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06/12/2016 | LUXEMBOURG | N°37509

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 décembre 2016, 37509


Tribunal administratif N° 37509 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2016 4e chambre Audience publique du 6 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37509 du rôle, déposée en date du 10 février 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Marisa Roberto, avocat à la Cour, inscr

ite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, in...

Tribunal administratif N° 37509 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2016 4e chambre Audience publique du 6 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37509 du rôle, déposée en date du 10 février 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Marisa Roberto, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, introduisant un recours en réformation, sinon en annulation contre une décision rendue en date du 19 novembre 2015 par le directeur de l’administration des Contributions directes, ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite le 3 août 2015 contre le bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 2013, émis le 6 mai 2015 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 29 mars 2016 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Céline Botazzo, en remplacement de Maître Marisa Roberto, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives.

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Le 6 mai 2015, le bureau d’imposition Dudelange, ressort 109, de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur …, le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2013 retenant notamment comme revenu extraordinaire suivant les articles 131 (3) et 132 (2) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, dénommée ci-après « L.I.R. », la somme de 455.046,46 euros.

Par courrier du 30 juillet 2015 de la part de son litismandataire, Monsieur … introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2013, en s’opposant à l’imposition dans son chef de la plus-value réalisée lors de la vente de sa maison d’habitation sise à Dudelange, 99, route de Luxembourg, alors que, pour l’application de l’article 102bis L.I.R., la date de la vente à prendre en considération serait celle de la signature du compromis de vente de l’immeuble en question, à savoir le 15 octobre 2012.

Par décision du 19 novembre 2015, répertoriée sous le numéro C 21286 du rôle, le directeur rejeta, comme étant non fondée, la réclamation de Monsieur … aux motifs suivants :

« (…) Vu la requête introduite le 3 août 2015 par Maître Marisa Roberto, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2013, émis le 6 mai 2015 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition d'avoir imposé un revenu net divers provenant d'une plus-value réalisée lors de la vente d'un immeuble sis à Dudelange, 99, route de Luxembourg, alors qu'il s'agirait de sa résidence principale ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu'en vertu de l'acte notarié du 4 janvier 2013, le réclamant a procédé à la vente de la maison sise à … ; que le requérant invoque toutefois que la vente du prédit immeuble aurait déjà été réalisée en date du 15 octobre 2012 par la signature d'un compromis de vente entre les parties acheteuse et vendeuse ; que l'immeuble litigieux a été acquis en 2000 et qu'il a été occupé par le réclamant à partir du mois de septembre 2001 jusqu'en octobre 2011 ; qu'en 2011 il a acquis une nouvelle habitation à …, qui depuis son déménagement en octobre 2011 et jusqu'à ce jour, constitue sa résidence principale ;

Considérant qu'est imposable aux termes de l'article 99ter, alinéa 1er de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) le revenu provenant de l'aliénation à titre onéreux, plus de deux ans après leur acquisition ou leur constitution, d'immeubles qui ne font pas partie d'un actif net investi ;

que cette disposition n'est cependant pas applicable, en vertu de l'article 99ter, alinéa 6 L.I.R., dans la mesure où l'aliénation porte sur un immeuble bâti qui constitue, au sens de l'article 102bis L.I.R., la résidence principale du contribuable ;

Considérant d'abord qu'en vertu de l'article 102bis, alinéa 1er L.I.R. une habitation appartenant au contribuable est à considérer comme sa résidence principale lorsqu'elle constitue sa résidence habituelle depuis l'acquisition ou l'achèvement de l'habitation, ou au moins pendant les cinq années précédant la réalisation, cette condition de durée ne devant pas être remplie lorsque l'habitation est réalisée pour des motifs d'ordre familial ou en vue d'un changement de résidence en rapport avec la profession ; que l'alinéa ter vise l'hypothèse de l'occupation de l'habitation au moment de la vente ; qu'en vertu de l'alinéa 3 du même article, l'habitation à considérer comme résidence principale selon les dispositions de l'alinéa 1er et non occupée au moment de la vente est assimilée à une résidence principale, à condition que la réalisation de celle-ci intervienne au cours de l'année qui suit le transfert dans une nouvelle habitation ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 8bis de la loi concernant l'évaluation des biens et valeurs (BewG), la date du transfert à titre onéreux d'un droit réel portant sur un bien immobilier est la date de l'acte notarié ou la date du jugement en tenant lieu ou la date de l'acte administratif en tenant lieu ; qu'en matière fiscale, un compromis de vente n'est, à lui seul, jamais suffisant à créer une nouvelle situation de droit en ce qui concerne le droit réel portant sur un bien immobilier ;

Considérant qu'il en résulte que les modalités de promesses de ventes précédant l'acte notarié ne sont donc pas à analyser pour la détermination du transfert ; qu'en l'espèce le compromis de vente signé par les parties en date du 15 octobre 2012 n'est donc pas déterminant, mais la date de l'acte notarié du 4 janvier 2013 est celle à considérer pour déterminer la date du transfert de l'immeuble ;

Considérant qu'en l'espèce, le réclamant n'a pas habité l'immeuble litigieux au moment de la vente ; que de plus il ne l'a pas réalisé avant la fin de l'année qui suivait son transfert, en date du 17 octobre 2011, dans sa nouvelle habitation à 28, rue Alexandre Fleming, L-3467 Dudelange, de sorte qu'en aucune circonstance, il ne saurait bénéficier de l'exemption de la plus-value sur base d'un des deux alinéas 1 ou 3 de l'article 102bis L.I.R. ;

Considérant encore qu'aux termes de l'article 102bis, alinéa 2 L.I.R. une habitation appartenant au contribuable et qui n'est pas occupée par lui est assimilée à une résidence principale, lorsque le contribuable l'a occupée à la suite de l'acquisition ou de l'achèvement, qu'il n'est pas propriétaire d'une autre habitation et que l'abandon de cette habitation a été motivé par des raisons d'ordre familial ou par un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable, de son conjoint ou de son partenaire ;

Considérant que le réclamant est depuis l'année 2011, en sus de l'immeuble litigieux, propriétaire d'une autre habitation qu'il utilise pour ses besoins personnels de logement depuis Je 17 octobre 2011 ; que les conditions de l'article 102bis, alinéa 2 L.I.R. n'ont donc pas été remplies au moment de la vente en date du 4 janvier 2013 et que l'immeuble litigieux ne peut, par conséquent, pas être assimilé à une résidence principale sur base de cette disposition légale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à juste titre que le bureau d'imposition a procédé à l'imposition de la plus-value dégagée par l'aliénation de l'immeuble litigieux ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ; (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 19 novembre 2015.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1.

de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation dirigée contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation ainsi introduit. Le recours, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur estime que le bureau d’imposition, en retenant que la vente de sa maison d’habitation sise à …, serait intervenue plus d’un an après son déménagement dans son nouveau logement le 17 octobre 2011, aurait omis de prendre en considération la date de la signature du compromis de la vente, à savoir le 5 octobre 2012, tout en ne prenant en considération que la date de l’acte notarié signé en date du 4 janvier 2013.

En droit, le demandeur fait plaider qu’il rentrerait dans les prévisions de l’article 102 bis, paragraphe (3) L.I.R. constituant une des exceptions à l’imposition de la plus-value sur la vente des immeubles prévue par l’article 99 ter L.I.R., alors que l’immeuble sis à … serait à considérer comme ayant été sa résidence principale et que la vente de ce dernier serait intervenue dans l’année suivant son déménagement. A ce titre, le demandeur estime que l’administration fiscale, en se basant sur l’article 8 de la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l’évaluation des biens et valeurs, appelée « Bewertungsgesetz», ci-après dénommée « BewG », ne saurait ainsi écarter délibérément l’application des « règles civiles antérieures applicables en matière de vente » et plus particulièrement l’article 1582 du Code civil, ou encore l’article 1583 de ce même code, disposant que la vente serait parfaite dès qu’il y aurait consentement sur la chose et le prix, respectivement l’article 1589 du Code civil suivant lequel la promesse de vente vaut vente. Il résulterait de l’application de ces règles du droit civil que la vente de l’immeuble litigieux aurait acquis date certaine au jour de la signature du compromis de vente, à savoir le 5 octobre 2012, soit moins d’un an après le déménagement du demandeur dans une autre habitation. Il invoque, dans ce contexte, un arrêt de la Cour administrative du 18 novembre 2008, inscrit sous le n° 24712 C du rôle, qui aurait retenu que l’autonomie du droit fiscal ne pourrait pas aller jusqu’à priver d’effet des dispositions claires et précises d’autres branches du droit.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la date du compromis de vente ne serait pas prise en compte, le demandeur donne à considérer que l’acte notarié serait intervenu à peine deux mois après l’expiration du délai d’un an énoncé à l’article 102 bis L.I.R., de sorte qu’un tel faible dépassement du délai ne devrait pas aboutir à l’inapplication pure et simple des dispositions de l’article 99 ter L.I.R. sous peine de constituer une sanction disproportionnée au regard des circonstances de l’espèce.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Force est d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur a déménagé de la maison litigieuse en date du 17 octobre 2011, que le compromis de vente relatif à cette même maison a été signé en date du 5 octobre 2012 et que l’acte notarié a été signé le 4 janvier 2013.

L’article 102 bis L.I.R. dispose qu’« (…) Aux fins de l’application des articles «99bis et 99ter» (…) (3) Est encore assimilée à une résidence principale l’habitation antérieurement occupée par le contribuable, lorsque la réalisation de cette habitation intervient au cours de l’année qui suit le transfert dans une nouvelle habitation. (…).» Quant à la loi applicable pour déterminer la date de réalisation d’une telle habitation, il a été jugé1 qu’en matière fiscale s’applique le paragraphe 8bis BewG, qui dispose que : « La date du transfert à titre onéreux d’un droit réel portant sur un bien immobilier est la date de l’acte notarié ou la date du jugement en tenant lieu ou la date de l’acte administratif en tenant lieu. (…) », alors qu’il résulte des travaux parlementaires relatifs à cette disposition que le paragraphe 8bis BewG est « animé par la volonté d’uniformiser, de clarifier et ainsi de simplifier les rapports entre les contribuables et l’administration fiscale en fixant une fois pour toutes la date à laquelle le transfert à titre onéreux de tout droit réel est censé s’opérer pour les besoins de l’imposition et ceci en dispense de toute analyse des conditions, termes ou simples modalités pouvant affecter la validité d’une éventuelle promesse de vente qui a pu préexister entre les parties ».2 Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de se référer à ce titre à des dispositions plus générales tirées du droit civil, pour lesquelles il y a lieu de retenir qu’elles sont à écarter en application de la règle specialia generalibus derogant.

Il est encore relevé dans ce contexte que la jurisprudence de la Cour administrative invoquée par le demandeur ne saurait trouver application en l’espèce, alors qu’il s’agissait dans ladite affaire de retenir que le critère de la réalité économique, utilisé en matière fiscale pour requalifier des situations juridiques de droit privé, ne permet pas de mettre en cause la législation relative à l’institution d’un plafond légal pour la fixation d’un loyer en matière de baux d’habitation, matière et problème juridique différents de ceux de la présente espèce.

Il s’ensuit qu’au sens du droit fiscal, le transfert à titre onéreux du droit de propriété -

qui constitue un droit réel - sur la maison d’habitation litigieuse sise à Dudelange, 99, route de Luxembourg, a bien eu lieu le jour de la réception de l’acte notarié de vente y relatif, à savoir le 4 janvier 2013, soit plus d’un an après le déménagement du demandeur dans son nouveau domicile, de sorte que c’est à bon droit que le bureau d’imposition et, par la suite, le directeur, ont pu décider d’imposer la plus-value réalisée lors de la vente de ladite maison dans le chef du demandeur.

Cette conclusion n’est pas non plus énervée par l’argumentation du demandeur relative à une prétendue disproportion de la décision déférée au regard du dépassement de seulement quelques semaines du délai d’un an prévu à l’article 102 bis alinéa 3 L.I.R., alors qu’il a été retenu que le délai entre la date de la survenance effective de l’accord des volontés et l’acte 1 trib. adm. 31 mars 2014, n° 32044 du rôle, Pas.adm. 2016, V° Impôts, n° 201.

2 cf. doc. parl., n° 4973, p.6 notarié ou administratif, voire le jugement relatif à un transfert de droits réels, ne peut être admis comme affectant l’application du paragraphe 8bis BewG qui constitue une règle impérative3.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le directeur a valablement pu rejeter la réclamation du demandeur et que le recours sous analyse est partant à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclaré non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur au frais.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge et lu à l’audience publique du 6 décembre 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 06/12/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 3 Cour adm 7 juillet 2015, n° 35872C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 202.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 37509
Date de la décision : 06/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-12-06;37509 ?

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