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12/12/2016 | LUXEMBOURG | N°37063,37477

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 décembre 2016, 37063,37477


Tribunal administratif N° 37063+37477 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 19 octobre 2015 et 1re chambre 2 février 2016 Audience publique du 12 décembre 2016 Recours formés par la société anonyme … S.A., … contre des décisions du collège des bourgmestre et échevins de la commune de …, en présence de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., … en matière de marchés publics

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JUGEMENT

I Vu la requête inscrite sous le numéro 37063 du rôle et dép

osée le 19 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Gérard Schank, avocat à la Cour...

Tribunal administratif N° 37063+37477 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 19 octobre 2015 et 1re chambre 2 février 2016 Audience publique du 12 décembre 2016 Recours formés par la société anonyme … S.A., … contre des décisions du collège des bourgmestre et échevins de la commune de …, en présence de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., … en matière de marchés publics

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JUGEMENT

I Vu la requête inscrite sous le numéro 37063 du rôle et déposée le 19 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Gérard Schank, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de … du 17 juillet 2015, matérialisée par une lettre de l’administration communale de … du 20 juillet 2015, portant information que son offre relative au marché des travaux de ferronnerie intérieure dans le cadre de la construction de l’école « … » à … n’a pas été retenue et de celle portant information que le marché a été attribué à la société à responsabilité limitée … S.à r.l. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Cathérine Nilles, en remplacement de l’huissier Patrick Kurdyban, demeurant à Luxembourg, du 26 octobre 2015, portant signification de ce recours à l’administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, établie à la maison communale à L-… …, …, ainsi qu’à la société à responsabilité limitée … S.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro … ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 octobre 2015 par Maître Steve Helminger, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2016 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, pour compte de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2016 par Maître Gérard Schank pour compte de la partie demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2016 par Maître Steve Helminger pour compte de l’administration communale de …;

II Vu la requête inscrite sous le numéro 37477 du rôle et déposée le 2 février 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Gérard Schank, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 193455, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision de la commune de … du 5 août 2015, rendue sur recours gracieux, confirmant que l’offre da la requérante relative au marché des travaux de ferronerie intérieure dans le cadre de la construction de l’école « … » à … n’a pas été retenue et que le marché a été attribué à la société à responsabilité limitée … S.à r.l., préqualifiée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick Kurdyban, demeurant à Luxembourg, du 16 février 2016, portant signification de ce recours à l’administration communale de …, ainsi qu’à la société à responsabilité limitée … S.à r.l. , préqualifiés ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2016 par Maître Steve Helminger pour compte de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2016 par Maître Gérard Schank pour compte de la partie demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2016 par Maître Steve Helminger pour compte de l’administration communale de …;

I + II Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Vincent Isitmez, en remplacement de Maître Gérard Schank, et Maître Steve Helminger en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 novembre 2016.

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Suivant avis de marché du 7 mai 2015, l’administration communale de …, ci-après désignée par « la commune de … », lança un appel d’offre selon la procédure ouverte pour les travaux de ferronnerie intérieurs dans le cadre de la construction de l’école « … » à ….

Par un courrier du 2 juillet 2015, la société … S.A., ci-après désignée par « … », demanda, au nom de la commune de …, à la société … S.A., ci-après désignée par « la société … », de lui faire parvenir des références pour des travaux similaires à ceux visés à la position 56.2.08 du cahier des charges à la suite de l’offre déposée par celle-ci dans le cadre dudit marché.

Par un courrier du 3 juillet 2015, la société … répondit à ce courrier dans les termes suivants : « Suite à votre courrier du 02 juillet dernier, nous vous transmettons en annexe les références de notre fournisseur des mailles qui nous livre et nous aide au montage pour ce type d’ouvrage. […] ».

Par un courrier du 20 juillet 2015, la commune de … informa la société … que son offre avait été déclarée comme étant non conforme aux motifs suivants :

« Nous avons le regret de vous informer que le collège échevinal de la commune de … - par décision du 17 juillet 2015 - n'a pas retenu votre offre relative au marché sous rubrique et ceci pour la/les raison(s) suivante(s) :

- votre offre est déclarée en tant qu'offre non régulière (administrativement non conforme). Les documents administratifs en ce qui concerne votre sous-traitant restent, malgré notre rappel écrit, incomplets (absences entre autres des certificats de non obligation), suivant les articles 85-87 du règlement grand-ducal du 03 août 2009. Vu ce qui précède, votre offre est écartée.

Conformément à l'article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, il vous est loisible de présenter vos observations au pouvoir adjudicateur.

La présente vous est adressée conformément à l'article 90 alinéa 3 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics. Passé le délai de quinze jours à compter de la présente information, le collège des bourgmestre et échevins procédera à la conclusion du contrat avec l'adjudicataire sur base de l'article 90,4 du même règlement. Cette décision sera portée à la connaissance des soumissionnaires qui auront présenté des observations.

En application de l'article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, nous vous informons qu'un recours contre la présente décision peut être introduit auprès du tribunal administratif par un avocat de la liste 1. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente. » Suivant un courrier de son mandataire du 29 juillet 2015, la société … introduisit une réclamation contre cette décision et demanda au pouvoir adjudicateur de surseoir à conclure le contrat d’adjudication et de lui indiquer l’identité du soumissionnaire auquel le marché a été attribué.

Par un courrier du 31 juillet 2015, la société … fut informée par la commune de … que le processus d’adjudication était suspendu et que celle-ci allait procéder à une analyse approfondie de sa réclamation.

Par un courrier du 5 août 2015, la commune de … prit position comme suit :

« […]Par la présente, nous nous empressons de revenir vers vous suite au courrier de votre mandataire du 29 juillet 2015, de même que celui du bureau … à votre adresse en date du 31 juillet 2015.

Conformément à votre demande nous vous informons que l'entreprise … a été retenue adjudicataire du marché.

Pour ce qui concerne le courrier de votre mandataire du 29 juillet 2015 et valant réclamation sinon recours gracieux, nous devons constater que l'argumentation y développée laisse de convaincre.

Tant l'avis de marché que les clauses contractuelles sous l'article 1.10.4 imposent la présentation de 3 références pour des travaux similaires et notamment pour ce qui concerne la réalisation de plusieurs mailles tendues, en inox, en forme, géométrie et hauteur variables.

Votre mandataire a confirmé dans son courrier précité que vous n'avez pas recours à la sous-traitance, pour ainsi avoir également confirmé que vous ne remplissez pas les critères de sélection qualitative du marché, alors que les références par vous indiquées sont celles d'une tierce société n'étant de votre propre aveux pas votre sous-traitant.

Pour être complet et même à supposer que cette tierce société devait pouvoir être considérée de sous-traitant, votre offre ne serait toujours pas conforme, pour ne pas avoir fourni, malgré rappel, les documents administratifs requis d'un tel sous-traitant conformément aux articles 85-87, respectivement 233 et 237 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi sur les marchés publics.

En espérant que ces quelques explications peuvent vous convaincre du bien-fondé de notre décision, nous vous informons que, conformément au courrier précité du bureau …, nous comptons passer commande à l'expiration d'un délai supplémentaire de 15 jours calendriers courant à partir de ce jour. » Par un courrier du 14 août 2015, la société … saisit la commission des soumissions qui rendit son avis en date du 25 septembre 2015.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 octobre 2015 et inscrite sous le n° 37063 du rôle, la société … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de … du 17 juillet 2015, matérialisée à son égard par une lettre de la commune de … du 20 juillet 2015 portant information que son offre n’a pas été retenue et portant information que le marché a été attribué à la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-

après désignée par « la société … ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 février 2016 et inscrite sous le numéro 37477 du rôle, la société … a encore introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre une décision de la commune de … du 5 août 2015 confirmant que son offre n’a pas été retenue et que le marché a été attribué à la société ….

Dans la mesure où les deux recours visent une décision d’écarter la même offre de la société … introduite dans le cadre d’un même marché public dans l’intérêt de la construction de l’école « … » à …, il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de joindre les deux rôles inscrits sous les numéros 37063 et 37477 et d’y statuer par un seul et unique jugement, tel que cela est d’ailleurs demandé par la société … dans la requête introductive d’instance inscrite sous le numéro 37477 du rôle.

Le tribunal relève de prime abord que bien que les requêtes introductives d’instance aient été signifiées par exploit de l’huissier de justice suppléant Cathérine Nilles du 26 octobre 2015, respectivement par exploit de l’huissier de justice Patrick Kurdyban du 16 février 2016 à la société …, celle-ci n’a pas déposé de mémoires en réponse. En vertu des dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire, même si la partie tierce-intéressée n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi Quant à la recevabilité des recours :

En ce qui concerne la recevabilité des recours, il y a lieu de relever que la loi modifiée du 25 juin 2009 sur les marchés publics, ci-après désignée par « la loi du 25 juin 2009 », ne prévoit pas la possibilité d’exercer un recours en réformation contre une décision de rejet d’une offre ou une décision d’adjudication, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître des deux recours principaux en réformation.

Il est en revanche compétent pour connaître des recours subsidiaires en annulation.

Quant au recours inscrit sous le n° 37063 du rôle La commune de … conclut à l’irrecevabilité du recours inscrit sous le numéro 37063 du rôle pour plusieurs motifs :

- La décision prise sur recours gracieux constituerait une nouvelle décision administrative susceptible de recours et remplaçant la décision originaire, de sorte que le recours dirigé exclusivement contre la décision originaire serait à déclarer irrecevable.

- A titre subsidiaire, à admettre que la nouvelle décision prise sur recours gracieux ne remplace pas la décision originaire, cette nouvelle décision formerait un tout indissociable avec la décision originaire et aurait partant dû être attaquée également, de sorte que le recours dirigé contre la seule décision originaire serait irrecevable à ce titre également.

- A titre encore plus subsidiaire, la décision prise sur recours gracieux aurait acquis force de chose décidée pour ne pas avoir été entreprise en temps utile devant le tribunal administratif, de manière que le recours dirigé contre la première serait à déclarer irrecevable pour être dépourvu d’objet, sinon pour absence d’intérêt à agir dans le chef de la société …, étant donné que même en cas de gain de cause, la décision du 5 août 2015 resterait acquise et une éventuelle annulation de la première décision ne lui procurerait aucune satisfaction.

La société … précise de prime abord, s’agissant de l’objet du recours, que le recours viserait non pas le courrier d’information lui adressé le 20 juillet 2015, mais la décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de … du 17 juillet 2015, qui se serait matérialisée à son égard par la prédite lettre du 20 juillet 2015.

Quant au courrier du 5 août 2015, celui-ci ne constituerait pas une nouvelle décision de rejet, mais une lettre la renseignant sur sa situation juridique, sinon une lettre la renseignant sur l’existence et sur la motivation d’une décision antérieure. Suivant le contenu de cette lettre, le bourgmestre ne déciderait rien de nouveau, mais indiquerait seulement qu’il n’est pas convaincu des arguments développés par elle dans le cadre de sa réclamation et qu’il espère que les explications fournies suffiront pour la convaincre du bien-fondé de la décision de la commune. Au regard du libellé de cette lettre, il ne s’agirait pas d’une décision susceptible de recours.

Enfin, la société … fait valoir que le courrier du 5 août 2015 ne pourrait constituer une décision, mais s’analyserait tout au plus en un simple courrier d’information ou de renseignement, puisqu’il ne s’agirait pas d’une délibération ou d’un extrait du registre des délibérations du collège des bourgmestre et échevins de la commune de ….

Par ailleurs, à supposer qu’il puisse être qualifié de décision, le courrier du 5 août 2015 ne constituerait qu’une décision confirmative de rejet et non pas une nouvelle décision de rejet, de sorte que le recours dirigé contre la seule décision initiale serait recevable même à défaut de recours dirigé contre la décision confirmative sur recours gracieux, la société … se référant à cet égard à une jurisprudence du tribunal administratif du 31 janvier 2013, n° 28520 du rôle.

Dans sa duplique, la commune de … fait valoir qu’il conviendrait de faire une distinction suivant qu’une décision prise sur recours gracieux ne ferait que confirmer une décision originaire ou qu’elle fournit une argumentation complémentaire. Dans cette deuxième hypothèse, le requérant devrait impérativement également entreprendre cette nouvelle décision sous peine de priver son recours de tout effet pour précisément ne pas avoir entrepris cette nouvelle argumentation.

Force est de constater que le recours inscrit sous le numéro 37063 du rôle est dirigé contre une délibération du collège des bourgmestre et échevins de la commune de … du 17 juillet 2015 qui a été matérialisée à l’égard de la société requérante par un courrier du 20 juillet 2015.

A titre liminaire, le tribunal retient que le courrier du 5 août 2015, intervenu sur recours gracieux, s’analyse, contrairement à ce qui est soutenu par la société …, en un courrier portant à la connaissance de la demanderesse une décision administrative faisant grief, en ce que sa réclamation est rejetée et que la première décision du collège des bourgmestre et échevins de l’écarter du marché est maintenue. L’argumentation de la société … suivant laquelle le courrier du 5 août 2015 ne constituerait pas une décision susceptible d’un recours mais une simple information, est dès lors à rejeter.

Cette conclusion n’est pas infirmée par l’affirmation de la société … que le courrier du 5 août 2015 ne constituerait pas une délibération ou un extrait du registre des délibérations du collège des bourgmestre et échevins, étant donné que le courrier du 5 août 2015 matérialise une telle délibération, à l’instar du courrier du 20 juillet 2015 lui adressé, étant relevé que la réalité d’une telle délibération n’est pas remise en cause par la société ….

Quant au moyen d’irrecevabilité tiré du motif que le recours n’est dirigé que contre la décision initiale du 17 juillet 2015 qui serait remplacée par celle du 5 août 2015, indépendamment de la validité d’un recours dirigé contre la seule décision initiale, force est de constater qu’entretemps un recours est dirigé également contre la deuxième décision matérialisée par un courrier du 5 août 2015, recours inscrit sous le numéro 37477 et dont la jonction est demandée avec le rôle inscrit sous le numéro 37063.

Le moyen d’irrecevabilité fondé sur le constat que le recours est dirigé contre la seule décision originaire est dès lors à rejeter comme non fondé.

Pour les mêmes considérations, l’argumentation suivant laquelle la nouvelle décision formerait un tout indissociable avec la décision originaire de manière qu’un recours dirigé contre la seule décision initiale serait irrecevable, telle qu’invoquée par la commune de …, est à rejeter.

S’agissant du moyen d’irrecevabilité fondé sur un défaut d’objet respectivement d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société … tel que soulevé par la commune de …, le tribunal relève que même à admettre que la décision du 5 août 2015 ait acquis autorité de chose décidée, le recours introduit contre la première décision n’a pas perdu son objet, la décision de refus initiale étant toujours maintenue. D’autre part, la société … a un intérêt à agir contre une telle décision lui faisant grief dans la mesure où elle a été écartée du marché, étant relevé que les contestations soulevées à cet égard par la commune de … ont davantage trait à l’opportunité du recours, étant donné que la société demanderesse, si elle obtient gain de cause par rapport à la première décision, se trouverait toujours confrontée au deuxième refus, mais ne soulève pas une question d’intérêt à agir susceptible d’être sanctionnée par une irrecevabilité du recours.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de … du 17 juillet 2015 d’écarter l’offre de la société … comme étant non conforme est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les délais de la loi.

Quant au recours inscrit sous le n° 37477 du rôle La commune de … soulève encore l’irrecevabilité ratione temporis du recours, inscrit sous le numéro 37477 du rôle, dirigé contre la décision matérialisée par le courrier du 5 août 2015, au motif qu’il s’agirait d’une décision prise sur recours gracieux dirigé contre une première décision qui avait indiqué les voies de recours. Il s’ensuivrait que le recours introduit six mois après la notification de la décision entreprise serait irrecevable.

S’il est vrai que de manière générale dans l’hypothèse d’une décision de refus n’indiquant pas les voies de recours conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les délais de recours sont suspendus, il n’en reste pas moins qu’en cas de décision prise sur recours gracieux, il convient de faire la distinction suivant que la décision nouvelle confirme purement et simplement la première ou qu’elle s’analyse en une décision différente de la première. En présence d’une décision purement et simplement confirmative d’une décision de refus initiale, une nouvelle information sur les voies de recours n’est pas requise, à supposer que la première décision ait contenu une indication des voies de recours, contrairement à l’hypothèse où la décision intervenue sur recours gracieux s’analyse en une décision différente de la première et se fonde sur de nouveaux motifs par rapport à la première, hypothèse dans laquelle la deuxième décision doit indiquer les voies de recours1.

Il convient dès lors d’examiner si la décision prise sur recours gracieux s’analyse en une décision purement confirmative de la première ou si elle est à qualifier de décision nouvelle.

1 En ce sens : trib. adm. 28 juillet 1999, n° 11006 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 225 et autres références y citées.

Force est de constater que la première décision du 17 juillet 2015 est fondée sur la considération que l’offre de la société … a été considérée comme non conforme puisque les documents administratifs concernant le sous-traitant resteraient, malgré des rappels du pouvoir adjudicateur, incomplets, la commune s’étant plus particulièrement référée à une absence, notamment , des certificats de non-obligation suivant les articles 85 à 87 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 3 août 2009 ».

En revanche, la décision portée à la connaissance de la société … par le courrier du 5 août 2015 table sur la prémisse que celle-ci n’a pas recours à la sous-traitance, la commune ayant retenu qu’elle ne remplirait pas les critères de sélection qualitatifs du marché puisque les références indiquées par elle seraient celles d’une tierce société qui ne serait pas son sous-

traitant. Ce n’est qu’à titre complémentaire que le motif à la base de la décision du 17 juillet 2015 est invoqué.

La décision intervenue sur recours gracieux, si elle tire la même conclusion quant à la non-conformité de l’offre, repose dès lors, du moins en partie, sur une motivation différente.

Dans ces conditions, la décision matérialisée par le courrier du 5 août 2015 ne peut être analysée comme une décision purement et simplement confirmative, de manière que les voies de recours y auraient dû être indiquées.

A défaut d’indication des voies de recours dans ledit courrier, conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, les délais de recours n’ont pas commencé à courir, de sorte que le recours introduit le 2 février 2016 est à déclarer recevable, pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes de la loi.

Quant au fond :

A l’appui de ses deux recours, la société … invoque la même argumentation.

En premier lieu, elle reproche à la commune de … d’avoir écarté son offre au motif qu’elle ne lui aurait pas transmis les documents respectivement renseignements concernant son sous-traitant, en contestant avoir eu recours à la sous-traitance.

Ainsi, la société … souligne qu’à la page 42 des clauses contractuelles relatives à la liste des sous-traitants, elle aurait précisé ne pas avoir de sous-traitant, de sorte qu’elle n’aurait pas été tenue de fournir des documents, respectivement des renseignements concernant un sous-traitant.

Les dispositions des articles 85 à 87 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 n’auraient partant pas été violées.

Les documents et renseignements fournis par elle à travers son courrier du 3 juillet 2015 seraient relatifs à son fournisseur de mailles tendues, en l’occurrence la société …, à laquelle elle aurait demandé de l’assister dans le cadre des travaux de montage.

Elle ajoute que si elle avait sollicité l’assistance technique de son fournisseur, ce qui ne serait pas prohibé par les dispositions légales en la matière ni d’ailleurs par les clauses contractuelles, ce serait pour se conformer aux prescriptions, d’une part, de l’article 2.18 des clauses contractuelles particulières exigeant un certain niveau de qualité et de conformité des travaux à exécuter, et, d’autre part, de la position 56.02.08 du bordereau de soumission imposant notamment une mise en œuvre, sur place, du filet antichute.

La tâche de son fournisseur, qui l’assisterait, consisterait essentiellement à contrôler et à vérifier que les travaux de montage des mailles réalisés par elle-même soient conformes aux prescriptions et recommandations du fabriquant et aux règles de l’art.

Cet assistant ne pourrait partant être qualifié de sous-traitant, tel que cela aurait d’ailleurs été confirmé par la commission des soumissions dans son avis du 25 septembre 2015.

En second lieu, la partie demanderesse reproche à la commune de … d’avoir écarté son offre au motif qu’elle ne remplirait pas les critères de sélection qualitatifs du marché.

Elle fait valoir que ce serait pour la première fois dans le courrier du 5 août 2015 que ce motif de refus aurait été invoqué, de sorte qu’il serait irrecevable.

Par ailleurs, le motif en question serait non fondé puisque la totalité sinon la quasi-

totalité des références indiquées par elle, seraient ses propres références et non pas celles d’une entreprise tierce.

S’y ajouterait que ni l’avis de marché ni l’article 1.10.4 des clauses contractuelles n’exigeraient que les trois références doivent concerner la réalisation de plusieurs « mailles tendues, en inox, en forme, géométrie et hauteur variables », tel que cela est exigé par le pouvoir adjudicateur dans son courrier du 5 août 2015.

Dans la rubrique relative aux conditions de participation de l’avis de marché, il serait seulement fait référence à des « références pour les ouvrages d’envergure et de complexité similaire », et à l’article 1.10.4 des clauses contractuelles, il serait fait mention de « 3 certificats de bonne exécution pour les travaux les plus importants ».

Il en résulterait que les trois certificats de bonne exécution exigés devraient être relatifs aux travaux les plus importants et non pas aux travaux de réalisation de mailles tendues non expressément visés.

Les travaux de mailles tendues verticales en inox ne seraient d’ailleurs pas les travaux les plus importants du marché, tel que cela ressortirait du tableau récapitulatif du bordereau de soumission dont il se dégagerait que ces travaux ne représenteraient qu’environ 44,90 % des travaux de ferronnerie intérieurs, tandis que les autres travaux, à savoir les travaux de main-

courante et de garde-corps, représenteraient environ 55,10 % dudit marché.

Les nombreux certificats et références fournis par elle seraient relatifs aux travaux les plus importants, de sorte qu’elle remplirait les critères de sélection qualitatifs requis, tel que cela aurait d’ailleurs été confirmé par la commission des soumissions dans son avis.

La commune de … répond que deux conclusions alternatives s’imposeraient dans la présente affaire, confirmant l’une et l’autre sa conclusion. Soit, à admettre que la partie demanderesse n’aurait pas de sous-traitant pour le marché litigieux, celle-ci n’aurait pas fourni la moindre référence pour des ouvrages analogues et de même nature, ni des certificats de bonne exécution pour les travaux les plus importants. Soit il conviendrait de considérer que la société demanderesse a eu recours à son fournisseur à titre de sous-traitant pour l’aider au montage de ce type d’ouvrage. Dans cette seconde hypothèse, son offre serait également à écarter pour ne pas fournir la moindre indication requise en vertu du point 1.10.4 des clauses contractuelles pour ce sous-traitant.

S’agissant de prime abord de la question du recours à un sous-traitant, la commune de … souligne que dans son courrier du 3 juillet 2015, la partie demanderesse aurait expressément déclaré transmettre les références de son fournisseur des mailles qui les livrerait et qui l’aiderait au montage pour ce type d’ouvrage.

Or, en vertu du point 2.17.3 des clauses contractuelles particulières, les employés et ouvriers occupés sur le chantier devraient faire partie du personnel propre de l’entreprise adjudicataire des travaux, de sorte qu’il serait exclu que des employés ou des ouvriers ne faisant pas partie du personnel propre de l’entreprise adjudicataire des travaux pourraient être occupés sur le chantier de quelque façon que ce soit, ce qui serait pourtant le cas des employés et ouvriers du fournisseur de la demanderesse l’aidant dans le montage des mailles.

Après avoir cité l’article 10 (2) du règlement grand-ducal du 3 août 2009 à propos de la définition de la sous-traitance, la commune de … fait encore valoir que si dans le cadre du présent recours la partie demanderesse se référait seulement à une assistance technique et à une surveillance par son fournisseur, dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal administratif devrait prendre en considération les informations à la disposition de l’autorité administrative au moment où la décision a été prise, en relevant que l’information fournie par le soumissionnaire lui-même dont aurait disposé le maître de l’ouvrage au moment de la prise de la décision, aurait été celle que son fournisseur l’aidait au montage des mailles. Partant, ce fournisseur devrait être considéré comme sous-traitant.

Le changement de terminologie pour définir l’intervention de son fournisseur sur le chantier ne changerait rien au fait que la demanderesse devrait toujours avoir recours à une tierce entreprise pour remplir les conditions du cahier des charges pour la réalisation des travaux litigieux, de sorte que le cas de figure répondrait à la définition classique d’une sous-

traitance.

Ce serait partant à bon droit qu’elle avait déclaré l’offre de la demanderesse non régulière pour ne contenir le moindre document administratif tel qu’exigé aux articles 1.10.4 et 1.10.5 des clauses contractuelles pour ce sous-traitant.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où le fournisseur de la demanderesse ne devrait pas être considéré comme sous-traitant, la commune de … est d’avis que la demanderesse ne remplirait pas les critères de sélection qualitatifs.

A cet égard, elle conclut de prime abord au rejet de l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle ce motif serait irrecevable pour être soulevé pour la première fois dans la décision confirmative du 5 août 2015, la commune de … relevant à cet égard la possibilité, admise par la jurisprudence administrative, pour le pouvoir adjudicataire de fournir une argumentation complémentaire suite à l’introduction d’un recours contentieux, de manière qu’une argumentation complémentaire fournie à la suite d’un recours gracieux devrait être recevable a fortiori.

D’autre part, la commune de … fait valoir que dans la mesure où la décision du 5 août 2015 n’aurait pas été entreprise par la société demanderesse, celle-ci serait actuellement forclose à entreprendre l’argumentation y développée, argumentation qui est toutefois à rejeter dans la mesure où un recours a été dirigé contre cette décision, recours que le tribunal vient de déclarer recevable.

A titre subsidiaire, la commune de … fournit des explications par rapport à cette motivation complémentaire en se référant aux points 1.10.4 des clauses contractuelles et 2.9 des clauses contractuelles particulières, tout en relevant que ces dernières dispositions viseraient les mêmes trois références telles qu’exigées au point 1.10.4 des clauses contractuelles. Il serait par ailleurs évident que le soumissionnaire doit rapporter la preuve de ce qu’il est apte à réaliser les travaux exigés pour la soumission suivant les règles de l’art et qu’il ne saurait se contenter de fournir des certificats pour des travaux totalement étrangers à ceux exigés par le marché.

Au plus tard à partir de la réception du courrier du 2 juillet 2015 du bureau … rappelant que les trois références pour des ouvrages analogues et de même nature doivent concerner des travaux similaires à l’ensemble des garde-corps et à la maille tendue, il n’y aurait plus eu le moindre doute quant aux références à fournir.

Il ne serait pas contesté que la demanderesse n’a pas fourni la moindre référence pour des travaux de mailles tendues, la commune de … relevant qu’elle serait même en aveu pour dire que, sans l’assistance de son fournisseur, elle ne serait pas à même de respecter le niveau de qualité et de conformité exigé pour la soumission.

Par cette affirmation, la demanderesse reconnaîtrait d’ailleurs elle-même que les certificats à fournir devraient être relatifs aux travaux les plus importants du marché. Or, dans la mesure où les travaux de mailles tendues verticales en inox correspondraient à près de 45 % des travaux de ferronnerie intérieure, ceux-ci constitueraient dès lors de loin les travaux les plus importants du marché, l’ensemble des travaux ayant trait aux garde-corps ne représentant qu’à peine 26,80 % du marché (12 % pour les garde-corps droits, 13 % pour les garde-corps inclinés et 1,8 % pour les garde-corps pleins) et les travaux pour les mains courantes ne représentant que 25 % des travaux.

Dès lors, l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle les travaux ayant trait à la maille tendue verticale en inox ne constitueraient pas les travaux les plus importants ne serait pas à suivre.

A défaut de recours à un sous-traitant, les certificats de bonne exécution à fournir en application du point 1.10.4 des clauses contractuelles auraient dès lors dû concerner des travaux réalisés par la requérante elle-même.

En toute hypothèse, la commune de … souligne que si les certificats exigés sous le point 1.10.4 des clauses contractuelles concernaient de façon générale les travaux les plus importants réalisés par le soumissionnaire sans viser les travaux faisant l’objet de la soumission, il n’en resterait pas moins que le point 2.9 des clauses contractuelles particulières exigerait des références pour des ouvrages analogues et de même nature que ceux faisant l’objet de la soumission.

Or, la demanderesse n’aurait fourni aucune telle référence, de sorte que son offre aurait à bon droit été écartée.

Dans ses répliques, la société …, pour sa part, insiste sur la considération qu’elle n’aurait pas recours à la sous-traitance, tout en soulignant que son courrier du 3 juillet 2015 invoqué par la commune de … ne renfermerait aucun aveu en ce sens de sa part.

Elle aurait précisé dès le début et en tout cas dans son courrier de réclamation du 29 juillet 2015, ce qu’elle entendrait par l’aide au montage par son fournisseur de mailles tendues, à savoir qu’il s’agirait seulement d’une assistance technique dans le cadre des travaux de montage, la tâche de l’assistant consistant essentiellement à contrôler et à vérifier que les travaux de montage des mailles tendues réalisés par elle soient conformes aux prescriptions et recommandations du fabriquant et aux règles de l’art.

Elle n’aurait pas changé de terminologie à cet égard, mais aurait seulement précisé ce qu’elle entendait par la notion d’« aide au montage de son fournisseur de mailles tendues ».

Son fournisseur ne serait pas à qualifier de sous-traitant et le fait de contrôler et de vérifier que les travaux soient conformes aux prescriptions et recommandations du fabriquant et aux règles de l’art ne serait pas prohibé par la réglementation en la matière ni par les clauses contractuelles. La demanderesse ajoute qu’elle ne contreviendrait, par ailleurs, pas non plus aux dispositions du point 2.17.3 des clauses contractuelles.

Dès lors, elle n’aurait pas eu à fournir une documentation relative à un sous-traitant dont elle ne disposerait pas.

S’agissant de l’argumentation relative aux critères de sélection qualitative, la partie demanderesse réfute l’interprétation faite par la commune de … des points 1.10.4 et 2.9 des clauses contractuelles, en soulignant que ni l’avis de marché ni les clauses contractuelles n’exigeraient que les trois références à fournir concernent la réalisation de plusieurs « mailles tendues en inox en forme géométrie et hauteur variable », la demanderesse rappelant que les travaux de mailles tendues verticales en inox ne constitueraient pas les travaux les plus importants du marché tel qu’elle l’aurait exposé dans son recours.

Dans ses mémoires en duplique, la commune de … fait valoir que le fait de confier à une tierce entreprise une quelconque tâche sur un chantier afin de pouvoir respecter n’importe quelle des conditions du marché s’analyserait en une sous-traitance.

D’autre part, s’agissant des critères de sélection qualitatifs, la commune de … souligne que, dans la mesure où les travaux de mailles tendues représenteraient près de 45 % du marché, et, en comparaison à la faible part des autres travaux du marché pris isolément par rapport aux travaux de mailles tendues, il serait évident qu’afin de permettre au pouvoir adjudicateur de vérifier la compétence du soumissionnaire en la matière, il devrait disposer des références par rapport à cette part dominante des travaux du marché. Toute argumentation contraire rendrait d’ailleurs l’exigence de références tout simplement superfétatoire. La commune de … donne encore à considérer que les critères de sélection qualitatifs devraient être en relation directe avec les travaux soumissionnés, de sorte qu’il serait évident que les références exigées devraient avoir trait à tous les travaux soumissionnés et plus spécifiquement à la part la plus importante de ces travaux, à savoir les mailles tendues.

Le tribunal, saisi d’un recours en annulation, vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Il y a tout d’abord lieu de relever que si dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, la vérification de la matérialité des faits s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif2, respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue : en effet, il ne saurait être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile3.

D’autre part, le juge de l’annulation est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie.

Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité4, encore que les considérations de pure opportunité d’une décision administrative échappent au contrôle du juge de l’annulation.

L’article 71 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 impose au pouvoir adjudicateur d’examiner et de vérifier les dossiers de soumission quant à leur conformité technique et à leur valeur économique, ledit article précisant encore que les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier spécial des charges ou dont les prix sont reconnus inacceptables sont éliminées, l’article 59 du même règlement grand-ducal précisant que les offres non conformes aux articles 56, 57 et 58 ne sont pas prises en considération et l’article 85 de ce règlement précisant encore que le choix de l’adjudicataire ne peut se porter que sur des soumissionnaires qui se trouvent dans les conditions visées à l’article 2 et dont la compétence, l’expérience et les capacités techniques et financières, la situation fiscale et parafiscale, les moyens d’organisation en outillage, matériel et personnel qualifié, le degré d’occupation ainsi que la probité commerciale offrent les garanties pour une bonne exécution des prestations dans les délais prévus5. A cet égard, il convient encore de relever que la formulation impérative de 2 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 1996, n° 276.

3 Voir notamment CE belge, arrêt n° 110.548 du 23 septembre 2002 ; CE belge, arrêt n° 93.593 du 27 février 2001; dans le même sens également : CE belge, arrêt n°87.676 du 26 août 1998, CE belge, arrêt n° 78.664 du 11 février 1999, CE belge, arrêt n° 82.272 du 16 septembre 1999, consultables sur www.raadvst-consetat.be, ainsi que CCE belge, n° 43 905 du 27 mai 2010, CCE belge, n° 46 725 du 27 juillet 2010, consultables sur www.cce-

rvv.be, ainsi que Trib. adm. (prés) 23 mars 2012, n° 29992 ; Trib. adm. 11 juin 2012, n° 29126 ; Trib. adm. 9 juillet 2012, n° 28965 ; Trib. adm. (prés) 12 août 2012, n° 31157, disponibles sous www.jurad.etat.lu.

4 Cour adm. 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Recours en annulation, n° 31 et les autres références y citées.

5 Trib. adm. 24 octobre 2011, n° 26988 du rôle.

l’article 71 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 précité (« Les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier spécial des charges ou dont les prix sont reconnus inacceptables sont éliminées »), ne confère pas une faculté au pouvoir adjudicateur pour éliminer une offre en cas de constat de sa non-conformité technique, mais pose le principe que dans cette hypothèse l’offre non conforme « est éliminée », de sorte à exclure tout pouvoir d’appréciation dans le chef du pouvoir adjudicateur, et, a fortiori, tout risque de distorsion de concurrence et d’inégalité des soumissionnaires face à une soumission, en exigeant de tous les soumissionnaires qu’ils respectent scrupuleusement le cahier des charges, toutes les entreprises devant en effet faire, conformément à l’article 4 de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, l’objet d’un traitement identique6.

Ce n’est qu’après ce contrôle de conformité des offres - tant formel au vu des exigences des articles 56 et suivants, qu’au fond, au vu notamment des critères de participation - que le pouvoir adjudicateur procédera, conformément à l’article 79, à un premier classement basé sur les prix des offres conformes7.

C’est au stade de l’examen de la conformité des offres que les décisions faisant l’objet des présents recours se situent.

A titre liminaire, le tribunal retient que s’il est vrai, tel que cela a été retenu ci-avant, que le motif tenant aux critères de sélection qualitatifs, n’a pas été invoqué à l’appui de la décision initiale, c’est à tort que la partie demanderesse fait valoir que la commune de … ne serait plus admissible à soulever une telle argumentation à la suite du recours gracieux, étant donné que celle-ci est en tout état de cause admise à fournir une motivation complémentaire même en cours d’instance, de manière qu’elle est également admise à fournir une motivation complémentaire à la suite d’un recours gracieux.

Dans ces conditions, les contestations soulevées par la demanderesse par rapport aux deux motifs de refus seront examinées ensemble ci-après par rapport aux deux décisions litigieuses.

Quant au motif fondé sur un défaut de fourniture de la documentation relative à un sous-traitant conformément aux article 85 à 87 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, le tribunal relève de prime abord que suivant les conditions du marché litigieux, la sous-traitance n’est pas exclue, l’article 2.13.3. des clauses contractuelles particulières envisageant la possibilité de sous-traiter jusqu’à un montant maximum de 20% des prestations figurant dans l’autorisation d’établissement de l’entreprise. Il s’ensuit que l’argumentation des parties, fondée sur l’article 2.17.3 des clauses contractuelles particulières visant non pas la sous-

traitance mais le personnel de l’adjudicataire, n’est pas pertinente en l’espèce.

Quant à la question de la qualification de l’intervention de la société …, force est de constater qu’aux termes de l’article 10, paragraphe 2 du même règlement grand-ducal, la sous-traitance est définie comme suit : « L’opération par laquelle un entrepreneur dit général ou principal confie par un contrat de sous-traitance à une autre personne appelée sous-

traitant tout ou partie de l’exécution du contrat d’entreprise générale qu’il a conclu avec le maître de l’ouvrage ».

Pour qu’il y ait sous-traitance, il faut que tant le contrat principal que le sous-contrat 6 Trib. adm. 11 février 2015, n° 33802 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Marchés publics, n° 85.

7 Trib. adm. 24 octobre 2011, n° 26988 du rôle.

soient des contrats d’entreprise, c’est-à-dire des contrats prévoyant une obligation de faire, non une obligation de transférer la propriété (« donare »), le sous-traitant étant en conséquence tenu envers l’entreprise principale à une obligation de résultat8.

Force est de constater que le marché litigieux vise, suivant l’avis de marché du 7 mai 2015, des travaux de ferronnerie intérieure, comportant des travaux de garde-corps métalliques, des travaux de profilés de rives, des travaux de mains-courantes et des travaux de réalisation de plusieurs mailles tendues, en inox, de forme, géométrie et hauteur variables, à réaliser, suivant l’article 2.1.2. des clauses contractuelles particulières, conformément aux plans annexés au dossier de soumission, de sorte à être à qualifier de contrat d’entreprise.

S’agissant des relations de la demanderesse avec la société …, s’il est vrai que la demanderesse a indiqué dans le bordereau de soumission ne pas disposer de sous-traitant pour avoir apposé, sous la rubrique « liste des sous-traitants », la mention « néant », force est de constater que dans son courrier du 3 juillet 2015, elle a fait état de références de son « fournisseur des mailles » qui, suivant ses explications, non seulement livrerait le matériel, tel que cela serait le cas dans le cadre d’un simple contrat de fourniture dans lequel le fournisseur est exclusivement lié par une obligation de transférer la propriété, mais qui, par ailleurs, l’« aide[rait] au montage pour ce type d’ouvrage ». Or, une entreprise aidant au montage ne se limite pas à la simple fourniture du matériel, mais elle est liée par un contrat d’entreprise en ce qu’elle tenue, aussi, par une obligation de faire. S’il est encore vrai que, par la suite dans son recours gracieux, la société demanderesse a expliqué que l’intervention de son « fournisseur » consisterait essentiellement à contrôler et à vérifier que les travaux de montage des mailles tendues réalisés par elle-même soient conformes aux prescriptions et recommandations du fabriquant et aux règles de l’art, force est au tribunal de constater qu’en ce faisant, la société demanderesse admet que, sans cette assistance, elle n’est pas à même à réaliser les travaux afférents conformément aux exigences du cahier des charges, de sorte qu’au moins pour une partie du marché, elle a recours à la sous-traitance en faisant appel aux services d’une société tierce. A cet égard, il convient encore de souligner que dans son recours, elle explique que la société … devrait plus particulièrement intervenir pour qu’elle puisse réaliser la position 56.02.08. du bordereau imposant la mise en œuvre sur place du filet antichute.

Cette conclusion n’est pas infirmée par l’affirmation de la demanderesse qu’il ne serait pas interdit de demander à une entreprise tierce de l’assister à l’exécution du marché, étant donné que si une telle assistance n’est pas interdite, elle implique toutefois, le cas échéant, une requalification du contrat en contrat d’entreprise. S’il convient, par ailleurs, de concéder que, d’après les explications fournies par la demanderesse, l’intervention de la société … sur le chantier est limitée, il n’en reste pas moins que suivant les éléments à la disposition du tribunal les relations de celle-ci avec la demanderesse ne se limitent pas à la simple fourniture de matériel, mais celle-ci intervient dans le cadre de la bonne exécution de l’ouvrage, de sorte qu’elle fournit également sa main-d’œuvre, ne fut-ce que par des prestations d’assistance et de contrôle.

8 cf. Cass. fr. 3e civ. 3 juin 1992, n° 89-19724, société Maisons Lara, Bull. III n° 188; JCP 1992, IV.2210 ; Cass.

fr. 3e civ. 13 juin 1990, n° 88-17234, société Castel et Fromaget, Bull. III n° 145; D. 1990, IR 1979; JCP IV.306 et 92 ; Cass. fr. 3e civ. 10 décembre 2003, n° 02-14320, société Jacq c/ SMABT, Bull. III n° 227; MTP 30 janvier 2004, Suppl. TO p. 369, commentaire p. 74 ; cf. Trib. adm. 25 mars 2013, n° 2870 du rôle, Pas. adm.

2016, V° Marchés publics, n° 66.

Dans la mesure où la société … est ainsi à qualifier de sous-traitant et qu’il n’est pas contesté que les certificats relatifs au sous-traitant exigés par les dispositions des articles 85 à 87 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 n’ont pas été fournis, - la société demanderesse argumentant à tort, tel que le tribunal vient de le retenir, qu’elle n’aurait pas eu recours à la sous-traitance, - la commune de … a valablement pu écarter l’offre de la demanderesse comme étant non conforme sur le fondement de ces dispositions.

A titre superfétatoire, et à admettre que la société … n’intervienne pas en tant que sous-traitant mais en tant que simple fournisseur, la légalité de la décision de la commune de … d’écarter l’offre de la demanderesse pour non-conformité n’est pas non plus sujet à critique, dans la mesure où elle se fonde sur le constat que dans cette hypothèse, les références fournies par celle-ci sont celles d’une entreprise tierce et non pas les siennes en ce qui concerne les travaux de réalisation de mailles tendues.

En effet, conformément à l’article 1.10.4 des clauses contractuelles, intitulé « capacité technique ou professionnelle », et de l’article 2.9 des clauses contractuelles particulières, intitulé « conditions minima de participation de la soumission », il appartient à l’entreprise participant à la soumission de soumettre plus particulièrement « 3 certificats de bonne exécution pour les travaux les plus importants », respectivement 3 références « pour des ouvrages analogues et de même nature ». Dans la mesure où il se dégage du bordereau de la soumission que le poste des travaux de mailles tendues correspond à un montant de 85.884 euros hors TVA, comparé aux postes des mains-courantes d’un montant de 47.630,70 euros hors TVA, respectivement des garde-corps droits, inclinés et pleins pour un montant global de 53.499,60 euros hors TVA, l’exigence du maître de l’ouvrage de recevoir des références plus particulièrement pour les travaux de mailles tendues n’est pas sujet à critique.

Force est de constater que la demanderesse a, suivant son courrier du 3 juillet 2015 en réponse à la demande afférente du bureau … du 2 juillet 2015, non pas fourni des références de projets exécutés par elle-même, mais a uniquement fourni des références de la société …, qui, dans l’hypothèse où elle n’est pas à considérer comme un sous-traitant, est à qualifier d’entreprise tierce.

Or, si les entreprises candidates à une soumission ont la possibilité de se prévaloir de leurs sous-traitants en vue d’établir qu’elles satisfont aux conditions économique, financière et technique de participation à une procédure de passation9, ils ne sont toutefois pas admissibles, dans le cadre d’un marché ayant pour objet un contrat d’entreprise, de se prévaloir de références de leurs fournisseurs.

Dès lors, dans l’hypothèse où la société … n’était pas à qualifier de sous-traitant, le maître de l’ouvrage a encore valablement pu écarter l’offre de la demanderesse pour non-

respect des critères de sélection qualitatifs, en l’occurrence pour non fourniture de références conformément au cahier des charges.

Les conclusions retenues par le tribunal en relation avec les deux motifs alternatifs à la base des décisions litigieuses ne sont pas énervées par la référence faite par la demanderesse aux conclusions tirées par la commission des soumission dans son avis du 25 septembre 2015, étant donné que la position exprimée par la commission des soumissions ne lie pas le tribunal.

9 Trib. adm. 10 septembre 2009, n° 23553 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Marchés publics, n° 67 et autres références y citées.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, que les deux recours sont à rejeter comme étant non fondés.

Eu égard à l’issue des deux recours, la demande en paiement d’une indemnité de procédure, sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, de 3.000.- € formulée par la demanderesse dans les deux recours est rejetée comme non fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

joint les recours inscrits sous les n° 37063 et 37477 du rôle ;

se déclare incompétent pour connaître des recours principaux en réformation ;

reçoit les recours subsidiaires en annulation en la forme ;

au fond les déclare non justifiés, partant en déboute ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure présentée par la partie demanderesse;

laisse les frais à charge de la partie demanderesse.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Alexandra Castegnaro, premier juge, et lu à l’audience publique du 12 décembre 2016 par le vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12.12.2016 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 37063,37477
Date de la décision : 12/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-12-12;37063.37477 ?

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