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15/12/2016 | LUXEMBOURG | N°38799

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2016, 38799


Tribunal administratif Numéro 38799 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 décembre 2016 4e chambre Audience publique extraordinaire du 15 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38799 du rôle et déposée le 5 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tin

ti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo...

Tribunal administratif Numéro 38799 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 décembre 2016 4e chambre Audience publique extraordinaire du 15 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38799 du rôle et déposée le 5 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Chine), de nationalité chinoise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 novembre 2016 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2016 par Maître Louis Tinti au nom de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh, en remplacement de Maître Louis Tinti, et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives.

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Le 2 novembre 2016, Monsieur … fut appréhendé par la police grand-ducale dans un immeuble situé à …, sans être en possession d’un titre de séjour l’autorisant à résider légalement sur le territoire luxembourgeois. Il se dégage toutefois d’un procès-verbal de la police grand-ducale rédigé en date du même jour qu’il était en possession d’un passeport en cours de validité muni d’un visa pour Malte, émis en date du 6 juillet 2015 et valable jusqu’au 20 décembre 2015.

1Le 2 novembre 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après le « ministre », prit à l’égard de Monsieur … un arrêté constatant son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, lui ordonnant de quitter sans délai ledit territoire et portant interdiction du territoire pour une durée de trois ans, arrêté qui fut notifié à l’intéressé en date du même jour.

En date même jour, le ministre prit encore un arrêté, notifié également en date du 2 novembre 2016, ordonnant son placement en rétention au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, celui-ci étant basé sur les motifs et considérations suivants :

«Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention;

Vu le rapport no 2016/033942/450/AS du 2 novembre 2016 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 2 novembre 2016 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de 3 ans;

Attendu que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu’il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1) points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; ».

Par arrêté du 28 novembre 2016, notifié à l’intéressé en date du 2 décembre 2016, le ministre prorogea pour une durée d’un mois la mesure de placement initiale précitée du 2 novembre 2016. Cette décision est libellée comme suit :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention;

Vu mon arrêté du 2 novembre 2016, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 2 novembre 2016 subsistent dans le chef de l'intéressé;

Considérant que l'éloignement de l'intéressé est prévu pour le 27 décembre 2016;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement; ».

Par requête déposée le 5 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision de prorogation de la mesure de placement en rétention précitée, prise en date du 28 novembre 2016.

2Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, dénommée ci-après « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de prorogation de placement au Centre de rétention, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre un manque de diligences accomplies par lui afin de procéder dans les délais les plus brefs à son éloignement du territoire national. Il fait ainsi état de ce que malgré le fait qu’il aurait fait l’objet d’une première mesure de rétention administrative en date du 2 novembre 2016, son transfert vers la Chine ne serait organisé que pour être effectué en date du 27 décembre 2016, soit environ deux mois après avoir été placé au Centre de rétention. Il estime que ce délai serait « anormalement long », d’autant plus que des vols seraient régulièrement organisés vers la Chine. Un tel délai ne pourrait pas s’expliquer « par des considérations administratives », alors que l’autorité administrative disposerait de son passeport en cours de validité.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, après avoir relevé que le demandeur aurait été appréhendé par la police grand-ducale en date du 2 novembre 2016 alors qu’il aurait travaillé dans un restaurant chinois à …, sans être en possession d’une autorisation de séjour, rétorque qu’un manque de diligences ne saurait être reproché au ministre, en soutenant que l’organisation de l’éloignement d’une personne se trouvant en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois ne consisterait pas seulement en la commande par le ministre de tickets d’avion, mais qu’il y aurait également lieu de veiller à une disponibilité des escortes chargées d’accompagner l’intéressé vers son pays d’origine, et de prendre contact avec des agences de voyages, ainsi qu’avec des services de police ou administratifs étrangers, plus particulièrement lorsqu’il y aurait, comme en l’espèce, une escale, pour obtenir l’accord nécessaire de la part des différentes compagnies aériennes en vue de l’acceptation à bord de leurs avions respectifs d’une personne en situation irrégulière. Enfin, il y aurait lieu de contacter les autorités diplomatiques du pays d’origine de l’intéressé afin de voir délivrer les documents de voyage nécessaires pour les escortes, à savoir des laissez-passer, voire des visas. Le représentant gouvernemental estime ainsi que le fait que le vol vers Pékin ne soit prévu qu’en date du 27 décembre 2016 ne serait pas à considérer comme constituant un délai excessivement long, et ce, d’autant plus qu’au jour du dépôt dudit mémoire en réponse, les autorités luxembourgeoises seraient toujours en attente de la délivrance de visas pour l’escorte policière. Aucune disproportion ne devrait partant être retenue à la base de la décision sous examen.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur réitère son argumentation suivant laquelle le délai entre la première mesure de placement en rétention administrative datée du 2 novembre 2016 et son éloignement effectif en date du 27 décembre 2016 serait « excessif », de sorte qu’il appartiendrait à la partie défenderesse de rapporter la preuve contraire.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement estime qu’il aurait fourni les explications nécessaires quant au délai dans lequel le rapatriement du demandeur pourrait se faire vers la Chine, en relevant que le ministre serait actuellement toujours dans l’attente des visas à délivrer aux trois agents de police escortant le demandeur.

Il convient tout d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, tel que modifié par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après « la loi du 18 décembre 2015 », : « Afin de préparer l’exécution 3d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Par ailleurs s’il s’agit d’une quatrième prorogation, respectivement d’une cinquième prorogation, il faut encore que malgré les efforts déployés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir du pays tiers les documents nécessaires.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours 4poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, le demandeur reproche au ministre de ne pas exécuter le dispositif d’éloignement avec toute la diligence requise pour permettre son transfert rapide.

Or, en ce qui concerne les démarches concrètement entreprises par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il se dégage des éléments du dossier que le ministre a chargé, en date du 2 novembre 2016, à savoir le premier jour du placement administratif, le service de police judiciaire de la police grand-ducale « de bien vouloir organiser le départ de l’intéressé », qu’il a contacté le jour même une agence de voyages en vue de l’obtention des titres de voyage nécessaires en vue du transfert du demandeur vers la Chine ensemble avec son escorte, qu’en date du 14 novembre 2016, le service de police judiciaire de la police grand-ducale a informé le ministre du plan de vol et qu’en date du 30 novembre 2016, il a sollicité de la part de l’ambassade de Chine au Luxembourg un visa pour les agents de la police grand-ducale chargés de l’escorte du demandeur. Il résulte ainsi des pièces versées en cause, ainsi que des explications circonstanciées de la partie gouvernementale que les autorités luxembourgeoises ont accompli toutes les diligences requises en vue de procéder rapidement à l’éloignement du demandeur vers la Chine, transfert prévu pour le 27 décembre 2016, de sorte que le tribunal est amené à retenir que les démarches ainsi entreprises en l’espèce doivent être considérées comme suffisantes.

Au vu de ce qui précède, le moyen relatif à une prétendue absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur doit être écarté pour ne pas être fondé.

En l’absence d’un autre moyen soulevé en cause, le recours sous examen est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 15 décembre 2016 à 15.00 heures par le premier vice-

président, en présence du greffier Marc Warken.

5s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, 15/12/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 38799
Date de la décision : 15/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-12-15;38799 ?

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