Tribunal administratif N° 35941 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2015 2e chambre Audience publique du 12 janvier 2017 Recours formé par Monsieur ….. et consorts, …. et …., contre une décision de l’administration du Cadastre et de la Topographie en présence de la société anonyme …..
en matière de division cadastrale
JUGEMENT
Vu la requête déposée le 3 mars 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., agriculteur, de Monsieur ….. ….., agriculteur et de Madame ….., demeurant tous à L-…., ainsi que de Monsieur ….., agriculteur et de Monsieur ….., demeurant tous les deux à L-…., tendant à l’annulation d’une « décision de l’Etat, respectivement de la ….., ou de tout autre personne inconnue, ayant procédé à une date inconnue, à un morcellement respectivement une division cadastrale des parcelles n° ….., ….., ….. et …..
section HoE Merl Sud et section A de Leudelange dans le cadre de l’expropriation en vue de la réalisation de travaux de la mise à double voie ferroviaire de Pétange à Luxembourg » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick Muller, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 4 mars 2015, portant signification de ce recours à la société anonyme ….., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à L-….
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2015 par Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 7 mai 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian Jungers, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de la société anonyme ….., lequel mémoire fut notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires de Monsieur ….. et consorts et de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 2 juin 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick Kinsch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, lequel mémoire fut notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires de Monsieur ….. et consorts et de la société anonyme ….. ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2015 par Maître Georges Krieger au nom de Monsieur ….. et consorts lequel mémoire fut notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires de la société anonyme ….. et de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2015 au nom de la société anonyme ….., lequel mémoire fut notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires de Monsieur ….. et consorts et de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique déposé le 10 août 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick Kinsch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, lequel mémoire fut notifié en date du 2 juillet 2015 par acte d’avocat à avocat aux mandataires de Monsieur ….. et consorts et de la société anonyme ….. ;
Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Maxime Florimond en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Brice Olinger en remplacement de Maître Patrick Kinsch et Maître Henry De Ron assisté de Maître Mélanie Trienbach en remplacement de Maître Christian Jungers en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er février 2016 ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Sébastien Couvreur en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Brice Olinger en remplacement de Maître Patrick Kinsch et Maître Henry De Ron assisté de Maître Mélanie Trienbach en remplacement de Maître Christian Jungers en leurs explications orales à la réunion en chambre du conseil du 26 mai 2016 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 30 mai 2016 invitant les parties en cause à déposer chacun un mémoire supplémentaire pour répondre à différentes questions et fixant l’affaire à l’audience publique du 21 novembre 2016 pour continuation des débats ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé le 29 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick Kinsch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, lequel mémoire fut notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires de Monsieur ….. et consorts et de la société anonyme ….. ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé le 24 août 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian Jungers, au nom de la société anonyme ….., lequel mémoire fut notifié en date du 19 août 2016 par acte d’avocat à avocat aux mandataires de Monsieur ….. et consorts et de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2016 par Maître Georges Krieger au nom de Monsieur ….. et consorts ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Brice Olinger en remplacement de Maître Patrick Kinsch et Maître Henry De Ron en remplacement de Maître Christian Jungers en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 novembre 2016.
Par requête, déposée le 3 mars 2015 au greffe du tribunal administratif, Monsieur ….., Monsieur ….. ….., Madame ….., Monsieur ….. et Monsieur ….., désignés ci-après par « les consorts ….. », propriétaires- respectivement locataire fermier en ce qui concerne Monsieur …..- des parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section HoE de Merl-Sud, sous les numéros ….. (anciennement …..), ….. (anciennement …..), ….. (anciennement …..), …..
(anciennement …..), ainsi que des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Leudelange, section A, sous les numéros ….. (anciennement …..) et ….. (anciennement …..) ont introduit un recours tendant à l'annulation d’une « décision de l’Etat, respectivement de la ….., ou de tout autre personne inconnue, ayant procédé à une date inconnue, à un morcellement respectivement une division cadastrale des parcelles n° ….., ….., ….. et ….. section HoE Merl Sud et section A de Leudelange dans le cadre de l’expropriation en vue de la réalisation de travaux de la mise à double voie ferroviaire de Pétange à Luxembourg ».
Avant même d’aborder la question de la recevabilité et du bien-fondé du recours il convient d’examiner la demande de la société anonyme ….., désignée ci-après par la « société anonyme ….. », formulée dans le cadre de son mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2015 et tendant à faire déclarer forclos les demandeurs à déposer un mémoire en réplique.
Les demandeurs répondent que la société ….. aurait essayé de court-circuiter leurs droits de la défense en ayant déposé un mémoire en duplique avant même l’écoulement du délai leur imparti pour répliquer. Ils affirment ainsi qu’en présence de plusieurs parties appelées à déposer un mémoire en réponse, le délai pour déposer le mémoire en réplique ne commencerait à courir qu’à compter du dépôt du dernier mémoire en réponse. Le mémoire en réponse de la partie étatique ayant été déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2015, leur mémoire en réplique déposé le 29 juin 2015 aurait été déposé dans les délais légaux. En revanche, le mémoire en duplique de la société anonyme ….. serait irrecevable, puisqu’il aurait été déposé avant même le dépôt du mémoire en réplique.
La partie étatique ne s’est pas prononcée sur la problématique de la recevabilité des mémoires en réplique, respectivement en duplique des demandeurs et de la société anonyme …… Il échet à cet égard de constater qu’aux termes de l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-
après par « la loi du 21 juin 1999 »: « (…) (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.
(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre. (…) » Par ailleurs, les demandeurs affirment à juste titre qu’en présence de plusieurs parties admises à fournir une réponse, le délai pour répliquer court en principe à partir du dernier dépôt, sinon de la dernière communication des mémoires en réponse fournis1.
En l’espèce, deux parties étaient appelées à déposer un mémoire en réponse, à savoir la société anonyme ….. et l’Etat. Le mémoire en réponse de la partie étatique ayant été déposé 1 trib. adm. 12 juin 2002, n°13063 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 751 et autres références y citées.de manière subséquente à celui de la société anonyme ….., en date du 2 juin 2015 – ainsi, endéans le délai prévu à l’article 5 (1) de la loi du 21 juin 1999 - le délai pour déposer le mémoire en réplique a commencé à courir le 2 juin 2015 pour expirer le 2 juillet 2015, en application de l’article 5 (5) précité de la loi du 21 juin 1999. Le mémoire en réplique déposé par les des demandeurs en date du 29 juin 2015 a partant été déposé dans le délai légal, de sorte qu’il n’est pas à écarter des débats et que la demande afférente est à rejeter.
En ce qui concerne par ailleurs l’argumentation des demandeurs selon laquelle le mémoire en duplique de la part de la société anonyme ….. serait à déclarer irrecevable au motif qu’il aurait été déposé avant même le dépôt du mémoire en réplique, il échet de constater que l'article 5 (5) de la loi du 21 juin 1999 admet la partie défenderesse et le tiers intéressé à dupliquer dans le mois de la communication de la réplique. La duplique qui ne constitue partant qu'une réponse à la réplique, tire sa raison d’être du mémoire en réplique, de sorte que le mémoire en duplique est à écarter des débats dans l'hypothèse d'un dépôt au greffe du tribunal administratif préalable à celui du mémoire en réplique2. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter des débats le mémoire en duplique déposé par la société anonyme ….. au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2015.
Quant à la recevabilité du recours Quant au moyen tiré du libellé obscur de la requête introductive d’instance La société anonyme ….. soulève l’irrecevabilité du recours pour être libellé de manière obscure. Ainsi, la formulation de la requête introductive d’instance prêterait à confusion, en ce que, d’une part, elle ne permettrait pas de dégager la décision administrative attaquée puisqu’elle mentionnerait un arrêté grand-ducal du 12 septembre 2013, ainsi qu’un arrêté grand-ducal signifié aux demandeurs le 16 janvier 2015 et, d’autre part, elle se référerait à des « mesurages des parcelles », à « l’implantation de bornes », à une « division », au fait que « ces parcelles auraient été remodelées », à la circonstance que « de nouveau numéros cadastraux auraient été attribués aux nouvelles parcelles ainsi créées » ou encore à un « morcellement ». La société anonyme ….. affirme, en substance, avoir pu déterminer l’objet du recours sous examen uniquement grâce aux informations contenues dans le cadre d’un autre recours contentieux introduit devant le tribunal administratif et inscrit sous le numéro 35832 du rôle, de sorte qu’il y aurait eu atteinte effective à ses droits, puisque sa défense au fond aurait été rendue excessivement difficile par l’absence de l’indication de l’objet du recours.
Les demandeurs réfutent le moyen de l’irrecevabilité pour libellé obscur en argumentant que la société anonyme ….. aurait parfaitement cerné l’objet du recours sous examen puisqu’elle aurait pu formuler une réponse aux arguments soulevés dans le cadre de la requête introductive d’instance.
Aux termes de l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999 : « La requête, qui porte date, contient :
- les noms, prénoms et domicile du requérant, - la désignation de la décision contre laquelle le recours est dirigé, - l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, - l’objet de la demande, et 2 en ce sens : trib. adm. 12 juin 2002, n°13063 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 759 et autres références y citées.- le relevé des pièces dont le requérant entend se servir ».
Si en règle générale, l’exception de libellé obscur admise se résout par l’irrecevabilité de la requête introductive d’instance ne répondant pas aux exigences fixées par l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999, il convient encore de prendre en considération l’article 29 de la même loi, aux termes duquel : « L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».
En l’espèce, force est au tribunal de constater que si la requête introductive d’instance ne fait, en effet, pas expressément référence à la décision déférée, cette circonstance, d’une part, résulte du fait qu’il est constant en cause qu’aucune décision explicite relative à un morcellement ou une division cadastrale de parcelles n’a été signifiée aux demandeurs et, d’autre part, n’a pas empêché la société anonyme ….. de préparer utilement sa défense, dans la mesure où elle a déposé un mémoire en réponse ainsi qu’un mémoire en duplique sans se méprendre sur l’acte attaqué et, de surplus, en prenant position de manière détaillée par rapport aux différents moyens soulevés par les demandeurs. Il s’ensuit qu’aucune atteinte effective aux droits de la défense au sens de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 ne peut être constatée et que le moyen d’irrecevabilité du recours pour libellé obscur de la requête introductive d’instance est à rejeter.
Quant au caractère décisionnel de l’acte déféré En l’absence d’une disposition légale prévoyant un recours au fond en matière de morcellement, respectivement de division cadastrale, le tribunal ne peut être saisi que d’un recours de droit commun en annulation en cette matière. Or, la recevabilité d’un recours en annulation présuppose l’existence d’une décision administrative.
A cet égard, la société anonyme ….. soulève l’irrecevabilité du recours sous examen au motif qu’il ne serait pas dirigé contre une décision administrative. Elle se réfère à cet égard à l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », selon lequel un acte administratif serait subordonné à trois conditions pour constituer une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. Ainsi, l’acte devrait être constitutif d’une décision unilatérale, il devrait émaner d’une autorité administrative et il devrait causer grief à l’administré. Selon la société anonyme ….. aucune de ces trois conditions ne serait remplie en l’espèce. En effet, premièrement, si une décision de morcellement ou de division cadastrale peut in abstracto être constitutive d’une manifestation unilatérale de volonté, aucune manifestation unilatérale de volonté ne serait établie en l’espèce, deuxièmement, les demandeurs resteraient en défaut de prouver que l’Etat ou la société anonyme ….. auraient pris une quelconque décision de morcellement ou de division cadastrale et, enfin, troisièmement, l’acte administratif attaqué en l’espèce ne constituerait pas une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, mais un simple acte préparatoire.
Les demandeurs soulèvent une contradiction entre l’argumentation de la société anonyme ….., suivant laquelle l’acte déféré ne constituerait pas une décision administrative et celle de l’Etat suivant laquelle il s’agirait bien d’une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux aux termes de l’article 13 de la loi du 21 juin 1999.
Ils exposent ensuite que l’acte attaqué constituerait une manifestation unilatérale de volonté, produisant des effets de droit, émanant d’une administration, qu’il leur aurait été difficile de qualifier pour la seule raison que cet acte ne leur aurait pas été notifié. Enfin, il ne s’agirait pas d’un simple acte préparatoire, mais d’un acte créant des effets de droit définitifs, alors qu’en l’absence d’expropriation ultérieure, la division cadastrale subsisterait.
Sans prendre position concrètement sur la question de la recevabilité du recours sous examen et plus particulièrement sur la qualification d’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux ou non, l’Etat affirme néanmoins dans le cadre de son mémoire en duplique que l’article 37 de la loi modifiée du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, ci-après désignée par « la loi du 15 mars 1979 », démontrerait implicitement qu’il serait en droit de « diviser des terrains pendant la procédure d’expropriation ».
Suite à l’audience publique des plaidoiries du 1er février 2016, les litismandataires des parties ont été réunis en chambre du conseil le 26 mai 2016, réunion au cours de laquelle, le tribunal a soulevé différentes questions réitérées par avis du 30 mai 2016 relatives à la qualification de l’acte attaqué. Le tribunal a, ainsi, invité les parties à prendre position sur la question de savoir si la division cadastrale concernant les parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section HoE de Merl-Sud, ….. (anciennement …..), ….. (anciennement …..), ….. (anciennement …..) et ….. (anciennement …..), ainsi que les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Leudelange, section A, sous les numéros ….. (anciennement …..) et ….. (anciennement …..), telle que reprise sur les plans parcellaires versés au dossier par la partie étatique (pièce n° 6 de la farde de pièce de Maître Kinsch), revêt un caractère définitif ou si elle constitue un simple projet qui serait réalisé définitivement une fois la procédure d’expropriation achevée, en prenant soin d’expliquer dans ce contexte, d’une part, la signification de la remarque inscrite sur lesdits plans parcellaires aux termes de laquelle : « Le présent plan est fait dans le cadre de l’expropriation pour cause d’utilité publique poursuivie à la demande de l’Etat en vue de la mise à double voie de la ligne ferroviaire de Pétange à Luxembourg », et, d’autre part, les inscriptions sur le site internet officiel de l’administration du Cadastre et de la Topographie, dont des extraits sont versés en cause par les parties, ne faisant état que des nouveaux numéros cadastraux attribués à l’issue de la division cadastrale.
En fonction de la réponse à la question qui précède, le tribunal a encore invité les parties à prendre position, le cas échéant, sur la recevabilité du recours sous examen et sur la question de la base légale sur laquelle est fondée la division cadastrale définitivement opérée.
En réponse aux questions soulevées par le tribunal administratif, la partie étatique verse aux débats une prise de position du ministre datée au 18 juillet 2016, ainsi qu’une prise de position du directeur de l’administration du Cadastre et de la Topographie du 8 juillet 2016. A titre explicatif, la partie étatique ajoute que l’acte déféré en l’espèce constituerait une division cadastrale provisoire qui dépendrait de l'issue de la procédure d'expropriation, en ce sens que si la décision d'expropriation devait être annulée, l'ancienne division cadastrale serait rétablie. D’ailleurs, la remarque figurant sur le plan parcellaire selon laquelle « le présent plan est fait dans le cadre de l'expropriation » serait à interpréter dans le même sens, c’est-à-dire dans l’hypothèse où l'expropriation n'a pas lieu, le plan parcellaire serait caduc, de même que la division cadastrale provisoire. Le fait que le site internet officiel de l'administration du Cadastre et de la Topographie fasse uniquement état des nouveaux numéros cadastraux attribués à l'issue de la division cadastrale provisoire serait dû aux limites techniques du site internet, qui n’indiquerait que les nouveaux numéros cadastraux sur le site internet au motif que la carte visible sur le site internet serait à échelle 1/2500, de sorte qu'il ne serait paspossible d'y afficher l'ensemble des anciens numéros cadastraux. La partie étatique précise que le plan parcellaire indiquerait les anciens numéros de parcelle à côté des nouveaux numéros cadastraux provisoires, de sorte qu'il n'existerait aucun obstacle à rétablir les anciens numéros cadastraux. Enfin, seul le plan parcellaire ferait foi et non pas le plan consultable sur le site internet officiel de l'administration du Cadastre et de la Topographie.
Concernant la question de la recevabilité du recours, la partie étatique estime que la division provisoire des terrains aurait été effectuée dans le cadre des opérations préalables à l’expropriation visées à l'article 5 de la loi du 15 mars 1979, de sorte qu’en tant qu'acte préparatoire, la division cadastrale provisoire ne serait pas attaquable. Seule la décision finale serait susceptible de recours Dans le cadre de son mémoire supplémentaire, la société anonyme ….. explique rejoindre la partie étatique dans ses développements consistant à dire que le recours introduit par les consorts ….. ne serait pas recevable, puisqu’ils attaqueraient un acte préparatoire, qui ne serait pas à considérer ni à assimiler à une décision administrative finale compte tenu du fait qu'il n'existerait, à ce stade, aucune division cadastrale définitivement adoptée. Fort de ce constat, toute discussion sur la question de la base légale et le fondement de la demande deviendrait superfétatoire.
Les demandeurs s’opposent au moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie tierce intéressée au motif que l’acte attaqué serait dépourvu de tout caractère décisionnel. Ils font valoir que l'argumentaire de l'Etat pour prétendre que les divisions cadastrales litigieuses ne seraient pas définitives consisterait à dire que, dans le futur, on pourrait toujours les annuler, respectivement revenir sur cette situation moyennant une nouvelle décision et un nouveau mesurage. Les demandeurs estiment que ce raisonnement de l’Etat serait intenable et que transposé dans le contexte urbanistique, il reviendrait à dire qu’une autorisation de construire une résidence ne serait pas un acte administratif définitif au motif qu'il serait toujours possible, par la suite, même lorsque la résidence serait construite, de délivrer une autorisation de démolition.
Les consorts ….. rappellent ensuite qu’une décision administrative devrait émaner d'une autorité administrative, ce qui serait le cas en l'espèce, puisque l’acte attaqué émanerait de l'administration du Cadastre et de la Topographie qui aurait notamment dans ses attributions « toute opération de fixation de nouvelles limites de propriété immobilière, notamment par suite de division, de partage, de morcellement, de lotissement ou d'échange°».
Ils ajoutent qu’en vertu de la loi, l'administration du Cadastre et de la Topographie serait compétente pour la fixation de nouvelles limites, dans les hypothèses précitées mais pas en vue d'une expropriation. De plus, la pratique administrative consistant à diviser les parcelles cadastrales, plusieurs années avant que l'expropriation ne soit prononcée, le cas échéant, après avoir vérifié la régularité de la procédure, serait une pratique qui ne serait pas encadrée par la loi et qui serait partant contraire au droit de propriété.
Les demandeurs expliquent ensuite que pour que l'acte administratif soit susceptible de recours, il devrait s'agir d'un acte qui produit par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de son destinataire. En l'espèce, il ne serait pas contesté que les parcelles leur appartenant auraient été scindées en plusieurs parties, lesquelles se seraient vu attribuer de nouveaux numéros cadastraux. Ainsi, il ne serait pas envisagé de les scinder en leur conférant un numéro cadastral provisoire, interne à l'administration du cadastre, ce qui serait alors un acte préparatoire. Par contre, les terrains auraient d'ores et déjàété divisés et de nouvelles limites cadastrales auraient été matérialisées sur ceux-ci afin de figer ces nouvelles limites et de déterminer de nouvelles contenances et de nouveaux numéros cadastraux.
Les demandeurs estiment que, dans l'hypothèse où la procédure d'expropriation n'irait, pour une raison ou une autre, pas jusqu'à son terme, leurs terrains resteraient ainsi divisés tant qu'ils n'effectueraient pas les démarches, à leurs frais, visant à faire redresser les anciennes limites cadastrales. Ils rappellent que de nombreuses bornes auraient été placées sur leurs terrains, sans leur accord, ce qui leur causerait un préjudice, en compliquant notamment leur exploitation agricole de ceux-ci. Ils ajoutent que le déplacement d'une borne serait susceptible d'une peine d'emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 500 euros à 20.000 euros en vertu des articles 545 et 546 du code pénal.
Selon les demandeurs, un acte préparatoire supposerait, comme son nom l'indique, la survenance postérieure d'une décision administrative définitive qui elle, serait susceptible de recours. Or, en l'espèce, la division de terrain litigieuse s’opérerait de manière définitive et ne nécessiterait plus d'actes ultérieurs pour être concrétisée. Il ne pourrait ainsi pas valablement être soutenu que la division cadastrale serait un acte administratif préparatoire à la procédure civile d'expropriation, puisqu'il s’agirait « de deux ordres distincts ».
En dernier lieu, les demandeurs argumentent que le recours serait encore fondé au motif qu'aucune base légale ne permettrait ni à l'Etat, ni à la société anonyme ….., ni encore à l'administration du Cadastre et de la Topographie, de procéder à des divisions cadastrales à un stade où l'utilité publique de la procédure d'expropriation n'aurait pas pu être vérifiée et où l'Etat ne se serait pas vu attribuer les parcelles concernées, moyennant une juste indemnité. Ni l’Etat ni la partie tierce intéressée n’invoqueraient d'ailleurs une base légale dans leurs écrits.
La décision entreprise devrait partant encourir l'annulation.
Les parties en cause étant en désaccord sur la question de la qualification de l’acte déféré, soit, en décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, soit, en acte préparatoire, il convient d’analyser en premier lieu si l’acte attaqué constitue un acte émanant d’une autorité administrative relevant, du moins pour cet acte de la sphère du droit administratif et s’il constitue un acte faisant grief, c’est-à-dire s’il est susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale des demandeurs ou, si l’acte attaqué constitue un acte préparatoire, en d’autres termes un acte dépourvu de caractère décisionnel et se bornant à fournir une information ou à préparer la décision finale et constituant une étape dans la procédure d’élaboration de la décision finale3.
Force est de constater que l’acte déféré qualifié par les demandeurs de « décision de l’Etat, respectivement de la ….., ou de tout autre personne inconnue, ayant procédé à une date inconnue, à un morcellement respectivement une division cadastrale des parcelles n° ….., ….., ….. et ….. section HoE Merl Sud et section A de Leudelange dans le cadre de l’expropriation en vue de la réalisation de travaux de la mise à double voie ferroviaire de Pétange à Luxembourg » n’est formellement matérialisé que par deux plans parcellaires dressés par l’administration du Cadastre et de la Topographie le 27 janvier, respectivement 3 février 3 v. à ce sujet : Fernand Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, éditions Paul Bauler, mise à jour janvier 1996, n°45 et s. ainsi que : trib.
adm. 18 mars 1998, n°10286 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Actes administratifs, n°39 et autres références y citées et trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par Cour adm. 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Actes administratifs, n°57 et autres références y citées.2012. Cette circonstance n’est toutefois pas de nature à pouvoir empêcher, le cas échéant, la qualification de décision administrative de l’acte attaqué. Il n'existe, en effet, aucune condition de forme à remplir par un acte, afin de déterminer s'il constitue une décision. Ainsi, une décision administrative peut même être purement orale, pourvu que son existence puisse être établie4.
Force est, par ailleurs, de constater que l’administration du Cadastre et de la Topographie a dressé les plans parcellaires cités ci-avant et que cette dernière administration est compétente suivant la loi modifiée du 25 juillet 2002 portant réorganisation de l’administration du cadastre et de la topographie, désignée ci-après par « la loi du 25 juillet 2002 », pour : « la délimitation et le bornage des limites de propriétés, l’établissement de plans de propriété à joindre aux actes et décisions judiciaires, translatifs, déclaratifs, constitutifs ou extinctifs de droits réels immobiliers et les travaux de remembrement urbain et rural lui confiés en vertu des dispositions légales et réglementaires. Toute opération de fixation de nouvelles limites de propriété immobilière, notamment par suite de division, de partage, de morcellement, de lotissement ou d’échange ». Il est, par ailleurs, constant en cause qu’aucune autre administration n’est intervenue dans le cadre du morcellement ou de la division cadastrale sous examen et que les parties en cause s’accordent à affirmer que l’administration du Cadastre et de la Topographie a opéré ledit morcellement ou ladite division. Il y a, partant, lieu de conclure que l’acte déféré, en ce qu’il a été adopté par l’administration du Cadastre et de la Topographie, émane d’une autorité administrative compétente.
En ce qui concerne ensuite la qualification de morcellement ou de division cadastrale de l’acte entrepris, il échet de constater qu’un morcellement au sens urbanistique du terme s’analyse en la division foncière d’une ou de plusieurs parcelles en plusieurs nouvelles parcelles en vue de créer des places à bâtir. Le morcellement requiert dès lors un élément objectif, à savoir la division d’un terrain, ainsi qu’un élément subjectif, à savoir que ce terrain soit divisé pour y ériger de nouvelles constructions. Si l’opération projetée a pour seul objet de procéder à la simple division foncière d’un terrain en deux parcelles distinctes non constructibles, l’opération consiste uniquement à diviser au niveau cadastral un terrain et rentre dès lors dans le seul champ de compétence de l’administration du Cadastre et de la Topographie5. En l’espèce, il n’est pas contesté que la division foncière des parcelles sous examen ne s’est pas opérée dans l’objectif de la création de places à bâtir, dans la mesure où lesdites parcelles sont situées hors de toute zone urbanisée ou couverte par un plan d’aménagement, mais qu’elle fut effectuée dans l’objectif de permettre la réalisation de la mise à double voie de la ligne ferroviaire entre Pétange et Luxembourg. Le tribunal est, partant, amené à conclure que l’acte déféré en l’espèce a trait à une division cadastrale et non point à un morcellement.
En ce qui concerne concrètement la question de savoir si l’acte déféré constitue un acte final de la procédure ou seulement une étape dans la procédure d’élaboration de la décision finale, dépourvue de tout élément décisionnel, il échet de relever de prime abord que les plans parcellaires soumis au tribunal et dressés par l’administration du Cadastre et de la Topographie indiquent le numéro cadastral, la nature, la contenance ainsi que les propriétaires des parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section HoE Merl Sud et de Leudelange, section A de Leudelange sous les numéros ….., ….., ….., ….., ….., ….., 4 trib. adm. 27 novembre 1997, n°10123 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Actes administratifs n° 135 et autres références y citées.
5 v. en ce sens : trib. adm. 13 octobre 2014, n° 32991 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n°463.respectivement ….., ….., ….., ….., ….., ….., intitulées « nouvelles parcelles ». Lesdits plans parcellaires comportent, par ailleurs, une rubrique intitulée : « Provenance des parcelles » indiquant les anciennes parcelles dont lesdites nouvelles parcelles sont issues, à savoir les parcelles portant les numéros cadastraux, ….. et ….., ….., ….. et …… Les deux plans parcellaires comportent, de plus une remarque selon laquelle « Le présent plan est fait dans le cadre de l’expropriation pour cause d’utilité publique poursuivie à la demande de l’Etat en vue de la mise à double voie de la ligne ferroviaire de Pétange à Luxembourg ». Force est au tribunal de constater que cette remarque est équivoque et vague et se limite à expliquer que les plans ont été dressés dans le contexte des travaux de mise à double voie de la ligne ferroviaire entre Pétange et Luxembourg et la procédure d’expropriation y relative. En tout état de cause et, contrairement aux explications des parties défenderesse et tierce intéressée, cette remarque ne fournit manifestement aucune indication sur le caractère définitif ou provisoire desdits plans parcellaires.
En revanche, lesdits plans reprennent, d’une part, les anciennes bornes ainsi que les limites foncières des parcelles originaires, représentées par des lignes et carrés de couleur noire et intitulées dans la légende « ancienne borne » et, d’autre part, les nouvelles bornes ainsi que les nouvelles limites foncières des parcelles issues de la division cadastrale, représentées par des lignes et carrés de couleur rouge et intitulées dans la légende « nouvelle borne ». Force est, dès lors, au tribunal de constater que les inscriptions sur les plans parcellaires respectifs sont affirmatives en ce qu’elles se réfèrent sans aucune réserve aux anciennes et nouvelles bornes - par opposition à des bornes ou limites provisoires - et sans faire état d’un quelconque autre élément pouvant laisser supposer leur caractère provisoire.
Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que par l’établissement des plans parcellaires litigieux, l’administration du Cadastre et de la Topographie a opéré une division cadastrale. Au vu des explications de la partie étatique, il échet encore de constater que ladite division cadastrale revête un caractère définitif. Ainsi, la partie étatique affirme dans le cadre de son mémoire supplémentaire qu’il « n’existe aucun obstacle à rétablir les anciens numéraux cadastraux », de sorte qu’il y a lieu de retenir que les limites foncières issues de la division cadastrale opérée par l’administration du Cadastre et de la Topographie sont bien acquises et que la division cadastrale ne nécessite pas d’acte administratif supplémentaire pour sa prise d’effets. Bien au contraire, ce ne serait que dans l’hypothèse d’un échec de la procédure d’expropriation qu’il y aurait lieu de « rétablir les anciens numéraux cadastraux », c’est-à-dire d’adopter un acte administratif additionnel, à savoir, le rétablissement des limites foncières antérieures à la division cadastrale litigieuse. Il s’ensuit que la division cadastrale déférée constitue un acte administratif définitif, dans la mesure où elle est susceptible de produire par elle-même des effets juridiques, sans nécessiter l’adoption d’un acte administratif supplémentaire.
Cette conclusion est corroborée par le fait que sur le site internet de l’administration du Cadastre et de la Topographie figurent des plans indiquant exclusivement les nouvelles parcelles issues de la division cadastrale litigieuse sans aucune référence aux anciennes parcelles et sans comporter une quelconque mention relative à un éventuel caractère provisoire de ces plans. Même si la partie étatique explique dans le cadre de son mémoire supplémentaire que l’absence de l’indication des anciennes parcelles sur le site internet serait due à ses limites techniques du site internet, ne permettant pas d’y afficher l’ensemble des anciens et nouveaux numéros cadastraux et que seul le plan parcellaire et non point le site internet ferait foi, il n’en demeure pas moins que ces affirmations ne sont étayées par aucunélément concret et que le fait de publier un plan indiquant exclusivement les nouvelles parcelles en l’absence de toute réserve ou remarque afférente ne laisse nullement supposer qu’il s’agirait d’un plan provisoire, modifiable à tout moment.
Il s’y ajoute que si dans le cadre de son mémoire supplémentaire et sur question afférente du tribunal, la partie étatique fait valoir, en se basant sur un courrier du ministre du 18 juillet 2016, ainsi que sur un courrier du directeur de l’administration du Cadastre et de la Topographie du 8 juillet 2016, que la division cadastrale opérée serait provisoire et dépendrait de l’issue de la procédure d’expropriation, premièrement ces explications, sont en contradiction avec les indications, pourtant affirmatives figurant sur les plans parcellaires litigieux, et deuxièmement, elles ne sont corroborées par aucun élément concret soumis au tribunal et, troisièmement elles sont en contradiction flagrante avec les propres explications de la partie étatique fournies à travers ses mémoires en réponse, respectivement en duplique, dans le cadre desquels elle n’a pas mis en question la qualité de décision administrative de l’acte attaqué. Bien au contraire, dans le cadre desdits mémoires en réponse et en duplique, la partie étatique admet explicitement que l’acte déféré constitue une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, en l’occurrence une division cadastrale, et argumente en faveur de la légalité de cette décision. Elle admet, ainsi, dans son mémoire en réponse que « (…) les terrains qui ont été divisés sont des terrains labourables, donc non constructibles. Dès lors, la division cadastrale des terrains n’est pas susceptible de causer un préjudice aux requérants ». Par ailleurs, dans le cadre de son mémoire en duplique, la partie étatique fait valoir que : « (…) l’article 37 de la loi du 15 mars 1979 démontre implicitement [que l’Etat] est en droit de diviser des terrains pendant la procédure d’expropriation (…) ».
Force est dès lors au tribunal de constater que les explications non autrement étayées fournies par la partie étatique dans le cadre de son mémoire supplémentaire ne sont pas de nature à énerver les indications figurant sur les plans parcellaires dressés par l’administration du Cadastre et de la Topographie, ainsi que ses propres explications préalables.
Les parties défenderesse et tierce intéressée font encore valoir que la division cadastrale ne constituerait qu’une mesure provisoire s’inscrivant dans le contexte de l’article 5 de la loi du 15 mars 1979. Ledit article 5, figurant sous le titre II de la loi du 15 mars 1979, intitulé « Mesures préparatoires relatives à l’expropriation » dispose que : « Lorsqu’il s’agit d’étudier et de préparer sur le terrain des projets pour l’exécution de travaux d’utilité publique, les parties intéressées en sont averties à la diligence du département des Travaux publics (…) ». Si ledit article 5 se réfère au fait « d’étudier et de préparer sur le terrain des projets pour l’exécution de travaux d’utilité publique », l’intention du législateur a été de permettre l’exécution de mesures de pure préparation sur les parcelles susceptibles d’être expropriées, telles que, par exemple, des opérations de mesurage ou des études géographiques ou topographiques. Une division cadastrale emportant une modification des limites foncières dépasse pourtant le stade de la simple étude ou préparation sur le terrain s’inscrivant dans le cadre de l’élaboration de la procédure d’expropriation, mais s’analyse en une décision administrative bien distincte de l’expropriation, de sorte qu’elle ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 5 de la loi du 15 mars 1979.
Enfin, les parties défenderesse et tierce intéressée contestent le fait que la division cadastrale causerait grief aux demandeurs, de sorte qu’elle ne répondrait pas à la définition de la décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.
L'acte émanant d'une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l'intention de l'autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifierd'acte de nature à faire grief, c'est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l'acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n'est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l'objet d'un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief6.
En l’espèce, le tribunal ne saurait partager le raisonnement de la partie étatique et du tiers intéressé selon lequel tout grief pour les demandeurs ferait défaut, du fait qu’ils resteraient les propriétaires des parcelles concernées par la division cadastrale et que leurs terrains seraient des terres labourables, de sorte qu’une division cadastrale pouvant éventuellement restreindre la possibilité d’ériger des constructions sur une parcelle au vu de la réduction de la surface dans l’hypothèse de parcelles constructibles, n’emportait aucun grief.
Force est au tribunal de constater, qu’indépendamment du caractère constructible ou non des parcelles visées par la division cadastrale, le simple fait que les demandeurs, en cas d’échec voire d’abandon de la procédure d’expropriation, seraient contraints de solliciter de la part de l’administration du Cadastre et de la Topographie l’adoption d’une nouvelle décision administrative portant rétablissement des limitations foncières antérieures et partant d’engager une procédure administrative, se soldant, le cas échéant par un refus, devant ensuite faire l’objet d’un recours contentieux, est de nature à affecter défavorablement leur situation personnelle et partant, à leur causer grief.
Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que l’acte administratif déféré, consistant en la division cadastrale opérée par l’administration du Cadastre et de la Topographie des parcelles des demandeurs constitue un acte définitif, produisant par lui-
même des effets juridiques affectant leur situation personnelle ou patrimoniale, de sorte à être qualifié de décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.
Le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut du caractère décisionnel de la division cadastrale déférée est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au moyen d’irrecevabilité tiré de la tardivité du recours Tant l’Etat que la société anonyme ….. concluent ensuite à l’irrecevabilité du recours pour avoir été déposé tardivement. Ils se fondent sur l’article 13 de la loi du 21 juin 1999 aux termes duquel une décision individuelle peut faire l’objet d’un recours contentieux pendant un délai de trois mois à compter de sa notification ou du jour ou l’intéressé en a pu prendre connaissance. Ils font valoir qu’il ressortirait d’un courrier du 27 août 2012 des consorts ….. à la Ville de Luxembourg qu’au plus tard à cette date ils auraient eu connaissance de la division cadastrale. La partie étatique ajoute que l’avis au public et les publications effectuées le 3 juillet 2012 par la commune de Leudelange dans le cadre de la procédure d’expropriation, ainsi qu’un courrier adressé le 20 février 2014 par la société anonyme ….. à Monsieur Van Dyck, indiqueraient expressément les nouveaux numéros cadastraux des parcelles susceptibles d’être expropriées. Les demandeurs auraient partant dû avoir connaissance de la division cadastrale opérée le 27 août 2012, sinon le 3 juillet 2012 sinon le 20 février 2014, de sorte que le recours déposé le 3 mars 2015 au greffe du tribunal administratif aurait été tardif.
6 trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Actes administratifs, n°39 et autres références y citées.La société anonyme ….. ajoute que la Ville de Luxembourg ainsi que la commune de Leudelange auraient avisé le 27 septembre 2011 et le 26 octobre 2011 leurs administrés du fait que non point la société anonyme ….. mais l’administration du Cadastre et de la Topographie procéderait à l’exécution des études et travaux préparatoires en vue de l’expropriation de différentes parcelles. Les demandeurs auraient partant dû avoir connaissance au plus tard à compter du 26 octobre 2011 de la division cadastrale opérée de sorte que le recours déposé le 3 mars 2015 au greffe du tribunal administratif aurait été tardif.
Les demandeurs argumentent qu’au vu de l’absence de l’indication de la motivation à la base de la décision déférée, aucun délai de recours contentieux n’aurait commencé à courir en l’espèce, en vertu de l’article 7 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des Communes, désigné ci-
après par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », de sorte que leur recours n’aurait pas été tardif.
Indépendamment de la question de la date de prise de connaissance de la décision déférée par les demandeurs, le tribunal rejoint d’abord l’analyse des demandeurs relative à l’applicabilité en l’espèce du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. En effet, la division cadastrale déférée, constitue, tel que le tribunal vient de le retenir, une décision administrative individuelle susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. L’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse dispose que : « Les règles établies par le règlement grand-ducal visé à l'article premier s'appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n'organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l'administré. » En matière de division cadastrale aucune disposition légale ne prévoit une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes, à celles prévues par ledit règlement grand-
ducal du 8 juin 1979, pour l’administré.
Aux termes de l’article 7 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 : « Lorsque la décision doit être motivée, les délais de recours tant contentieux qu´administratifs ne courent qu´à partir de la communication des motifs. ». L’article 6 du même règlement grand-ducal prévoit quant à lui les décisions administratives devant comporter une indication formelle des motifs à leurs base en disposant que : « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l´énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle:
- refuse de faire droit à la demande de l´intéressé;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l´intéressé et qu’elle y fait droit ;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;
- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l´avis émis par l´organisme consultatif ou lorsqu´elle accorde une dérogation à une règle générale.
Dans les cas où la motivation expresse n’est pas imposée, l’administré concerné par la décision a le droit d´exiger la communication des motifs.
L´obligation de motiver n´est pas imposée lorsque des raisons de sécurité extérieure ou l´intérieure de l´Etat s´y opposent ou lorsque l´indication des motifs risque de compromettre le respect de l´intimité de la vie privée d´autres personnes. ».
La division cadastrale déférée en l’espèce, opérée par l’administration du Cadastre et de la Topographie, s’analyse en une décision modifiant une décision antérieure en ce qu’elleporte modification des limites foncières des parcelles appartenant aux demandeurs, par rapport aux limites préalablement fixées. Il s’ensuit qu’en vertu de l’article 6 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ladite décision se devait d’être motivée. Toujours est-il que la décision déférée n’est, tel que le tribunal vient de le retenir, matérialisée que par les seuls plans parcellaires élaborées par l’administration du Cadastre et de la Topographie et que lesdits plans ne comportent aucune indication formelle de la motivation gisant à leur base. Il s’ensuit qu’aucun délai de recours n’a commencé à courir à l’encontre de la division cadastrale déférée, de sorte que le moyen d’irrecevabilité pour cause de tardivité du recours est, à son tour, à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au moyen d’irrecevabilité tiré du défaut de l’intérêt à agir des demandeurs L’Etat ainsi que la société anonyme ….. contestent l’intérêt à agir des demandeurs au motif que la division cadastrale déférée ne serait pas susceptible de leur causer un préjudice.
Le tribunal vient de retenir ci-avant que le simple fait que les demandeurs, en cas d’échec voire d’abandon de la procédure d’expropriation, seraient contraints de solliciter de la part de l’administration du Cadastre et de la Topographie l’adoption d’une nouvelle décision administrative portant rétablissement des limitations foncières antérieures est de nature à affecter défavorablement leur situation personnelle et partant, de nature à leur causer grief. Il s’ensuit que les demandeurs justifient d’un intérêt à agir contre la division cadastrale déférée et que le moyen d’irrecevabilité afférent est à rejeter.
L’intégralité des moyens d’irrecevabilité avancés en cause ayant été rejetée, le recours en annulation est recevable, pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes de la loi.
Quant au fond Les demandeurs font valoir que la décision déférée serait contraire à l’article 5 de la loi du 15 mars 1979, en ce que ce dernier article n’autoriserait pas le « futur pouvoir expropriant » de procéder à une division cadastrale des parcelles appartenant à des administrés et à exercer ainsi des prérogatives réservées aux propriétaires des terrains. Ils concluent à titre principal que les opérations de morcellement réalisées en l’espèce constitueraient des expropriations de fait qui devraient encourir l’annulation pour s’analyser en un détournement de pouvoir. Pour autant que le tribunal arriverait à la conclusion que l’article 5 de la loi du 15 mars 1979 autoriserait l’Etat à procéder à des divisions cadastrales à un moment de la procédure « où l’utilité publique n’a pas été déclaré ni par la loi, ni par un arrêté grand-ducal », les demandeurs estiment qu’il se poserait une question de conformité dudit article 5 à l’article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH », et à l’article 16 de la Constitution, ainsi qu’à l’article 544 du code civil.
Les parties étatique et tierce intéressée concluent en substance à la conformité de la décision déférée à l’article 5 de la loi du 15 mars 1979 en argumentant que les opérations effectuées sur les parcelles des demandeurs ne constitueraient pas des morcellements, mais des travaux d’étude et de préparation tels que prévus par l’article 5 de la loi du 15 mars 1979.
Ils répètent que les actes déférés constitueraient des actes préparatoires dépourvus de tout caractère définitif. La partie étatique rejette encore l’affirmation selon laquelle la décisiondéférée constituerait une expropriation de fait ou encore des actes de disposition, au motif que, notamment, aucun transfert de propriété des terrains n’aurait eu lieu suite à l’exécution « de la décision de morcellement ».
Tant l’Etat que la société anonyme ….. contestent ensuite le reproche d’un détournement de pouvoir ainsi que toute violation des articles 1er du protocole additionnel de la CEDH, 16 de la Constitution ou encore 544 du code civil. De même ils contestent toute méconnaissance de l’article 7 de la loi du 15 mars 1979.
Par l’avis précité du 30 mai 2016, le tribunal avait invité les parties à prendre position, en fonction de la réponse donnée à la question relative au caractère décisionnel de l’acte déféré, notamment sur la question de la base légale de la division cadastrale litigieuse.
Dans le cadre de son mémoire supplémentaire, l’Etat s’est limité à contester le caractère décisionnel de la division cadastrale opérée au motif qu’il ne s’agirait que d’une division provisoire ayant eu lieu conformément à l’article 5 de la loi du 15 mars 1979, sans prendre directement position sur la base légale de l’acte attaqué.
La société anonyme ….. a retenu dans son mémoire supplémentaire que dans la mesure où la décision déférée ne constituerait pas « une division cadastrale définitivement adoptée, toute discussion sur la question de la base légale et le fondement de la demande [deviendrait] superfétatoire ».
Le tribunal rappelle qu’il vient de retenir, d’une part, que les actes déférés sont à qualifier de divisions cadastrales et non point de morcellement et, d’autre part que ces actes s’analysent en une décision administrative définitive susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. Dans le même contexte, le tribunal est arrivé à la conclusion qu’une division cadastrale emportant une modification des limitations foncières dépasse le stade de la simple étude ou préparation sur le terrain s’inscrivant dans le cadre de l’élaboration de la procédure d’expropriation, mais s’analyse en une décision administrative bien distincte de l’expropriation, de sorte qu’elle ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 5 de la loi du 15 mars 1979, ni, d’ailleurs, dans celui d’une quelconque autre disposition de la loi du 15 mars 1979.
Contrairement aux explications de l’Etat et de la société anonyme ….., la loi du 15 mars 1979 ne peut partant pas légalement fonder les divisions cadastrales déférées.
Par voie de conséquence les divisions cadastrales des parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section HoE Merl Sud et de Leudelange, section A de Leudelange sous les numéros ….., ….., ….., ….. et ….. en nouvelles parcelles inscrites sous les numéros ….., ….., ….., ….., ….., ….., respectivement ….., ….., ….., ….., ….., ….., telles qu’opérées par l’administration du Cadastre et de la Topographie encourent l’annulation pour être dépourvues de bases légale, dans la mesure où elles ne rentrent pas dans le champ d’application de la loi du 15 mars 1979 et en l’absence d’autres bases légales vérifiées en l’espèce.
Au vu de l’annulation ainsi encourue par les décisions déférées, il devient surabondant de statuer sur les autres moyens avancés en cause.
Quant à l’indemnité de procédure 15 Enfin, compte tenu du fait que les demandeurs ont dû recourir à une procédure contentieuse afin de faire annuler une division cadastrale opérée à la seule initiative de l’Etat et dépourvue de toute base légale et au vu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999, il paraît inéquitable de laisser en l’espèce à la charge des demandeurs les frais exposés par eux et non compris dans les dépens, de sorte qu’il y a lieu de faire droit à leur demande et de leur accorder une indemnité de procédure évaluée ex æquo et bono au montant de 1.000 euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
écarte des débats le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2015 par la société anonyme ….. ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant, annule les divisions cadastrales des parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section HoE Merl Sud et de Leudelange, section A de Leudelange sous les numéros ….., ….., ….., ….. et ….. en nouvelles parcelles inscrites sous les numéros ….., ….., ….., ….., ….., ….., respectivement ….., ….., ….., ….., ….., ….., telles qu’opérées par l’administration du Cadastre et de la Topographie ;
condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à payer aux consorts ….. une indemnité de procédure d’un montant évaluée ex æquo et bono au montant de 1.000 euros ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par:
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 12 janvier 2017 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 janvier 2017 Le Greffier du Tribunal administratif 16