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29/11/2016 | LUXEMBOURG | N°37356

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 novembre 2016, 37356


Tribunal administratif Numéro 37356 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 décembre 2015 4e chambre Audience publique du 29 novembre 2016 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37356 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2015 par Maître Hakima Gouni, avocat à la Cou

r, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à...

Tribunal administratif Numéro 37356 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 décembre 2015 4e chambre Audience publique du 29 novembre 2016 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37356 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2015 par Maître Hakima Gouni, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 novembre 2015 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hakima Gouni et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 2016 ;

Vu les pièces complémentaires versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Hakima Gouni et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives.

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Le 28 avril 2015, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 », entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

En date du 5 mai 2015, Monsieur … fut encore auditionné par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Monsieur … fut en outre entendu les 25 août et 3 septembre 2015 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 25 novembre 2015, expédiée le lendemain par courrier recommandé à l’intéressé, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … de ce que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 28 avril 2015.

Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 28 avril 2015.

Il ressort dudit rapport que vous auriez quitté la Guinée en 2009 par voie aérienne. Vous auriez atterri en Belgique, où vous avez déposé une demande de protection internationale.

Vous avez déposé des demandes de protection internationale dans les pays suivants:

En Belgique, le 26 mars 2009 En Suisse, le 17 février 2011 En Belgique, le 16 juin 2011 En Belgique, le 30 juin 2011 En Allemagne, le 24 octobre 2012 En Allemagne, le 31 octobre 2012 Aux Pays Bas, le 18 avril 2013 En Belgique, le 7 octobre 2013.

Vous ne présentez aucun document d'identité.

Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien Dublin III du 5 mai 2015 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 25 août et 3 septembre 2015 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu chez votre oncle dans la commune de … depuis 2008.

En 2008, vous auriez participé à une manifestation contre l'ancien président Dadis CAMARA, lors de laquelle vous auriez lancé des cailloux sur la police. Cette dernière aurait riposté avec du gaz lacrymogène et vous vous seriez enfui. Or, la police aurait réussi à vous rattraper. Vous auriez été emprisonné et jugé avant d'être enfermé à la prison de la « Sureté » en 2009. En tout, vous auriez été incarcéré pendant cinq mois et cinq jours lors desquels vous auriez régulièrement été maltraité.

En décembre 2008, vous auriez été libéré après que votre oncle aurait payé des officiers. Il aurait par contre eu peur que vous seriez à nouveau incarcéré. Ainsi, il aurait préparé votre départ en organisant un passeport muni d'un visa belge. En date du 2 janvier 2009, vous auriez pris l'avion en direction de la France avant de continuer votre chemin en direction de la Belgique, où vous avez déposé une première demande de protection internationale en date du 26 mars 2009.

Toutes vos demandes en Europe auraient été refusées jusqu'à présent. Par la suite, vous auriez toujours été renvoyé en Belgique.

Après votre départ, un mandat d'arrêt aurait été lancé contre vous. Ainsi, vous craindriez toujours un retour en Guinée, même si le gouvernement est actuellement différent à celui en place quant vous auriez encore été en Guinée. Selon vos dires, le gouvernement actuel n'aimerait toujours pas l'ethnie peuhle et favoriserait la population malinké. A cela s'ajoute que vous craindriez l'épidémie d'Ebola.

Vous avez déposé les documents suivants :

- un extrait du registre de l'Etat civil daté au 31 décembre 2004 - un Jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance daté au 29 décembre 2014 Enfin, il ressort du rapport d'entretien des 25 août et 3 septembre 2015 qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.

Analyse ministérielle en matière de Protection internationale En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Soulignons dans ce contexte que l'examen et l'évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu'il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.

Or, en l'occurrence l'autorité ministérielle a été amenée à émettre des doutes quant à la crédibilité de votre récit, alors qu'il résulte de l'examen des rapports d'entretien que vos déclarations présentent de nombreuses incohérences.

1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.

Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 c) de la loi modifiée du 5 mai 2006, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 31(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 28 de la loi susmentionnée.

Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui craigne avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

La détermination de l'éligibilité à la protection internationale est menée en appliquant une approche en deux étapes. La première étape consiste à collecter les informations pertinentes, identifier les faits pertinents de la demande, et déterminer, le cas échéant, quelles déclarations du demandeur et quels autres éléments peuvent être acceptés. L'évaluation de la crédibilité fait donc partie intégrante de cette première étape. Les faits pertinents acceptés viennent appuyer l'examen qui sera effectué à la deuxième étape, qui consiste à déterminer le caractère fondé de la crainte de persécution de la part du demandeur, ou du risque de subir des atteintes graves.

En ce qui concerne l'évaluation de la crédibilité du demandeur, l'appréciation des déclarations du demandeur au regard des éléments pertinents de la demande constitue l'élément-

clé permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l'objet de persécutions ou d'atteintes graves dans son pays d'origine. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que: « it is not so much about whether an applicant's account brings them under the terms of the Convention but more to do whether it is believable and whether it actually happened to them ».

L'évaluation de la crédibilité consiste donc à déterminer quels faits pertinents peuvent être acceptés, en prenant dûment en compte les indices de crédibilité au regard des circonstances individuelles et contextuelles du demandeur, ainsi que les facteurs pouvant affecter son interprétation des informations au cours de l'évaluation de la crédibilité de chaque fait pertinent.

Ces faits acceptés seront alors pris en compte dans l'analyse du caractère fondé de la crainte de persécution et du risque réel d'atteintes graves.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amené à quitter votre pays d'origine pourraient à priori rentrer dans le champ d'application de ladite Convention, toutefois elles ne peuvent retenir dans votre chef l'existence d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006.

En effet, l'autorité ministérielle a été amenée à émettre des doutes sérieux quant à la crédibilité de votre récit, alors qu'il résulte de l'examen du rapport d'entretien, ainsi que des informations sollicitées par les autorités belges en date du 4 septembre 2015, que vos déclarations présentent de nombreuses incohérences.

Relevons d'abord que votre récit n'est pas cohérent chronologiquement. Vous dites que vous auriez été incarcéré pendant cinq mois en 2009 alors que vous auriez été libéré en décembre 2008. Même en supposant qu'il ne se serait agi que d'une simple confusion de votre part et que vous auriez été incarcéré pendant cinq mois en 2008, avant d'être libéré en décembre 2008, il y a lieu de constater que Dadis CAMARA n'a pris le pouvoir qu'en décembre 2008. Par conséquent, il est dépourvu de tout sens que vous auriez manifesté contre son régime cinq mois avant sa prise de pouvoir.

A cela s'ajoute que les déclarations que vous avez présentées aux autorités belges sont tout à fait différentes de celles que vous avez fournies aux autorités luxembourgeoises.

En effet, lors de votre première demande de protection internationale en Belgique, vous avez déclaré que vous auriez été arrêté par le militaire guinéen en date du 1er mars 2009 pour le port d'armes illégales et de complicité avec votre oncle qui aurait tiré sur le militaire. Vous auriez pu vous évader de la prison en date du 22 mars 2009. Vous précisez ne jamais avoir eu d'affiliation politique, ne jamais avoir participé à des manifestations et ne jamais avoir eu de problèmes avec les autorités avant cette date. Votre demande a été déclarée non-fondée par les autorités belges en date du 10 mai 2010. Cette décision fut confirmée par l'arrêt n°49722 du Conseil du contentieux des étrangers en date du 19 octobre 2010.

Or, lors de votre entretien auprès des autorités luxembourgeoises, vous ne mentionnez à aucun moment une détention pour port d'armes illégales. De plus, contrairement à vos dires auprès des autorités belges, vous auriez manifesté pour des raisons politiques alors que vous y aviez prétendu ne jamais avoir participé à des activités de ce genre. De même, vous y aviez déclaré ne jamais avoir eu de problèmes avant le 1er mars 2009 alors que vous prétendez lors de votre entretien avoir été détenu jusqu'en décembre 2008. A cela s'ajoute que vous avez expliqué avoir déjà quitté le pays en janvier 2009 alors que les événements de votre récit exposé aux autorités belges se déroulent quatre mois après votre prétendu départ. Vos déclarations sont donc contradictoires. Par conséquent, la crédibilité de la totalité de votre récit est fortement mise en cause.

Ce constat est renforcé par le fait que, lors de votre troisième demande de protection internationale en Belgique, vous avez donné une autre version des faits vous ayant poussés à quitter votre pays d'origine. Vous y avez d'abord déclaré que vous seriez toujours recherché pour les raisons que vous avez énumérées lors de votre première demande. A cela s'ajoute que vous craindriez un retour parce que vous seriez membre de l'Union de Forces Démocratiques de la Guinée (UFDG) depuis 2008. Vous auriez été arrêté en octobre 2008 à cause de vos activités au sein du parti. Or, force est de constater que lors de votre première demande en Belgique vous avez déclaré ne jamais avoir eu d'affiliation politique et ne jamais avoir eu de problèmes avec les autorités avant le 1er mars 2009. Au vu des déclarations contradictoires, votre demande a été déclarée non-fondée en date du 31 août 2011 par les autorités belges. Cette décision fut confirmée par l'arrêt n°81 723 du Conseil du contentieux des étrangers en date du 25 mai 2012. Comparé à vos dires auprès des autorités luxembourgeoises, il y a lieu de relever que vous n'y avez jamais mentionné votre affiliation à l'UFDG pour laquelle vous prétendez être recherché. Selon vos dires, vous auriez été recherché parce que vous auriez milité contre Dadis CAMARA, qui, comme déjà susmentionné, n'a pas encore été au pouvoir.

Quant aux documents versés aux autorités belges, il y a lieu de relever que ceux-ci ne portent pas conviction en l'espèce. En effet, selon l'attestation de poursuite judicaire émise par l'UFDG en date du 18 mai 2009, vous seriez recherché pour trouble à l'ordre publique « suite aux évènements tragiques du 28 septembre 2009 ». Or, de toute évidence, en date du 28 septembre 2009, vous n'étiez plus en Guinée. A cela s'ajoute qu'il est étonnant que la soi-disante attestation émise le 18 mai 2009 dresse un constat sur des événements qui auraient eu lieu le 28 septembre 2009, donc postérieur à l'émission dudit document. Personnellement vous n'avez jamais soulevé être membre de l'UFDG auprès des autorités luxembourgeoises et vous avez même déclaré lors de votre première demande de protection internationale en Belgique ne jamais avoir eu d'affiliation politique. Ainsi, la crédibilité de l'attestation d'adhésion émise par l'UFDG en date du 18 mai 2009 ne saurait être retenue comme établie. Finalement, quant aux avis de recherche émis par la Cour d'appel de Conakry en date des 12 et 15 janvier 2009, force est de constater qu'ils énoncent que vous seriez recherché pour cause de manifestation, réunions non-autorisées, désobéissance populaire et trouble à l'ordre public « suite au coup d'Etat de la Junte en Décembre 2008 ». Or, selon vos propres dires, vous auriez été libéré en décembre 2008 après avoir été incarcéré pendant cinq mois. Vous n'auriez donc manifestement pas pu être recherché pour avoir causé ces problèmes « suite au coup d'Etat de la Junte en Décembre 2008 ». Les documents versés à l'appui de votre demande en Belgique sont donc contradictoires à votre récit et ne sauraient rétablir le manque de crédibilité inhérent à vos dires. Par conséquent, ils sont à rejeter.

Au vu des développements faits en supra et au vu de la procédure de détermination de l'éligibilité à la protection internationale, il y a force de constater que la collecte des informations pertinentes à la deuxième étape en l'espèce a abouti au résultat que les motifs invoqués ne peuvent être acceptés. Le manque de crédibilité et les incohérences ne permettent pas d'établir de façon probante que vous ayez été victime d'un acte de persécution ou d'une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Par conséquent, aucun fait pertinent quant aux motifs invoqués n'est retenu lors de l'examen à la deuxième étape vu que l'entièreté de votre prétendu vécu est sérieusement mise en doute et que tous les événements qui auraient eu lieu en Guinée ne peuvent être retenus comme étant avérés. Il ne reste donc plus d'autres éléments qui puissent être pris en compte dans l'analyse du caractère fondé de la crainte de persécution et du risque réel d'atteintes graves.

En conclusion, au vu de ce qui précède, force est de constater que l'accumulation des incohérences et contradictions entachent la crédibilité de votre récit et ne nous permet pas d'établir de façon probante que vous ayez été victime d'un acte de persécution ou d'une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Ainsi, les faits contradictoires que vous alléguez ne peuvent établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

De tout ce qui précède, les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies.

2. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 37 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 37 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 28 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez avoir été incarcéré en 2009 parce que vous auriez jeté des cailloux sur la police en protestant contre Dadis CAMARA. Vous auriez été libéré en décembre 2008. Vous craindriez également l'épidémie d'Ebola.

Concernant l'épidémie en question, il y a lieu de constater qu'elle se trouve en net déclin dans les pays de l'Afrique de l'Ouest: « Health officials have made tremendous progress in fighting the Ebola epidemic in West Africa in recent months, but continued efforts are still needed, experts say. (…) Ebola cases in West Africa have, in general, been declining for the past few months. (… ) In Guinea, there was also a drop, from about 150 cases a week in mid-December to 30 cases at end of January. ».

Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit, qui n'emporte pas conviction en l'espèce, ne permet pas de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande, ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée le 29 décembre 2015 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire, d’une part, un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 25 novembre 2015 portant refus de sa demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, un recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, inscrit dans le même document.

Le tribunal rappelle à titre liminaire qu’en date du 28 décembre 2015 a été publiée au Mémorial la loi du 18 décembre 2015 abrogeant la loi du 5 mai 2006 sans prévoir de dispositions transitoires relatives aux questions de compétence et de procédure ou quant aux voies de recours.

Une nouvelle loi est applicable aux instances en cours quand elle se contente de modifier les formes ou la procédure du recours, mais elle ne l’est pas lorsqu’elle affecte la recevabilité même du recours qui doit être appréciée selon la loi en vigueur au jour où la décision a été prise.

En résumé, l’existence d’une voie de recours est régie, en l’absence de mesures transitoires, par la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée1.

Ainsi, à défaut par le législateur d’en avoir autrement disposé, l’existence et la nature des recours ouverts en l’espèce sont régis par la loi du 5 mai 2006.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être introduite contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

1 Jurisclasseur, Procédure civile, fasc. 61, Application dans le temps des lois de droit judiciaire privé, n°72, date de dernière mise à jour : 4 janvier 2013.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il aurait subi un traumatisme qui aurait nécessité son internement dans un hôpital psychiatrique où il serait actuellement encore suivi pour troubles psychotiques, ce qui expliquerait les incohérences dans son récit. Il reproche dans ce contexte au ministre de ne pas avoir pris en compte les documents qu’il avait versés à l’appui de sa demande, à savoir l’avis de recherche de la Cour d’appel de Conakry, ainsi que l’attestation de poursuite judiciaire émise par l’ « Union des Forces Démocratiques de Guinée » (« UFDG ») du 18 mai 2009. Il explique le fait que l’attestation de poursuite judiciaire mentionnerait des événements postérieurs par rapport à la date de son établissement par la corruption au sein de ce parti et souligne que les autorités belges n’auraient jamais mis en doute l’authenticité desdits documents.

Il insiste qu’il devrait, en raison de sa participation à une manifestation au moment du putsch militaire de Dadis Camara du 28 décembre 2008, bénéficier du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.

Le tribunal rappelle que le recours en réformation est l’attribution légale accordée au juge administratif de la compétence spéciale de statuer à nouveau, en lieu et place de l’administration, sur tous les aspects d’une décision administrative querellée. Le jugement se substitue à la décision litigieuse en ce qu’il la confirme ou qu’il la réforme. Cette attribution formelle de compétence par le législateur appelle le juge de la réformation à ne pas seulement contrôler la légalité de la décision que l’administration a prise sur base d’une situation de droit et de fait telle qu’elle s’est présentée à elle au moment où elle a été appelée à statuer, voire à refaire – indépendamment de la légalité – l’appréciation de l’administration, mais elle l’appelle encore à tenir compte des changements en fait et en droit intervenus depuis la date de la prise de la décision litigieuse et, se plaçant au jour où lui-même est appelé à statuer, à apprécier la situation juridique et à fixer les droits et obligations respectifs de l’administration et des administrés concernés2.

Il s’ensuit que le tribunal est amené à appliquer la loi du 18 décembre 2015, dans le cadre du recours en réformation introduit contre la décision du 25 novembre 2015 refusant à Monsieur … l’octroi de la protection internationale, étant relevé que, mise à part leur numérotation les dispositions applicables à l’appréciation des conditions d’octroi de la protection internationale restent identiques à celles de la loi du 5 mai 2006.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015 (anciennement article 2 a) de la loi du 5 mai 2006), la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi ( anciennement l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006) comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa 2 Cour adm. 21 août 2013, n° 31952C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Recours en réformation, n°17 nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 (anciennement l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006) : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 (anciennement l’article 28 de la loi du 5 mai 2006) : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi (anciennement l’article 29 de la loi du 5 mai 2006) : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Quant à la crédibilité du récit du demandeur, il échet de rappeler que l'article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015 (anciennement article 26 (5) de la loi du 5 mai 2006) dispose comme suit : « Lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies:

a) le demandeur s'est réellement efforcé d'étayer sa demande;

b) tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l'absence d'autres éléments probants;

c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande;

d) le demandeur a présenté sa demande de protection internationale dès que possible, à moins qu'il puisse avancer de bonnes raisons pour ne pas l'avoir fait; et e) la crédibilité générale du demandeur a pu être établie.» Force est au tribunal de constater que les incohérences soulevées par la partie étatique dans les déclarations du demandeur sont effectivement de nature à remettre en cause la crédibilité de son récit, dans la mesure où Monsieur … a affirmé lors de l’audition ayant suivi le dépôt de sa première demande de protection internationale en Belgique, ne pas avoir d’affiliation politique, qu’il ne s’intéresserait pas à la politique, qu’il ne serait membre d’aucune association en Guinée et n’avoir jamais participé à des évènements importants, tels que des manifestations ou des marches en Guinée, et n’avoir jamais rencontré des problèmes en Guinée avant le 1er mars 2009, jour où des militaires l’auraient interpellé au domicile de son oncle. Ce n’est qu’au moment de l’introduction de la troisième demande de protection internationale en Belgique en date du 30 juin 2011 que Monsieur … fait état d’une prétendue affiliation et de ses prétendues activités pour le parti politique Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) depuis 2008, qu’il aurait été arrêté en octobre 2008 du fait de ses activités pour ce parti, qu’il serait recherché par les autorités guinéennes pour ces activités en présentant un avis de recherche émis en date du 15 janvier 2009, la copie d’un mandat d’arrêt émis contre lui en date du 12 janvier 2009, la copie d’une attestation de poursuite judiciaire émanant de l’UFDG datée au 18 mai 2009 et une copie d’une attestation d’adhésion de l’UFDG datée également au 18 mai 20093, faits et documents qui sont également à la base de la demande de protection internationale présentée au Luxembourg en date du 28 avril 2015. Le demandeur expliquant ces incohérences par son traumatisme et son internement en hôpital psychiatrique pour troubles psychotiques, sans cependant fournir des pièces quant au degré de ces troubles, respectivement de l’évolution de sa maladie, il est peu convaincant que des éléments jugés secondaires par le demandeur lors d’une première demande de protection internationale deviennent l’élément clé d’une demande de protection subséquente.

En effet, des changements essentiels apportés par un demandeur de protection internationale à son récit sont de nature à remettre en cause sa crédibilité4.

Il suit partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015 ( anciennement article 2 f) de la loi du 5 mai 2006), est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

3 Décision de refus du statut de réfugié et refus du statut de protection subsidiaire du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides du Royaume de Belgique du 31 août 2011 4 trib. adm., 22 avril 2015, n° 35910 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Etrangers, n° 114 L’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 (anciennement article 37 de la loi du 5 mai 2006) énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Quant à ce volet du recours, le demandeur se basant à ce titre aux mêmes faits que ceux invoqués à l’appui de sa demande d’un statut de réfugié, il convient de relever que dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les faits avancés par le demandeur pour se voir reconnaître la qualité de réfugié manquent de crédibilité, il n’aperçoit aucun élément susceptible d’établir, sur base des mêmes événements, qu’il existerait un risque de subir des atteintes graves, telles que la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, au sens de la loi du 18 décembre 2015.

C’est dès lors également à bon droit que le ministre a refusé au demandeur le statut de la protection subsidiaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 25 novembre 2015 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

En ce qui concerne les dispositions légales applicables et à prendre en considération dans le cadre de l’examen au fond de ce volet de la décision, il échet de décider que dans la mesure où le tribunal est valablement saisi d’un recours en annulation dirigé contre ce volet de la décision déférée, seules les dispositions afférentes de la loi applicable au jour où le ministre a pris la décision sont à examiner par le tribunal afin de vérifier la légalité de ce volet de la décision lui soumis. Ainsi, dans le cadre de ce volet de l’instance, et malgré le fait qu’elle ait été abrogée par la loi précitée du 18 décembre 2015, seule la loi du 5 mai 2006 peut trouver application.

Aux termes de l’article 19, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire aux termes de la loi du 5 mai 2006. » En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de l’ordre de quitter le territoire au motif que cette annulation devrait être la conséquence de la réformation sollicitée de la décision lui refusant une protection internationale.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à bon droit d’accorder au demandeur un statut de protection internationale, de sorte qu’il a également pu valablement émettre l’ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 25 novembre 2015 portant rejet d’un statut de protection internationale dans le chef de Monsieur … ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 25 novembre 2015 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte à Monsieur … qu’il déclare être bénéficiaire de l’assistance judiciaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 29 novembre 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29/11/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 37356
Date de la décision : 29/11/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-11-29;37356 ?

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