La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2016 | LUXEMBOURG | N°38815

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2016, 38815


Tribunal administratif Numéro 38815 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2016 4e chambre Audience publique extraordinaire du 15 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38815 du rôle et déposée le 7 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif Numéro 38815 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2016 4e chambre Audience publique extraordinaire du 15 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38815 du rôle et déposée le 7 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, prétendant être né le … et être de nationalité indéterminée, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 novembre 2016 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en sa plaidoirie.

___________________________________________________________________________

Suite à la délivrance d’un mandat de dépôt à l’encontre de Monsieur … en date du 3 mars 2016, l’identification de ce dernier à travers le Centre de coopération policière et douanière renseigna les autorités luxembourgeoises de ce qu’il avait déposé une demande de protection internationale en Allemagne, demande périmée depuis le 28 mars 2016.

Par décision du 24 novembre 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata que le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois est illégal, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et prononça encore à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté séparé du même jour, et notifié le 28 novembre 2016, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté, en attendant son éloignement du territoire.

Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour et ma décision d’interdiction du territoire du 24 novembre 2016 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées :

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 décembre 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 24 novembre 2016 portant placement en rétention administrative à son égard.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce et qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur se rapporte à prudence de justice quant à la compétence du ministre et conteste, pour le surplus, qu’il existerait un risque de fuite dans son chef, étant donné qu’il n’aurait pas l’intention d’empêcher la préparation de son retour vers son pays d’origine, voire la procédure d’éloignement. Enfin, il conteste que le ministre aurait effectué toutes les diligences requises afin d’exécuter la mesure d’éloignement prise à son encontre.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Force est de constater qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesure moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » C’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre, étant donné qu’en vertu de l’article 3 g) de la loi du 29 août 2008 le ministre visé dans les dispositions de cette loi est le membre du gouvernement ayant l’immigration dans ses attributions. En effet, en l’espèce, il échet de constater que c’est bien le ministre de l’Immigration et de l’Asile qui a pris la décision sous examen.

S’agissant du bien-fondé de la décision litigieuse, force est de constater que l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Le tribunal constate qu’en l’espèce, il est constant que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour le 24 novembre 2016 et qu’il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire pendant une durée de trois ans suivant le même arrêté ministériel précité du 24 novembre 2016. Il échet encore de relever qu’il n’est pas contesté en cause que le demandeur ne dispose pas de documents de voyage et n’a pas produit au ministre une quelconque pièce de nature à établir son identité, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi ou encore s’il ne dispose pas de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, le ministre pouvait valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, le demandeur restant en défaut de présenter le moindre élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite établi en son chef.

En ce qui concerne les diligences entreprises par le ministre, il échet tout d’abord de relever que la mesure de rétention administrative sous examen constitue la première mesure de placement prise à l’égard du demandeur et qu’en date du 24 novembre 2016, à savoir le jour même du placement du demandeur au Centre de rétention, le ministre été en contact avec les autorités allemandes depuis son interpellation en mars 2016, s’est fait parvenir par ces derniers la « Bescheinigung über die Meldung als Asysuchender » de Monsieur … et a demandé, en date du 2 décembre 2016, aux autorités allemandes la reprise en charge de Monsieur … en vertu des articles 18, paragraphe (1), b. du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Les autorités allemandes ont accepté en date du 6 décembre 2016, la reprise en charge de Monsieur ….

Ainsi, au regard des diligences ainsi effectuées par le ministre, force est de retenir que le demandeur estime à tort que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement rapide du territoire luxembourgeois.

Aucun autre moyen n’ayant été soulevé en cause, il échet de conclure de l’ensemble des considérations qui précèdent que, au stade actuel, le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 15 décembre 2016, 15.00 heures, par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15/12/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 38815
Date de la décision : 15/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-12-15;38815 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award