une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment, ce qui constituerait un des trois critères alternatifs permettant de qualifier une dépense de frais d’investissement dans la mesure où les époux … auraient effectué d’importants travaux de remise en état du bâtiment au cours des années 2012, 2013 et 2014 pour un montant total de ….-€. Il ajoute que le total des coûts de ces travaux représenterait 54,24% du prix d’acquisition de l’immeuble, de sorte que l’ensemble des travaux exécutés, de par leur nature et de par leur envergure, aboutirait à une amélioration considérable de l’état antérieur de l’immeuble. Les dépenses litigieuses seraient dès lors à qualifier de dépenses d’investissement augmentant le prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble.
Lors de travaux touchant un immeuble bâti procurant des revenus à un contribuable, il y a lieu de distinguer entre, d’une part, les frais d’entretien et de réparation déductibles intégralement au cours de l’année d’imposition où ils sont payés et, d’autre part, les dépenses d’investissement qui, augmentant le prix d’acquisition ou de revient, sont déductibles par voie d’amortissement2.
Quant à la question de la qualification des dépenses, il convient de relever qu’aux termes de l’article 105, alinéa 1er LIR, « sont considérés comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ». Il est encore précisé à l’alinéa 2 de cet article, sous le point 2, que les frais d’entretien et de réparation, pour autant que ces dépenses se rapportent à des biens qui procurent des revenus au contribuable constituent également des frais d’obtention. L’article 105, alinéa 4, première phrase LIR dispose encore que « les frais d’obtention sont déductibles dans la catégorie de revenus à laquelle ils se rapportent.
[…] ».
Par voie de conséquence, en relation avec un bien immobilier, les travaux qui ne modifient pas la substance de l’immeuble, mais sont destinés à la conserver en son état ou la maintenir dans un état conforme à l’évolution technique sont à qualifier comme dépenses d’entretien rentrant dans le champ de l’article 105 LIR. Par contre, tout comme les investissements pour la construction de la substance d’un immeuble produisant ensuite des revenus ne sont pas déductibles directement comme frais d’obtention, mais constituent le prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble qui doit être déduit de manière étalée par voie d’amortissement, les coûts des modifications apportées à cette substance par des travaux ultérieurs de nature à l’accroître constituent également des investissements et doivent logiquement suivre le même régime3.
La distinction entre dépenses d’entretien (Erhaltungsaufwand) et dépenses d’investissement (Herstellungsaufwand) est usuellement opérée à partir de trois critères, dont 2 Circulaire du directeur des contributions, L.I.R., n°105/8 du 16 mars 2005.
3 Cour adm., 23 juin 2013, n° 32971C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu 9l’établissement d’un seul suffit pour qualifier la dépense concernée de dépense d’investissement, étant entendu que dans le doute sur la nature exacte d’une dépense considérée, celle-ci est à qualifier de dépense d’entretien. Les trois critères en question s’articulent plus particulièrement en soit une augmentation essentielle de la substance du bâtiment par la création d’éléments nouveaux (Vermehrung der Substanz), soit un changement de la nature du bâtiment dans le sens d’une modification d’affectation ou d’utilisation (Änderung der Wesensart), soit une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment de façon qu’il y a naissance d’un bien économique nouveau (erhebliche Verbesserung)4.
Il y a partant lieu d’analyser si le critère de qualification des dépenses d’investissement retenu comme étant établi par le directeur est vérifié dans le cas d’espèce.
En l’espèce, les demandeurs ont indiqué au bureau d’imposition que : « Die Immobilie wurde von Ende 2012 bis zum 14/04/2014 komplett renoviert und dient seitdem als Eigenheim.
Die bestehenden Strukturen wurden beibehalten, alte Materialien wurden durch neue ersetzt. ».
Il ressort encore de l’énumération des travaux, tels qu’indiqués par le directeur dans sa décision et tels qu’ils ressortent de l’énumération des demandeurs, qu’ils ont réalisé des travaux de gros œuvre, des travaux de plâtrage et de peinture. Ils ont procédé au remplacement du carrelage, du parquet, des chapes et des installations sanitaires. En outre, ils ont remplacé les portes et les fenêtres, ainsi que l’installation de chauffage et l’installation électrique. Finalement ils ont encore aménagé le grenier de l’immeuble.
Au vu des explications des demandeurs ainsi que de la liste de ces travaux, il y a lieu de conclure que les époux … avaient procédé à une rénovation générale de leur future maison d’habitation.
Or, si des travaux de modernisation ou de remise en état sont certes toujours de nature à améliorer l’état antérieur d’une maison d’habitation, les dépenses afférentes ne sauraient être qualifiées de dépenses d’investissement que dans le cas où elles conduisent à une amélioration considérable de l’état antérieur de façon à donner naissance à un bien économique nouveau (erhebliche Verbesserung).
A cet égard, il convient tout d’abord de relever que les directives internes, telles la circulaire, qu’une autorité administrative peut adopter pour se donner des lignes de conduite en fixant notamment des procédures ou critères suivant lesquels certaines affaires qui lui sont soumises ou qui relèvent de son domaine de compétence sont à traiter notamment par les fonctionnaires qui se trouvent sous ses ordres, doivent obligatoirement se situer dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables et qu’elles ne peuvent en aucun cas comprendre des règles allant au-delà de ce qui est expressément prévu par la loi ou ses règlements grand-ducaux d’application. Cette autorité et les autorités subordonnées sont tenues de respecter les consignes des directives internes répondant à ces exigences et l’administré peut, en vertu de l’adage tu patere legem quam ipse fecisti, requérir le respect de celles de ces directives internes dont il a pu avoir connaissance à travers une certaine publicité leur conférée5.
4 Trib. adm., 14 janvier 1998, n° 10111 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 263, et les autres références y citées.
5 Trib. adm., 13 décembre 2006, n° 19410a du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 594, et les autres références y citées.
10Or, afin de déterminer si les travaux de rénovations améliorent considérablement l’état antérieur de façon à donner naissance à un bien économique nouveau (erhebliche Verbesserung), le directeur indique dans sa circulaire que les travaux sont à considérer comme considérables s’ils dépassent la simple rénovation de l’immeuble et s’ils augmentent clairement les possibilités d’utilisation. A cet égard, l’importance du montant total des frais de rénovation par rapport au prix d’acquisition de l’immeuble, ainsi que l’envergure des travaux constituent des indices pour permettre au bureau d’imposition de conclure à une amélioration considérable de l’immeuble en question. A titre d’exemple il en est ainsi, si plusieurs éléments majeurs de l’équipement d’une habitation, comme les fenêtres, l’installation électrique, l’installation sanitaire ou l’installation de chauffage, sont améliorés, le directeur soulignant à cet égard plus particulièrement que les travaux effectués sont à prendre en considération dans leur globalité et qu’il s’agit d’apprécier, au vue de l’ensemble des travaux effectués, s’ils peuvent être considérés comme amélioration considérable de l’immeuble en question. Le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme mesure d’entretien n’empêche pas cette qualification globale d’amélioration considérable.
En l’espèce, il convient de retenir que le directeur a, à bon droit, pu conclure, à une amélioration considérable de l’état antérieur de l’immeuble, de façon à donner naissance à un bien économique nouveau.
En effet, au vu de l’envergure des travaux de rénovation menés par les époux … ayant consisté à améliorer et remplacer certains éléments majeurs de l’équipement du bâtiment, tels que les installations de chauffage, sanitaire et électrique, les fenêtres et les portes, ensemble ceux ayant consisté à refaire la peinture et les revêtements des sols, et ceux ayant consisté à l’aménagement du grenier et, au vu du montant total des frais de rénovation6, lequel présente environ 54% du prix d’acquisition de l’immeuble, il y a lieu de retenir que les travaux effectués par les époux … ont dépassé la simple rénovation et une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment, de sorte que la qualification des dépenses litigieuses en dépenses d’investissement n’est pas critiquable sous cet aspect.
En ce qui concerne la règle de la ventilation des dépenses en frais d’entretien et dépenses d’investissement lors d’importants travaux de modernisation, qui aurait été méconnue par le directeur en l’espèce, force est de constater que dans la circulaire, le directeur a simplement rendu ses agents attentifs au fait que lorsque d’importants travaux de rénovation ou de modernisation sont entrepris, qui conduisent à une augmentation essentielle de la substance du bâtiment ou à une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment, il se peut que des travaux sans relation directe avec ces travaux soient entrepris et que dans ce cas, il y a lieu de séparer les dépenses afférentes des dépenses d’investissement7.
C’est dès lors à tort que les demandeurs reprochent au directeur de ne pas avoir fait application de la règle de la ventilation à leur cas d’espèce. En effet, les frais de rénovation d’une maison d’habitation sont à analyser de façon globale, à moins qu’il n’existe des travaux détachables, sans lien avec les autres travaux de rénovation de l’immeuble. Or, comme l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que : « […] la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable » et comme les demandeurs ont 6 Le montant total des rénovations s’élève à …-€, dont ….-€ payés en 2012, ….-€ en 2013 et ….-€ en 2014.
7 Trib. adm., 16 février 2009, n° 24252 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu 11eux-mêmes indiqué au bureau d’imposition d’avoir procédé à une rénovation générale (« komplett renoviert ») de leur maison d’habitation et qu’une séparation exacte des frais exposés serait difficile, de sorte que l’existence de tels travaux détachables n’est a fortiori pas établie par les demandeurs, le directeur n’avait pas à procéder à une ventilation des dépenses et le moyen afférent est partant à rejeter.
Il y a encore lieu de retenir que le jugement8 cité par les demandeurs n’est pas transposable à leur situation, s’agissant en effet d’un cas d’espèce dans lequel le tribunal administratif est arrivé à la conclusion qu’il n’y avait aucun lien matériel entre les frais d’entretien et les travaux d’investissement effectués par le propriétaire de l’immeuble. Or, comme retenu ci-avant, les demandeurs ont affirmé, et il ressort encore des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, avoir procédé à une rénovation générale de leur maison d’habitation, de sorte à exclure que les travaux effectués auraient porté sur des éléments ponctuels de l’état général de cet immeuble et détachables des dépenses d’investissement.
Or, au vu de la nature et de l’importance des travaux de rénovation, le directeur a pu, à bon droit et sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, procéder à une qualification globale des dépenses en dépenses d’investissement, sans qu’il y ait lieu de procéder à une ventilation entre frais d’entretien et dépenses d’investissement. En conséquence, il n’y ait pas non plus lieu de procéder à une ventilation desdits dépenses par voie de taxation en vertu du paragraphe 217 AO laquelle, conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible9».
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le directeur a rejeté la réclamation lui soumise, de sorte que le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en obtention d’une indemnité de procédure de 250.- € est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
8 Trib. adm., 20 septembre 2011, n°27420 du rôle.
9 J. Olinger, La Procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales nos 81 à 85, novembre 1989, page 117 n° 190, ainsi que trib. adm., 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 638 et les autres références y citées.
12rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 février 2017 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 février 2017 Le greffier du tribunal administratif 13