Tribunal administratif N° 37419 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2016 1re chambre Audience publique du 18 janvier 2017 Recours formé par la société civile à caractère commercial … S.C., …, contre deux décisions du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs, en matière d’aides agricoles
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37419 du rôle et déposée le 18 janvier 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian Biltgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société à caractère civil commercial … S.C., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son ou ses administrateurs actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs du 17 août 2015, fixant une réduction de 5 % de l’aide à l’investissement lui allouée en 2009, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 23 décembre 2015, intervenue suite à un recours gracieux introduit le 14 octobre 2015 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 mars 2016 pour le compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian Biltgen et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 décembre 2016.
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Il ressort du jugement du tribunal administratif rendu le 25 juin 2015, n°34948 du rôle, auquel renvoie la société civile à caractère commercial … S.C., ci-après désignée par « la société … », en ce qui concerne les faits et rétroactes à la base de l’affaire faisant l’objet du présent litige, qu’en date du 29 avril 2009, elle a introduit auprès du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural une demande d’aides aux investissements dans les exploitations agricoles sur le fondement de la loi modifiée du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural, ci-après désignée par « la loi du 18 avril 2008 », pour la construction d’une étable pour des espèces caprines, cette demande ayant été avisée favorablement par une décision ministérielle du 8 juillet 2009, ainsi que par une décision ministérielle du 24 septembre 2009, respectivement par une décision ministérielle du 19 mars 2010.
Par courrier du 21 mars 2014, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs, ci-après désigné par «le ministre», informa la société … de son intention de réduire, à hauteur de 20 %, les subventions accordées à cette dernière. Suite à un courrier de la société … du 3 avril 2014, dans lequel elle déclara s’opposer à la réduction projetée, le ministre, par décision du 11 juin 2014, retint une réduction des subventions accordées à celle-ci à hauteur de 20 %.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2014, inscrit sous le numéro 34948 du rôle, la société … fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 11 juin 2014.
Dans son jugement du 25 juin 2015, précité, le tribunal administratif releva que le ministre avait à bon droit pu retenir que la société demanderesse avait procédé à des investissements à hauteur d’un montant de ….- euros préalablement à l’obtention de l’agrément ministériel, de sorte à tomber dans le champ d’application de l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008 portant exécution du Titre I et du Titre II, chapitres 1er, 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 25 avril 2008 », et à être susceptible de voir l’aide à l’investissement lui allouée dans le cadre de son dossier de demande d’aides être réduite jusqu’à hauteur de 20 % de son montant total.
Il estima toutefois que, du fait que les investissements litigieux n’avaient porté que sur un montant de ….- euros et que la société demanderesse s’était vue appliquer le taux de pourcentage maximal de 20% prévu à l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, équivalent à une perte d’aides à l’investissement d’un montant de ….-
euros, soit plus du double du montant des investissements litigieux, il y avait lieu de retenir que la décision déférée du 11 juin 2014 était disproportionnée, dans la mesure où il ne se dégageait plus particulièrement pas des éléments du dossier administratif, ni des explications de la partie étatique, pour quelle raison les investissements litigieux avaient justifié une telle sanction, ni encore les paramètres qui avaient été pris en considération par le ministre pour fixer ledit montant.
Le tribunal annula, par conséquent, la décision ministérielle du 11 juin 2014 et renvoya le dossier en prosécution de cause devant le ministre.
En exécution du jugement du 25 juin 2015, précité, le ministre informa la société demanderesse par courrier daté du 17 août 2015 de ce qui suit :
« […] Faisant suite au jugement du Tribunal administratif du 25 juin 2015 (no 34.948 du rôle), et après réexamen de votre dossier, j’ai l’honneur de vous soumettre par la présente ma décision relative à la réduction de l’allocation de l’aide à l’investissement allouée quant à la construction d’une étable pour caprins.
Par une décision du 11 juin 2014, l’aide à l’investissement accordée en 2009 pour la construction avait été réduite de 20%, au motif que … s.c. avait commencé avec l’exécution des travaux relatifs à l’investissement avant de disposer de l’agrément ministériel.
L’article 1er, paragraphe 3 du règlement grand-ducal modifié du 25 avril 2008 portant exécution du Titre I et du Titre II, chapitres 1er, 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural, interdit aux exploitants agricoles bénéficiaires d’aides à l’investissement, de réaliser les travaux avant de disposer de l’agrément de la part du Ministre de l’Agriculture :
« Les investissements dans les biens visés au chapitre 2 et d’un coût supérieur au montant visé à l’article 7, paragraphe 1er, ne peuvent être exécutés avant l’agrément ministériel.
En cas d’inobservation de cette condition par le bénéficiaire, l’aide peut être réduite de 20%. […] ».
Dans leur jugement du 25 juin dernier, les juges ont retenu que « Dans la mesure où l’article 1er (3) du règlement grand-ducal du 25 avril 2008 ne retient qu’un taux de pourcentage de réduction des aides de 20% et confère au ministre l’opportunité d’appliquer ou non la prédite réduction, cette disposition réglementaire doit être interprété dans le sens qu’elle confère un pouvoir discrétionnaire au ministre de déterminer le quantum de la réduction qui peut aller jusqu’au pourcentage maximal de 20% », et que « la partie étatique pouvait, à juste titre et tel que cela ressort des pièces soumis à appréciation du tribunal, chiffrer les dépenses litigieuses de la demanderesse portant sur des matériaux de construction traditionnelle tels que du sable, du fer pour armatures, des tuyaux, ainsi que sur du béton au montant de … € ».
Ils ont conclu que le ministre a, à bon droit, pu retenir que la demanderesse avait procédé à des investissements d’un montant de ….- euros préalablement à l’obtention de l’agrément ministériel du 8 juillet 2009, de sorte à tomber dans le champ d’application de l’article 1er (3) du règlement grand-ducal du 25 avril 2008 et à être susceptible de voir ses aides à l’investissement être réduites à hauteur de 20 % de leur montant total.
Au regard du fait que les investissements litigieux ne portaient cependant que sur un montant de ….- euros, dont le paiement ne pouvait pas être considéré comme ne pouvant être financé par la société demanderesse sans obtention d’une aide étatique, et que la société demanderesse s’était vue appliquer le taux de pourcentage maximal de 20% prévu à l’article 1er (3) du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, équivalent à une perte d’aides à l’investissement d’un montant de ….- euros, soit plus du double du montant des investissements litigieux, il y avait lieu de retenir que la décision déférée du 11 juin 2014 était disproportionnée, dans la mesure où il ne se dégagerait pas des éléments du dossier administratif, ni des explications de la partie étatique, la raison pour laquelle les investissements litigieux auraient justifié une telle sanction, ni encore les paramètres qui auraient été pris en considération par le ministre pour fixer ledit montant. » Afin de prendre en compte des considérations du tribunal, je tiens à vous informer que la réduction de l’aide, prononcée en application de l’article 1er, paragraphe 3 du règlement grand-ducal modifié du 25 avril 2008 précité, est réduite à 5% du montant de l’aide initialement allouée.
Le montant de l’aide initialement accordé, en application de l’article 3 de la loi agraire du 18 avril 2008, de … €, est par conséquent réduit de … €. Au vu de la somme de … €, cette réduction est proportionnée par rapport au montant des dépenses litigieuses, soit … €. […] » Par courrier de son litismandataire du 14 octobre 2015, la société demanderesse fit introduire un recours gracieux contre la décision ministérielle précitée. Ce recours est libellé comme suit :
« […] Je fais suite au jugement du 25 juin 2015, rôle 34948, du Tribunal Administratif et à votre décision non datée parvenue à ma mandante le 17 août 2015.
Ma mandante me charge par la présente d’introduire un recours gracieux à l’encontre de votre décision du 17 août 2015.
Vous n’appliquez toujours pas les données concrètes du cas d’espèce à vos calculs de réduction. J’estime qu’il y a lieu de suivre les mêmes calculs ayant conduit à la détermination des aides, mais limités au montant des travaux ayant été effectués avant l’accord des subventions.
C’est en ce sens qu’il y a lieu d’interpréter à mon avis l’alinéa relatif aux « paramètres qui ont été pris en considération par le ministre ».
A titre indicatif, je propose le calcul qui suit :
Ma mandante a bénéficié du taux de subventionnement de 55% (taux de base 45 % + 10% jeunes agriculteurs).
A appliquer le principe de proportionnalité au montant des travaux exécutés avant l’autorisation (55 % x ….- €=), on obtient une somme de ….- € à titre d’aides.
Comme les travaux ont été exécutés par ma mandante en personne, ce montant est à multiplier par 1,4 = ….- €.
Sur ce montant, est à appliquer ensuite le coefficient de réduction variant entre 0 à 20 %.
A appliquer le taux maximal de 20 %, on se situerait dès lors à ….- € de réduction maximale d’aides.
A appliquer le taux proposé de votre part de 5 % (au vu de la faible gravité du dépassement), on obtiendrait un montant de ….- €.
Au vu du principe de l’unicité de la faute, l’annulation de votre décision illicite initiale équivaut à une faute de la part de l’Etat. Ma partie pourrait donc agir en répétition des honoraires d’avocat pour l’instance devant le tribunal administratif.
Mes honoraires se situent largement au-dessus des montants précités, de sorte que je propose comme arrangement que les parties se quittent mutuellement libres de toute obligation, aucune partie n’ayant plus de revendication l’une à l’égard de l’autre du chef de cette instance et des faits à sa base.
Je vous prie de bien vouloir m’informer quelles suites vous entendez donner au présent recours gracieux. […]. » Par décision du 23 décembre 2015, le ministre confirma sa position initiale dans les termes suivants :
« […] Par lettre du 14 octobre 2015, vous introduisez un recours gracieux au nom de la société … à l’encontre de la décision du 17 août 2015 et vous contestez la méthode de calcul qui a été appliquée pour déterminer la réduction de l’aide de la société ….
Je dois néanmoins vous informer qu’aucune autre méthode de calcul ne peut être appliquée car elle est prévue au règlement grand-ducal modifié du 25 avril 2008 portant exécution du Titre I et du Titre II, chapitres 1er, 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural. Cette méthode de calcul a même été confirmée par jugement du 25 juin 2015, rôle 34948 du Tribunal administratif.
Par conséquent, je me trouve dans l’obligation de confirmer la décision du 17 août 2015. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 janvier 2016, la société … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 17 août 2015, ainsi que de la décision ministérielle confirmative prise sur recours gracieux du 23 décembre 2015.
Dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit un recours en réformation en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être valablement dirigé contre les décisions ministérielles litigieuses, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, la société demanderesse renvoie, tel que relevé ci-
avant, aux faits et rétroactes tels que résultant du jugement du tribunal administratif du 25 juin 2015, portant le numéro 34948 du rôle.
En droit, la société demanderesse fait valoir que ni l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, ni aucune autre disposition réglementaire ne fixerait le calcul proportionnel de la réduction dont pourrait être grevée l’aide allouée aux agriculteurs dans le cadre de la loi du 18 avril 2008.
Elle donne toutefois à considérer qu’afin de respecter le principe de proportionnalité qui aurait été dégagé dans le jugement du tribunal administratif du 25 juin 2015, précité, elle aurait suggéré dans son recours gracieux qu’il soit recouru à une méthode de calcul spécifique sur base de laquelle l’application du taux de réduction de 5 % proposé par le ministre aboutirait à porter le montant de la réduction à ….- euros.
La méthode de calcul qu’elle proposerait, en ce qu’elle tiendrait notamment compte du taux de subventionnement dont a bénéficié l’exploitant agricole et de la proportion des travaux que celui-ci a effectués lui-même, serait la même que celle sur base de laquelle serait déterminé le montant de l’aide à allouer.
Il serait, en effet, incongru et disproportionné de penser que la réduction de l’aide pourrait se passer du même cheminement que celui employé pour l’octroi de l’aide et ainsi simplement consister à appliquer un pourcentage fixe à la totalité du montant de l’aide, sans avoir égard à l’ampleur des travaux réellement effectués avant la décision de subventionnement.
Ce ne serait pas parce que le montant de ….- euros retenu par le ministre à titre de réduction, correspondant à 5 % de la totalité de l’aide lui versée, serait inférieur au montant des travaux effectués avant l’agrément ministériel que le principe de proportionnalité aurait cette fois-ci été respecté.
En procédant de la sorte, le ministre sanctionnerait au contraire un montant subventionné de ….- euros, - ce chiffre étant obtenu, suivant les calculs de la société demanderesse, en appliquant au montant des travaux exécutés avant l’autorisation ministérielle, soit à la somme de ….- euros, le taux de subventionnement de 55 % dont elle a bénéficié, tout en multipliant le résultat ainsi obtenu, à savoir la somme de ….- euros, par le coefficient de 1,4, du fait qu’elle a exécuté elle-même les travaux réalisés avant l’agrément -
par une peine et une réduction de l’aide correspondante à hauteur de 82,25 %, soit presque l’intégralité de l’aide pour les travaux effectués avant l’agrément.
La société demanderesse estime dès lors qu’en refusant d’opérer le calcul tel que suggéré par elle, le ministre commettrait à tout le moins une erreur manifeste d’appréciation, alors qu’à travers le jugement précité du 25 juin 2015, le tribunal aurait précisément reproché à la décision ministérielle antérieure d’avoir été prise sans qu’il ne se soit dégagé des éléments du dossier administratif, ni des explications fournies par la partie étatique pour quelle raison les investissements litigieux avaient justifié une telle sanction, ni les paramètres qui avaient été pris en considération par le ministre pour fixer ledit montant.
Ainsi, une simple fixation approximative de la réduction à 5 % de l’aide ne permettrait pas non plus de connaître les éléments ayant justifié le recours à une telle sanction, ni les paramètres sur base desquels le ministre aurait fixé le montant de la réduction.
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Elle fait, en substance, valoir que le recours sous analyse ne viserait qu’à définir un nouveau mode de calcul qui réduirait non seulement considérablement l’assiette de l’article 1er, paragraphe (3), alinéa (2), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, mais qui mettrait également à néant l’effet dissuasif de cette prescription réglementaire qui aurait comme but d’éviter que les exploitants agricoles n’engagent des frais importants avant l’octroi de l’agrément ministériel sans pouvoir les honorer en cas de refus de l’aide.
La partie étatique estime ensuite que la réduction de ….- euros retenue par le ministre serait largement inférieure au montant des travaux effectués avant l’agrément et évalués à ….- euros, de sorte à respecter le principe de proportionnalité. A cela s’ajouterait qu’en appliquant au cas d’espèce un taux de réduction inférieur à 5 %, la disposition réglementaire perdrait nécessairement son caractère dissuasif.
La partie étatique donne également à considérer que les décisions litigieuses apprécieraient correctement les faits de l’espèce. En effet, la société demanderesse aurait commencé avec l’exécution des travaux relatifs à l’investissement litigieux avant de disposer de l’agrément ministériel. Or, l’aide pourrait être réduite de 20 % si les investissements visés au chapitre 2 du règlement grand-ducal du 25 avril 2008 sont exécutés avant cet agrément ministériel. Dans sa décision du 17 août 2015, le ministre aurait, par ailleurs, fait référence au jugement du tribunal administratif du 25 juin 2015, précité, en en citant des passages entiers, pour ensuite diminuer considérablement le taux de réduction de l’aide à 5 %. Le ministre aurait également pris en compte les circonstances propres de l’espèce, de sorte à ne pas avoir versé dans l’arbitraire en outrepassant la finalité du texte réglementaire, ni en abusant de son pouvoir d’appréciation ou encore en commettant une erreur manifeste d’appréciation.
Il est constant en cause que par décisions ministérielles du 8 juillet 2009, du 24 septembre 2009 et du 19 mars 2010, la société demanderesse s’est vue allouer, en application de l’article 3 de la loi du 18 avril 2008, une aide à l’investissement en relation avec la construction d’une étable pour des espèces caprines. Il ressort plus particulièrement de la décision ministérielle du 17 août 2015, que le montant total de l’aide ainsi accordée s’est élevé au montant de ….- euros, montant qui n’est pas contesté par la société demanderesse.
Par décision du 11 juin 2014, le ministre a toutefois décidé de réduire le montant de la subvention ainsi accordée de 20 %, soit d’un montant de ….- euros, au motif que la société demanderesse avait procédé à des investissements d’un montant de …..- euros préalablement à l’obtention de l’agrément ministériel.
Tel que relevé ci-avant, dans son jugement du 25 juin 2015, le tribunal, après avoir constaté que c’était à bon droit que le ministre avait retenu que la société demanderesse avait procédé à des investissements à hauteur de ….- euros préalablement à l’agrément ministériel et que ces investissements tombaient dans le champ d’application de l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, de sorte que la société demanderesse était de ce fait susceptible de voir son aide à l’investissement réduite de 20% de son montant total, a toutefois estimé que, dans la mesure où, d’un côté, les investissements litigieux n’avaient porté que sur un montant de ….- euros et que la société demanderesse s’était vue appliquer le taux de pourcentage maximal de 20 % prévu à l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, équivalent à une perte de l’aide à l’investissement d’un montant de ….- euros, soit plus du double du montant des investissement litigieux, et que, de l’autre côté, il ne s’était pas dégagé des éléments du dossier administratif, ni des explications de la partie étatique pour quelle raison les investissements litigieux avaient justifié une telle sanction, ni les paramètres ayant été pris en compte par le ministre pour fixer ledit montant, la décision ministérielle du 11 juin 2014 devait être considérée comme étant disproportionnée.
Suite à ce jugement, le ministre a pris une nouvelle décision dans laquelle, tout en se référant à la motivation dudit jugement, il a réduit le montant total de l’aide initialement allouée à la société demanderesse de 5%, soit d’un montant de ….- euros.
Le tribunal est amené à constater que, par le biais du recours sous analyse, la société demanderesse ne conteste ni le montant total de l’aide lui octroyée, à savoir le montant de …,- euros, ni le montant de ….- euros auquel se sont élevés les investissements effectués avant l’agrément ministériel, ni la décision du ministre d’appliquer à présent un taux de réduction de 5% sur le fondement de l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, mais conteste exclusivement la méthode de calcul retenue pour déterminer le montant de l’aide soumise à cette réduction. En effet, elle estime que le seul moyen pour garantir que la réduction de l’aide lui accordée n’ait pas un caractère disproportionné consisterait à appliquer les mêmes calculs que ceux ayant conduit à la détermination du montant de l’aide lui allouée et non pas à appliquer simplement un pourcentage fixe sur la totalité du montant de l’aide, sans avoir égard à l’ampleur des travaux réellement effectués avant la décision de subventionnement.
Il y a, à cet égard, lieu de relever qu’aux termes de l’article 1er du règlement grand-
ducal du 25 avril 2008, « (1) Les aides à l’investissement prévues au présent règlement sont versées à partir de la décision du membre du Gouvernement ayant l’Agriculture, la Viticulture et le Développement rural dans ses attributions, ci-après désigné « le ministre », constatant l’achèvement et arrêtant le coût des investissements auxquels ces aides se rapportent.
Au cas où ces aides ne sont pas versées six mois après la décision ministérielle prévue à l’alinéa 1er, des intérêts moratoires sont dus. Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d’intérêt mis en compte à ses clients, par la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, pour les prêts hypothécaires.
(2) Par dérogation aux dispositions du paragraphe 1er, des avances peuvent être accordées par le ministre au cours de la réalisation d’investissements immobiliers dans le cadre du chapitre 2 et d’un coût supérieur à celui fixé à l’article 7, paragraphe 1er, à condition que le bénéficiaire présente des factures pour un montant au moins égal à la moitié de ce coût.
(3) Les investissements dans les biens visés au chapitre 2 et d’un coût supérieur au montant visé à l’article 7, paragraphe 1er, ne peuvent être exécutés avant l’agrément ministériel.
En cas d’inobservation de cette obligation par le bénéficiaire, l’aide peut être réduite de 20%. La présente disposition ne s’applique pas aux investissements réalisés depuis le 1er janvier 2007 jusqu’au sixième mois compris à partir de l’entrée en vigueur de la loi du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural.
(4) Des intérêts moratoires sont alloués pour les aides relatives à des investissements dans les immeubles bâtis, les machines et les équipements dont la date de réalisation au sens de l’article 17, paragraphe 9, se situe avant l’entrée en vigueur de la loi précitée du 18 avril 2008.
Ces intérêts commencent à courir deux mois après la date d’établissement de la dernière facture relative à un investissement et sont dus jusqu’à la date de la décision du ministre constatant l’achèvement et arrêtant le coût des investissements servant de base de calcul des aides, à condition que la demande dûment complétée ait été introduite au plus tard jusqu’au 30 juin 2008. Si tel n’est pas le cas, la durée prise en compte pour le calcul des intérêts moratoires est diminuée de la durée correspondant au retard de l’introduction de la demande.
Le taux des intérêts moratoires est fixé à 3,5%. » L’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, en ne retenant qu’un taux de pourcentage de réduction de l’aide de 20 % pouvant être appliqué par le ministre à l’exploitant agricole ayant procédé à des investissements avant d’avoir obtenu l’agrément ministériel, confère ainsi au ministre le pouvoir de décider d’appliquer ou non cette réduction. Lorsqu’il décide de l’appliquer, cette disposition réglementaire donne au ministre un pouvoir discrétionnaire de déterminer le quantum de la réduction qui peut aller jusqu’au pourcentage maximal de 20%.
La disposition règlementaire prévisée permet ainsi au ministre de moduler le montant de la sanction selon le comportement, la gravité des faits, leur fréquence etc., le tout sur la toile de fond que la réduction ainsi prévue vise à garantir le caractère dissuasif de l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008. C’est également sur base de ces considérations que le tribunal a retenu dans son jugement du 25 juin 2015 que lorsque le ministre décide d’appliquer cette réduction, il doit notamment indiquer les raisons pour lesquelles les investissements litigieux justifient la sanction retenue, respectivement les paramètres qui sont pris en considération pour fixer le montant de la réduction, cette obligation de justification étant d’ailleurs nécessairement renforcée lorsqu’il décide d’appliquer immédiatement le taux de réduction maximal.
Contrairement à ce que suggère la société demanderesse, l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008 ne prévoit toutefois pas la possibilité de prendre comme base de calcul pour la réduction y visée le montant de l’aide correspondant proportionnellement aux seuls travaux réellement exécutés avant l’agrément ministériel, montant qui serait lui-même à calculer en tenant compte du taux de subventionnement dont a bénéficié l’exploitant agricole.
L’article 1er, paragraphe (3), n’est, en effet, pas sujet à interprétation en ce qui concerne l’aide sujette à la réduction y visée, dans la mesure où, tel que l’a déjà retenu le tribunal dans la motivation de son jugement du 25 juin 2015, l’article 1er, paragraphe (3), précité, est à lire dans le sens qu’il retient, de manière générale, une perte de 20 % de l’aide accordée, qui doit être interprétée comme correspondant à 20% du montant total de l’aide allouée dans le cadre d’un dossier de demande d’aide, et ce, afin de garantir le caractère dissuasif de cette disposition réglementaire dont l’objet non contesté est d’éviter que les exploitants agricoles n’engagent des frais importants avant l’octroi de l’agrément ministériel, frais qu’ils ne sauraient honorer en cas de refus des aides allouées. Admettre, tel que le suggère la société demanderesse, la possibilité de calculer la réduction par rapport au seul montant de l’aide correspondant proportionnellement aux travaux réellement exécutés avant la décision de subventionnement reviendrait en tout état de cause à mettre à néant le caractère dissuasif de cette disposition règlementaire.
Etant donné que le tribunal se trouve en l’espèce devant un texte réglementaire clair et précis, il ne lui appartient en tout état de cause pas d’insérer des distinctions qui n’y figurent pas1.
La décision ministérielle litigieuse n’encourt dès lors aucune critique en ce qu’elle a pris comme base de calcul pour appliquer la réduction prévue à l’article 1er, paragraphe (3), 1 Trib. adm. 9 octobre 2006, n° 21224 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Lois et règlements, n° 98 et les autres références y citées.
précité, le montant total de l’aide initialement accordée à la société demanderesse en application de l’article 3 de la loi du 18 avril 2008, montant dont il n’est pas contesté qu’il s’est élevé à ….- euros.
A titre superfétatoire et encore que le taux de réduction retenu de 5% ne fasse en lui-
même pas l’objet de contestations, le tribunal est amené à retenir qu’en ce qui concerne ledit taux, le ministre, tout en se référant à la motivation du jugement précité du 25 juin 2015, indique que ce taux est appliqué au montant de ….- euros alloué à la société demanderesse en 2009 à titre d’aide à l’investissement et explique que le montant de la réduction ainsi retenue, à savoir la somme de ….- euros, lui apparaît comme étant proportionnée non seulement par rapport au montant total de l’aide allouée, mais également par rapport au montant des dépenses effectuées avant l’agrément ministériel et s’élevant à ….- euros. La partie étatique a, quant à elle, précisé dans le cadre de la procédure contentieuse, que l’application d’un coefficient de réduction de 5% du montant total de l’aide, au lieu d’un coefficient de 20% respecterait le critère de proportionnalité, dans la mesure où la société demanderesse ne se serait vue appliquer qu’un vingtième de réduction sur le montant total de l’aide allouée, tout en mettant en avant que le fait d’appliquer un taux inférieur à 5% dans le cas d’espèce aurait eu comme conséquence que la disposition réglementaire concernée perdrait son caractère dissuasif. Le ministre, respectivement la partie étatique, ont donc non seulement fourni une justification à la base de la sanction retenue, à savoir celle que compte tenu des sommes en cause, l’application d’un taux inférieur à 5% ne permettrait pas de dissuader l’exploitant agricole d’engager à l’avenir, avant l’octroi de l’agrément ministériel, des frais importants que celui-ci ne saurait honorer en cas de refus des aides allouées, mais également les montants qui ont été concrètement pris en compte pour fixer le montant de la réduction.
Il y a ensuite lieu de relever que si la vérification à laquelle le tribunal, statuant dans le cadre d’un recours en annulation, est amené à se livrer peut certes s’étendre, le cas échéant, au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, cette possibilité est cependant limitée aux cas où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l'autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité, sans que le contrôle juridictionnel ne puisse aboutir à priver l'autorité administrative de son pouvoir d'appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu'il lui incombe de prendre, lorsque celle-ci est par ailleurs légale, étant entendu que ce pouvoir d'appréciation doit rester suffisamment large pour permettre à l'autorité administrative d'exprimer un degré de sévérité ou de clémence variable en fonction de la nature et de la gravité des faits2.
Dans la mesure où, d’un côté, ni le montant total de l’aide allouée, ni celui des dépenses effectuées avant l’agrément ministériel ne sont contestés, et que, de l’autre côté, l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008 confère au ministre l’opportunité de réduire jusqu’à hauteur de 20% l’aide allouée lorsque, comme en l’espèce, des investissements, pour lesquels une aide a été sollicitée, ont été exécutés en tout ou en partie, avant l’obtention de l’agrément ministériel accordant l’aide demandée, il y a lieu de retenir qu’effectivement, sous peine de réduire à néant l’effet dissuasif de l’article 1er, paragraphe (3), du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, le ministre n’a pas dépassé sa marge d’appréciation en réduisant le montant total de l’aide allouée de 5 %, soit à hauteur 2 Cour adm. 6 mai 2010 n°26515C du rôle, Pas adm. 2016, V° Recours en annulation, n°45 et les autres références y citées.
d’un montant de ….- euros, qui est, par ailleurs, proportionné tant par rapport au montant total de l’aide que par rapport au montant des investissements litigieux.
Au vu des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le recours doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.
La société demanderesse sollicite finalement l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros sur base de l’article 33 de la loi modifié du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qui est toutefois à rejeter au vu de l’issue du présent litige.
Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande en indemnité de procédure formulée par la société demanderesse ;
condamne la société demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Annick Braun, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Alexandra Castegnaro, premier juge, et lu à l’audience publique du 18 janvier 2017 par le vice-président en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18/01/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 11