Tribunal administratif Numéro 37104 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 octobre 2015 3e chambre Audience publique du 21 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et contre un bulletin d’appel en garantie, en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 37104 du rôle et déposée le 29 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KLEYR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du 29 juillet 2015 du directeur de l’administration des Contributions directes répertoriée sous le numéro C 21133 du rôle, portant rejet de sa réclamation introduite à l’encontre d’un bulletin d’appel en garantie émis par le bureau RTS Luxembourg 1 en date du 12 mai 2015, ainsi qu’à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin d’appel en garantie en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2016 par Maître Marc KLEYR pour compte de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision et le bulletin déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ella SCHONKERT, en remplacement de Maître Marc KLEYR et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou THILL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 novembre 2016.
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En date du 12 mai 2015, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par le « bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’égard de Monsieur … en sa qualité d’administrateur-délégué de la société anonyme …dénommée ci-après « la société …», déclarée en faillite par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 22 novembre 2013, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant total de …,- euros, en principal et intérêts, résultant de retenues d’impôt non réalisées pour les années 2011, 2012 et 2013.
Par courrier du 1er juillet 2015, Monsieur … introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », à l’encontre dudit bulletin d’appel en garantie.
Par décision du 29 juillet 2015, référencée sous le numéro C 21133 du rôle, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation ainsi introduite par Monsieur …, dans les termes suivants :
« Vu la requête introduite le 1er juillet 2015 par le sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires Luxembourg 1 en date du 12 mai 2015 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119 alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§238AO) dans les forme (§249AO) et délai (§245AO) de la loi ; qu’elle est partant recevable ;
Considérant que le bureau d'imposition, après avoir constaté que le réclamant était tenu en sa qualité d'administrateur-délégué de la société anonyme …actuellement en faillite, de payer sur les fonds administrés les impôts dont la société était redevable et qu'il avait négligé de remplir les obligations qui lui incombaient à cet égard aux termes du § 103 AO, l'a déclaré responsable du non-paiement de la retenue sur les traitements et salaires dus par la société pour les années 2011, 2012 et 2013 au montant total de … euros, dont … euros au principal et … euros à titre d'intérêts de retard; qu'à cet égard l'omission de verser les sommes retenues serait à considérer comme faute grave au sens du § 109 AO ;
Considérant que le réclamant fait valoir qu'il n'aurait commis aucune inexécution fautive et que de toute façon les intérêts de retard ne seraient pas exigibles ;
Considérant, d’une part, que les intérêts de retard constituent un accessoire des impôts auxquels ils se rapportent (Cour Administrative no 31326C du 20.12.212) et sont dès lors exigibles ensemble avec le montant principal ;
Considérant, d’autre part, qu'il résulte de l'instruction du dossier que pour les années 2011, 2012 et 2013, le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur ;
Considérant que le représentant est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ;
qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE 20.10.1981 no 6902) ;
que dans la mesure où l'administrateur-délégué par l'inexécution fautive de ces obligations a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe constitué co-débiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ;
Considérant qu'en vertu de l'article 136 alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ;
que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ;
que la responsabilité de l'administrateur-délégué est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (CA du 6 mai 2003 no 15989C) ;
qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sa responsabilité, pour les actes par lui accomplis pendant la période de ses fonctions, survit à l'extinction de son pouvoir de représentation (§110 AO) ;
Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH 24 novembre 1961, BStBl.
1962.37 ; 3 février 1981, BStBl. 1981 II 493 ; cf. Becker-Riewald-Koch §2 StAnpG Anm. 5 Abs.
3) ;
que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe-même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef de l'administrateur-délégué d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109 alinéa 1 AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (CA du 22.02.2000, no 11694C) ;
Considérant qu'en l'espèce l'auteur de la décision a révélé les circonstances particulières susceptibles de justifier sa décision de poursuivre le réclamant et de mettre à sa charge l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires ;
qu'il développe clairement les raisons qui l'ont conduit à engager la responsabilité de l'administrateur-délégué, pour les années d'imposition litigieuses ;
Considérant qu'il se dégage d'une publication au Mémorial C que lors de la réunion du conseil d’administration du 25 avril 2012, le réclamant a été nommé administrateur-délégué de la société …, sans qu’une démission n’ait été publiée par la suite ;
qu'en cette qualité il disposait du pouvoir d’engager ladite société par sa seule signature et était en charge de la gestion journalière de la société ;
Considérant que pour les années en cause, le réclamant n'a pas réglé toutes les retenues, ce fait constituant en soi une faute caractérisée ;
Considérant en effet que le § 109 AO prévoit un régime de responsabilité des représentants d'une société qui ne déroge pas au droit commun, mais qui le renforce, et soumet la mise en œuvre de cette responsabilité à la triple condition de l'existence d'une faute (schuldhafte Verletzung), d'un dommage et d'un lien de causalité entre le dommage et la faute ;
que la faute consiste dans le fait, soit de ne pas avoir accompli soi-même, soit de ne pas avoir veillé à l'accomplissement des obligations incombant à la personne morale représentée et que le dommage consiste dans l'insuffisance de l'impôt légalement dû, le lien de causalité se caractérisant par le fait que l'insuffisance est la conséquence du comportement fautif du représentant ;
que le fait pour un administrateur-délégué, position-clé d'une société, de ne pas verser toutes les retenues sur traitements et salaires au Trésor public constitue un comportement fautif per se ;
Considérant que l'auteur de la décision a également motivé sa décision en ce qui concerne le montant pour lequel la responsabilité du réclamant est engagée en vue des éléments qui précèdent ;
Considérant que pour les années 2011, 2012 et 2013, les montants à retenir n'ont pas été payés intégralement au receveur ;
Considérant que le réclamant a sciemment omis de verser l'intégralité de l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires pendant la période visée et que partant il a empêché la perception de l'impôt légalement dû ;
Considérant qu'il s'ensuit que la responsabilité du réclamant en tant qu'administrateur-
délégué de la société anonyme …est incontestablement établie et la mise à charge de l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur traitements et salaires de la période en cause est justifiée ;
Considérant que, de même qu'en matière de responsabilité du fait personnel (art.1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables, le gérant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 octobre 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 29 juillet 2015 portant rejet de sa réclamation introduite à l’encontre du bulletin d’appel en garantie émis à son encontre par le bureau RTS Luxembourg 1 en date du 12 mai 2015, ainsi que du prédit bulletin d’appel en garantie.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a tout d’abord soulevé l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé directement contre le bulletin d’appel en garantie et ce eu égard à la prise en l’espèce d’une décision explicite par le directeur sur la réclamation du demandeur.
En vertu des dispositions de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre le bulletin1.
Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a statué sur la réclamation du demandeur par une décision du 29 juillet 2015, il y a lieu de conclure à l’irrecevabilité tant du recours en réformation que du recours en annulation sous analyse pour autant qu’ils sont dirigés directement contre le bulletin d’appel en garantie du 12 mai 2015.
En ce qui concerne la recevabilité du recours sous analyse pour autant qu’il est dirigé contre la décision du directeur du 29 juillet 2015 portant rejet de la réclamation de Monsieur … dirigée contre le bulletin d’appel en garantie émis à son encontre en date du 12 mai 2015, il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du 1 Trib. adm. 6 janvier 1999, n°10357 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 864 et les autres références y citées.
paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996 le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.
Il s’ensuit qu’en l’espèce le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale du 29 juillet 2015 précitée, ayant statué sur les mérites de la réclamation introduite par Monsieur … contre le bulletin d’appel en garantie dont il a fait l’objet.
Ledit recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre la décision directoriale du 29 juillet 2015.
A l’appui de son recours et en fait, Monsieur … précise que la société …aurait été constituée en date du 4 juillet 2003 et aurait eu comme objet social « la vente d’essence, d’huile et de graisse pour autos, d’accessoires d’autos, de pneus, d’accumulateurs, de boissons, d’articles de confiserie, de cassettes magnétiques et d’articles de bimbeloterie, d’articles pour fumeurs ». Il explique qu’en ce qui concerne l’activité de vente de produits pétroliers la société en question aurait conclu deux « contrats de vente et de consignation » avec la société anonyme … s.a., ci-après désignée par « la société … ».
En date du 25 avril 2012, il aurait été nommé administrateur-délégué à la gestion journalière de la société …. Il donne à considérer qu’au jour de son entrée en fonction, la société en question se serait trouvée dans une situation financière difficile, alors qu’au fil des années elle aurait accumulé des dettes envers de nombreux fournisseurs et d’organismes étatiques, Monsieur … ajoutant que par manque de liquidités de nombreux virements bancaires effectués par la société en question n’auraient pas été exécutés.
Le demandeur explique qu’en 2012, la dette de la société …envers la société … se serait élevée à …,- euros, de sorte que les relations contractuelles entre ces deux sociétés se seraient progressivement dégradées. Ainsi, la société … aurait imposé à la société …de préfinancer le remplissage des cuves de carburants et aurait même refusé de livrer du carburant afin de pousser celle-ci à éponger ses dettes au plus vite. Suite à cette rupture d’approvisionnement, les deux stations-services de la société …se seraient retrouvées à sec, de sorte que la société en question aurait été dans l’impossibilité de réaliser un chiffre d’affaires. Le 2 octobre 2013, la société … aurait fini par résilier avec effet immédiat les deux contrats de vente et de consignation et aurait sommé la société …à quitter les lieux des deux sites d’exploitation endéans un délai de 10 jours.
La situation financière de la société …aurait empiré et la société en question aurait fini par être déclarée en faillite par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 22 novembre 2013.
En droit, le demandeur se prévaut en premier lieu d’une violation du paragraphe 109 AO en soutenant que le non-paiement en intégralité des retenues sur salaires au titre d’impôt sur le revenu pour les années litigieuses constituerait tout au plus un manquement à une obligation fiscale, mais ne saurait être constitutif d’une inexécution fautive de sa part. A cet égard, le demandeur précise plus particulièrement qu’aucun des créanciers de la société …, et non seulement l’administration des Contributions directes, n’aurait été payé, de sorte que cette dernière ne saurait affirmer qu’en s’étant abstenue de payer les retenues sur salaires redûs, il aurait détourné les montants en question à d’autres fins. En se prévalant de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le demandeur fait plaider qu’il appartiendrait cependant à l’administration des Contributions directes de rapporter les preuves relatives à un éventuel détournement de fonds. Or, et dans la mesure où ni le bureau d’imposition ni le directeur, n’auraient apporté une quelconque preuve quant à un détournement de fonds, respectivement quant à une prétendue inexécution fautive de sa part, les conditions de mise en œuvre de la responsabilité personnelle d’un administrateur selon le paragraphe 109 (1) AO auraient été méconnues en l’espèce.
En se prévalant encore de l’article 136 (4) de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », le demandeur fait valoir que l’employeur serait certes tenu de retenir et de verser l’impôt sur le salaires de ses salariés, il ne s’agirait cependant pas d’une obligation de portée générale absolue, étant donné qu’il serait possible d’établir que le défaut ou l’insuffisance de retenue n’est pas imputable à l’employeur, le demandeur étant ainsi d’avis qu’en l’espèce, et compte tenu de la situation financière précaire de la société …, l’insuffisance de versements des retenus d’impôt sur salaires ne saurait lui être imputable.
Le demandeur fait encore plaider qu’en l’espèce, tant le bureau d’imposition, que le directeur, seraient restés en défaut de motiver leur choix d’engager sa responsabilité personnelle plutôt que celle d’un autre administrateur. Or, en vertu du paragraphe 7 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après désignée par « StAnpG », en cas de pluralité de responsables, l’administration des Contributions directes ne serait pas tenue de poursuivre tous les codébiteurs et devrait en tout état de cause motiver son choix de poursuivre un codébiteur déterminé et ce par des « motifs d’équité et d’opportunité ». A cet égard, le demandeur donne encore à considérer que le bulletin d’appel en garantie porterait non seulement sur la période pendant laquelle il aurait exercé la fonction d’administrateur-
délégué, mais également sur la période antérieure à son entrée en fonction, période pour laquelle il serait « anormal » de voir sa responsabilité engagée. Le demandeur ajoute que le directeur aurait d’ailleurs omis de désigner un codébiteur solidaire des dettes de la société …et ne se serait pas livré à une appréciation in specie, mais se serait contenté d’invoquer des motifs stéréotypés en paraphrasant les dispositions légales applicables.
Finalement, le demandeur conteste encore être redevable des intérêts de retard à hauteur de …,- euros, en arguant que ces intérêts ne répondraient pas à la définition de créance d’impôt mais constitueraient une sanction en raison de l’inobservation d’une prescription légale.
La partie étatique quant à elle conclut au rejet du recours sous analyse.
En ce qui concerne la légalité externe de la décision directoriale déférée, il échet de souligner que si en l’espèce le demandeur soutient, comme relevé ci-avant, que le directeur n’aurait utilisé qu’une formulation stéréotypée afin d’engager sa responsabilité personnelle et qu’il n’aurait par ailleurs fait que renvoyer aux dispositions légales applicables, respectivement les aurait paraphrasé, le tribunal, pour sa part, constate que la décision sur réclamation litigieuse, telle que citée in extenso ci-avant, mentionne de manière circonstanciée les éléments de fait et de droit justifiant aux yeux du directeur que Monsieur … soit déclaré codébiteur solidaire de la dette fiscale de la société …- la question du bien-fondé de ces motifs relevant de l’examen au fond du recours - le directeur ayant en substance retenu qu’il se dégageait d’une publication au Mémorial C que lors de la réunion du conseil d’administration du 25 avril 2012, Monsieur … a été nommé administrateur-délégué de la société …, de sorte à y avoir occupé une position-clé, et qu’en cette qualité, il aurait commis une faute en omettant sciemment de verser l’impôt dû par ladite société sur les traitements et salaires de son personnel pour les années litigieuses et en empêchant de ce fait la perception de l’impôt légalement dû. Le directeur a encore mis en exergue que le demandeur ne saurait s’exonérer en invoquant une prétendue faute d’un tiers, lequel n’entrerait en ligne de compte qu’au stade du recours entre les coresponsables, tout en précisant que l’administrateur responsable sur le fondement du paragraphe 109 AO ne pourrait s’opposer à une poursuite au motif qu’elle n’aurait pas été engagée contre l’autre.
Le tribunal relève par ailleurs que les motifs ayant présidé à l’appel en garantie du demandeur sont encore précisés dans le bulletin d’appel en garantie même, lequel précise également que le demandeur aurait été nommé administrateur-délégué de la société …, tel que ceci résulterait d’une publication au Mémorial C numéro 1421 du 7 juin 2012. Le bulletin précise encore qu’aux termes du paragraphe 103 AO, le demandeur était en sa qualité d’administrateur-
délégué en charge de la gestion journalière de la société …et personnellement tenu de l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à cette même société, dont notamment le paiement des impôts dus par la société à l’aide des fonds administrés. Par ailleurs, conformément au paragraphe 136 AO, il aurait incombé au demandeur de prélever sur les fonds administrés les fonds nécessaires pour acquitter les impôts dus. Comme le demandeur aurait omis de retenir, déclarer et verser la retenue d’impôt, des retenues d’impôts d’un montant de …,-
euros, y inclus les intérêts, seraient restées en souffrance ; le bulletin d’appel en garantie précisant d’ailleurs encore qu’en sa qualité de codébiteur solidaire, un appel en garantie aurait également été adressé à Monsieur …. Le tribunal souligne à cet égard que ces motifs, figurant dans le bulletin d’appel en garantie, participent à la motivation de la décision du directeur du 29 juillet 2015, dans la mesure où ce dernier, à travers sa décision, a expressément confirmé le bulletin d’appel en garantie.
Le moyen du demandeur, basé sur un défaut de motivation de la décision directoriale du 29 juillet 2015 déférée, respectivement une motivation insuffisante pour être stéréotypée, est dès lors à rejeter.
Ensuite et en ce qui concerne la légalité interne de la décision déférée, il échet de rappeler qu’en vertu des dispositions de l’article 136 (4) LIR, l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au paragraphe 103 AO, qui dispose que « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».
Dès lors, le représentant d’une société anonyme est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui.
Il n’en demeure cependant pas moins que le dirigeant d’une société ne peut être tenu personnellement responsable du non-paiement de ces impôts que dans les conditions plus particulièrement prévues au paragraphe 109 AO qui dispose, comme retenu ci-avant, dans son alinéa (1) que : « die Vertreter und die übrigen in den Paragraphen 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den Paragraphen 103 bis 108 auferlegten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütungen zu unrecht gewährt worden sind ».
Ainsi et comme relevé à juste titre par le demandeur, le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers le fisc.
Le paragraphe 7, alinéa (3) StAnpG, disposant par ailleurs que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
En cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG qui dispose que ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d’imposition n’est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux. En toute hypothèse, il appartient au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix2.
Conformément au paragraphe 2 StAnpG disposant dans son alinéa 1er que « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen », l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles, en raison et en équité, de fonder sa décision.
En l’espèce, le demandeur entend s’exonérer de toute responsabilité éventuelle en soutenant d’une part, qu’il aurait rempli la fonction d’administrateur-délégué qu’à partir du 25 avril 2012, de sorte qu’il ne saurait être tenu responsable pour les impayés antérieurs à cette date, et, d’autre part en faisant valoir que la société …se serait trouvée dans une situation financière difficile, de sorte qu’elle n’aurait pas été en mesure de payer ses divers créanciers, dont l’administration des Contributions directes et que partant aucun agissement fautif ne saurait lui être reproché, le demandeur précisant plus particulièrement ne pas avoir commis un quelconque détournement de fonds.
Force est de constater qu’en l’espèce, le bureau d’imposition a décidé de mettre en œuvre la responsabilité personnelle du demandeur en sa qualité d’administrateur-délégué de la société …, disposant du pouvoir d’engager la société sous sa signature, le bureau d’imposition ayant retenu plus particulièrement à charge de Monsieur … que celui-ci, en sa qualité de personne en charge de la gestion journalière de ladite société, aurait négligé l’accomplissement des obligations fiscales incombant à la société vis-à-vis de l’administration des Contributions directes, en l’occurrence de ne pas avoir continué les retenues d’impôt sur rémunération au Trésor Public.
En ce qui concerne les développements du demandeur qu’il ne saurait être tenu responsable du défaut de paiement des retenues d’impôt avant le 25 avril 2012, alors qu’avant cette date la société …aurait été « gérée par d’autres personnes régulièrement nommées à cet effet », force est au tribunal de constater qu’il résulte de la publication du Mémorial C N°1421 du 7 juin 2012, que lors de la réunion du conseil d’administration du 25 avril 2012, Monsieur … n’a pas été nommé en tant qu’administrateur-délégué de la société …, mais renommé, c’est-à-dire que son mandat d’administrateur-délégué a été reconduit. Il ressort encore d’une publication au Mémorial C N° 2027 du 28 octobre 2006, que Monsieur … a été désigné comme administrateur-
délégué chargé de la gestion journalière de la société …dès la tenue du conseil d’administration 2 Trib. adm. 14 juin 2010 n° 26277, confirmé par arrêt du 6 janvier 2011, n° 27126C, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 388.
du 5 juillet 2006 et ce sans limitation de durée. Ainsi, et contrairement aux affirmations du demandeur, il est constant en cause que Monsieur … a rempli les fonctions d’administrateur-
délégué depuis le mois de juillet 2006, de sorte que les développements selon lesquels il ne saurait être tenu responsable pour les retenues d’impôt sur traitements et salaires relatifs à l’année 2011 et aux mois de janvier à avril 2012 laissent d’être fondé. A cela s’ajoute qu’en tout état de cause c’est n’est pas seulement l’ancien représentant qui peut se voir opposer après la cessation de ses fonctions des manquements aux obligations fiscales du représenté survenus au cours de la période pendant laquelle il assumait les fonctions de représentant, mais également le nouveau représentant étant donné que celui-ci ne peut pas ignorer les manquements qui sont survenus antérieurement à son entrée en fonction. La circonstance qu’une obligation aurait dû être exécutée avant son entrée en fonction ne le libère pas et il doit remédier au manquement dès qu’il en a connaissance. Ainsi, le nouveau gérant n’est pas dispensé de veiller au dépôt des déclarations même si le délai a expiré avant sa prise de fonctions ou de verser au receveur la retenue d’impôt sur les salaires qui aurait dû être payée avant son entrée en fonction3.
Ainsi, et dans la mesure où le demandeur a rempli la fonction d’administrateur-délégué de la société …dès le 5 juillet 2006 et qu’en tout état de cause le nouvel administrateur-délégué n’est pas exonéré de verser au receveur les montants redus par la société et qui auraient dû être payés avant son entrée en fonctions, le demandeur doit en principe être considéré comme responsable du paiement des retenues d’impôt dues pour toute la période visée par le bulletin d’appel en garantie. En effet, en tant que personne de jure et de facto en charge de la direction et de la gestion journalière de la société, le demandeur, conformément au paragraphe 108 AO, était dès lors personnellement tenu pendant les périodes correspondant à l’exercice de cette fonction, à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, de sorte qu’il était en principe obligé de procéder au paiement de la dette fiscale échue, et ce indépendamment du fait que cette dette serait née avant son mandat, conformément au paragraphe 103 AO précité.
S’agissant de l’appréciation de la faute commise du fait du défaut de paiement plus spécifiquement des impôts sur traitements et salaires, il est vrai que, tel que cela a été retenu ci-avant, le seul non-respect d’une obligation fiscale n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO, mais il faut qu’une inexécution fautive soit vérifiée.
Or, en l’espèce, le tribunal est amené à retenir, de concert avec la partie étatique, que le demandeur a sciemment omis de verser au trésor public l’impôt qui était dû sur les traitements et salaires du personnel de la société …pour la période concernée.
En effet tant que personne étant de jure et de facto en charge de l’administration de la société, Monsieur …, conformément au paragraphe 103 AO, était personnellement tenu pendant les périodes correspondant à l’exercice de cette fonction, à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, de sorte qu’il était obligé de retenir, lors du paiement des salaires, l’impôt sur les salaires, ainsi que de le verser au trésor public et ce indépendamment 3 Boecker in Hübschmann/Hepp/Spitaler, Abgabenordnung 1997, Kommentar, § 36 AO 1977, Rz. 3 et 11-
12, cité dans: F. Rosen, « Obligations et responsabilité des dirigeants de société en matière de contributions directes», Droit fiscal luxembourgeois, Livre jubilaire de l’IFA Luxembourg, Bruylant, 2009, p. 201.
de la situation financière de la société en question, une telle situation financière précaire n’étant en effet pas susceptible d’exonérer le demandeur de son obligation de continuer les retenues d’impôts opérés.
La faute commise par Monsieur … est d’autant plus reprochable, alors que contrairement à ses affirmations, en omettant de continuer les montants redûs au fisc, il a arrangé de facto à la société …un crédit et il a utilisé l’argent que la société était tenue de payer pour compte des salariés, étant relevé qu’il s’agit de sommes d’argent qui, dès le versement du salaire, ne doivent pas recevoir une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû par le salarié et qui ne font pas partie du patrimoine réel de la société. En ne donnant pas à ces montants l’affectation qu’ils doivent recevoir, le représentant de la société détourne nécessairement lesdits montants à d’autres fins, ce qui constitue à l’évidence une inexécution gravement fautive de ses devoirs, qu’il n’a d’ailleurs pas pu ignorer4, étant encore relevé que la circonstance qu’aucun des créanciers de la société …n’a été payé, ne peut à elle seule exclure un détournement des montants retenus. A cela s’ajoute que la faute n’implique pas nécessairement de la part de l’intéressé un agissement actif. La responsabilité de l’administrateur, respectivement de l’administrateur-
délégué peut encore être engagée par son attitude passive, sa négligence, son incurie5 ; aussi, le comportement du demandeur, consistant en une légèreté ou une insouciance impardonnable doit être considéré comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société, ou du moins les normes importantes6.
En l’espèce, la faute est encore plus grave que le défaut de paiement des retenues d’impôt s’est étendu sur plusieurs années, à savoir de 2011 à 2013.
Le tribunal est dès lors amené à retenir que les explications fournies en l’espèce par la partie étatique permettent à suffisance, au regard des exigences posées par le paragraphe 109 AO et par le paragraphe 2 StAnpG, de justifier le constat d’un comportement fautif dans le chef du demandeur. C’est dès lors à bon droit que le bureau d’imposition a retenu une faute caractérisée à charge du demandeur.
S’agissant de l’appréciation du choix d’engager la responsabilité du demandeur, le tribunal constate que le bureau d’imposition a émis un appel en garantie contre le demandeur en tant qu’administrateur-délégué et contre Monsieur …, administrateur depuis le 24 avril 2009, le demandeur ayant eu un pouvoir de signature et ayant, depuis l’assemblée générale du 25 avril 2012, pu engager la société par sa seule signature, de sorte que c’est à bon droit que la partie étatique fait valoir que celui-ci avaient une position clé dans la société. Au regard de ces éléments, le tribunal est amenée à retenir que le choix du bureau d’imposition, confirmé par le directeur, d’engager la responsabilité du demandeur n’est pas critiquable.
4 Trib. adm. 22 mai 2013, n° 31503 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n°406.
5 P.Thielen et J. Delvaux, La responsabilité civile des administrateurs de sociétés anonymes en droit luxembourgeois - situation actuelle et tendance future, Bulletin Droit et banque, 4/1948, p.6, et N. Schaeffer, Réflexions sur la responsabilité des administrateurs et dirigeants de sociétés commerciales de capitaux, Bulletin de la Conférence St Yves, n° 77, novembre 1990, p.18 6 D. Matray, op.cit, notes n° 67, 68, 69 et 70.
Il est encore constant en cause que le montant réclamé par le bulletin d’appel en garantie n’a pas été réglé par le contribuable, la société …; dans ce contexte, il convient encore de noter que le recours contre le tiers responsable n’exige ni que le débiteur de l’impôt soit insolvable, ni que le recouvrement forcé contre le débiteur de l’impôt ait été infructueux7, le défaut de l’administration des Contributions directes de procéder au recouvrement forcé de la créance fiscale auprès du contribuable n’exonérant en tout état de cause pas le tiers responsable8.
Si le tribunal vient de retenir dans le chef de Monsieur … un comportement fautif et de constater l’existence d’un dommage consistant en une insuffisance d’impôt (« Verkürzung der auferlegten Steueransprüche ») - résultant du défaut de paiement de l’impôt fixé à l’échéance -
il y a encore lieu de retenir que ce dommage se trouve dans un lien de causalité direct avec les agissements fautifs de Monsieur …. En effet, il ne saurait être conclu à l’absence d’un lien de causalité que si le dommage était survenu alors même que le représentant aurait eu un comportement conforme aux lois ou à ses obligations9. Or, en l’espèce, il convient de rappeler que la responsabilité personnelle du demandeur a été mise en cause pour ne pas avoir accompli et/ou veillé à l’accomplissement des obligations incombant au contribuable …, ainsi que pour son manque de diligence ou de soin apporté à l’exécution des obligations fiscales de la société représentée. Or, si le demandeur, comme développé ci-avant, avait respecté ses obligations, en les accomplissant personnellement en sa qualité d’administrateur-délégué, la non-perception des impôts redûs aurait été évitée, de sorte que la violation des obligations incombant à Monsieur … a engendré le résultat dommageable.
Il s’ensuit qu’il y a lieu d’admettre, à l’instar de ce qui a été retenu par le directeur, que Monsieur …, en sa qualité d’administrateur-délégué, a activement contribué par sa négligence coupable à ne pas avoir procédé aux retenues d’impôts et à ne pas les avoir continuées.
Ensuite, et en ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux intérêts de retard, le tribunal relève que ceux-ci constituent un accessoire à l’impôt auquel ils se rapportent et dont ils suivent le sort. En effet, l’article 155bis LIR, tel qu’il a été introduit par l’article 4 de la loi du 31 juillet 1982, dispose que « les intérêts de retard constituent des prestations accessoires aux impôts auxquels ils se rapportent. Les dispositions applicables à ces impôts sont d’application correspondante aux intérêts de retard ». De même, les dispositions de l’article 155 LIR confirment encore cette conclusion. Ainsi, l’article 155 (4) LIR dispose que « toute réduction d’une cote d’impôt donne lieu à un recalcul des intérêts de retard encourus », tandis que l’article 155 (5) LIR accorde, pour le recouvrement des intérêts de retard les mêmes garanties légales que celles dont bénéficient les impôts directs10.
Dès lors que les intérêts de retard constituent un accessoire des impôts auxquels ils se rapportent, c’est à juste titre que le bureau d’imposition a émis le bulletin d’appel en garantie 7 F. Rosen, op. cit., p.212.
8 Becker, Riewald, Koch, Reichsabgabenordnung, Kommentar, Band I, 1963, p.335.
9 F. Rosen, op.cit., p. 212.
10 J. OLINGER, Les prélèvements pécuniaires accessoires en matière d’impôts directs, Etudes fiscales n° 112, octobre 1998, n° 13 et ss.).
également pour les intérêts de retard sur les impôts dus et que le directeur a rejeté la réclamation du demandeur à cet égard11.
Partant, le tribunal est amené à conclure que c’est à bon droit que le directeur a déclaré non fondée la réclamation et a retenu que le bureau d’imposition a à juste titre engagé la responsabilité du demandeur pour le paiement de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2011 à 2013 de la société …resté en souffrance.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres contestations que le recours est à déclarer non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2000,- euros formulée par le demandeur est rejetée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le bulletin d’appel en garantie émis en date du 12 mai 2015 par le bureau RTS Luxembourg 1 à l’égard de Monsieur … ;
déclare le recours principal en réformation recevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 juillet 2015 répertoriée sous le numéro C 21133 du rôle, portant rejet de la réclamation introduite par Monsieur … à l’encontre du prédit bulletin d’appel en garantie ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision directoriale du 29 juillet 2015 répertoriée sous le numéro C 21133 du rôle ;
rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 décembre 2016 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Hélène Steichen, juge, Géraldine Anelli, juge, 11 Trib. adm., 21 mai 2014, n°33223 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n°408.
en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 décembre 2016 Le greffier du tribunal administratif 15