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07/02/2017 | LUXEMBOURG | N°37219

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 février 2017, 37219


Tribunal administratif N° 37219 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2015 3e chambre Audience publique du 7 février 2017 Recours formé par Madame … et Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de … en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37219 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 novembre 2015 par Maître Christian HANSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, demeurant à L-…, ains

i qu’au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation, sinon ...

Tribunal administratif N° 37219 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2015 3e chambre Audience publique du 7 février 2017 Recours formé par Madame … et Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de … en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37219 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 novembre 2015 par Maître Christian HANSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, demeurant à L-…, ainsi qu’au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation, sinon subsidiairement à la réformation de l’autorisation de construire, portant le numéro …, délivrée par le bourgmestre de la commune de … en date du 26 octobre 2015 à Monsieur …, demeurant à L-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey GALLE, demeurant à Luxembourg, du 21 décembre 2015, portant signification de la prédite requête à l’administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ainsi qu’à Monsieur … préqualifié;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er février 2016 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de … ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 février 2016 par Maître Paulo FELIX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Paulo FELIX déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 mars 2016 au nom et pour le compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Steve HELMINGER déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2016 au nom et pour le compte de l’administration communale de … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision attaquée ;

1Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Paulo FELIX et Maître Maître Steve HELMINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 janvier 2017.

___________________________________________________________________________

En date du 28 août 2015, Monsieur … introduisit une demande d’autorisation de construire auprès du bourgmestre de la commune de …, ci-après désigné par « le bourgmestre », en vue de la construction d’un balcon-terrasse au premier étage de son immeuble sis à L-….

Le 26 octobre 2015, le bourgmestre délivra l’autorisation sollicitée sous le numéro ….

Par requête déposée en date du 27 novembre 2015 au greffe du tribunal administratif Madame … et Monsieur …, voisins directs de Monsieur …, ont fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation, sinon subsidiairement à la réformation de l’autorisation de bâtir prémentionnée du 26 octobre 2015.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de permis de construire, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation et que seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision déférée au tribunal.

Le recours en annulation introduit à titre principal est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs, après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base dudit recours, donnent à considérer que l’autorisation de construire litigieuse aurait été délivrée « sous réserve de tous droits généralement quelconques des tiers » tout en affirmant que leur droits en tant que voisins directs n’auraient cependant pas été respectés. Ainsi, ils soutiennent qu’une fois la construction achevée, Monsieur … disposerait d’une vue directe dans leur salle de bain, respectivement dans leur chambre et ce en violation des dispositions des articles 675 et suivants du Code Civil.

Ils ajoutent que la réalisation du balcon-terrasse litigieux enlèverait toute la lumière aux pièces situées au rez-de-chaussée de leurs immeubles respectifs, de sorte qu’ils seraient obligés de vivre toute la journée sous une lumière artificielle.

Finalement, ils affirment que la construction projetée semblerait, au vu des plans leurs communiqués, d’un côté, toucher la façade de l’immeuble de Monsieur …, et, de l’autre côté, s’appuyer sur un mur appartenant exclusivement à Madame …, tout en soulignant se réserver le droit de formuler une demande en bornage devant le tribunal de Paix afin de clarifier ce point et ils concluent à l’annulation de l’autorisation de bâtir litigieuse.

Tant l’administration communale de … que Monsieur … font, quant à eux, plaider que les demandeurs omettraient de faire état d’une quelconque violation du plan d’aménagement général de la commune de …, ci-après désigné par « le PAG », respectivement du règlement sur les bâtisses, tout en ajoutant que l’autorisation de construire litigieuse serait en tous points conforme aux dispositions urbanistiques en vigueur.

2Ils contestent encore l’applicabilité des articles 675 et suivants du Code Civil, la partie tierce intéressée affirmant par ailleurs que les demandeurs resteraient non seulement en défaut d’établir l’existence même d’une vue sur leurs immeubles respectifs, mais également de faire état d’un droit acquis pour se prévaloir d’une servitude de vue.

La partie tierce-intéressée précise finalement que le balcon-terrasse projeté s’appuierait exclusivement sur les fixations à ériger à cet effet et ne toucherait pas le mur du demandeur et elle conclut, de même que l’administration communale, au rejet du recours sous analyse.

Il convient de prime abord, eu égard aux différentes argumentations développées de part et d’autre, de rappeler la portée d’une autorisation de bâtir.

Ainsi, il y a lieu de rappeler qu’une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente - en l’espèce le bourgmestre - de la conformité d’un projet de construction aux dispositions réglementaires (plan d’aménagement et règlement sur les bâtisses) applicables. En effet, la finalité première d’une autorisation de construire consiste à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables et par principe le propriétaire peut faire tout ce qui lui n’est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraîne en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir1.

Il s’ensuit que le bourgmestre, à l’occasion de la délivrance d’une autorisation de construire, ne doit prendre en considération que les prescriptions administratives et il ne lui appartient pas de prendre en compte des considérations d'intérêt privé sans commettre un excès de pouvoir. Le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de construire, se prononce donc uniquement du point de vue administratif, l’exécution concrète de l’installation, ainsi que les litiges sur le droit de propriété restant l’affaire des bénéficiaires de l’autorisation2.

Cette conclusion se dégage encore du fait que le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers : les droits généralement quelconques des tiers étant réservés, il leur appartient de les faire valoir devant le juge compétent, à savoir les juridictions civiles.

Ainsi, le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de bâtir, constate dans la forme passive d’une autorisation que la réalisation du projet est permise. Cet acte d’administration ne peut avoir pour l’administration aucune conséquence civile : si le bâtisseur construit sur le bien d’autrui, ou si le bien est grevé de servitudes civiles, la demande est néanmoins accueillie, parce que l’administration ignore le point de droit civil et qu’elle ne prend aucune responsabilité technique3.

1 Trib. adm. 21 octobre 2012, n°27540 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme n°616 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 8 novembre 2012, n°28985 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n°612.

3 Cour adm. 17 décembre 2015, n°36487C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n°623 et les autres références y citées.

3Dès lors, le bourgmestre doit accorder l’autorisation de construire lorsque le projet de construction est entièrement conforme aux plans d’aménagement communaux et que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité du projet sont achevés4.

Ainsi, et en ce qui concerne plus particulièrement les servitudes de vue et la violation des articles 675 et suivants du Code Civil dont les demandeurs font état, il échet de rappeler qu’en vertu de l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, « le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police (…) ». Si certaines servitudes peuvent certes relever de la compétence du bourgmestre, à savoir les servitudes d’utilité publique, établies sous la surveillance de l’administration, d’autres en revanche, dénommées servitudes d’intérêt privé, et qui ont été instituées dans l’intérêt strictement privé, ne relèvent pas des compétences de police du bourgmestre. Les servitudes de vue invoquées par les demandeurs prévues par le Code Civil, n’ont pas pour objet des règles de police, ni même pour objet l’utilité publique ou communale relevant de l’urbanisme, de sorte qu’en tout état de cause le bourgmestre n’aurait pu opposer un refus à Monsieur … en considération de servitudes de vue concernant exclusivement des intérêts privés de voisins.

Cette même conclusion s’impose en ce qui concerne l’affirmation non autrement circonstanciée des demandeurs selon laquelle la réalisation de la construction litigieuse entraînerait une perte de luminosité au rez-de-chaussée de leurs immeubles respectifs, une telle perte de luminosité, à la supposer établie relevant également exclusivement des intérêts privés de voisins.

Finalement, et quant à l’affirmation des demandeurs selon laquelle la construction projetée semblerait toucher, d’un côté, la façade de l’immeuble de Monsieur …, et, de l’autre côté s’appuyer sur un mur appartenant exclusivement à Madame …, il échet de relever, conformément aux conclusions retenues ci-avant qu’un permis de construire est un acte administratif qui constitue un préalable nécessaire afin de pouvoir légalement ériger la construction en cause et qui constate la conformité d’un projet de construction avec les dispositions légales et réglementaires en matière d’urbanisme et de salubrité et de sécurité des bâtisses, mais n’emporte pas des effets quant à la question du droit de propriété sur le terrain concerné. Il doit partant être considéré comme objet d’une action qui est distinct de celui d’une contestation sur le droit de propriété5. Il appartient dès lors aux demandeurs, de faire valoir, le cas échéant, leurs droits devant les juridictions civiles, étant rappelé comme souligné ci-avant que si le bâtisseur construit sur le bien d’autrui, comme l’affirment notamment les demandeurs sans cependant établir ce fait par des documents soumis à l’analyse du tribunal, le bourgmestre, faute de commettre un excès de pouvoir, doit néanmoins faire droit à la demande en obtention de la demande en obtention d’une autorisations de construire, pour autant que le projet de construction soit conforme aux règles urbanistiques en vigueur, conformité qui n’est pas contestée en l’espèce.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de déclarer le recours sous analyse non fondé.

Les demandeurs réclament encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant 4 Cour adm. 17 décembre 2015, n°36487C du rôle, Pas. adm 2016, V° Urbanisme n°613 et les autres références y citées.

5 Cour adm. 24 février 2005, n°17817C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme n°622.

4règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qui est à rejeter au vu de l’issue du litige.

L’administration communale de …, de même que Monsieur … réclament quant à eux la condamnation des demandeurs à leur allouer une indemnité de procédure d’un montant de 500,- euros, respectivement de 2.000,- euros sur base du même article.

Au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment en raison des contestations dénuées de toute pertinence des demandeurs et de son issue, du fait que les parties défenderesse et tierce intéressée ont été obligées de se défendre en justice sous l’assistance d’un avocat, malgré la jurisprudence constante en la matière et que les demandeurs n’aient pas été valablement représentés à l’audience des plaidoiries afin de préciser, le cas échéant, les moyens soulevés et de contester les indemnités de procédure réclamées quant à leur principe ou quant à leur montant, il serait inéquitable de laisser à leur charge l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.

Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et du degré de difficulté de l’affaire ainsi que des montants réclamés, et au vu de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer par les demandeurs tant à la commune de …, qu’à Monsieur … à un montant de 500,- euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

reçoit le recours en annulation introduit à titre principal en la forme ;

au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que sollicitée par les demandeurs;

condamne les demandeurs à payer in solidum tant à la commune de … qu’à Monsieur … une indemnité de procédure d’un montant de chaque fois 500,- euros ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 février 2017 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Hélène Steichen, juge 5en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 février 2017 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 37219
Date de la décision : 07/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-02-07;37219 ?

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