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29/11/2016 | LUXEMBOURG | N°37734

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 novembre 2016, 37734


Tribunal administratif N° 37734 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 mars 2016 4e chambre Audience publique du 29 novembre 2016 Recours formé par Monsieur …et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37734 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 mars 2016 par Maître Ardavan Fatholahz

adeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Tribunal administratif N° 37734 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 mars 2016 4e chambre Audience publique du 29 novembre 2016 Recours formé par Monsieur …et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37734 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 mars 2016 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), et de son épouse, Madame …, née le … à … (Macédoine), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs …, né le … à … (Serbie) et …, née le … à …, tous de nationalité kosovare, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 mars 2016 portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et portant ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 mai 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives.

Le 8 septembre 2015, Monsieur …et son épouse, Madame … agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs … …et …, ci-après dénommés « les consorts …», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations des consorts …sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

En date du 22 septembre 2015, Monsieur …et Madame … furent encore auditionnés séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leurs demandes de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement européen et du 1Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Monsieur …fut finalement entendu en date du 20 janvier 2016 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame … fut entendue pour les mêmes raisons en date du 17 février 2016.

Par décision du 11 mars 2016, notifiée aux intéressés par lettre recommandée envoyée le 14 mars 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … de ce que leurs demandes de protection internationale avaient été rejetée comme étant non fondées, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Cette décision est libellée dans les termes suivants :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez déposées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 8 septembre 2015.

Quant à vos déclarations auprès du Service de Police judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 8 septembre 2015.

Il ressort dudit rapport que vous êtes entrés illégalement dans l'Union européenne. Un passeur albanais dénommé « … » vous aurait conduits en voiture à Luxembourg.

Vous présentez des cartes d'identité kosovares pour vous-mêmes ainsi que des actes de naissance pour vos enfants mineurs. Vous n'auriez jamais possédé des passeports.

Quant à vos déclarations auprès du Service Réfugiés En mains les rapports d'entretien Dublin III du 22 septembre 2015 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 20 janvier et 17 février 2016 sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez été menacé par des Albanais et que vous seriez venu au Luxembourg afin de « sauver » votre épouse ainsi que vos enfants.

En 1999, l'armée serbe se serait installée dans votre maison familiale. Après son retrait de la maison, différentes personnes albanaises vous auraient menacé et insulté. Vous connaîtriez seulement quelques-unes de vue. En 2008, votre frère serait parti aux Etats-Unis à cause de ces menaces. Vous seriez resté comme vos ancêtres auraient tous habité dans la région mais les menaces auraient continué jusqu'en juin 2015.

De plus, en 2010, une « bombe » (p. 3/9) aurait explosé à côté de votre maison.

L'explosion aurait causé des fissures à la fenêtre de la chambre. La police accompagnée d'un policier allemand serait venue. Par contre, « il n'y avait pas de police spéciale qui est venue » (p. 3/9). Malgré les recherches sur place, l'enquête policière n'aurait abouti à aucun résultat.

Vous auriez informé les policiers que vous auriez reçu des menaces par téléphone environ 15 2jours avant la détonation parce que vous auriez commencé à vous engager au sein d'un parti dénomme « SLS — Samostalna Liberalna Stranka » (p. 4/9). Vous précisez que ce parti aurait été créé en 2010 et que vous en auriez été un « membre actif » jusqu'en 2010.

En 2012, un Albanais, se serait emparé de votre champ pour en faire un dépôt. Vous n'auriez jamais porté plainte contre cette usurpation mais vous expliquez que la police n'aurait rien fait après l'avoir informée de ce fait. Vous précisez que cet Albanais enverrait chaque mois quelqu'un à votre domicile pour signer un contrat de vente, or votre père s'y opposerait.

En juin 2015, des personnes dans une voiture auraient menacé votre épouse de « violer et tuer les enfants » (p. 3/9 du rapport d'entretien du 20 janvier 2016). Votre épouse n'aurait pas sollicité la police comme celle-ci n'aurait rien fait auparavant.

Vous auriez par ailleurs déclaré quinze ou vingt menaces auprès de la police de … sans qu'il y ait eu un changement de la situation. Vous ajoutez qu'il y aurait aussi une police serbe, mais celle-ci serait sous contrôle de la police albanaise.

En outre, la police aurait souvent contrôlé votre voiture et « étant donné qu'ils ne trouvaient rien, ils me faisaient un PV en disant que j'avais roulé vite alors que ce n'était pas le cas » (p. 5/9). Vous n'auriez pas voulu payer, mais un tribunal vous aurait par la suite condamné à payer cette amende.

A l'exception de la police, vous ne vous seriez adressé à aucune autre autorité dans votre pays d'origine.

Vous présentez plusieurs documents pour étayer vos dires :

Deux photographies Un acte rédigé en albanais par un notaire albanais daté du 28 août 2015 qui comprendrait les témoignages de deux villageois au sujet de la bombe qui aurait explosé à côté de votre maison en 2010.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux en précisant que vous auriez été menacée personnellement cinq ou six fois et que l'incident avec la bombe aurait eu lieu le 14 août 2010.

Enfin, Madame, Monsieur, il ressort des rapports d'entretien qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de vos demandes de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.

1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.

Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 a) de la loi 18 décembre 2015, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 42(1) de la prédite 3loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui craigne avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

En l'espèce, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amenés à quitter votre pays d'origine n'ont pas été motivées par un des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.

En effet, tous les faits relatés ci-dessus constituent des délits de droit commun, commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissables en vertu de la législation kosovare.

Monsieur, à cela s'ajoute, qu'il ne saurait être établi que l'incident avec la bombe serait dû à votre engagement politique pour lequel vous n'avez par ailleurs pas présenté de preuve ou donné le moindre détail. En effet, vous expliquez uniquement avoir été un membre « actif » du SLS pour la seule année 2010 et avoir été candidat « pour représenter la commune auprès du parti ». Vous auriez donc tout au plus participé à une réunion des membres ou une élection interne de la branche locale du SLS afin d'en désigner le représentant. A cela s'ajoute que votre parti prétendu a fait partie de la coalition gouvernementale en 2010 et qu'il ne constituait donc pas un « parti opposant » (p. 4) comme vous le dites. De plus, il s'agit de relever que vous ne seriez plus un membre actif du parti depuis 2010 et il est donc permis de conclure que vos problèmes liés à votre engagement politique présumé en 2010 font partie du passé. Enfin, il s'agit de préciser que vous affirmez uniquement qu'une bombe aurait explosé à côté de votre maison et qu'il n'est donc pas établi que vous ayez été personnellement visé par cette attaque ;

vous faites d'ailleurs uniquement état de dégâts au niveau des fenêtres de votre maison.

S'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

En outre, Madame, Monsieur, en application de l'article 40 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'audition que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre des Albanais non autrement identifiés. Vous déclarez avoir contacté la police à plusieurs reprises, mais celle-ci n'aurait jamais eu de résultat.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion.

4 A cela s'ajoute que la police aurait entamé une enquête dans le cadre de l'incident où une bombe aurait explosé à côté de votre maison et qu'elle aurait donc répondu à ses devoirs. De plus, il ressort de vos dires que vous n'auriez jamais déposé plainte au parquet contre le prétendu usurpateur de votre champ et qu'aucun reproche ne saurait donc être formulé à l'encontre des autorités. D'autant plus que celles-ci semblent accepter le fait que le terrain en question vous appartient ; un constat partagé par l'« usurpateur » lui-même, alors qu'il proposerait régulièrement à votre père de le lui acheter. Ce dernier élément indique par ailleurs que le champ en question appartiendrait à votre père et que vos dires y relatifs ne concernent donc même pas un problème personnel que vous auriez vous-même rencontré dans votre pays d'origine, mais bien un personnel non personnel dont vous restez en défaut d'étayer un lien concret avec vos craintes présumées de persécution dans votre pays d'origine.

Relevons, que le degré de confiance dans la police kosovare est généralement élevé : « The Kosovo police continues to be perceived as the most trusted rule of law institution in Kosovo. Cooperation between the Kosovo police and Europol is currently facilitated by an EU Member State official working within EULEX. The Kosovo police has already contributed to successful joint investigations supported by Europol, including the large-scale destruction of a Europe-wide migrant smuggling network in March. Kosovo applied to join Interpol in April. ».

Notons également la représentation de tous les groupes ethniques au sein de la police du pays: « Kosovo's police has around 9 000 staff, which makes an overall of approximately 500 policemen per 100 000 inhabitants. Appraximately 83 % of police staff are ethnic Albanians and 13 % ethnic Serbs, with the remainder coming from other communities. Kosovo's police force is structured in a way that provides for a career path and evaluation mechanism and has also adopted a code of ethics. The Kosovo Academy for Public Safety is responsible for basic and specialised training and offers a bachelor's programme in public safety. The Kosovo police has specialised units dealing with the various aspects of organised crime. The police inspectorate is responsible for the prevention, detection, documentation and investigation of criminal offences of police officers regardless of position or rank. ».

En effet, la diversité ethnique est même inscrite dans la constitution kosovare et elle est respectée : « The representation of ethnic communities in the Kosovo Police is regulated by the Constitution of the Republic of Kosovo and the Law on the Kosovo Police, as well as by secondary legislation and procedures. According to the Constitution of the Republic of Kosovo "the Police shall be professional and reflect the ethnic diversity of the population of the Republic of Kosovo." (…) In 2013, the KP is considered a "champion" among Kosovo institutions in regard to Serb ethnic minority representation. According to its own statistics, the KP has continued to follow excellent practice on ethnic representation, especially regarding the Serbian community. More precisely, by the end of 2013, around 11.49% of KP staff were Serbs, including both uniformed and civilian staff. » Concernant la possibilité de recevoir un rapport de police, notons: « According to the police directorate acting director, the victim or witness is allowed to obtain a copy of his or her own statement, but not a copy of the police report (ibid. 9 Nov. 2011). However, he also explained that since the person is given a document with the case file and name of the recording police officer when the complaint is made, the victim or witness (or his or her lawyer) may later obtain the police report from the prosecutor or the court (ibid.). ».

5A cela s'ajoute que votre réaction de vous avoir plaint une vingtaine de fois à l'égard des agissements des Albanais auprès de la police de … ne paraît pas crédible, alors que vous auriez tout aussi bien pu consulter celle de Partes : « The Kosovo Police station in Partes/Partesh has 22 police officers; 15 Kosovo Serbs, five (5) Kosovo Albanians, one (1) Kosovo Turk and one (1) Kosovo Macedonian; one (1) female. As for the international military presence, the United States KFOR covers the area (source: Kosovo Police). ». Madame, Monsieur, étant donné que vous indiquez ne pas parler l'albanais, il faut en effet se demander pourquoi vous vous seriez efforcés à consulter un poste de police à très forte composante albanaise à …, une commune presque exclusivement habitée par des Albanais, alors que le poste de police dans votre commune est majoritairement composé de Serbes.

Si vous aviez songé que la police n'aurait pas fait son travail correctement, vous auriez pu vous addresser à une instance responsible pour l'inspection de la police kosovare: « As defined in the Rules of Procedure 2005/54, the Police Inspectorate of Kosovo is established as an executive body of the Ministry of internal Affairs. The Police Inspectorate of Kosovo consists of the executive manager and inspection officers, who are civilian officials and completely independent of the Kosovo Police Service. These officials are mandated with range of competencies for entry into and inspection of the police stations and departments, to interview police officers of all categories, to collect data on manners of tasks accomplishment, investigate disciplinary complaints and, if necessary, to seize the police documents. (…) The Police Inspectorate of Kosovo is an independent mechanism for monitoring police and it has two main functions: inspection of the manner in which the tasks are accomplished by KPS in a defined range of management functions in the context of appropriateness, effectiveness and application of the applicable laws, as well as to conduct review of all the complaints for misconduct of the KPS police officers regardless of their ranks.

Each calendar year PIK shall submit a detailed report on the manner of task accomplishment by the KPS, including detailed analyses and recommendations for the organisational reforms. This enables the Ministry on Internal Affairs, thus being fully informed, to make decisions on the policies relating to police issues in Kosovo, as well as to provide support to international community to make proper assessment of the task accomplishment by the KPS. In addition, PIK prepares a case file regarding formal complaints for misconduct and, as necessary, makes recommendations or otherwise refers the case for further disciplinary review by the Commission for High Police Appointments and Discipline (CHPAD). ».

Vous auriez également pu vous addresser à l'ombudsman, si jamais vous étiez d'avis que vous seriez discriminés par les autorités kosovares à cause de votre appartenance ethnique: « The Ombudsperson institution in Kosovo has continued to perform and act as a defender of the rights of Kosovo citizens vis-à-vis the administration. The annual report of the Ombudsperson states that 2 047 cases were received, 23 % more than the previous year. The government has taken the positive step to allocate a budget for a much needed new building for the institution.

(…) Overall, the Ombudsperson Institution of Kosovo continued to gradually improve its work across Kosovo. (…) ».

Par ailleurs, il convient de relever qu'en vertu de l'article 30 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et du règlement grand-

ducal du 19 juin 2013 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi précitée votre pays d'origine est à considérer comme pays d'origine sûr où il n'existe pas, généralement et de façon constante de persécution au sens de la Convention de Genève ou un risque de subir une atteinte grave telle que déterminée à 6l'article 48 de la loi précitée. Ce constat n'a pas pu être contredit par l'examen individuel de votre demande de protection internationale.

Considérant tous ces éléments, il n'est pas démontré que les autorités kosovares seraient dans l'incapacité de vous fournir une protection quelconque.

Monsieur, à cela s'ajoute que vous seriez menacé depuis 1999 mais que vous auriez attendu seize ans avant de finalement vous décider à quitter votre pays d'origine. En plus, il ressort de vos dires que votre père aurait décidé de continuer à vivre sur les « terres de vos ancêtres » alors que d'après vos dires, il serait régulièrement dérangé par cet Albanais qui voudrait lui acheter un champ et que ce serait également lui le propriétaire de la maison qui aurait servi de base à l'armée serbe en 1999. Or, il se dégage de ces constats que la gravité de votre situation au Kosovo n'est pas telle à fonder une demande de protection internationale et il s'ensuit qu'on est amené à juger que les craintes que vous exprimez se traduisent en un sentiment général d'insécurité plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ce dernier constat vaut d'autant plus que vous auriez apparemment attendu les vacances scolaires de vos enfants pour quitter votre pays d'origine. On peut toutefois s'attendre à ce que des personnes vraiment persécutées dans leur pays d'origine ne coordonnent pas leur fuite par rapport au calendrier scolaire. Dans ce contexte, on peut ajouter qu'il paraît évident que vous ayez commandé la rédaction de l'acte notarial versé dans le seul but de l'utiliser pour appuyer une demande de protection internationale, alors que vous auriez attendu cinq ans pour demander un tel document.

Relevons qu'en vertu de l'article 41 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, le ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.

Ainsi, il n'est pas établi en l'espèce que vous n'auriez pas pu recourir vous-même à une réinstallation dans une autre ville avec une population majoritairement serbe. En effet, Partes n'est pas la seule commune kosovare avec une population majoritairement serbe : « Gemeinden mit überwiegend serbischer Bevölkerung sind Gracanica, Kllokot/Klokot, Partes Ranillug/Ranilug, Shterpce/Strpce. Serben bilden darüber hinaus eine große Minderheit in der Gemeinde Novo Berde/Novo Brdo. Die weitgehenden Autonomierechte auf Gemeindeebene haben seit 2008 zur Normalisierung in den serbischen Enklaven südlich des Flusses Ibar geführt.

Dort haben sich die meisten ethnischen Serben damit arrangiert, in der von Serbien nicht anerkannten Republik Kosovo zu leben. Sie unterhalten relativ gute Beziehungen zu den kosovo-

albanischen Autoritäten und beteiligen sich an der gesellschaftspolitischen Ausgestaltung im Rahmen der kosovarischen Institutionen. ».

Vous ne soulevez également pas de raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une fuite interne.

7 Ajoutons à cet égard que les problèmes dont vous faites état n'ont qu'un caractère local, ce que vous indiquez clairement dans vos déclarations, et que la situation dans laquelle vous ont placé les mesures infligées n'a pas atteint une telle ampleur que vous ne pouviez vous y soustraire qu'en fuyant à l'étranger.

Compte tenu des constatations qui précèdent concernant les conditions générales dans cette partie du pays et votre situation personnelle, force est de retenir que les critères du paragraphe 2 de l'article 41 de la loi du 18 décembre 2015 sont clairement remplis.

En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 42 et 43 de la loi précitée du 18 décembre 2015.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

2. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 48 de la loi précitée du 18 décembre 2015, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous seriez victimes des menaces de différents Albanais. En plus, une bombe aurait explosé à côté de votre maison en 2010 et depuis 2012, Monsieur, un Albanais occuperait le champ de votre père.

Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que vos récits ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.

Vos demandes de protection internationale sont dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

8 Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Kosovo, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 mars 2016, les consorts …ont fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 11 mars 2016 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et leur ordonnant de quitter le territoire.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 11 mars 2016 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 11 mars 2016, telle que déférée.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A titre liminaire, et quant au fond de ce volet de la décision sous examen, les consorts …demandent acte dans le dispositif de leur requête introductive d’instance, auquel le tribunal est seul tenu, de ce qu’ils renoncent à leur demande en obtention du statut de réfugié.

Il échet de leur en donner acte.

Il s’ensuit que les conclusions des demandeurs visant une violation de la loi, en ce que le ministre aurait à tort décidé que les faits exposés par eux lors de leurs auditions auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes ne justifieraient pas dans leur chef une crainte justifiée de persécution en raison de leur appartenance à un groupe social vulnérable, « ainsi que leur appartenance à la famille …», ne seront pas pris en considération pour être étrangères au volet de la décision ministérielle leur refusant le statut conféré par la protection subsidiaire.

En fait, les demandeurs soulignent que leur maison familiale aurait servi de base militaire aux Serbes pendant la guerre et que de ce fait, ils seraient persécutés et menacés par les Albanais et ce, depuis 1999. Ils expliquent qu’une bombe aurait explosé tout près de leur maison en 2010 et, qu’en juin 2015, l’ultime menace à l’encontre de Madame …et des enfants, les aurait conduits à quitter leur pays d’origine.

Ils font valoir qu’ils auraient subi « de graves persécutions au Kosovo, lesquelles [auraient], malgré le changement de pays, continué en Bosnie-Herzégovine » sans pour autant pouvoir compter sur une protection policière.

Les demandeurs exposent encore avoir été victimes d’une expropriation de la part d’un Albanais relative à un champ leur appartenant et que « Malgré les plaintes de Monsieur …auprès des autorités, la police [serait] dans l’impossibilité ou n’[aurait] aucune volonté d’agir contre ces personnes ». Ils font valoir dans ce contexte qu’ils auraient à plusieurs reprises déposé des plaintes et demandé la protection des autorités étatiques au Kosovo, sans pour autant obtenir un quelconque résultat.

Ils considèrent que les menaces de mort, les agressions et les harcèlements seraient des faits constitutifs d’une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme, en raison de leur caractère suffisamment grave et répété.

Les consorts …exposent encore avoir des craintes d’être victimes de traitements inhumains et dégradants en cas de retour forcé au Kosovo et que l’ensemble des conditions qui sous-tendent l’octroi de la protection subsidiaire se trouveraient vérifiées.

Ils font finalement valoir qu’une fuite interne dans leur pays d’origine aurait été impossible dans la mesure où ils seraient toujours visés par les Albanais.

Les consorts …demandent au tribunal de considérer non seulement « la situation particulière des personnes victimes de personnes criminels, mais encore la capacité des autorités de police à les protéger dans leur pays d’origine ou de résidence » et soulignent que même si un pays est pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, il ne serait pas ipso facto à considérer comme un pays d’origine sûr.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Par ailleurs, l’article 2 g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque réel de subir des atteintes graves qu’ils encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.

Comme il n’y a pas de conflit armé au Kosovo et que les demandeurs n’allèguent pas risquer la peine de mort ou l’exécution dans leur pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les difficultés dont ils font état peuvent être qualifiées de torture ou de traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants.

Le tribunal est amené à retenir que les menaces exprimées par des Albanais inconnus, l’explosion d’une bombe à proximité de la maison des demandeurs, ainsi que le fait par un Albanais de revendiquer un champ appartenant à la famille …, pris dans leur ensemble, présentent une gravité suffisante pour être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Le tribunal constate néanmoins que les personnes par lesquelles les consorts …déclarent avoir été menacés respectivement attaqués, sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat, de sorte que la crainte de faire l’objet d’atteintes graves ne saurait être considérée comme fondée que si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective aux demandeurs ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source des atteintes graves1.

Dès lors, l’essentiel est d’examiner si les demandeurs peuvent être protégés compte tenu de leur profil dans le contexte qu’ils décrivent. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une protection peut être considérée comme suffisante si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou des atteintes graves et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée. Cela inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des atteintes graves.

En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il ressort des déclarations des demandeurs lors de leurs auditions auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes que la police est intervenue après l’explosion de la bombe (La police est-elle venue sur place ? Oui. Mais il n’y avait pas de police spéciale qui est venue. Il y avait même un policier allemand. Il travaillait là »2 « Une enquête a-t-elle était menée ? Les policiers sont venus sur place, ils ont fait des recherches. Etant donné qu’on n’a pas eu de nouvelles, je me suis rendu auprès d’eux. Ils nous ont dit qu’ils n’ont rien trouvé. Quelles étaient les démarches exactes prises par la police sur place ? Ils ont pris des photos, ils ont fait des recherches pour trouver les restes de la bombe. Ils m’ont demandé si je soupçonnais quelqu’un. (…) »3) et qu’ils ont pu déclarer « quinze ou vingt »4 fois le fait d’avoir été menacés par des inconnus sans cependant porter une plainte formelle5 à leur encontre, de même qu’à l’encontre de la personne usurpant leur terrain (« Pourquoi n’avez-vous ou votre époux pas porté plainte ? Je ne sais pas pour quelles raisons mon mari ne l’a pas fait. Peut-être il n’était pas au courant qu’il pouvait porter plainte. Même si on porte plainte, au Tribunal il n’y a que des Albanais »6), tout en déclarant néanmoins qu’ils auraient perdu confiance en la police, dans la mesure où Monsieur …aurait été arrêté plusieurs fois quand il circulait avec sa voiture et que les Serbes n’auraient pas de poids dans la police kosovare.

A ce titre, il y a lieu de rappeler qu’une protection n’exige pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100%, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policières et judiciaires les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à 1 trib. adm. 13 juillet 2009, n° 25558 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Etrangers, n° 131 2 Rapport d’audition de Monsieur Jovanovic, p.3 3 Ibidem, p.4 4 Ibidem, p.4 5 Rapport d’audition de Madame Jovanovic, p.5 6 Ibidem, p.6 ceux des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et l’existence d’une persécution ou d’atteintes graves ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel mais suppose une insuffisance de démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion, étant relevé qu’il ressort des explications fournies par la partie étatique, sources internationales à l’appui, d’une part, que la police kosovare est multiethnique et jouit d’une bonne réputation et, d’autre part, que les autorités kosovares ont mis en place des institutions – telles que l’Inspectorat de police du Kosovo et l’Ombudsman – permettant aux citoyens s’estimant victimes d’un comportement fautif de la part d’un policier ou, plus généralement, d’une administration, de faire valoir leurs droits. En outre, les contestations générales formulées par les demandeurs que les autorités kosovares seraient dominées par les Albanais et que les Serbes seraient insuffisamment représentés, affirmations contredites par les sources citées par la partie étatique, ne permettent pas non plus de conclure que lesdites autorités ne voudraient ou ne pourraient pas leur fournir une protection adéquate. Il aurait appartenu aux demandeurs, dans le cas où ils se sentaient victimes de l’inaction de la police, de faire plainte auprès d’un autre commissariat ou devant une des instances supérieures précitées. Il s’ensuit qu’à défaut de ce faire, les demandeurs restent en défaut de rapporter la preuve que les autorités kosovares ne seraient pas à même de leur garantir une protection adéquate.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est partant à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection subsidiaire sous analyse comme non justifiées, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

2. Quant au recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

A cet égard, les demandeurs exposent que dans la mesure où ils auraient fait valoir une crainte justifiée « d’un danger sérieux et réel pour leur personne », l’ordre de quitter le territoire serait à réformer.

Le tribunal vient cependant de retenir que les demandeurs ne remplissent pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, de sorte que le ministre pouvait valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire. A défaut d’un quelconque autre moyen, ni la légalité ni le bien-fondé de la décision portant ordre de quitter le territoire n’ont été utilement contestés, de sorte que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

donne acte aux demandeurs qu’ils renoncent à leurs demandes en obtention d’un statut de réfugié ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 11 mars 2016 portant rejet d’un statut de protection subsidiaire dans le chef des consorts …;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 11 mars 2016 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 29 novembre 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29/11/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 37734
Date de la décision : 29/11/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-11-29;37734 ?

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