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21/12/2016 | LUXEMBOURG | N°38748

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 décembre 2016, 38748


Tribunal administratif No 38748 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 novembre 2016 3e chambre Audience publique du 21 décembre 2016 Recours formés par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38748 du rôle et déposée le 22 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Faisal QURAISHI,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif No 38748 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 novembre 2016 3e chambre Audience publique du 21 décembre 2016 Recours formés par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38748 du rôle et déposée le 22 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Faisal QURAISHI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo) et de son épouse, Madame …, née le … à … (Kosovo), agissant tant en leurs noms personnels qu’au nom et pour compte de leurs enfants communs mineurs …, née le … à … (Allemagne), …, née le … à … (Allemagne), …, née le … à … (Allemagne) et …, né le … à … ainsi qu’au nom de Madame …, née le … à …, tous de nationalité kosovare, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 8 novembre 2016 de les transférer vers l’Allemagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de leur demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 décembre 2016.

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Le 26 septembre 2016, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants …, …, …, … et …, ci-après les consorts « … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Monsieur … et Madame … furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités allemandes en date du 19 octobre 2016 en vue de la reprise en charge de la demande de protection internationale des consorts ….

Par deux courriers du 28 octobre 2016 réceptionnés le 31 octobre 2016, les autorités allemandes acceptèrent cette reprise en charge.

Par une décision du 8 novembre 2016, envoyée par lettre recommandée aux intéressés le 9, respectivement 10 novembre 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », sur base de la considération que les consorts … avaient déposé une demande de protection internationale en date du 6 novembre 2015 en Allemagne, et que les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge l’examen de leur demande de protection internationale, informa ces derniers de sa décision de les transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et de l’article 18, paragraphe (1), b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2016, inscrite sous le numéro 38748 du rôle, les consorts … ont fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle du 8 novembre 2016.

En vertu de l’article 35, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en annulation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs estiment qu’en se déclarant incompétent pour connaître de leur demande de protection internationale, le ministre aurait fait abstraction du fait que l’Allemagne aurait manqué d’analyser leur demande de protection internationale de manière effective et dans un délai raisonnable depuis le 6 novembre 2012, ainsi que du fait qu’ils n’auraient pas bénéficié de l’assistance d’un avocat ou conseil. L’absence d’examen effectif de leur demande de protection internationale par les autorités allemandes serait en tout état de cause contraire aux principes essentiels de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953 et aux articles 1er et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ils font valoir que dans ces conditions, il serait impossible de les renvoyer en Allemagne où les conditions d’accueil ne seraient manifestement pas remplies au sens de l’article 3, paragraphe 2, alinéa 2 du règlement Dublin III.

Par ailleurs, les demandeurs font état de défaillances systémiques qui existeraient en Allemagne en rapport avec leurs demandes de protection internationale. En effet, l’Allemagne aurait accueilli un nombre trop important de demandeurs d’asile par rapport à ses capacités d’accueil, de sorte que le respect des conditions d’hébergement et d’analyse des demandes de protection internationale présentées n’y serait pas garanti.

Ils soutiennent encore qu’ils auraient toujours eu l’intention de se rendre au Luxembourg, de sorte que les dispositions de l’article 18, paragraphe 1, d) du règlement Dublin III ne s’appliqueraient pas.

Finalement, ils déclarent être prêts à quitter volontairement le Luxembourg dans un délai raisonnable pour ne pas être transférés en Allemagne.

Le délégué du gouvernement conclut quant à lui au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Aux termes de l’article 18, paragraphe (1) du règlement Dublin III : « L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : […] d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre. ».

Il s’ensuit que si, en vertu du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide, d’un côté, de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et, de l’autre côté, de ne pas examiner sa demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Le tribunal constate de prime abord qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est motivée, d’une part, par le fait que les demandeurs ont déposé le 6 novembre 2012 une demande de protection internationale en Allemagne et, d’autre part, par le fait que les autorités allemandes ont accepté de les reprendre en charge, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de transférer les demandeurs vers l’Allemagne et de ne pas examiner leur demande de protection internationale.

En l’espèce, force est de relever que les demandeurs ne contestent pas la compétence de principe de l’Etat allemand, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois, mais ils reprochent en substance au ministre d’avoir violé l’article 3, paragraphe 2, 2e alinéa du règlement Dublin III, aux termes duquel « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable » et estiment que leurs demandes en obtention d’une protection internationale n’auraient pas été effectivement analysées en Allemagne, en raison des défaillances systémiques qui y existeraient.

Le tribunal est amené à conclure, de concert avec le délégué du gouvernement, que les affirmations selon lesquelles il existerait de graves problèmes systémiques en Allemagne en ce qui concerne les demandes de protection internationale et l’accueil des demandeurs de protection internationale, restent à l’état de pures allégations, en ce que les demandeurs sont restés en défaut, d’une part, de faire valoir un problème concret ayant pu affecter l’analyse de leurs demandes de protection internationale, respectivement leurs conditions d’accueil en Allemagne et, d’autre part, de soumettre au tribunal un quelconque élément de preuve, tels que notamment des rapports internationaux, relatifs aux difficultés prétendument rencontrées par les autorités allemandes dans le traitement des demandes de protection internationale et en ce qui concerne les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. S’y ajoute, et contrairement aux affirmations des demandeurs, selon lesquelles leur demande de protection internationale déposée en Allemagne le 6 novembre 2012 n’aurait pas encore été analysée, dépassant ainsi le délai raisonnable, qu’il ressort des éléments du dossier administratif, et plus précisément de l’accord de reprise en charge des autorités allemandes adressé aux autorités luxembourgeoises en date du 31 octobre 2016, que les consorts … ont été déboutés de leur demande de protection internationale en Allemagne.

Par ailleurs, il échet de souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés.

S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il y existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que ces défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne1.

Or, en l’espèce, les demandeurs invoquent la circonstance abstraite que les centres d’hébergement seraient débordés en Allemagne, sans étayer ce moyen et sans apporter la preuve que des défaillances systémiques en la présente matière seraient apparues en Allemagne suite à l’augmentation récente du nombre de demandeurs de protection internationale.

En ce qui concerne l’affirmation relative à une prétendue absence d’un avocat en Allemagne, le tribunal est amené à retenir qu’une telle affirmation, non autrement étayée, et restant, par ailleurs, à l’état de pure allégation, n’est pas à elle seule susceptible d’établir l’existence de défaillances systémiques en Allemagne, alors qu’il n’est pas établi que les demandeurs se sont effectivement vus refuser les conseils d’un avocat par les autorités allemandes ou encore, que leurs droits de défense n’ont pas été respectés en Allemagne.

Il suit des considérations qui précèdent que le moyen des demandeurs fondé sur une violation de l’article 3, paragraphe 2, alinéa 2 du règlement Dublin III, ainsi que des articles 1er et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils auraient toujours eu l’intention de se rendre au Luxembourg, affirmation d’ailleurs contredite par les pièces du dossier administratif, selon lesquelles ils se trouvent sur le territoire allemand depuis 1999, il y a lieu de retenir que le règlement Dublin III prévoit des critères objectifs de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale et que ledit règlement a été, entre autres, adopté afin d’éviter le « forum shopping », de sorte que l’intention des demandeurs n’est pas à prendre en considération dans la procédure de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de leur demande de protection internationale.

1 CJCE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

Pour être tout à fait complet, et en ce qui concerne la déclaration des demandeurs qu’ils ne souhaiteraient « en aucun cas être transféré vers l’Allemagne », mais qu’ils seraient prêts « à titre subsidiaire », à quitter volontairement le Luxembourg « dans un délai raisonnable », il échet de constater que dans la mesure où cette déclaration n’est pas à considérer comme constituant un moyen dirigé contre la décision sous examen, le tribunal n’a pas à y prendre position, cette question relevant pour le surplus de l’exécution de cette décision qui n’est pas du ressort des juridictions administratives.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

quant au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 décembre 2016 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Hélène Steichen, juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 décembre 2016 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 38748
Date de la décision : 21/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-12-21;38748 ?

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