Tribunal administratif Numéro 38813 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2016 2e chambre Audience publique du 15 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 38813 du rôle et déposée le 7 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … en Egypte et être de nationalité égyptienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 novembre 2016 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2016 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fabienne Gary, en remplacement de Maître Eric Says, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 décembre 2016.
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Après que Monsieur … fit l’objet d’un procès-verbal n° 54918/2016 de la police grand-ducale, CI Luxembourg Gare, du 29 octobre 2016, dans le cadre d’une enquête pour vol, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », prit le 29 octobre 2016 une décision de retour à son encontre au motif qu’il n’était pas en possession d’un passeport en cours de validité, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail et prononça encore à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.
Par arrêté séparé du même jour, et notifié le jour en question, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté, en attendant son éloignement du territoire.
Par arrêté du 31 octobre 2016, notifié le même jour, le ministre ordonna la mainlevée de la mesure de placement du 29 octobre 2016 et ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté.
Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport du 29 octobre 2016 établi par la Police grand-ducale ;
Vu ma décision de retour du 29 octobre 2016 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans ;
Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées :
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».
Le recours contentieux introduit en date du 8 novembre 2016 par Monsieur … contre la prédite décision du 31 octobre 2016 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 18 novembre 2016, inscrit sous le numéro 38674 du rôle.
Par arrêté du 28 novembre 2016, notifié le 30 novembre 2016, le ministre ordonna la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté, lequel est fondé sur les considérations et motifs suivants :
« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 31 octobre 2016, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 31 octobre 2016 subsistent dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;
Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2016, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 28 novembre 2016.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce et qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur se rapporte à prudence de justice quant à la compétence du ministre. Au titre du résumé des faits et rétroactes de l’affaire il se limite à affirmer que par arrêté ministériel du 31 octobre 2016 il aurait été placé au Centre de rétention en vue de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement et que par décision ministérielle du 28 novembre 2016 cette mesure de placement aurait été prorogée pour une nouvelle durée d’un mois. Quant au bien-fondé de la décision déférée, le demandeur énonce l’article 120 (1), ainsi qu’une partie de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008 et il cite un extrait d’un jugement du tribunal administrative du 7 août 2014, inscrit sous le numéro 34993 du rôle pour en conclure de manière plus que succincte : « Que les démarches doivent être documentées ;
Qu’il est formellement contesté que les démarches ont été entamées ; Que le placement en rétention n’est pas justifié ; (…) ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Force est de constater qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesure moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » C’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre, étant donné qu’en vertu de l’article 3 g) de la loi du 29 août 2008 le ministre visé dans les dispositions de cette loi est le membre du gouvernement ayant l’immigration dans ses attributions. En l’espèce, il échet de constater que c’est bien le ministre de l’Immigration et de l’Asile qui a pris la décision sous examen.
Quant au bien-fondé de l’affaire, le demandeur s’est limité à citer les articles 120 (1) et (3) de la loi du 29 août 2008 ainsi qu’un extrait d’un jugement du tribunal administratif sans développer, ne serait-ce que brièvement, dans quelle mesure, à son avis, lesdits articles 120 (1) et (3) n’auraient pas été respectés, respectivement dans quelle mesure les conditions d’une prorogation d’une mesure de rétention, telles qu’énoncées dans le jugement précité du tribunal administratif du 7 août 2014 ne seraient pas remplies en l’espèce. Les développements du demandeur, non autrement circonstanciés ni en fait, ni en droit, ne sont, à défaut de toute précision, pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse. En effet, des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il ne lui revient pas de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen.
Nonobstant ce qui précède, à titre tout à fait superfétatoire et dans le seul souci d’être exhaustif, le tribunal précise que, saisi de la première décision de placement du demandeur au Centre de rétention du 31 octobre 2016, il avait, par le jugement précité du 18 novembre 2016, retenu qu’il ne pourrait pas être reproché au ministre de ne pas avoir accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement rapide du territoire luxembourgeois. En ce qui concerne les démarches subséquentes entreprises par les autorités luxembourgeoises, il ressort du dossier administratif versé en cause que par courrier du 16 novembre 2016, le ministre a contacté l’ambassade de la République arabe de l’Egypte à Bruxelles pour demander à l’ambassadeur de bien vouloir procéder à l’identification du demandeur en lui transmettant ses empreintes digitales ainsi qu’une photo d’identité et en l’invitant à auditionner le demandeur. Il ressort, par ailleurs, du dossier administratif que par courrier du 8 décembre 2016 le ministre a rappelé son courrier précédent du 16 novembre 2016, aux autorités de l’ambassade de la République arabe de l’Egypte.
Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise actuellement tributaire à cet égard de la collaboration des autorités égyptiennes, le tribunal est amené à retenir que la procédure d’identification du demandeur est toujours en cours, même si elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est exécutée avec toute la diligence requise.
Aucun autre moyen n’ayant été soulevé en cause, il échet de conclure de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge.
Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 15 décembre 2016 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 décembre 2016 Le Greffier du Tribunal administratif 4