Tribunal administratif Numéro 37593 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 février 2016 2e chambre Audience publique du 30 janvier 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.5.5.2006)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37593 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 février 2016 par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Russie), de nationalité russe, demeurant à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 1er février 2016 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2016 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ella Gredie en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 novembre 2016 ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport complémentaire ainsi que Maître Ella Gredie, en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie Linster en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 novembre 2016.
___________________________________________________________________________
Le 9 mai 2014, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « loi du 5 mai 2006 ».
Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg en vue du dépôt de sa demande de protection internationale.
Il fut auditionné en date du 13 mai 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, afin de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale conformément au Règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride Règlement Dublin III.
Il fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale en date des 29 juillet 2014, 4, 13 et 26 août 2014, 1er septembre 2014, 10, 11, 12 et 20 novembre 2014.
Par une décision du 1er février 2016, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 4 février 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de … et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours. Cette décision est motivée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection que vous avez déposée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 9 mai 2014.
Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 9 mai 2014.
Il ressort dudit rapport que vous êtes entré en territoire Schengen le 5 mai 2014 par voie aérienne à Barcelone. Il en ressort en outre que vous bénéficiez d'un visa pour le Luxembourg valable du 23 avril 2014 au 22 octobre 2014.
Vous présentez un passeport russe établi le 9 avril 2014.
Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 29 juillet, 4, 13 et 26 août, du 1er septembre et des 10, 11, 12 et 20 novembre 2014 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.
Monsieur, vous expliquez être originaire de … et avoir travaillé en tant que journaliste depuis 1999. Vous auriez travaillé « pour presque toutes les chaines de télévision » (p. 3 du rapport d'entretien), mais principalement pour la chaîne « …». Vous signalez être homosexuel et avoir été en relation avec votre partenaire prétendument décédé, le dénommé …, depuis décembre 2009.
La nuit du 13 décembre 2013, en rentrant chez vous, vous auriez été insulté par deux policiers lorsqu'… vous aurait embrassé dans un parc. Les policiers vous auraient demandé vos papiers tout en continuant de vous insulter. Lorsqu'… aurait répliqué qu'il aimerait voir les plaques d'identification des policiers, il aurait reçu un coup de matraque sur la tête et serait tombé par terre. Vous dites que les policiers auraient continué à le rouer de coups et que vous auriez essayé de lui venir en aide en vous intercalant entre eux. Vous vous seriez alors également fait frapper. Vous trouvant dans un état de choc, vous auriez pris la fuite en criant pour faire sortir les gens de leurs immeubles, mais il n'y aurait pas eu de réaction.
Vous seriez ensuite retourné au parc mais vous n'auriez plus retrouvé …, ni revu les policiers. Vous auriez alors décidé de rentrer à la maison et auriez appelé la police pour l'informer de ces faits. On vous aurait demandé de vous rendre le lendemain auprès d'un bureau de police pour porter plainte ce que vous auriez fait pour signaler la disparition d'….
Vous auriez alors été appelé auprès d'un enquêteur nommé … qui vous aurait interrogé au sujet des faits. Après un certain temps, l'attitude de l'enquêteur serait devenue plus arrogante et il aurait fini par vous insulter et vous jeter hors de son bureau, tout en vous expliquant de revenir dans deux jours. Vous seriez d'avis que votre plainte n'aurait pas été acceptée parce que vous seriez homosexuel, par contre vous expliquez aussi que des amis vous auraient signalé que la police russe ne commence à rechercher une personne qu'après deux jours de disparition. Deux jours plus tard, vous auriez rédigé une deuxième plainte au bureau de police et le lendemain, vous auriez de nouveau été appelé auprès de … qui aurait cette fois-ci rédigé un compte-rendu que vous auriez également signé. Quelques jours plus tard, … vous aurait donné rendez-vous dans la morgue d'un hôpital où vous auriez dû identifier le corps d'… dont le visage aurait été recouvert d'hématomes. Vous précisez que le médecin vous aurait dit en souriant qu'… pourrait être mort d'une crise cardiaque, mais le rapport médical publié quelques semaines plus tard aurait effectivement conclu à une crise cardiaque suite à une chute.
Le 24 décembre 2013, les parents d'… seraient passés chez vous pour prendre ses affaires. Vous dites que sa mère vous aurait tenu responsable de sa mort et que son père vous aurait interdit d'assister aux obsèques qui auraient eu lieu le 27 décembre 2013.
En janvier 2014, vous auriez été convoqué chez … qui vous aurait demandé si vous étiez d'avis qu'… aurait été tué; question à laquelle vous auriez répondu par l'affirmative. …, vous aurait alors fait comprendre qu'il pourrait retrouver les policiers en charge la nuit en question mais qu'on ne vous croirait pas, que vous ne seriez pas le bienvenu en Russie et que vous pourriez partir aux Pays-Bas pour lutter pour vos droits. Il vous aurait également signalé que « Oui, il faut faire une enquête pour l'assassinat d'une personne, mais pas pour l'assassinat d'un pédé » et prévenu que vous risqueriez une peine de prison puisque la propagande de l'homosexualité serait interdite. Comprenant que … n'entreprendrait rien dans cette affaire, vous l'auriez alors prévenu que vous porteriez plainte auprès du parquet ce qui l'aurait mis en colère. Vous auriez alors été placé dans une cellule de garde à vue provisoire où vous auriez été frappé et insulté par un autre policier avant d'être relâché après quelques heures. Cinq jours plus tard, les policiers qui vous auraient agressé au parc seraient passés chez vous, habillés en civile. Vous dites qu'ils vous auraient frappé et menacé avec un pistolet de retirer votre plainte déposée au bureau de police. Le lendemain 21 janvier 2014, vous auriez déposé votre plainte au parquet municipal de Moscou et vous précisez que quatre ou cinq jours après le dépôt, vous auriez commencé à recevoir des appels menaçants de la part de personnes inconnues qui auraient voulu vous forcer à retirer votre plainte. En février 2014, vous auriez appelé … pour demander les suites de votre affaire. Vous dites qu'il vous aurait insulté et informé que ce serait lui qui vous appellerait si jamais il y avait des nouvelles. Vous auriez alors décidé de changer d'adresse et vous vous seriez installé chez votre amie … à Moscou. Toutefois, vous déclarez que les appels menaçants auraient continué et que … vous aurait une fois appelé pour vous signaler que votre affaire serait clôturée. En plus, en février 2014, une affiche aurait été accrochée devant votre immeuble, avertissant ses habitants du fait qu'une personne homosexuelle habiterait à votre adresse.
En mars 2014, vous auriez été enlevé près de votre appartement par trois personnes non identifiées. Elles vous auraient amené dans un bungalow ou on vous aurait maltraité, abusé sexuellement et menacé de retirer votre plainte du parquet. Elles seraient par la suite parties et vous auriez pu rentrer chez … où vous auriez tenté de vous suicider en avalant une soixantaine de somnifères. Pendant cette période, votre employeur serait venu vous voir pour vous verser votre dernier salaire. Il vous aurait également expliqué que quelqu'un de « haut placé » l'aurait appelé pour lui signaler que vous seriez homosexuel et qu'il devrait vous licencier. … vous aurait ensuite conseillé de fuir le pays et vous auriez alors demandé votre passeport international.
Le 12 avril 2014, vous vous seriez fait agresser au couteau par une personne inconnue en attendant l'ascenseur de votre immeuble. Vous auriez été blessé au ventre mais auriez réussi à vous enfuir par la cage d'escalier. Vous précisez que votre agresseur vous aurait également menacé de retirer votre plainte du parquet.
Vous ajoutez qu'après la mise en vigueur de la loi « anti-propagande » sur l'homosexualité, la vie des homosexuels serait devenue très compliquée en Russie. Il s'agirait d'une « hystérie » envers les homosexuels qui seraient considérés par beaucoup de Russes comme des « espions de la CIA ».
Vous avez versé plusieurs documents pour étayer vos dires:
1. Une carte de journaliste censée démontrer que vous auriez travaillé pour la chaîne de télévision russe 2. Un certificat médical établi le 6 juin 2014 au Luxembourg attestant que vous présentez une cicatrice qui serait, selon vos dires, le résultat de l'agression dont vous auriez été victime en avril 2014.
3. Une clé USB comprenant quelques photos ainsi que des reportages. Vous expliquez que la deuxième personne présente sur les photos serait … … et vous précisez qu'il s'agirait des reportages que vous auriez réalisés dans le cadre de votre travail de journaliste.
Enfin, il ressort du rapport d'entretien qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.
Analyse ministérielle en matière de Protection internationale En application de la loi précitée du 18 décembre 2015, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
Soulignons dans ce contexte que l'examen et l'évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu'il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.
1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.
Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 a) de la loi 18 décembre 2015, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 42(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui craigne avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amené à quitter votre pays d'origine pourraient à priori rentrer dans le champ d'application de ladite Convention; toutefois le manque de crédibilité lié à une partie de vos déclarations combiné au manque de gravité d'autres faits mentionnés ne permettent pas de pouvoir retenir dans votre chef l'existence d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 Il s'agit dans un premier temps de clarifier que le seul fait d'être homosexuel ne suffit pas à lui seul de justifier dans votre chef une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015. Bien que la loi russe de 2013 interdisant la « propagande » en faveur de la communauté homosexuelle a fait couler beaucoup d'encre en Occident et que vous affirmez que la vie serait devenue plus « difficile » par la suite, il ne s'ensuit pas de la mise en vigueur de cette loi que l'homosexualité serait devenue répréhensible en Russie ou que vos droits civiques y auraient été limités à cause de votre orientation sexuelle. Ainsi, il ressort d'un arrêt de la Cour constitutionnelle russe au sujet de cette loi que: « In a September ruling, the Constitutional Court confirmed the federal 'anti-
propaganda' law was constitutional. However, the court also underlined that public actions couldn't be considered 'propaganda'. The court explained that the law was "not intended to ban homosexuality as such, and [could] not be viewed as allowing to curb the rights of citizens based on their sexual orientation. [The law] also [does] not imply a ban on any information concerning unorthodox sexual relations", judges insisted.
Monsieur, il ne ressort pas de vos dires que vous auriez par le passé été un activiste pour la cause LGBTI ou que vous vous seriez fait remarquer par des prises de parole publiques au soutien des minorités sexuelles, qui risqueraient d'être classées par les autorités russes comme de la « propagande » au sens de la loi précitée. Bien que cette loi puisse avoir donné lieu à une certaine détérioration de la situation de la communauté LGBTI, sa seule mise en vigueur ne suffit pas pour démontrer ou justifier dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 sur base de votre orientation sexuelle. Rappelons qu'il a été jugé par la Cour de justice de l'UE que « pour qu'une violation des droits fondamentaux constitue une persécution au sens de la convention de Genève, elle doit atteindre un certain niveau de gravité. Toute violation des droits fondamentaux d'un demandeur d'asile homosexuel n'atteindra donc pas nécessairement ce niveau de gravité. Dans ce contexte, la seule existence d'une législation pénalisant des actes homosexuels ne saurait être considérée comme une atteinte à ce point grave pour considérer qu'elle constitue une persécution au sens de la directive. En revanche, une peine d'emprisonnement qui pénalise des actes homosexuels est susceptible, à elle seule, de constituer un acte de persécution pourvu qu'elle soit effectivement appliquée. (…) Dans le cadre de cet examen, il appartient, notamment, auxdites autorités de déterminer si, dans le pays d'origine du demandeur, la peine d'emprisonnement est appliquée en pratique. ». Force est de constater que la loi russe précitée ne prévoit que des sanctions pécuniaires.
Concernant la situation des homosexuels en Russie après la mise en vigueur de cette loi, on peut également citer le témoignage de …, un membre phare de la communauté LGBTI russe, de novembre 2013: « Russia's top gay rights activist has rejected the Dutch offer to grant asylum to harassed Russian gays, saying there is no mass discrimination against them in the country." Of course, there are cases when somebody needs to be granted asylum, but these cases are so isolated that it has no relation whatsoever to the overall picture," …, the head organizer of unauthorized gay pride parades in Moscow since 2006, told Komsomolskaya Pravda radio on Wednesday. (…) … accused other Russian gays, without referring to anyone in particular, of "creating an appearance" that the federal law that in July introduced fines for propaganda of gay relations to minors "affects them in some way." "In reality, this law is not actually applied in practice, except for cases of limiting the freedom of expression and the freedom of assembly," … said, adding, "People are simply taking advantage of the existing situation." (…) Three senior State Duma deputies also condemned Timmermans' offer Wednesday, denying persecution of gays and saying the asylum offer was aimed at creating a negative image of Russia abroad. (…) ».
Il ressort de ces informations que les autorités russes ne pratiqueraient donc pas de politique discriminatoire envers les homosexuels, mis à part certains cas précis concernant une limitation du droit à la libre expression ou de libre réunion, des situations qui à la base de vos dires ne vous concerneraient donc pas. Ce constat est en quelque sorte corroboré par vos propres dires puisqu'il en ressort que vous auriez encore pu sortir et faire la fête en couple à Moscou en décembre 2014 et qu'il vous aurait donc encore été possible de vivre votre style de vie en public. Ces informations sont confirmées par un article du Guardian au sujet de la communauté homosexuelle dans la ville de Moscou qui nota en juin 2015 que:
« (…) With all the media furore over rising anti-LGBT activity in Russia in recent years, it can be a surprise to see how pink the capital feels in some places. (…) Apps have made being gay in Moscow a lot easier. Grindr is ever popular — a hacked location file revealed several users within the walls of the Kremlin itself (…) There are fewer events catering for lesbians in Moscow, but that doesn't mean they don't exist. Among the most popular are women-only parties named after the US television series The L Word, run by 29-year-old …. (…) … said she has never had any trouble from the authorities. Her business partner, 24-year-old …, laughed off any safety concerns. (…) Indeed, Moscow's gay people seem more stoic than angry. They've even appropriated their own abuse: if something silly or stupid or weird happens in Europe, it's decided as "Gayropa". What concerns many homosexual Muscovites most, it seems, is less fear for their safety or inability to meet other gay men and women, than legal legitimacy — the ability to share property with a partner, or pass on inheritances without interference from grasping relatives, or raise kids. (…) ». Il ressort clairement de ces informations que loin d'invoquer des problèmes de sécurité, la communauté homosexuelle à Moscou est surtout confrontée à des questions juridiques semblables à beaucoup de discussions actuellement menées en Europe.
Concernant les actes invoqués que vous prétendez avoir subis (des agressions, des menaces et un enlèvement) de la part de Denissov, de deux autres policiers ainsi que de malfaiteurs inconnus, ceux-ci constituent des délits de droit commun, punissables selon la loi russe et du ressort des autorités de votre pays d'origine.
En outre, en application de l'article 40 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, il ne ressort pas du rapport d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre de vos bourreaux.
En effet, bien que vous soyez d'avis que vous n'auriez pas pu faire valoir vos droits dans votre pays d'origine, il ressort de vos dires que vous auriez été menacé par vos bourreaux afin que vous retiriez votre plainte déposée au parquet et celle déposée auprès de Denissov. Il s'ensuit de ce constat que vous auriez donc pu vous défendre contre les prétendues injustices que vous auriez vécues en Russie de la part de deux ou trois policiers et qu'il vous aurait été possible d'y faire valoir vos droits si vous n'aviez pas opté pour une fuite au Luxembourg. En effet, il ne paraît pas logique que vous soyez menacé de retirer vos plaintes si vos bourreaux n'avaient rien à craindre à cause de leurs fonctions ou de votre orientation sexuelle. Ces menaces démontrent que ceux-ci craignent la justice russe, que cette dernière fonctionne et dissuade les citoyens de commettre des actes illicites en général.
Comme il ressort de vos propres dires, il vous aurait en effet été possible de vous défendre contre des comportements non professionnels de certains policiers et de faire valoir vos droits auprès d'une instance supérieure à la police : « les citoyens ont la possibilité de porter plainte contre la police auprès du Bureau du procureur général, du Service fédéral de sécurité et du Département de la sécurité intérieure du ministère de l'Intérieur. (…) Le Département de la sécurité intérieure du ministère de l'intérieur mène des enquêtes et décide des sanctions à infliger dans les cas des plaintes touchant des manquements disciplinaires.
Quant au Comité d'enquête de la Fédération de la Russie, lequel relevait auparavant du Bureau du procureur et est maintenant un organisme indépendant, il traite les plaintes concernant les crimes commis par des policiers. D'après Global Integrity, le site Internet du ministère de l'Intérieur offre aux citoyens la possibilité de déposer une plainte en remplissant un formulaire en ligne. De plus, diverses ONG telles que Public Verdict Foundation viennent en aide aux citoyens pour porter plainte contre la police. (…) En juin 2010, le chef du Département de la sécurité intérieure du ministère de l'Intérieur aurait déclaré qu'en « 2009 seulement, plus de 27 000 citoyens ont soumis des plaintes auprès des sous-unités du Département de la sécurité intérieure du ministère de l'intérieur ». En 2010, le nombre de plaintes aurait augmenté de 50 p. 100. Selon le chef, « en cinq mois, 41 000 infractions commises par les policiers ont été dénoncées », ce qui représenterait une augmentation d'environ 16 p. 100 par rapport à la même période en 2009. Le chef a ajouté que plus de 2000 crimes commis par les policiers auraient été signalés. (…) D'après le chef du Département de la sécurité intérieure du ministère de l'intérieur, dans les cinq premiers mois de 2010, 2 156 crimes commis par les policiers auraient été résolus, ce qui représente environ 6,5 p. 100 de plus par rapport à la même période en 2009. (…) ».
Au vue de tout ce qui précède, Monsieur, on est amené à juger que les craintes que vous exprimez face à votre situation en Russie, s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité, plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention. En effet, hormis certains policiers d'un commissariat de Moscou, il n'est nullement démontré que les autorités russes n'auraient pas pu ou pas voulu vous aider ou vous offrir une protection.
Il convient ensuite de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'on peut déduire de la réaction supposée de … et des deux policiers vêtus en civil qui vous auraient « visité » un soir, qu'il vous aurait bel et bien été possible de vous défendre contre ces personnages et de faire valoir vos droits dans votre pays d'origine.
Par ailleurs, il y a lieu de noter que les documents versés à l'appui de votre demande ne sauraient pas non plus corroborer vos craintes de persécution, alors qu'ils démontrent tout au plus que vous auriez mené une relation avec un autre homme et que vous auriez travaillé pour une chaine de télévision. Il s'agit là d'informations qui ne sont pas remises en cause par la présente décision et qui ne suffisent pas pour justifier dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Concernant votre cicatrice, il y a lieu de noter que celle-ci ne saurait pas suffire pour démontrer une quelconque agression dont vous auriez été victime, alors que l'agent chargé de l'entretien avait en plus déjà constaté une ressemblance avec un « branding » et que le rapport médical versé ne permet pas non plus de corroborer vos dires.
Toutefois, il y a lieu de soulever d'autres éléments ressortant de vos dires qui sont clairement incohérents ou invraisemblables et qui permettent de douter de la véracité de vos dires, de la sincérité de vos propos et de la gravité de votre situation en Russie.
Il s'agit dans un premier temps de douter tout simplement du fait que votre ancien partenaire, … … aurait été agressé puis tué par deux policiers sur votre chemin du retour.
Hormis le fait que vous n'apportez pas la moindre preuve de sa mort, vous vous contredisez surtout au sujet du déroulement de la soirée du crime. Vous signalez d'abord avoir été agressé dans un parc en rentrant à pied. Or, plus tard vous signalez être rentré en auto-stop (p. 7) après avoir fait la fête avec …. Notons ensuite qu'il ne fait pas de sens que les autorités russes auraient demandé une personne n'ayant pas le moindre lien familial avec la victime d'identifier cette dernière alors qu'elles auraient notamment pu demander ses parents.
Concernant ses parents, il est d'ailleurs étonnant de constater qu'ils semblent avoir simplement accepté la mort de leur fils et qu'ils ne semblent pas avoir porté plainte pour retrouver ses meurtriers. Dans un autre contexte, il faut se demander pourquoi vous expliquez qu'… se serait occupé des finances et aurait contrôlé votre compte bancaire mutuel puisqu'il aurait été « beaucoup plus âgé », seulement pour préciser par la suite qu'il s'agirait de moins de deux ans de différence. Monsieur, de telles déclarations ne sont pas logiques et ne font que renforcer les doutes qui sont à formuler au sujet de votre honnêteté.
Concernant le prétendu dépôt de plaintes et les problèmes qui auraient suivi, il s'agit d'aborder d'autres incohérences. Monsieur, il ne fait pas de sens que vous signalez d'un côté que les autorités russes auraient identifié … en décembre 2013 et qu'il aurait été déclaré mort par infarctus trois semaines plus tard, mais de l'autre côté que … vous aurait appelé en février 2014 pour vous signaler que l'affaire serait clôturée et qu'il vous conseillerait de retirer votre plainte. En effet, étant donné que vous auriez déposé une plainte à cause de la disparition d'…, cette plainte serait devenue sans objet lors de votre identification d'…. Il faut en effet se demander à quoi bon … vous demanderait « gentiment » de retirer votre plainte un mois après l'identification du corps d'… et de ses obsèques. Dans ce même contexte, il n'est pas non plus logique que vous signalez avoir appelé … en février 2014 pour avoir des nouvelles concernant votre plainte, alors qu'on vous aurait déjà signalé en décembre 2013 que les autorités auraient conclu à une mort par infarctus.
Enfin, Monsieur, il y a surtout lieu de soulever que vous n'avez pas été en mesure de vous tenir au même nom concernant votre amie d'enfance chez laquelle vous vous seriez réfugiée à partir de février 2014, qui vous aurait soigné et qui vous aurait procuré votre passeport en avril 2014. Monsieur, au début de l'entretien vous signalez avoir vécu chez votre « bonne amie depuis vingt ans », la dénommée …, entre février et avril 2014. Or, étonnement, vous signalez par la suite que vous auriez trouvé refuge chez votre « très ancienne amie » …. Etant donné qu'il n'existe pas d'explication raisonnable pour cet amalgame de prénoms, il y a lieu de conclure que du moins cette partie de votre récit est inventée et que vous avez au fur de votre entretien oublié les détails de votre propre mensonge. Dans ce même contexte, on peut également préciser que vous auriez renié une tentative de suicide auprès des ambulanciers pour ne pas devoir suivre un traitement psychique, mais que vous affirmez en même temps connaître par cœur l'adresse du bureau de police puisque celui-ci se trouverait dans la même rue que votre psychologue. D'après toute logique vous auriez donc déjà passé des séances thérapeutiques jetant par-là encore un peu plus de doute à vos déclarations concernant votre prétendue tentative de suicide et votre prétendu vécu auprès de votre bonne et très ancienne amie Natalia ou ….
Relevons qu'en vertu de l'article 41 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, le ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.
Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.
En l'espèce, il ressort de vos dires, que vous auriez notamment voyagé à Saint-Pétersbourg et que vous auriez été hébergé à Moscou auprès d'une amie. Force est de constater que vous ne faites pas état d'incidents concrets pendant ces séjours. Vous affirmez même qu'il vous aurait été possible de déménager à Saint Pétersbourg mais que vous n'auriez pas voulu y travailler comme « femme de ménage ». Ainsi, il n'est manifestement pas établi en l'espèce que vous n'auriez pas pu recourir vous-même à une réinstallation à l'intérieur de votre pays d'origine. En effet, vu votre âge, votre sexe, votre niveau d'études, votre parfaite condition pour vous adonner à des activités rémunérées et étant donné que vos problèmes prétendus seraient limités à Moscou, rien ne vous aurait empêché d'envisager la possibilité d'une fuite interne dans un pays d'une superficie de dix-
sept millions de kilomètres carrés et dont le territoire s'étend d'ouest en est sur plus de 9 000 kilomètres.
Vous ne soulevez pas de raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une fuite interne alors que vous auriez notamment pu envisager un déménagement vers Saint Pétersbourg où la communauté LGBTI s'est bien implantée et fait partie intégrante du paysage urbain, si vous étiez réellement d'avis que votre situation serait devenue intenable à Moscou. En effet, on peut porter votre attention sur la ville de Saint Pétersbourg, réputée pour son atmosphère plus tolérante en rapport avec la communauté LGBTI: « Perhaps what's most surprising amid the homophobic rhetoric and the new law targeting the "promotion" of gay lifestyles is the fact that St. Petersburg's gay scene has never been more visible or felt less threatened than it does today. (…) White gay rights groups have become far more vocal in recent years, it's still no exaggeration to say that the political side of the gay scene remains small and rarely visible, even as political protest seems to be returning to St.
Petersburg. Nevertheless, the city's gay scene is surprisingly busy and accessible to all, with four well-established clubs and a smattering of bars and saunas — it differs little from the scene to be found in any other European city. ».
Il ressort en plus des informations en nos mains que Saint-Pétersbourg constitue notamment le siège de l'ONG « Coming Out », qui lutte pour les droits de la communauté LGBTI, qui soutient juridiquement et psychologiquement ses membres et dont la seule présence légale sur le territoire de la ville démontre de la possibilité pour des membres de la communauté LGBTI d'y mener leur vie. Cela vaut d'autant plus qu'en mai 2015: « Over 350 people celebrated IDAHO today in the center of St. Petersburg on Marsovo Pole, this event becoming the largest LGBT rally as of today in Russia. Representatives of "Coming Out", the Russian LGBT Network, Side by Side LGBT festival, the Youth Human Rights Group, and the Center for Development of Democracy and Human Rights spoke of the importance of solidarity within civil society, support of vulnerable groups, and the growing strength of the LGBT movement in our common struggle for peace and human rights in Russia. (…) After the speeches, rainbow balloons were released into the St. Petersburg skies. Participants were safely escorted into the buses and to the closest metro station by the police and the LGBT group Stop Hate, working together. …, "Coming Out" activist: "The collaboration with the St. Petersburg ombudsman institution and the attitude of the police were beyond reproach. If last year the police did their job but their homophobia was clear, this year we felt we had a true ally. Many factors could play a role in the improving attitudes, but one of them must be the continued focus of LGBT activists on constructive collaboration and dialogue with wider society." Today's IDAHO celebrations are planned in 14 cities of Russia. ».
Le constat a été le même concernant la première Gay Pride officielle qui s'est tenue à Saint Pétersbourg en 2014 et qui s'est déroulée dans le calme, contrairement aux précédentes qui n'avaient pas été autorisées par les autorités, ou concernant la manifestation du 1er mai 2015, au cours de laquelle la communauté LGBTI a une fois de plus pu défiler dans les rues de Saint-Pétersbourg en défendant sa cause et en profitant pleinement de la protection des autorités russes: « On May 1, Rainbow May Day march was held in St. Petersburg for the fifth year in a row, drawing hundreds of participants and guarded by the local police. The rainbow column was a part of a bigger Democratic March bringing together a number of trade unions, political and social movements to celebrate the International Workers' Day.
The march was held in the centre of St. Petersburg, on … Prospect. Media report the total number of participants over 90,000 with LGBT column itself consisting of around 600 people. (…) Vocal opponent of LGBT equality, local Legislative Assembly MP …Milonov, United Russia party member, along with his very few supporters tried to disrupt the march shouting out offensive and rude remarks at participants. (…) … unsuccesfully tried to convince policemen that rainbow flags violate the "gay propoanda ban law" because he brought his children along with him and they saw the flags that in his opinion promoted homosexuality to them. Nevertheless, policemen boldly refused to take any action on that claim and prevented …'s disruptions. (…) ».
Ajoutons à cet égard que les problèmes dont vous faites état n'ont qu'un caractère local, ce que vous indiquez clairement dans vos déclarations, et que la situation dans laquelle vous ont placé les mesures infligées n'a pas atteint une telle ampleur que vous ne pouviez vous y soustraire qu'en fuyant à l'étranger.
Compte tenu des constatations qui précèdent concernant les conditions générales dans cette partie du pays et votre situation personnelle, force est de retenir que les critères du paragraphe 2 de l'article 41 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire sont clairement remplis.
En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 42 et 43 de la loi précitée du 18 décembre 2015.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
2. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 48 de la loi précitée du 18 décembre 2015, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous seriez homosexuel et que vous auriez été agressé et menacé par le dénommé Denissov et deux autres policiers après le dépôt de vos plaintes. Vous faites en plus état d'un enlèvement et de traitement dégradants de la part de malfaiteurs inconnus. Enfin, vous dites que votre partenaire aurait été agressé et tué par deux policiers en décembre 2013.
Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.
Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Russie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.
(…) ».
Par requête déposée le 29 février 2016 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 1er février 2016 portant refus de la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, inscrite dans le même document, portant à son égard l’ordre de quitter le territoire.
A titre liminaire, il y a lieu de relever que la loi du 5 mai 2006 a été abrogée par la loi du 18 décembre 2015, publiée au Mémorial A le 28 décembre 2015 et entrée en vigueur 3 jours après sa publication, soit le 1er janvier 2016, à défaut de disposition spéciale de mise en vigueur contraire.
1. Quant au recours contentieux dirigé contre la décision portant rejet de la demande de protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 1er février 2016, telle que déférée.
Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur, expose les faits et rétroactes gisant à la base de sa demande de protection internationale, lesquels tiennent, en substance, à sa crainte d’être persécuté dans son pays d’origine, la Russie, en raison du traitement discriminatoire empreint d’homophobie dont il aurait fait l’objet suite au décès de son compagnon et qui se serait manifesté par de violentes agressions, des menaces de mort et un emprisonnement arbitraire orchestré par les forces de police. Il insiste sur le fait que son départ aurait été provoqué par la circonstance qu’il aurait été forcé de retirer sa plainte déposée auprès du Parquet à l’encontre des policiers qui l’auraient violentés après que ces derniers l’auraient dissuadé en ayant abusé de lui sexuellement. Il explique qu’ayant temporairement trouvé refuge et hébergement auprès d’une amie à Moscou, il aurait décidé de solliciter un passeport international afin de fuir la Russie, craignant pour sa vie.
En droit, le demandeur reproche au ministre d’avoir estimé que le statut de réfugié ne pourrait lui être accordé au motif qu’il n’aurait pas de craintes légitimes de faire l’objet de persécution en cas de retour dans son pays d’origine. Il dément l’analyse faite par le ministre quant à l’analyse de la situation des homosexuels en Russie et quant aux conséquences qu’il en tire sur la situation personnelle. Il s’insurge contre le motif du ministre visant à soutenir que son récit ne serait ni crédible ni cohérent sans en avoir pour autant analysé le contenu. Il se livre alors à une démonstration point par point visant à prouver que les éléments relevés par le ministre comme étant dénués de crédibilité seraient cependant avérés.
En effet, en ce qui concerne sa relation avec son ami, prédécédé, il fait valoir que le système en vigueur en Russie ne lui permettrait de rapporter la preuve ni de ladite relation ni du décès de son compagnon autrement que par le truchement des pièces et documents déjà versés. Ensuite quant à sa cicatrice, il conteste virulamment qu’il s’agirait d’un « branding » ou tatouage et déplore que le ministre se soit fondé sur l’avis personnel de l’agent d’audition quant à la qualification de la nature de la cicatrice pour motiver le refus de sa demande de protection internationale. Il rectifie encore l’interprétation du ministre quant à la prétendue incohérence qui existerait entre la date de la demande de retrait de sa plainte par le policier … au courant du mois de février 2014 et celle du décès de son compagnon survenue en décembre 2013 en expliquant qu’il aurait porté plainte non seulement pour le décès de son compagnon, officiellement décédé d’une prétendue crise cardiaque, mais aussi pour la violente agression sexuelle à caractère homophobe dont il aurait été victime. En ce qui concerne la confusion soulevée par le ministre quant au prénom de son amie qui l’aurait hébergé, il explique que le prénom Natalia utilisé en début d’audition serait le diminutif du prénom … auquel il aurait fait référence en fin d’audition, de sorte qu’il n’y aurait aucune conclusion hâtive à tirer de ce changement qui serait de nature à discréditer son récit. Quant à sa tentative de suicide, il insiste sur le fait qu’il n’aurait, en aucune manière, précisé au cours de son audition qu’il aurait suivi une thérapie, de sorte qu’il conclut que l’autorité administrative se serait fabriqué un argument de toute pièce en indiquant qu’il se serait contredit lorsqu’il aurait expliqué avoir refusé de se faire hospitaliser suite à sa tentative de suicide au motif qu’il aurait voulu échapper à une surveillance psychiatrique qui serait consécutive à toute tentative de suicide tout en précisant en début d’entretien qu’il connaîtrait l’adresse du poste de police qui se trouverait dans la rue de son psychologue. En effet, il attire l’attention sur la distinction manifeste qui existerait entre consulter sporadiquement un psychologue pour « lui exposer son mal être » et faire l’objet d’un suivi psychiatrique et insiste sur le fait qu’il ne saurait être question de faire un amalgame entre l’une et l’autre de ces démarches ni encore moins d’en tirer un argument quant à une prétendue incohérence de son récit. Il insiste sur la crédibilité de son récit en estimant avoir levé les incohérences soulevées par le ministre.
Il fait ensuite valoir que la situation des homosexuels en Russie serait précaire en ce qu’ils seraient manifestement victimes de maltraitances, de menaces et d’agressions répétées.
Il fait encore valoir que leur droits ne seraient nullement respectés et seraient sans cesse violés par le pouvoir en place qui n’aurait pour seul objectif que de faire accroître l’homophobie déjà présente sur le territoire russe, telle qu’elle serait consacrée par la législation existante.
S’agissant des auteurs des persécutions, il soutient que les forces de l’ordre seraient inactives dans la répression des infractions à caractère homophobe et dont les victimes seraient identifiées comme homosexuelles. Il insiste sur le fait qu’en raison de l’homophobie ambiante, les agents de persécutions pourraient agir en toute impunité malgré le leurre qui serait laissé aux homosexuels de pouvoir porter plainte à l’instar des autres citoyens russes.
Il souligne que les faits qu’il aurait subis seraient empreints de gravité dont le seuil serait suffisamment élevé pour qu’il puisse se voir reconnaître une protection internationale.
Il réfute le motif de refus du ministre tenant à la possibilité d’une fuite interne et plus particulièrement à Saint Pétersbourg en donnant à considérer que cette ville aurait introduit, préalablement à l’entrée en vigueur, en 2013, de la loi relative à l’interdiction de la propagande homosexuelle, une loi ayant le même objet. Il dénonce l’interprétation que le ministre aurait fait de ses propos quant à la possibilité qui aurait existé pour lui de vivre à Saint-Pétersbourg et d’y travailler en qualité d’homme de ménage. En effet, il réfute avec véhémence le fait qu’il y aurait une vie pour lui à Saint-Pétersbourg, ville où l’homophobie serait aussi présente qu’à Moscou et ne serait « nullement le paradis des homosexuels ». Il s’y ajoute qu’il n’y aurait pas d’adresse officielle, de sorte qu’il anticipe de se faire arrêter par les policiers et de se faire renvoyer vers Moscou en cas d’éventuel contrôle policier.
Il estime encore risquer de subir des persécutions et des traitements inhumains et dégradants, voire risquer pour sa vie en cas de retour dans son pays d’origine.
Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur qui serait à débouter de son recours.
Par ailleurs, il reprend à son compte l’argument du ministre selon lequel des incohérences surgiraient dans le récit du demandeur, notamment, quant aux circonstances entourant le décès de son compagnon et quant à la prétendue absence de logique dans la demande de retrait des plaintes du demandeur par le policier ….
Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Par ailleurs, aux termes de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
A titre liminaire, il y a tout d’abord lieu de toiser la question de la crédibilité du récit du demandeur en ce qu’elle est contestée tant par le ministre que par le délégué du gouvernement. A cet égard, il y a lieu de relever que le demandeur a démonté point par point les reproches formulés par le ministre quant aux prétendues zones d’ombres qui existeraient dans le retraçage des faits liés au décès de son compagnon et aux motivations relatives à la demande de retrait de ses plaintes par le policier …. En effet, il a apporté toute la lumière nécessaire quant à la circonstance que le système en vigueur en Russie ne lui permettrait pas de rapporter la preuve ni de ladite relation ni du décès de son compagnon autrement que par le truchement des pièces et documents déjà versés en considération du fait qu’aucun lien juridique n’existant entre des concubins homosexuels, il lui aurait été impossible de fournir un certificat de décès de son compagnon. Quant à la demande de retrait par le policier … des plaintes déposées, il a apporté une justification raisonnablement plausible selon laquelle il n’aurait pas seulement déposé une plainte dans le cadre du décès de son compagnon mais également en raison de l’agression sexuelle à caractère homophobe qu’il aurait subie. Il a expliqué de manière pertinente que les pressions visant à lui faire retirer sa plainte auraient en tout état de cause résulté du fait que l’administration russe serait gênée par son insistance à voir un crime et une agression sexuelles homophobes poursuivis. Quant à la prétendue la confusion soulevée par le ministre quant au prénom de son amie qui l’aurait hébergé, il a expliqué de manière plausible l’origine du prénom … utilisé en début d’audition comme étant le diminutif du prénom … auquel il aurait fait référence en fin d’audition. Quant à sa tentative de suicide, il a apporté de manière concluante des précisions sur le fait que n’ayant, en aucune manière, précisé au cours de son audition qu’il aurait suivi une thérapie mais ayant simplement indiqué en début d’entretien qu’il connaîtrait l’adresse du poste de police qui se trouverait dans la rue de son psychologue, le ministre aurait tiré des conclusions erronées en arguant une prétendue incohérence de son récit alors qu’il y a lieu de distinguer entre la consultation sporadique d’un psychologue et le fait de faire l’objet d’un suivi psychiatrique. Il y a ainsi lieu de retenir que le récit du demandeur est crédible dans sa globalité.
En l’espèce, il ressort des déclarations du demandeur telles qu’actées dans son rapport d’audition que les faits qui l’ont amené à quitter son pays d’origine se meuvent dans un contexte de crime et d’agression sexuelle à caractère homophobe, de menaces de mort et d’un emprisonnement arbitraire orchestré par les forces de police, de sorte à s’inscrire dans le cadre d’actes posés en relation avec un des critères définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir l’appartenance à un groupe social, et plus particulièrement en l’espèce, celui des homosexuels12.
Il appartient au tribunal à ce stade de vérifier si les conditions posées à l’article 42(1) de la loi du 18 décembre 2015 sont réunies en l’espèce, à savoir si les faits en question atteignent le seuil de gravité requis. Il échet de constater que la violence qui caractérise les faits et actes des policiers à l’encontre du demandeur et de son compagnon, prédécédé, ne laisse planer aucun doute sur le fait qu’ils sont, par définition, suffisamment graves pour tomber dans le champ d’application de l’article 42(1) sus-visé.
S’agissant d’actes ayant atteint le seuil de gravité requis, il y a lieu d’examiner si le demandeur a eu accès à une protection idoine des autorités nationales au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015.
Il est manifeste, en l’espèce, pour ne pas avoir été contesté par la partie gouvernementale que tant le demandeur que son compagnon, prédécédé, ont été victimes d’actes et de menaces d’une d’extrême violence de la part de policiers ou de personnes dont ils ont pu raisonnablement croire qu’ils étaient policiers et qui ont trouvé leur origine dans l’orientation sexuelle du demandeur et de feu son compagnon. Si tant le ministre que le délégué du gouvernement font certes référence à un rapport du « Immigration and Refugee Board of Canada » du 8 novembre 2011 selon lequel les citoyens auraient la possibilité de porter plainte contre la police auprès du Bureau du Procureur général, du Service fédéral de sécurité et du Département de la sécurité intérieure du ministère de l’Intérieur3, il n’en demeure pas moins qu’étant donné le caractère obsolète du document cité et qui n’a pas été actualisé par la partie gouvernementale nonobstant la demande afférente du tribunal au cours de l’audience des plaidoiries du 7 novembre 2016, le tribunal n’a pas été mis en mesure d’apprécier si les informations contenues dans ledit rapport sont toujours d’actualité au jour où il est amené à se prononcer. En effet, la situation de la communauté LGTB semble s’être trouvée modifiée après l’adoption par la Douma en 2013 d’une loi visant à pénaliser la propagande homosexuelle, de sorte qu’en l’absence de source idoine qui eût pu éclairer le tribunal sur les incidences concrètes sur le terrain de la mise en application de cette loi, force est au tribunal de constater qu’il ne s’est pas vu livré des informations pertinentes de la part de la partie étatique quant à l’existence après l’entrée en vigueur de ladite loi d’un recours effectif par un intéressé auprès du Bureau du Procureur général, du Service fédéral de sécurité et du Département de la sécurité intérieure du ministère de l’Intérieur pour le dépôt d’une plainte contre la police mêlée à une affaire à caractère homophobe.
Nonobstant ce qui précède, il y a lieu de relever que le demandeur est resté, quant à lui, en défaut de rapporter la preuve que suite à l’entrée en vigueur de ladite loi, un changement de régime se serait opéré qui aurait eu pour conséquence qu’une personne concernée n’aurait plus été en mesure d’introduire un recours contre un policier qui aurait été à l’origine d’une agression homophobe. Bien au contraire, le tribunal retient que le demandeur affirme lui-même « avoir porté [s]a plainte au Parquet », de sorte qu’il y échet de constater, que dans les faits, il n’y a pas lieu de remettre en cause, après l’entrée en vigueur de ladite loi, l’existence de la protection dont il est fait état dans le rapport du « Immigration and Refugee Board of Canada » du 8 novembre 2011, à savoir celle d’un recours effectif par 1 Article 43 (1) d) de la loi du 18 décembre 2015 2 Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 7 novembre 2013 dans les affaires jointes C-199/12, C-
200/12, C-201/12 X, Y, Z /Minister voor Immigratie en Asiel 3 http://www.refworld.org/docid/5072b32a2.html un intéressé auprès du Bureau du Procureur général, du Service fédéral de sécurité et du Département de la sécurité intérieure du ministère de l’Intérieur pour le dépôt d’une plainte contre la police mêlée à une affaire à caractère homophobe. Nonobstant ce qui précède, le demandeur fait valoir qu’il aurait décidé de fuir son pays d’origine au motif qu ’«[il] n’[aurait] reçu aucune information de la part du Parquet pendant trois mois », ce qu’il considère comme étant un élément constitutif de la volonté du Parquet « de clore l’affaire afin de ne pas enlourdir les statistiques de criminalité ». Force est au tribunal de constater qu’il ne saurait suivre l’argumentation du demandeur en l’espèce, étant donné que ce dernier a considéré que l’écoulement d’une période de trois mois pendant laquelle il n’aurait reçu aucune information du Parquet et à l’issue de laquelle il aurait décidé de quitter la Russie constituerait la preuve que le Parquet aurait décidé de clore l’affaire. Or, il échet de relever que l’instruction d’une affaire pénale est, d’une part, secrète et, d’autre part, nécessite la réalisation d’une enquête impliquant l’intervention de plusieurs services intéressés ce qui a pour conséquence qu’elle est amenée à perdurer dans le temps. Il s’ensuit que c’est à tort que le demandeur, qui n’a pas attendu l’écoulement d’un laps de temps suffisamment long - et qui a décidé de quitter la Russie après seulement trois mois - pour permettre au Parquet d’effectuer son travail, à l’instar de celui qui est fait dans les pays occidentaux réputés pour être dotés de structures policière et judiciaire efficaces, estime ne pas avoir pu bénéficier d’une protection idoine de la part des services du Parquet dans le cadre de sa plainte déposée à l’encontre des policiers qui seraient à l’origine des actes d’homophobie à son encontre. Il s’ensuit que le demandeur étant resté en défaut de prouver qu’il n’aurait pas pu avoir accès à une protection auprès des autorités nationales, c’est à juste titre que le ministre a refusé de faire droit à sa demande, les conditions d’octroi du statut du réfugié n’étant pas remplies en l’espèce.
A titre superfétatoire, il y a lieu pour le tribunal d’examiner la possibilité pour le demandeur de recourir à la fuite interne telle qu’elle est évoquée tant par le ministre que par le délégué du gouvernement.
L’article 41 (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « Dans le cadre de l’évaluation de la demande de protection internationale, le ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, a) il n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves; ou b) il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 40 et qu’il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse.
(2) Lorsqu’il examine si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté ou risque réellement de subir des atteintes graves, ou s’il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dans une partie du pays d’origine conformément au paragraphe (1), le ministre tient compte, au moment où il statue sur la demande, des conditions générales dans cette partie du pays et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 37. A cette fin, le ministre veille à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes, telles que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. ».
Une possibilité de fuite interne ne saurait être considérée comme donnée qu'au vu du respect d'une double condition consistant en l'absence dans une partie du pays d'origine de toute raison de craindre d'être persécuté, ni aucun risque réel de subir des atteintes graves, et en l'existence de raisons permettant au ministre d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays. Il appartient dès lors au ministre d'identifier une zone sûre, accessible tant en pratique que légalement pour le demandeur, pour ensuite, une fois cette zone dûment identifiée, procéder à l'examen de la protection disponible contre la persécution et examiner le caractère pertinent et raisonnable de l'alternative proposée en fonction du profil de la personne concernée, étant en tout état de cause souligné qu'il incombe au ministre, sinon de prouver positivement l'absence de tout risque, du moins d'examiner et d'énoncer de manière plausible pour quelles raisons il estime devoir et pouvoir, dans le contexte et pour les causes visées à 1'article 41 de la loi du 18 décembre 2015, refuser la protection internationale : le ministre ne peut pas s'emparer d'un défaut par le demandeur d'établir 1'impossibilité de la fuite interne, mettant ainsi la charge de la preuve du côté du demandeur d'asile4.
S’il est certes manifeste que le ministre excipa de l’existence d’une fuite interne pour le demandeur à Saint-Pétersbourg, il ressort des propos-mêmes de ce dernier dans le cadre de son audition qu’il envisagea de s’installer à Saint-Pétersbourg mais qu’il renonça à mettre son idée à exécution en raison du fait qu’il n’aurait pas pu y exercer son métier de journaliste et ce, nonobstant le fait qu’il admit cependant pouvoir y travailler en tant qu’homme de ménage, ce qui n’aurait néanmoins pas correspondu à son train de vie. Le demandeur indiqua encore dans le cadre de son audition qu’il aurait aussi pu vivre en Sibérie mais qu’il aurait voulu « encore profiter de sa vie » qu’il « [aurait] travaillé pendant quinze ans auprès de la télévision [et qu’] il [aurait] bien gagné sa vie ». A titre d’exemple, il mentionne que « le vélo qu’[il] aurait laissé à Moscou [aurait] coûté 10000€ (…) ».
Etant donné qu’il appert des affirmations mêmes du demandeur, que ce dernier confirme avoir eu tant l’intention que la possibilité de s’installer dans une ou plusieurs autres parties du territoire russe mais qu’il abandonna l’idée pour des raisons de confort personnel et de niveau de train de vie, le tribunal constate que le demandeur admettant implicitement mais nécessairement que dans certaines parties du territoire russe, il ne saurait faire valoir une crainte fondée d’être persécuté ou un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 41 (1) sus-visé, c’est partant, à juste titre, que le ministre a refusé de lui accorder le statut de réfugié.
A titre superfétatoire, le tribunal observe que si le demandeur renonça certes à son intention de s’installer à Saint-Pétersbourg en raison du fait qu’il n’aurait pas pu y exercer son métier de journaliste, la même constatation s’impose manifestement quant à sa situation au Luxembourg.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder au demandeur le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015 peut bénéficier de la protection subsidiaire :
« tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas 4 Trib. adm. 13 juillet 2009, n°25558 du rôle, Pas. adm 2016, V° Etrangers, n° 136 et les autres références y citées.
applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays (…) ».
L’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’articles 39 de cette même loi.
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Force est au tribunal de constater que si le demandeur ne fait manifestement pas état de ce qu’il risquerait, en cas de retour dans son pays d’origine, la peine de mort ou l’exécution telles que visées à l’article 48 (a) de la loi du 18 décembre 2015 ou encore des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 48 c) de la même loi, il n’en demeure pas moins que le tribunal a retenu plus en avant qu’en présence de faits pouvant être considérés comme atteignant un certain niveau de gravité, de sorte à être susceptibles de qualification d’atteintes graves au sens de l’article 48 (b) précité, à savoir celui de se voir exposé en cas de retour dans son pays d’origine à des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, il y a néanmoins lieu de constater que le demandeur dispose, de ses propres affirmations, de la possibilité de s’installer sur une ou plusieurs parties du territoire russe. Il s’ensuit que dès lors qu’il n’y a pas lieu de craindre que le demandeur se voie infliger un traitement inhumain ou dégradant en cas de retour dans son pays d’origine, c’est à juste titre que le ministre a refusé de lui octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé en ses deux volets.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, seul un tel recours a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Il y a lieu de relever que le dispositif de la requête introductive d’instance prévoit qu’un recours en annulation est dirigé contre le volet de la décision sus-visée. Si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d'observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit5.
Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2) précité de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visés les décision négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale du demandeur comme non justifiée, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle déférée portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié, partant, en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
au fond, le déclare non justifié, partant, en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, 5 Trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Recours en annulation n° 2 et les autres références y visées.
et lu à l’audience publique du 30 janvier 2017 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 janvier 2017 Le Greffier du Tribunal administratif 22