Tribunal administratif N° 37982 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mai 2016 2e chambre Audience publique du 5 décembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37982 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2016 par Maître Hakima Gouni, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 avril 2016 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2016 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hakima Gouni et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 novembre 2016 ;
Vu le courrier déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2016 par le délégué du gouvernement et la pièce y annexée ;
Vu la télécopie de Maître Hakima Gouni, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2016 ;
Vu le courrier déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2016 par le délégué du gouvernement ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 novembre 2016, à laquelle l’affaire avait été refixée pour continuation des débats.
Le 2 février 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européenne, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la 1loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Les 24 mars et 12 avril 2016, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 27 avril 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande avait été refusée comme non fondée tout en lui ordonnant de quitter le territoire endéans un délai de trente jours à compter du jour où ladite décision sera devenue définitive.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, d’une part, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 27 avril 2016 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministre du 27 avril 2016 portant refus de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur …. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre cette même décision.
Par ailleurs, le tribunal est également compétent pour connaître du recours en annulation introduit par le demandeur à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire, nonobstant le fait que le susdit article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions ministérielles portant ordre de quitter le territoire, étant donné que si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, tel que cela est le cas en l’espèce, le recours est néanmoins susceptible d’être déclaré recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues, ainsi que les délais dans lesquels le recours doit être introduit.1 A l’audience publique des plaidoiries du 21 novembre 2016, le tribunal a invité les parties à prendre oralement position quant à la recevabilité ratione temporis du recours, pris en son double volet, eu égard au fait qu’aux termes d’une mention figurant sur la décision déférée, celle-ci aurait été notifiée au demandeur par envoi recommandé du 27 avril 2016, de sorte qu’en application de l’article 12 (3) de la loi du 18 décembre 2015 – aux termes duquel la notification d’une décision rendue en matière de protection internationale est réputée valablement faite trois jours à compter de l’envoi du courrier recommandé portant notification – elle serait présumée notifiée le 30 avril 2016 et que le délai de recours contentieux d’un mois à compter de la notification, tel que prévu par l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 1 Trib. adm., 3 avril 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Recours en réformation, n° 2 et les autres références y citées.
22015, aurait, par conséquent, expiré le 30 mai 2016, soit la veille du dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif.
Le litismandataire du demandeur a expliqué n’avoir réceptionné la décision litigieuse qu’en date du 2 mai 2016.
Le tribunal a ensuite procédé à la refixation de l’affaire à l’audience publique de la deuxième chambre du tribunal administratif du 28 novembre 2016, afin de permettre aux parties de verser une preuve de la notification de la décision en question.
A cette fin, le délégué du gouvernement a versé un relevé d’envois recommandés, par courrier déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2016.
Aux termes d’une télécopie réceptionnée le 24 novembre 2016 par le greffe du tribunal administratif, le litismandataire du demandeur, tout en demandant au tribunal de prendre l’affaire en délibéré en son absence à l’audience du 28 novembre 2016, affirme, en substance, qu’il ne serait pas en mesure de rapporter la preuve de la date de la réception de l’envoi recommandé portant notification de la décision déférée, qui seule ferait courir le délai de recours contentieux, mais que, faute pour la partie étatique d’avoir, à son tour, rapporté la preuve en question, la date à prendre en compte au titre de la notification de la décision en question serait celle qu’il aurait lui-même apposée de façon manuscrite sur ladite décision au moment de l’avoir reçue, soit le 2 mai 2016, de sorte que le recours, introduit le 31 mai 2016, ne serait pas tardif.
Il ressort d’un courrier déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2016 que le délégué du gouvernement soutient que dans la mesure où le courrier recommandé portant notification de la décision déférée aurait été envoyé le 27 avril 2016, ainsi que cela se dégagerait de la pièce annexée au courrier, précité, du 23 novembre 2016, la notification serait réputée avoir été valablement faite le 30 avril 2016, de sorte que le recours, introduit le 31 mai 2016, serait irrecevable pour être tardif.
A l’audience publique des plaidoiries du 28 novembre 2016, le délégué du gouvernement a, en l’absence du litismandataire du demandeur, renvoyé au contenu du susdit courrier du même jour, quant au moyen d’irrecevabilité ratione temporis soulevé d’office par le tribunal.
L’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit que le recours contre le refus d’octroi de la protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire doit être introduit dans un délai d’un mois à partir de la notification.
Par ailleurs, aux termes de l’article 12 (3), précité, de la même loi, « Le demandeur est tenu de faire dans les huit jours suivant l’introduction de sa demande de protection internationale une déclaration d’arrivée auprès de la commune dans laquelle il établit sa résidence habituelle. Tout changement de résidence à l’intérieur de la commune ou le transfert de la résidence habituelle dans une autre commune, doit être déclaré auprès de la commune de la nouvelle résidence.
Pour les besoins de la procédure, le demandeur peut élire domicile auprès de son mandataire et communiquer le domicile élu au ministre. Toute modification du domicile élu doit être communiquée au ministre contre récépissé.
3 Le demandeur devra accepter de recevoir toute communication au lieu de sa résidence habituelle ou, le cas échéant, au domicile élu. Sans préjudice d’une notification à personne, toute notification est réputée valablement faite trois jours après l’envoi sous pli recommandé à la poste soit au lieu de la résidence habituelle soit au domicile élu. (…) ».
Force est d’abord au tribunal de constater qu’il ne se dégage d’aucun élément soumis à son appréciation que la décision déférée aurait été envoyée à l’adresse du litismandataire du demandeur, aux fins de notification, tel que suggéré par ce dernier, étant précisé, à cet égard, qu’il n’est ni allégué ni a fortiori établi en l’espèce que le demandeur aurait, préalablement à l’introduction du présent recours, élu domicile auprès dudit litismandataire et communiqué l’adresse du domicile ainsi élu au ministre, en application de l’article 12 (3), alinéa 2 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les dispositions relatives à une notification au domicile élu du demandeur de protection internationale, telles que prévues par l’article 12 (3), alinéa 3 de la même loi, n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce.
Le tribunal relève ensuite, d’une part, qu’il n’est pas contesté en l’espèce que l’adresse à laquelle le courrier recommandé portant notification de la décision déférée fut envoyé, aux termes des mentions figurant sur la décision litigieuse elle-même, telles que corroborées par les renseignements se dégageant du relevé d’envois recommandés versé par le délégué du gouvernement, correspond à celle de la résidence habituelle du demandeur, au sens de l’article 12 (3), alinéas 1er et 3 de la loi du 29 août 2008, – le demandeur affirmant d’ailleurs expressément, dans la requête introductive d’instance, demeurer à l’adresse en question – et, d’autre part, qu’il ressort du susdit relevé, plus particulièrement du cachet postal y apposé, que le courrier recommandé en question a effectivement été envoyé le 27 avril 2016, tel que soutenu à juste titre par le délégué du gouvernement.
Dès lors, en application de l’article 12 (3), alinéa 3 de la loi du 29 août 2008, la notification de la décision litigieuse est réputée avoir été valablement faite le 30 avril 2016, de sorte que le délai de recours contentieux d’un mois à compter de la notification, tel que prévu par l’article 35 (1), précité, de la même loi, a expiré le lundi, 30 mai 2016. Il s’ensuit que la requête introductive d’instance déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2016 le fut en dehors dudit délai, de sorte que le recours, pris en son double volet, encourt l’irrecevabilité ratione temporis.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare irrecevable le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 27 avril 2016 portant refus d’une protection internationale ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit à l’encontre de cette même décision ;
déclare irrecevable le recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 27 avril 2016 portant ordre de quitter le territoire ;
condamne le demandeur aux frais.
4Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 5 décembre 2016 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 décembre 2016 Le Greffier du Tribunal administratif 5