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23/12/2016 | LUXEMBOURG | N°37189

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 décembre 2016, 37189


Tribunal administratif N° 37189 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2015 4e chambre Audience publique du 23 décembre 2016 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’appel en garantie

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37189 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2015 par Maître Christian Gaillot, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…

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Tribunal administratif N° 37189 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2015 4e chambre Audience publique du 23 décembre 2016 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’appel en garantie

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37189 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2015 par Maître Christian Gaillot, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin d’appel en garantie émis en date du 14 avril 2015 par le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 et d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 août 2015 portant rejet de sa réclamation introduite en date du 10 juillet 2015 à l’encontre dudit bulletin d’appel en garantie ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 février 2016 par Maître Christian Gaillot au nom de sa mandante ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian Gaillot et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou Thill en leurs plaidoiries respectives.

En date du 14 avril 2015, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l'encontre de Madame … en sa qualité d’administrateur de la société anonyme … S.A., dénommée ci-après la « société … », déclarée en faillite par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 30 janvier 2012, ledit bulletin déclarant Madame … codébiteur solidaire d’un montant de … €, en principal et intérêts, au titre des retenues d’impôt qui auraient dû être effectuées par la société … sur les traitements et salaires de son personnel pour les années d’imposition 2007 à 2010.

Ledit bulletin est libellé comme suit :

« (…) Il est dû à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par … Société Anonyme en faillite ayant eu son siège à … immatriculée sous le numéro fiscal … à titre de l’impôt sur les traitements et salaires :

Année Principal Intérêts Total 2007 …€ …. € … € 2008 … € … € … € 2009 … € … € … € 2010 … € … € … € Total … € … € … € Il résulte de la publication au Mémorial Numéro … du … que vous avez été nommée administrateur de … Société Anonyme en faillite.

En cette qualité vous avez eu le pouvoir d’engager la société sous signature conjointe depuis le, 21/05/2010.

En votre qualité d’administrateur vous avez été en charge de la gestion journalière de … Société Anonyme en faillite.

Par conséquent et conformément aux termes du § 103 AO, vous étiez personnellement tenue à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à … Société Anonyme en faillite, dont notamment le paiement des impôts dus par … Société Anonyme en faillite à l’aide des fonds administrés.

En vertu de l’article 136 alinéa 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est tenu de retenir l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel.

En vertu de l’article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est tenu à déclarer et à verser l’impôt retenu à l’Administration des contributions directes.

En vertu de l’article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu et du règlement grand-ducal modifié du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions, l’employeur est tenu de présenter au bureau RTS compétent les comptes de salaires ainsi que tous autres documents comptables.

Dans le cas d’une société, conformément aux termes du § 103 AO, ces obligations incombant aux employeurs sont transmises à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers.

En votre qualité de représentante de la société … Société Anonyme en faillite il vous appartenait de retenir, de déclarer et de veiller à la retenue, à la déclaration et au versement de la retenue d’impôt due sur les traitements et les salaires du personnel.

Or pour les années 2007 à 2010 le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur.

L’omission de retenir, de déclarer et de payer les sommes dues à titre de retenue d’impôt est à qualifier d’inexécution fautive de vos obligations en tant que représentante de … Société Anonyme en faillite.

Suite à l’inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l’Administration des contributions directes n’a pas perçu les retenues d’impôt d’un montant de 96931,92 € Ce montant de … euros se compose comme suit :

Année Principal Intérêts Total 2007 … € … € … € 2008 … € … € … € 2009 … € … € … € 2010 … € … € … € Total … € … € … € Considérant qu’en vertu du § 103 AO vous étiez tenue de remplir les obligations fiscales incombant à la société … Société Anonyme en faillite.

Considérant que l’inexécution des ces obligations est à qualifier de fautive.

Considérant que l’inexécution fautive de vos obligations a empêché la perception d’impôt sur les traitements et salaires d’un montant de … €.

Considérant que dans la mesure où, par l’inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l’impôt légalement dû, vous êtes constituée codébitrice solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.

Considérant que le § 118 AO m’autorise à engager votre responsabilité.

Considérant le fait qu’en votre qualité de représentante vous étiez chargé de la gestion journalière de la société … Société Anonyme en faillite j’engage votre seule responsabilité, l’appel en garantie s’élève au montant de 96931,92 €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs.(…) ».

Par courrier de son litismandataire du 10 juillet 2015, Madame … fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », à l’encontre du prédit bulletin d’appel en garantie du 14 avril 2015.

Par décision du 20 août 2015, inscrite sous le numéro C 21170, le directeur déclara non fondée la réclamation introduite par Madame … dans les termes suivants :

« Vu la requête introduite le 10 juillet 2015 par Me Christian GAILLOT, au nom de la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires Luxembourg 1 en date du 14 avril 2015 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le § 119 alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§238AO) dans les forme (§249AO) et délai (§245AO) de la loi ; qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le bureau d'imposition, après avoir constaté que la réclamante était tenue en sa qualité d'administrateur de la société anonyme …, actuellement en faillite, de payer sur les fonds administrés les impôts dont la société était redevable et qu'il avait négligé de remplir les obligations qui lui incombaient à cet égard aux termes du § 103 AO, l'a déclarée responsable du non paiement de la retenue sur les traitements et salaires dus par la société pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010 au montant total de … euros, dont … euros au principal et … euros pour intérêts de retard; qu'à cet égard l'omission de verser les sommes retenues serait à considérer comme faute grave au sens du § 109 AO ;

Considérant que la réclamante fait notamment valoir que la dette du Trésor serait prescrite en ce qui concerne les années 2007 à 2009, qu’elle n’aurait commis aucun faute pouvant engager sa responsabilité et que la gestion quotidienne de la société était assurée par les administrateurs-

délégués ;

Quant à la prescription Considérant qu’en vertu de l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933, tel que modifié par la suite, la créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans ;

Considérant qu’il résulte du dossier fiscal que pour les années en cause le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir n’aient été continués entièrement au receveur, ce fait constituant en soi une non-déclaration, de sorte qu’en l’espèce c’est la prescription décennale et non quinquennale qui s’applique ;

Qu’il en résulte que la créance du Trésor n’est prescrite pour aucune des années en cause, le moyen y afférant laissant d’être fondé ;

Quant à la notion de faute Considérant qu'il résulte de l'instruction du dossier que pour les années en cause, les retenues d’impôt sur les traitements et salaires n’ont été payées que partiellement ;

Considérant que le représentant est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ;

qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE 20.10.1981 no 6902) ;

que dans la mesure où l'administrateur par l'inexécution fautive de ces obligations a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe constitué codébiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ;

Considérant qu'en vertu de l'article 136 alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ;

que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ;

que la responsabilité de l'administrateur est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (CA du 6 mai 2003 no 15989C) ;

qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;

Considérant que sa responsabilité, pour les actes par lui accomplis pendant la période de ses fonctions, survit à l'extinction de son pouvoir de représentation (§110 AO) ;

Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH 24 novembre 1961, BStBI.

1962.37 ; 3 février 1981, BStBl. 1981 II 493 ; cf. Becker-Riewald-Koch §2 StAnpG Anm. 5 Abs.

3) ;

que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe-

même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;

Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef de l'administrateur d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109 alinéa 1 AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive – « schuldhafte Verletzung » – des obligations du représentant de la société envers le fisc (CA du 22.02.2000, no 11694C) ;

Considérant qu'en l'espèce l'auteur de la décision a révélé les circonstances particulières susceptibles de justifier sa décision de poursuivre la réclamante et de mettre à sa charge l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires ;

qu'il développe clairement les raisons qui l'ont conduit à engager la responsabilité de l'administrateur, pour l'année d'imposition litigieuse ;

Considérant qu'il se dégage d'une publication au Mémorial C que lors de l’assemblée générale extraordinaire du 1er avril 1998, la réclamante a été nommée administrateur de la société …, nomination qui a été reconduite lors de l’assemblée générale extraordinaire du 21 mai 2010, sans qu'une démission n'ait été publiée par la suite ;

qu'en cette qualité elle disposait du pouvoir d’engager ladite société sous sa seule signature pour toutes les opérations dont l’enjeu ne dépasse pas 150.000 LUF et sous signature conjointe pour toutes les opérations dépassant ce montant ;

Considérant par ailleurs qu’une publication afférente à la nomination d’un administrateur-délégué fait défaut ;

Considérant que pour les années en cause, la réclamante n'a pas réglé toutes les retenues, ce fait constituant en soi une faute caractérisée ;

Considérant en effet que le § 109 AO prévoit un régime de responsabilité des représentants d'une société qui ne déroge pas au droit commun, mais qui le renforce, et soumet la mise en œuvre de cette responsabilité à la triple condition de l'existence d'une faute (schuldhafte Verletzung), d'un dommage et d'un lien de causalité entre le dommage et la faute ;

que la faute consiste dans le fait, soit de ne pas avoir accompli soi-même, soit de ne pas avoir veillé à l'accomplissement des obligations incombant à la personne morale représentée et que le dommage consiste dans l'insuffisance de l'impôt légalement dû, le lien de causalité se caractérisant par le fait que l'insuffisance est la conséquence du comportement fautif du représentant ;

que le fait pour un administrateur, position-clé d'une société, de ne pas verser les retenues sur traitements et salaires au Trésor public constitue un comportement fautif per se ;

Considérant que l'auteur de la décision a également motivé sa décision en ce qui concerne le montant pour lequel la responsabilité de la réclamante est engagée en vue des éléments qui précèdent ;

Considérant que pour les années visées, les montants à retenir n'ont été payés que partiellement au receveur ;

Considérant que la réclamante a sciemment omis de verser la totalité de l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires pendant les années 2007 à 2010 et que partant elle a empêché la perception de l'impôt légalement dû ;

Considérant qu'il s'ensuit que la responsabilité de la réclamante en tant qu'administrateur de la société anonyme … est incontestablement établie et la mise à charge de l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur traitements et salaires de la période en cause est justifiée ;

Considérant que, de même qu'en matière de responsabilité du fait personnel (art.1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables, le gérant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme;

la rejette comme non fondée. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 novembre 2015, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 20 août 2015, ainsi que du bulletin d’appel en garantie du 14 avril 2015.

Conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de retenue d’impôt sur salaire.

Il s’ensuit qu’en l’espèce le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal par Madame … à l’encontre de la décision directoriale précitée du 20 août 2015 ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite contre le bulletin d’appel en garantie dont elle a fait l’objet. Le tribunal n’est cependant pas compétent pour connaître du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre le bulletin d’appel en garantie du 14 avril 2015 faisant l’objet de la réclamation introduite par Madame ….

Le recours en réformation introduit contre la décision du directeur du 20 août 2015, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre la décision directoriale précitée.

Le recours subsidiaire en annulation dirigé contre le bulletin d’appel en garantie est irrecevable, alors que le directeur a pris une décision sur réclamation.

A l’appui de sa demande et en fait, Madame … explique que la société … aurait été créée en 1998 et qu’elle aurait été administrateur de ladite société, sans cependant s’occuper de la gestion quotidienne de cette dernière. La gestion quotidienne aurait été assurée par les administrateurs-

délégués, à savoir Monsieur … et feu Monsieur … jusqu’au prononcé de la faillite de la société en date du 30 janvier 2012.

En droit, la demanderesse fait d’abord valoir que selon l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, des droits d’accises sur l’eau de vie et des cotisations d’assurance sociale, les créances relatives aux impôts sur salaire relatifs aux années 2007 à 2009 seraient prescrites. L’argumentation du directeur selon laquelle le fait de ne pas continuer les montants à retenir constituerait une non déclaration, ayant comme conséquence que la prescription applicable ne serait pas de cinq mais de dix ans, tomberait à faux, dans la mesure où la prescription décennale serait un « délai spécial qui sanctionne[rait] des insuffisances imputables au contribuable soumis à l’obligation déclarative » et que « La non déclaration fiscale et le non paiement suite à une déclaration n’étant (…) pas la même chose ».

Madame … précise ensuite qu’elle ne se serait jamais occupée de la gestion quotidienne de la société … et qu’elle n’aurait pas eu de pouvoir de signature, qui aurait été réservé à Monsieur … jusqu’au 21 mai 2010 et ensuite à feu Monsieur …, relevant dans ce contexte que la société … a été mise en faillite une première fois en date du 26 avril 2010, faillite rabattue le 12 mai 2010.

Elle précise encore qu’elle n’aurait jamais exercé de fonctions dirigeantes au sein de ladite société et reproche au directeur de ne pas avoir motivé pour quelles raisons l’appel en garantie n’aurait pas été dirigé contre Monsieur …, de sorte qu’il serait « impossible de faire une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité ». La poursuite discrétionnaire du tiers responsable impliquerait une motivation quant à la désignation du représentant responsable et « quant au quantum de sa responsabilité » et un simple manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO dans le chef d’un administrateur d’une société ne serait pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du paragraphe 109 alinéa 1er AO. Elle fait valoir dans ce contexte que l’autre administrateur, Madame…, n’aurait quant à elle pas été inquiétée par le bureau d’imposition.

La demanderesse expose qu’elle ne saurait être considérée comme la personne ayant le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers telle que définie au paragraphe 103 AO, de sorte qu’elle n’aurait pas été personnellement tenue d’accomplir les obligations fiscales incombant à la société, de sorte que la responsabilité des manquements à l’égard de l’administration des Contributions Directes ne saurait lui incomber.

Elle conteste avoir commis la moindre inexécution fautive et reproche à l’Etat d’avoir violé le paragraphe 109 AO en émettant à son encontre un bulletin d’appel en garantie sans rapporter la preuve de l’existence d’une inexécution fautive dans son chef. La décision directoriale ne contiendrait que des motifs stéréotypés qui se contenteraient de renvoyer aux dispositions légales.

Elle fait encore valoir dans ce contexte qu’il aurait appartenu à Monsieur … de continuer les sommes retenues au receveur et qu’elle n’aurait été nommée que pour « compléter le conseil, en tant qu’administrateur simple, sans véritablement de pouvoir de signature individuel ».

Finalement, la demanderesse reproche au directeur de ne pas avoir retenu que le paiement de l’impôt réclamé entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité eu égard à la personne du contribuable, en faisant référence au paragraphe 135 AO. Elle fait encore valoir que l’administration pourrait renoncer à la demande en paiement si elle est trop rigoureuse, si elle compromet la situation économique du contribuable, et si elle le prive de moyens de subsistance indispensables, en se prévalant de ce que son époux serait décédé en 2014 et aurait laissé de nombreuses dettes et qu’elle se retrouverait au chômage depuis la faillite de son dernier employeur.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, en citant les dispositions légales applicables, ainsi que la jurisprudence constante en la matière pour conclure au comportement fautif de Madame ….

Le tribunal n'étant pas lié par l'ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis, il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.

Suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision sous analyse, et plus particulièrement l’existence d’un comportement fautif dans le chef de la demanderesse, il échet de rappeler que le paragraphe 103 AO dispose que « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».

Dès lors, le représentant d’une société anonyme est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable.

Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du fait du non-paiement des impôts dont est redevable une personne morale, il y a lieu de se référer plus particulièrement aux dispositions du paragraphe 109 AO, qui dispose dans son alinéa (1) que : « die Vertreter und die übrigen in den Paragraphen 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den Paragraphen 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».

Ces dispositions légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société, en ce compris, conformément au paragraphe 108 AO, les dirigeants de fait ou dirigeants apparents, c’est-à-dire ceux qui se comportent, à l’égard des tiers, comme s’ils avaient le pouvoir de disposer : a contrario, les personnes non visées par ces dispositions ne sont pas soumises à cette responsabilité personnelle.

Il se dégage encore de ces dispositions légales que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.

Le paragraphe 7 (3) StAnpG, disposant par ailleurs que « jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will.

Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce, à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.

En cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG qui dispose que ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d'imposition n'est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d'entre eux1. En toute hypothèse, il appartient au bureau d'imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix.

Quant à l’exercice du pouvoir d’appréciation par l’administration, le paragraphe 2 StAnpG dispose dans son alinéa (1) que « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision.

En l’espèce, le bureau d’imposition a décidé de mettre en œuvre la responsabilité personnelle de la demanderesse en sa qualité d’administrateur de la société … en relevant à l’appui de sa décision notamment l’omission dans son chef de verser à l’administration la totalité des sommes dues par ladite société au titre de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2007 à 2010, empêchant de ce fait le receveur de l’administration des Contributions directes de percevoir les impôts d’un montant total de … euros. Par la décision déférée, le directeur a confirmé le bulletin d’appel en garantie ainsi émis par le bureau d’imposition.

Il appartient à cet égard au tribunal de constater d’abord qu’il ressort de la publication officielle du Mémorial C, Recueil des Sociétés et Associations, N°509 du 10 juillet 1998, qui, conformément à l’article 9, paragraphe 4 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, est seule opposable aux tiers et dès lors également à l’administration, que lors de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires qui s’est tenue le 5 mai 1998, Madame … a été nommée au poste d’administrateur de la société …, mandat qu’elle a occupé pendant toute la période fiscale litigieuse, et que suivant l’article 6 alinéa 2 des statuts de la société … publiés au 1 cf. trib. adm. 14 juin 2010 n° 26277 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu .

Mémorial chaque administrateur peut engager la société par signature individuelle jusqu’à un montant de 150.000 LUF.

Dans la mesure où la demanderesse a été nommée à partir du 5 mai 1998 à la fonction d’administrateur de la société …, elle doit être considérée comme ayant été à partir de ce moment-

là officiellement en charge de l’administration de la société, et, conformément à l’article 53 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, comme ayant été à partir de ce même moment un des représentants légaux de ladite société à l’égard des tiers, la société … ayant été représentée à l’égard des tiers par son conseil d’administration.

Dans la mesure où il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que les pouvoirs et, partant la responsabilité de Madame … dans l’administration de la société …, eut été limités à des domaines spécifiques, il y a lieu de conclure qu’elle était un des représentants légaux de la société … et, ensemble avec les autres administrateurs désignés, en charge de son administration, dont fait partie l’accomplissement des obligations fiscales incombant à la société et notamment le paiement, sur les fonds de la société, des impôts dont elle est redevable directement, respectivement de ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui.

En l’espèce, le tribunal est amené à retenir, de concert avec la partie gouvernementale, que la demanderesse a de ce fait sciemment omis de verser au trésor public l’impôt qui était dû sur les traitements et salaires du personnel de la société … pour la période concernée, alors qu’elle est en aveu qu’elle ne s’est délibérément jamais occupée de la gestion de la société et que son rôle s’est limité à remplir les rangs.

En tant que personne étant de jure en charge de l’administration de la société, Madame …, conformément au paragraphe 103 AO, était en effet personnellement tenu - et ceci indépendamment de la question du pouvoir de signature afin d’engager la société …- pendant les périodes correspondant à l’exercice de cette fonction, à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, de sorte qu’elle était obligée de retenir, lors du paiement des salaires, l’impôt sur les salaires, ainsi que de le verser au trésor public.

La faute ainsi commise est d’autant plus reprochable qu’en arrogeant ainsi à la société … un crédit en ne payant pas des sommes qui sont dues au fisc, elle a permis à la société d’utiliser l’argent que la société est tenue de payer pour compte des salariés, étant relevé qu’il s’agit de sommes d’argent qui, dès le versement du salaire, ne doivent pas recevoir une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû par le salarié. Or, en ne veillant pas à donner à ces montants l’affectation qu’ils doivent recevoir, le représentant de la société a permis à celle-ci de détourner lesdits montants à d’autres fins, ce qui constitue à l’évidence une inexécution gravement fautive de ses devoirs.

En l’espèce, la faute est encore plus grave que le défaut de paiement des retenues d’impôt s’est étendu sur plusieurs années, à savoir de 2007 à 2010.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que les explications fournies en l’espèce par la partie gouvernementale permettent à suffisance, au regard des exigences posées par le paragraphe 109 AO et par le paragraphe 2 StAnpG, de justifier le constat d’un comportement fautif dans le chef de la demanderesse. C’est dès lors à bon droit que le bureau d’imposition a retenu une faute caractérisée à charge de la demanderesse.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation de la demanderesse qu’elle n’aurait de facto pas été en charge de la gestion journalière de la société et que cette tâche aurait appartenu à Monsieur …. Mise à part le constat que Monsieur … a démissionné de ses fonctions d’administrateur délégué en date du 21 mai 2010 sans être remplacé, il convient de prime abord de souligner que les pouvoirs et devoirs attribués expressément par la loi au conseil d’administration ne peuvent faire l’objet d’aucune délégation, seuls les actes « qui en raison tant de leur peu d’importance que de la nécessité d’une prompte solution ne justifient pas l’intervention du conseil d’administration lui-même 2» pouvant faire l’objet d’une telle délégation.

Il convient ensuite de relever qu’en tout état de cause, les membres du conseil d’administration n’échappent pas à leurs responsabilités parce qu’ils délèguent en tout ou en partie celles-ci à d’autres ; ils doivent au contraire assumer une surveillance constante de ceux à qui ils donnent pareille délégation3.

En ce qui concerne le fait que la demanderesse ait, en sa qualité d’administrateur, sciemment omis d’exercer un quelconque contrôle sur le fonctionnement et la gestion journalière de la société en général et des activités des autres administrateurs en particulier, force est de constater qu’il est constant en cause que Madame … n’avance dans le cadre du présent recours aucune explication susceptible d’excuser son comportement, si ce n’est de mettre en exergue le fait qu’elle n’aurait été qu’un administrateur de complaisance afin de respecter le nombre de trois administrateurs tel que requis par les statuts.

Il convient toutefois de rappeler, comme retenu ci-dessus, que les administrateurs sont en tout état de cause responsables d’un défaut de surveillance du délégué à la gestion journalière4. Par ailleurs, il est admis que les administrateurs sont nommés parce que l’on attend d’eux la compétence nécessaire pour l’accomplissement de leurs fonctions, de sorte qu’actifs et non-actifs répondent de leurs actes de la même façon. Ni une éventuelle incompétence technique, ni le motif philanthropique pour lequel il aurait accepté sa mission, ni d’éventuelles absences au sein du conseil ne pourraient limiter la responsabilité d’un administrateur5, le fait de ne pas exercer ses fonctions dans la société étant en soi une faute de gestion6. En effet, la faute n’implique pas seulement de la part de l’administrateur un agissement actif. La responsabilité de l’administrateur peut être engagée par son attitude passive, sa négligence, son incurie7 ; aussi, le comportement de la demanderesse, consistant en une légèreté ou une insouciance particulière doit être considéré comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société, ou du moins les normes importantes8.

2 Cass. b., 17 septembre 1968, Pas.b., 1969, p.61 3 Mons, 20 mai 1985, R.P.S., 1985, p.290.

4 Voir notamment P. Berna, Le statut des administrateurs de sociétés anonymes, Bulletin du Cercle François Laurent, 1987, II, p.36.

5 D. Matray, Observations sur la responsabilité dans la constitution et la gestion des sociétés, notes n° 211, 212 et 213, dans : Chroniques de droit à l’usage du Palais, Tome VII, Le droit des sociétés, 1989.

6 Ibidem, note n° 214.

7 P.Thielen et J. Delvaux, La responsabilité civile des administrateurs de sociétés anonymes en droit luxembourgeois -

situation actuelle et tendance future, Bulletin Droit et banque, 4/1948, p.6, et N. Schaeffer, Réflexions sur la responsabilité des administrateurs et dirigeants de sociétés commerciales de capitaux, Bulletin de la Conférence St Yves, n° 77, novembre 1990, p.18 8 D. Matray, op.cit, notes n° 67, 68, 69 et 70.

Dès lors, le fait de ne pas avoir surveillé la gestion prétendument déléguée à Monsieur … est de nature à engager la responsabilité des administrateurs de la société …, dont celle de Madame …, solidairement co-responsable, qui est notamment en aveu d’avoir sciemment omis de ce faire.

Il s’ensuit que la demanderesse ne saurait valablement minimiser voire rejeter sa responsabilité en se retranchant derrière le fait que la gestion journalière de la société aurait prétendument été exercée par Monsieur … et qu’elle n’aurait eu aucun pouvoir de signature, alors qu’il est rappelé que les statuts prévoient en leur article 6 que « La société se trouve engagée soit par la signature individuelle d’un administrateur pour toutes opérations dont l’enjeu de dépasse pas cent cinquante mille francs luxembourgeois (150.000,- LUF). Pour les opérations dépassent cent cinquante mille francs luxembourgeois (150.000,-LUF), la signature de deux administrateurs est requise, le tout sans préjudice d’éventuelles délégations de pouvoirs à un administrateur-

délégué», de sorte que Madame … disposait en tant qu’administrateur d’un pouvoir de signature plus ou moins étendu vis-à-vis des tiers.

Aussi, concernant la période litigieuse, le tribunal ne peut dès lors que constater que la demanderesse a librement assumé de jure la charge d’administrateur de la société … et qu’en tant que telle elle a éminemment failli à ses devoirs en ne portant aucun intérêt à la gestion journalière de la société qu’elle a pourtant représentée d’un point de vue légal et en s’abstenant par là-même de verser à l’Etat les sommes retenues ou qui auraient dû être retenues sur les salaires payés.

Il s’ensuit qu’il y a lieu d’admettre, à l’instar de ce qui a été retenu par le directeur, que Madame …, en sa qualité d’administrateur de la société …, est personnellement responsable des insuffisances dans le règlement de l’impôt qui sont la conséquence de son comportement fautif, à savoir son défaut caractérisé d’avoir veiller à continuer pendant la période en question l’impôt retenu sur les salaires au trésor public.

En avançant ces considérations à l’appui de sa décision, le directeur s’est livré à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles de fonder sa décision. 9.

En ce qui concerne le reproche de la demanderesse que la perception de l’impôt entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité eu égard à la personne du contribuable, en citant le paragraphe 135 AO, force est au tribunal de constater que le moyen ainsi soulevé par la demanderesse est propre à une demande de remise gracieuse au sens du paragraphe 131 AO. Or, ces arguments sont inopérants dans le cadre d’un recours contre une décision du directeur sur réclamation contre un bulletin d’appel en garantie.

Le critère d’équité invoqué par la demanderesse pourrait tout au plus être analysé au regard des principes rappelés ci-dessus et se dégageant du paragraphe 2 StAnpG, précité.

Néanmoins, tel que cela a été retenu ci-avant, au regard des éléments du dossier, la décision de retenir une inexécution fautive de ses obligations à charge de la demanderesse a été prise en conformité avec le paragraphe 2 StAnpG et n’est pas à considérer comme disproportionnée. A cet égard, il convient de relever que la référence faite par la demanderesse à 9 Cour adm., 3 mai 2016, n° 37282C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu l’importance de la dette est insuffisante pour retenir que le critère d’équité n’ait pas été respecté par le directeur. Au contraire, force est de constater que l’importance de la somme des impôts en souffrance est de nature à aggraver la faute de l’administrateur responsable du paiement des impôts.

Enfin, quant aux conséquences de l’appel en garantie sur la situation financière de la demanderesse, force est de constater, d’une part, que cette dernière, si elle devait être amenée à payer l’intégralité des sommes en souffrance, dispose d’une possibilité de recours contre les autres administrateurs, et, d’autre part, qu’en tant que coresponsable du paiement des sommes litigieuses, la demanderesse est seulement à l’origine de l’importance de la dette fiscale de la société …, de sorte que l’importance du montant réclamé n’est pas de nature à la délier de sa responsabilité.

Partant, le tribunal est amené à conclure que c’est à bon droit que le directeur a déclaré non fondé la réclamation et a retenu que le bureau d’imposition a à juste titre engagé la responsabilité de la demanderesse pour le paiement de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2007 à 2010 de la société … resté en souffrance.

S’agissant du moyen de la demanderesse qu’il y aurait prescription des créances résultant des années d’imposition 2007 à 2009, il y a lieu de relever que l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, des droits d’accises sur l’eau de vie et des cotisations d’assurance sociale dispose que « La créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois, en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de 10 ans ».

Force est de constater qu’en l’espèce, il y a bien eu non-déclaration dans le chef du contribuable pour les exercices visés, puisque, tel que développé dans la décision directoriale sans que la demanderesse n’ait apporté le moindre argument en sens contraire, le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir n’aient été continués entièrement au receveur, ce qui constitue en soi une non-déclaration conduisant à l’application de la prescription décennale, étant d’ailleurs relevé que la demanderesse n’a pas établi que les déclarations afférentes quant aux retenus sur salaire opérées, avaient été transmises à l’administration des Contributions directes, de sorte que le moyen tiré de la prescription de la dette fiscale est en tout état de cause non fondé10.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres contestions que le recours est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre le bulletin d’appel en garantie du 14 avril 2015 ;

10 trib. adm.6 juillet 2016, n° 36437 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation dirigé contre le bulletin d’appel en garantie du 14 avril 2015 ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 août 2015 ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 août 2015 ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 23 décembre 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23/12/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 37189
Date de la décision : 23/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-12-23;37189 ?

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