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08/12/2016 | LUXEMBOURG | N°36738

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 décembre 2016, 36738


Tribunal administratif N° 36738 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2015 2e chambre Audience publique du 8 décembre 2016 Recours formé par la société à responsabilité limitée …S.àr.l., Luxembourg, contre une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes et contre des bulletins de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36738 du rôle et déposée au greffe du t

ribunal administratif le 6 août 2015 par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Cour, inscrit...

Tribunal administratif N° 36738 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2015 2e chambre Audience publique du 8 décembre 2016 Recours formé par la société à responsabilité limitée …S.àr.l., Luxembourg, contre une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes et contre des bulletins de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36738 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2015 par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Cour, inscrit à l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …S.àr.l., établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation :

1) d’une décision implicite de rejet qui résulterait du silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes suite à sa réclamation introduite le 12 novembre 2014 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années d’imposition 2011 et 2012, émis le 13 août 2014 ;

2) des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour les années d’imposition 2011 et 2012, émis le 13 août 2014 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2015 ;

Vu le mémoire réplique, erronément intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2016 par Maître Jean-Paul Noesen, pour le compte de la société demanderesse ;

Vu l’extrait du plumitif de l’audience publique du 4 juillet 2016 au cours de laquelle le délégué du gouvernement a été invité à déposer le dossier fiscal au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Paul Noesen et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou Thill en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 octobre 2016.

1Le 23 mars 2012, la société à responsabilité limitée …S.àr.l., ci-après désignée par « la société …», déposa sa déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal pour l’année d’imposition 2008, en y déclarant un bénéfice commercial s’élevant à …,- euros.

Le 25 avril 2012, le bureau d’imposition « Sociétés 6 » de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’encontre de la société …les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de le l’impôt commercial communal pour l’année d’imposition 2008.

Le 28 mars 2013, la société …déposa – outre ses déclarations fiscales pour les années 2009 et 2010 – une nouvelle déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal pour l’année d’imposition 2008, en y déclarant une perte s’élevant à …,- euros.

Le 4 avril 2013, le bureau d’imposition adressa à la société …un courrier libellé comme suit : « (…) l’imposition de l’année 2008 (bulletins pour l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt commercial, fortune d’exploitation et impôt sur la fortune au 1.1.2009 émis le 25.04.2012) [est] coulée en force de chose jugée. En vertu du §245 de la Loi générale des impôts, les déclarations remises le 4 avril 2013 ne sauront donc servir de base à une rectification (…) ».

Le 30 avril 2014, la société …déposa ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal pour les années 2011 et 2012.

Par courrier du 16 juillet 2014, le bureau d’imposition informa la société …de ce qu’il envisageait de s’écarter de ces dernières déclarations sur les points suivants : « (…) - Les pertes d’exploitation reportables des années antérieures s’élèvent à … (2007), … (2009) et … (2010), conformément aux montants établis lors de l’imposition des années 2007 à 2010.

Ainsi le montant total dû (contribution au fonds pour l’emploi inclus) s’élève à … pour 2011.

- Du fait que les pertes d’exploitation reportables des années antérieures ont été utilisées intégralement pour l’exercice 2011, aucune perte antérieure n’est déductible. Ainsi le montant total dû (contribution au fonds pour l’emploi inclus) s’élève à … pour 2012. (…) », tout en l’invitant à lui faire parvenir ses objections éventuelles, ce qu’elle fit par courrier du 23 juillet 2014.

Le 13 août 2014, le bureau d’imposition émit à l’encontre de la société …les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour les années d’imposition 2011 et 2012.

Par courrier du 12 novembre 2014, réceptionné le même jour, la société …introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années d’imposition 2011 et 2012, sur laquelle ledit directeur ne prit pas position.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2015, la société …a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, premièrement, d’une décision implicite de rejet qui résulterait du silence gardé par le directeur suite à la susdite 2réclamation et, deuxièmement, des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour les années d’imposition 2011 et 2012.

A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a invité les parties à prendre oralement position quant à la recevabilité du recours, en ce qu’il vise les bulletins de l’impôt commercial communal pour les années d’imposition 2011 et 2012, eu égard au fait que ceux-

ci n’avaient pas fait l’objet d’une réclamation de la part de la société demanderesse. Le tribunal a encore invité les parties à prendre oralement position quant à la recevabilité du recours, pour autant qu’il vise une décision implicite de rejet du directeur.

Les parties n’ont pas pris position de façon spécifique quant à ces questions.

A cet égard, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le recours devant le tribunal administratif en matière fiscale est dirigé contre les décisions du directeur dans les hypothèses où les lois relatives aux matières prévues au paragraphe (1) du même article prévoient un recours au fond, étant relevé que le paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », prévoit un recours au fond contre les décisions du directeur prises sur réclamation, et qu’un recours contre un bulletin n’est prévu à l’article 8 (3) 3. de la même loi que dans l’hypothèse où une réclamation a été introduite par le contribuable et qu’aucune réponse n’est intervenue dans un délai de six mois.

Dans la mesure où, en l’espèce, aucune réclamation ne fut introduite contre les bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 2011 et 2012 – la réclamation du 12 novembre 2014 visant exclusivement les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les mêmes années d’imposition –, de sorte que l’hypothèse inscrite à l’article 8 (3) 3. de la loi du 7 novembre 1996 n’est pas donnée, le recours est irrecevable omisso medio, pour autant qu’il est dirigé contre lesdits bulletins.

Par ailleurs, aux termes du prédit article 8 (3) 3. de la loi du 7 novembre 1996, lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant peut considérer la réclamation comme rejetée et il peut interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation. Dans ce cas, le délai de recours de trois mois ne court pas.

Il s’ensuit qu’en cas de silence du directeur suite à une réclamation, le recours est à diriger, non pas contre une décision implicite de rejet du directeur, mais contre la décision qui a fait l’objet de la réclamation, c’est-à-dire le bulletin d’impôt attaqué.1 En effet, si l’article 4 (1) figurant sous la section 1 « des recours en matière administrative dévolus en première instance au tribunal administratif » de la loi du 7 novembre 1996 prévoit certes que « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent dès lors considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif », de sorte qu’en application de cette disposition le 1 Trib. adm. 25 novembre 1998, n° 10308 à 10311 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 856 et les autres références y citées.

3silence maintenu par le directeur par rapport à la réclamation du contribuable devrait être considéré comme décision implicite de refus susceptible d’être déférée au tribunal, les dispositions de l’article 4 (1) précitées ne sont cependant pas applicables en matière fiscale.2 Cette interprétation de la loi de 1996 est confortée par les travaux préparatoires suivant lesquels « par opposition au domaine administratif, le silence de l’administration [des Contributions] n’est pas à considérer comme le rejet de la demande. … Il en résulte également que dans ce cas le recours est dirigé non pas contre une décision implicite de rejet, mais contre la déclaration [sic] initiale contre laquelle la réclamation avait été interjetée ».3 C’est dès lors à tort que la société demanderesse a voulu déférer au tribunal une prétendue décision implicite de rejet du directeur, pareille décision n’existant pas. Il s’ensuit que le recours est également à déclarer irrecevable pour autant qu’il vise une telle décision.

En ce qui concerne le recours dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 2011 et 2012, le tribunal vient de relever qu’en vertu des dispositions de l’article 8 (3) 3. de la loi du 7 novembre 1996, un bulletin d’impôt peut être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.

Etant donné, d’une part, que la réclamation introduite le 12 novembre 2014 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 2011 et 2012 est restée sans réponse pendant plus de six mois et, d’autre part, qu’un recours au fond contre de tels bulletins est prévu en la matière par le paragraphe 228 AO, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre lesdits bulletins d’impôts, lequel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit à l’encontre des bulletins en question.

A l’appui de son recours, la société demanderesse expose les faits et rétroactes gisant à la base des bulletins déférés. Plus particulièrement, elle fait état d’erreurs commises par les membres des différentes équipes responsables de la comptabilité auprès de son domiciliataire et ayant été successivement en charge de son dossier. Ainsi, elle explique qu’après le dépôt d’une première déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal pour l’année d’imposition 2008 renseignant un bénéfice de … euros et ayant donné lieu à une imposition, les membres d’une nouvelle équipe comptable au sein de son domiciliataire auraient procédé, pour les exercices 2008 à 2010, à l’écriture comptable d’une constitution de provisions sur perte de valeur relatives à des prêts à long terme consentis à certaines de ses filiales, ce qui, sur le plan comptable, se serait traduit par des pertes. Dans une seconde étape, les membres de cette équipe, qui auraient été dans l’ignorance de l’existence de la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal pour l’année d’imposition 2008 préalablement déposée par les membres de la précédente équipe, auraient déposé une deuxième déclaration fiscale pour l’année d’imposition 2008 renseignant, quant à elle, une perte suivant bilan fiscal de … euros, qui résulterait de la provision ainsi constituée pour l’exercice en question, conformément au bilan afférent, déposé au registre de commerce et des sociétés le 22 avril 2014. Pour l’exercice 2 Trib. adm. 16 juin 1999, n° 11052 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 855.

3 Cf. doc. parl. 3940A2, amendements adoptés par la commission des institutions et de la révision constitutionnelle, p.5, ad (3) 3).

42011, les membres d’une troisième équipe en charge de sa comptabilité au sein de son domiciliataire – qui n’auraient eu connaissance ni de la première déclaration fiscale pour l’année 2008 ayant renseigné un bénéfice et ayant donné lieu à une imposition ni du susdit courrier du bureau d’imposition du 4 avril 2013, aux termes duquel celui-ci avait refusé de prendre en compte la deuxième déclaration fiscale pour l’année 2008 ayant fait état d’une perte – auraient estimé que la constitution des susdites provisions n’aurait pas été opportune et auraient, par conséquent, décidé de les extourner en procédant à l’écriture comptable d’une reprise de dotation, dont il aurait été tenu compte dans le cadre des déclarations fiscales ayant donné lieu aux bulletins litigieux. Sur ce dernier point, la société demanderesse explique qu’en effet, « (…) si on extrourne une provision, (…), la perte précédente donne[rait] lieu à un bénéfice (…) », ce qui serait de nature à expliquer que pour l’année d’imposition 2011, elle aurait déclaré un bénéfice de … ,- euros. Dans la même déclaration, elle aurait fait état d’une perte reportée relative à l’année d’imposition 2008, à hauteur de … euros, ce qui serait conforme à sa deuxième déclaration fiscale déposée pour ladite année, mais contraire à sa première déclaration afférente qui aurait seule donné lieu à une imposition. Ainsi, en raison des pertes reportées globales s’élevant à … euros, il aurait dû subsister un « remaining operating profit » de -… euros. Or, le bureau d’imposition n’ayant pas reconnu de perte reportable pour l’année 2008, les bulletins litigieux feraient état d’un impôt dû de … euros pour l’année 2011 et de … euros pour l’année 2012. A cet égard, la partie demanderesse donne à considérer que s’il y avait eu acceptation d’une perte reportable pour l’année 2008, celle-ci aurait eu pour effet de « (…) neutralis[er] (…) » le « (…) pseudo bénéfice (…) » réalisé en 2011 du fait de l’extourne des provisions préalablement constituées.

En droit, la société demanderesse fait valoir que l’imposition résultant des bulletins déférés serait erronée, au motif que d’un point de vue économique, « (…) il n’y a[urait] pas eu de bénéfices en provenance de la reprise d’une perte antérieure puisque la perte antérieure n’a[urait] pas été reconnue par l’[A]dministration [des Contributions directes] (…) ». Elle donne à considérer que cette dernière ne saurait « (…) imposer un bénéfice non fait et qui n’existe[rait] que de façon putative parce que le déclarant estime[rait] qu’il a[urait] auparavant déclaré une perte qui neutraliserait ce bénéfice qui [serait] le résultat comptable d’une reprise de dotation à provision (…) », alors que seuls des bénéfices réellement faits seraient sujets à imposition. Elle ajoute que l’impôt, qui devrait être « (…) constitutionnel et légal (…) », ne devrait pas être basé sur une erreur, une maladresse ou la mauvaise organisation d’un prestataire de service du contribuable. En effet, l’impôt sur le revenu des collectivités, dont la base d’assiette se déterminerait selon les dispositions de l’article 18 de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », ne serait dû qu’à concurrence d’un accroissement effectif de l’actif net investi de la personne morale concernée entre le ler janvier et le 31 décembre de l’exercice fiscal en question. Or, en l’espèce, un tel accroissement effectif de l’actif net investi n’existerait pas. A cet égard, elle fait valoir que « (…) Les errements des équipes comptables successives générant des jeux d’écriture en blanc totalement vains ne [seraient] pas une assiette taxable, car l’inscription d’un crédit à un compte de la classe 7 qui a[urait] son origine dans la reprise d’une dotation antérieure qui, pour les besoins de l’imposition, n’a[urait] jamais existé, même si elle figure au bilan publié, ce dernier non conforme à la déclaration faite et imposée pour le même exercice, [ne serait] ni plus ni moins qu’une erreur, et pas un accroissement d’actif net investi (…) ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en soutenant, en substance, que ce serait à tort qu’à travers son recours, la société demanderesse solliciterait la déduction, à titre de perte reportée, d’une perte se rapportant à l’année 2008, étant donné que les conditions légales d’une telle déduction, telles que prévues par l’article 114 LIR, dont 5notamment celle ayant trait à la tenue d’une comptabilité régulière, ne seraient pas remplies en l’espèce.

A titre liminaire, le tribunal précise qu’en réponse à l’argumentation ainsi développée par le délégué du gouvernement, le demandeur soutient, dans son mémoire en réplique, que « (…) la partie [étatique n’aurait pas répondu] au recours, qui, de façon claire et irréfutable, ne vise[rait] pas l’année fiscale 2008, ou l’admission de pertes pour cet exercice, mais [les] année[s] 2011 et 2012 et [l]es bénéfices imposés pendant ces années (…) », respectivement que « (…) les explications complémentaires fournies dans la motivation du recours, tout comme le dispositif de [ce dernier] vise[raient] clairement l’imposition des bénéfices des années 2011 et 2012 (…) et absolument pas la prise en [compte] de pertes pour l’exercice 2008 (…) ». Dans ces circonstances, le tribunal retient qu’il n’est pas saisi de la question de la déductibilité, à titre de perte reportée, d’une perte relative à l’exercice 2008.

S’agissant ensuite de l’argumentation de la demanderesse selon laquelle les bulletins déférés devraient encourir la réformation, en ce que le bureau d’imposition aurait procédé à l’imposition d’un bénéfice fictif, qui ne serait que le résultat de l’extourne de provisions indûment constituées au cours des années d’imposition antérieures, dont celle se rapportant à l’année 2008 n’aurait cependant jamais existé « (…) pour les besoins de l’imposition (…) », de sorte à être le fruit d’erreurs de comptabilité ne correspondant pas à un accroissement de l’actif net investi, en violation de l’article 18 LIR, aux termes duquel « (1) Le bénéfice est constitué par la différence entre l’actif net investi à la fin et l’actif net investi au début de l’exercice, augmentée des prélèvements personnels effectués pendant l’exercice et diminuée des suppléments d’apport effectués pendant l’exercice. (…) », le tribunal relève qu’aux termes de l’article 59 de la loi du modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, « (…) la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable (…) ».

Or, force est au tribunal de constater que l’argumentation sous examen repose essentiellement sur de simples affirmations non corroborées par des éléments de preuve tangibles. En effet, à titre de preuve de ses explications, la société demanderesse se borne à verser – outre ses déclarations fiscales pour les années d’imposition 2008, 2011 et 2012, les bulletins déférés et sa réclamation du 12 novembre 2014 – ses comptes annuels pour les exercices 2008, 2011 et 2012 et à soutenir, d’une part, que le bilan de l’année 2008 renseignerait, au passif, sous la rubrique « other provisions », la provision constituée s’élevant à … ,- euros, laquelle serait « (…) commentée par une note anodine n° 6 « unrealized provisions » (…) », et, d’autre part, que « (…) dans le bilan de 2011, la rubrique other provisions [serait] pass[ée] à 0 (…) », tout en affirmant que « (…) [p]our voir dans le détail des opérations ainsi faites, le Tribunal en tant que Juge du fond devrait au fond étudier carrément le livre journal de la société qui [serait] disponible et qui existe[rait], mais [ce serait] un exercice extrêmement fastidieux (…) ». S’il est exact que le bilan de l’exercice 2008 versé en cause renseigne au passif, sub « other provisions », la somme de … ,- euros, tandis qu’au bilan de l’exercice 2011, aucune somme n’est inscrite au poste en question, tel qu’affirmé par la société demanderesse, cette seule circonstance, n’est, à défaut d’autres éléments de preuve, tels que des documents comptables retraçant le détail des écritures prétendument à la base du bénéfice déclaré pour l’année d’imposition 2011, lequel s’élève à … ,- euros, pas de nature à établir la matérialité des faits invoqués par la société …à l’appui de son argumentation selon laquelle ledit bénéfice serait fictif en ce qu’il ne serait que le résultat de l’extourne de provisions constituées aux cours des années précédentes, ce d’autant plus que le quantum de ce bénéfice est sensiblement différent tant de la somme des pertes qui auraient, 6aux termes des précisions faites dans le mémoire en réplique de la société demanderesse4, été comptabilisées pour les années 2008 à 2010 suite à la constitution des provisions en question et qui s’élève à (… + … + … = ) … euros, que du montant renseigné au passif du bilan de l’exercice 2011 sous la rubrique « other provision - previous financial year », lequel s’élève à …,- euros, sans que la demanderesse n’ait fourni le moindre élément probant qui serait de nature à retracer les écritures comptables permettant d’expliquer cette différence, étant encore relevé que les annexes des bilans des exercices 2011 et 2012 ne livrent aucune explication qui serait de nature à corroborer les dires de la société ….

Si la partie demanderesse offre certes de rapporter la preuve des informations et données manquantes par l’institution d’une mesure d’instruction consistant à confier à un expert-comptable la mission de vérifier le bien-fondé de ses affirmations « (…) par investigation dans [s]es écritures comptables (…) », le tribunal retient qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une telle mesure, étant donné qu’aux termes de l’article 351 du Nouveau code de procédure civile – applicable dans le cadre du présent litige, étant donné que dans la mesure où le règlement de procédure applicable devant les juridictions administratives n’y déroge pas, les prescriptions du Nouveau code de procédure civile sont à suivre en la matière5 –, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver, une telle mesure ne pouvant en aucun cas être ordonnée en vue de suppléer à la carence d’une partie dans l’administration de la preuve, étant relevé, sur ce dernier point, que la partie demanderesse affirme expressément disposer de pièces probantes qui seraient de nature à étayer ses affirmations, sans cependant les verser, au motif que leur étude serait « (…) un exercice extrêmement fastidieux (…) », ce qui ne constitue en aucun cas une raison valable de se soustraire à l’administration de la preuve des faits qu’elle invoque devant le tribunal de céans dans le cadre de la contestation des bulletins litigieux.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que l’argumentation de la demanderesse, selon laquelle les bulletins déférés devraient encourir la réformation, en ce que le bureau d’imposition aurait procédé à l’imposition d’un bénéfice fictif, qui ne serait que le résultat de l’extourne de provisions indûment constituées au cours des années d’imposition antérieures, dont celle se rapportant à l’année 2008 n’aurait cependant jamais existé « (…) pour les besoins de l’imposition (…) », de sorte à être le fruit d’erreurs de comptabilité et à ne pas correspondre à un accroissement de l’actif net investi, en violation de l’article 18 LIR, est à écarter pour ne pas être établie.

A défaut d’autres moyens, le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé, étant encore précisé qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la société demanderesse tendant à voir ordonner à la partie étatique de verser le courrier du bureau d’imposition du 16 juillet 2014, dont le contenu a été résumé par le tribunal dans l’exposé des rétroactes de l’affaire et auquel il est fait référence dans la feuille d’établissement de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2011, étant donné que la pièce en question figure au dossier fiscal déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juillet 2016, suite à la demande afférente formulée par le tribunal à l’audience publique des plaidoiries du 4 juillet 2016, à laquelle l’affaire avait été refixée, en présence du litismandataire de la société demanderesse, à l’audience publique des plaidoiries du 3 octobre 2016 dans le but de permettre tant au 4 Voir l’offre de preuve y formulée.

5 En ce sens : Trib. adm., 30 octobre 1997, n° 8936 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 645 et les autres références y citées.

7tribunal qu’à la partie demanderesse de prendre connaissance dudit dossier avant les plaidoiries.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé à l’encontre d’une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes et des bulletins de l’impôt commercial communal pour les années d’imposition 2011 et 2012 ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années d’imposition 2011 et 2012 ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’instruction complémentaire ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années d’imposition 2011 et 2012 ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 8 décembre 2016 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 décembre 2016 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 36738
Date de la décision : 08/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-12-08;36738 ?

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