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11/11/2016 | LUXEMBOURG | N°38654

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 novembre 2016, 38654


Tribunal administratif Numéro 38654 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2016 4e chambre Audience publique du 11 novembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38654 du rôle et déposée le 3 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Edévi Amegandji, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, n...

Tribunal administratif Numéro 38654 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2016 4e chambre Audience publique du 11 novembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38654 du rôle et déposée le 3 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Edévi Amegandji, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 octobre 2016 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2016 par Maître Edévi Amegandji au nom de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2016 ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Edévi Amegandji, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, circonscription régionale de Luxembourg, du 17 octobre 2016, que Monsieur … se présenta en date du même jour, ensemble avec d’autres personnes, au « Biergerzenter » de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, afin de s’inscrire (« anmelden ») sur base d’un document de voyage falsifié. Il ressort encore dudit procès-verbal que le document de voyage présenté par Monsieur … contenait un visa « Schengen » ayant expiré en date du 11 septembre 2014.

Par arrêté du 17 octobre 2016, notifié en date du même jour à l’intéressé, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », après avoir constaté que Monsieur … se trouvait en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai, tout en prononçant à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans. Ledit arrêté fut motivé par le fait que l’intéressé ne se trouvait pas en possession d’un passeport ou d’un document d’identité en cours de validité, que son identité n’était par conséquent pas établie, qu’il ne se trouvait pas non plus en possession ni d’un visa en cours de validité ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail.

Par arrêté séparé du même jour, notifié également le 17 octobre 2016, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté, en attendant son éloignement du territoire.

Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal N° 2016/32181/532/KL du 17 octobre 2016 établi par la Police grand-ducale, CR Luxembourg CP Ville-Haute ;

Vu ma décision de retour du 17 octobre 2016 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse valable au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées :

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; ».

Par courrier de son litismandataire du 24 octobre 2016, Monsieur … fit introduire un recours gracieux auprès du ministre, dirigé contre la décision ministérielle précitée du 17 octobre 2016 portant ordre de le placer au Centre de rétention.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 novembre 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 17 octobre 2016 portant placement en rétention administrative.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce et qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, et en fait, le demandeur expose disposer d’un titre de séjour en Italie en sa qualité d’étudiant en pharmacie dans ce même pays. Il conteste partant se trouver en séjour irrégulier « dans l’espace Schengen », ce qu’il aurait d’ailleurs indiqué aux agents de police ayant procédé à son arrestation en date du 17 octobre 2016. Il reproche dans ce contexte aux agents de police de ne pas avoir procédé à une recherche « dans les bases de données » et de ne pas avoir pris contact avec les autorités italiennes compétentes afin de vérifier la réalité de la légalité de son séjour en Italie. Tout en rappelant que malgré que ces faits auraient été portés à la connaissance des autorités luxembourgeoises par le biais d’un recours gracieux introduit à l’encontre de la décision ministérielle sous examen du 17 octobre 2016, le ministre n’y aurait pas pris position.

En droit, et après avoir constaté qu’une mesure de rétention administrative ne pourrait être prise à l’égard d’un étranger qu’au cas où celui-ci ne disposerait pas de documents d’identité ou de voyage valables, le demandeur soutient tout d’abord qu’il y aurait lieu de retenir l’illégalité de la décision prise à son encontre, du fait qu’il disposerait « d’une identité valable et d’un titre de séjour », de sorte à ce que les conditions pour pouvoir procéder à une mesure de placement administrative à son encontre ne seraient pas remplies en l’espèce.

En deuxième lieu, le demandeur reproche encore un manque de diligences accomplies par le ministre afin de procéder dans les délais les plus brefs à son éloignement du territoire national. Il fait ainsi état de ce qu’il ignorerait quelles seraient les démarches qui auraient été entreprises par le ministre dans ce contexte, et ce, d’autant plus qu’il disposerait d’un titre de séjour régulier en Italie. Il reproche encore au ministre de ne pas avoir pris contact avec les autorités italiennes afin d’obtenir une confirmation rapide de la légalité de son séjour en Italie.

En conclusion, il retient un manque de diligences accomplies par le ministre afin d’écourter son séjour au Centre de rétention.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, en soutenant que lors du contrôle de police précité en date du 17 octobre 2016, il aurait pu être constaté que le visa du demandeur, qui serait de nationalité camerounaise, serait « périmé », de sorte à ce qu’une mesure de rétention administrative aurait valablement pu être prise à son encontre. Il fait dans ce contexte état de ce qu’il ressortirait du passeport du demandeur que son permis de séjour délivré par les autorités italiennes aurait expiré en date du 14 avril 2016 et que même s’il semble que ce permis ait été renouvelé, il reproche toutefois au demandeur de ne pas être en possession « matérielle » dudit document. Quant au passeport du demandeur, le délégué du gouvernement retient que celui-ci serait « encore valide » et qu’il serait muni d’un visa « italien » valable du 12 février 2014 au 11 septembre 2014 ne permetta nt qu’un séjour de 190 jours, visa qui serait actuellement périmé, de sorte qu’il y aurait lieu de conclure au séjour « irrégulier » au Luxembourg.

Le représentant gouvernemental soutient encore que le ministre aurait contacté les autorités camerounaises « dès le placement en rétention » du demandeur, de sorte qu’il y aurait maintenant lieu de fixer un rendez-vous afin qu’un représentant de l’ambassade du Cameroun se déplace au Centre de rétention pour identifier Monsieur …. Du fait que ces démarches seraient nécessaires, une « extension du délai pour organiser l’éloignement » serait devenue nécessaire, entraînant une prolongation de la durée de la mesure de rétention. Ainsi, le ministre devrait prendre en considération les disponibilités des autorités camerounaises qui devraient se déplacer au Luxembourg afin de « voir » le demandeur. Il s’ensuivrait qu’aucun manque de diligences ne saurait être reproché au ministre.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur rappelle être en possession « d’un passeport régulier et valable », de sorte qu’il ne comprendrait pas les motifs ayant amené le ministre à procéder à la prise de ses empreintes digitales, voire à procéder à son identification.

Il estime que les démarches ainsi entamées par le ministre seraient pour le moins inappropriées.

Quant aux démarches concrètes accomplies par le ministre, il reproche à celui-ci de n’avoir contacté les autorités camerounaises qu’en date du 25 novembre 2016, à savoir huit jours après qu’il ait été placé en rétention administrative. A la suite de cette première démarche, les autorités luxembourgeoises n’auraient appris qu’en date du 3 novembre 2016 qu’un agent de l’ambassade du Cameroun aurait indiqué avoir l’intention de se déplacer au Centre de rétention afin de s’entretenir avec lui.

Par ailleurs, le demandeur s’étonne de ce que les premières démarches accomplies par le ministre ne se seraient pas adressées aux autorités italiennes, et ce, au vu de la procédure lancée par lui en Italie afin d’obtenir le renouvellement de son titre de séjour dans ce pays. Il s’étonne ainsi du fait que le ministre aurait ignoré cette information « capitale », en s’adressant tout de suite à l’ambassade du Cameroun, son pays d’origine. Il estime qu’une telle démarche accomplie par le ministre serait « inadéquate et contraire aux exigences requises dans son chef en la présente matière », du fait qu’il existerait un certain nombre d’indices qui permettraient de le rattacher à l’Italie, pays vers lequel il devrait être éloigné.

Enfin, il est surpris par le fait que le ministre estime utile de procéder à son identification, alors qu’il disposerait d’un passeport valable, ce qui devrait encore amener à la conclusion que les démarches accomplies par le ministre ne pourraient être retenues comme étant diligentes.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement estime que le simple fait de disposer d’un passeport en cours de validité ne dispenserait nullement le demandeur d’un visa valable, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, de sorte que le ministre aurait à bon droit pu prendre contact avec les autorités camerounaises afin d’obtenir un laissez-passer. Dans ce contexte, la prise de ses empreintes digitales constituerait « une formalité nécessaire » et il ne saurait partant être reproché au ministre d’avoir fait procéder à ladite prise des empreintes digitales par la police.

Quant au titre de séjour italien dont le demandeur déclare disposer, le représentant gouvernemental reproche à ce dernier de ne pas en disposer « matériellement ». Ainsi, il y aurait lieu de conclure au séjour « irrégulier » au Luxembourg, de sorte que la mesure de rétention administrative serait justifiée.

Force est de constater qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1) ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

S’agissant du bien-fondé de la décision litigieuse, force est de constater que l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Le demandeur conteste tout d’abord que les conditions légales pour pouvoir prendre une mesure de rétention administrative à son encontre seraient remplies, étant donné que son séjour sur le territoire national ne saurait être considéré comme étant irrégulier.

Aux termes de l’article 34 de la loi du 29 août 2008, « (1) Pour entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et pour le quitter, le ressortissant de pays tiers doit être muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tels que prévus par les conventions internationales et la réglementation communautaire.

(2) Il a le droit d’entrer sur le territoire et d’y séjourner pour une période allant jusqu’à trois mois sur une période de six mois, s’il remplit les conditions suivantes:

1. être en possession d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis;

2. ne pas faire l’objet d’un signalement aux fins de non-admission sur base de l’article 96 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 et être signalé à cette fin dans le Système d’Information Schengen (SIS);

3. ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire;

4. ne pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales du Grand-Duché de Luxembourg ou de l’un des Etats parties à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant le Grand-Duché de Luxembourg;

5. justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé, et justifier de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou justifier de la possibilité d’acquérir légalement ces moyens et disposer d’une assurance maladie couvrant tous les risques sur le territoire. Un règlement grand-ducal définit les ressources exigées et précise les conditions et les modalités selon lesquelles la preuve peut être rapportée.

(3) Si le ressortissant de pays tiers déclare vouloir séjourner sur le territoire pour une période allant jusqu’à trois mois dans le cadre d’une visite familiale ou privée, la preuve du caractère suffisant des ressources personnelles peut être rapportée par la production d’une attestation de prise en charge ou par des lettres de garantie émises par un institut bancaire. » En vertu de l’article 38 de cette même loi « Sous réserve de l’application des conditions de l’article 34, paragraphes (1) et (2), et sans préjudice des dispositions plus favorables adoptées par le biais d’accords bilatéraux ou multilatéraux avec des pays tiers, le ressortissant de pays tiers a le droit de séjourner sur le territoire pour une période supérieure à trois mois si, dans les conditions fixées par la présente loi:

1. il est muni d’une autorisation de séjour temporaire à titre de:

a) travailleur salarié;

b) travailleur indépendant;

c) sportif;

d) étudiant, élève, stagiaire ou volontaire ou jeune au pair;

e) chercheur;

f) membre de la famille;

g) sinon pour des raisons d’ordre privé ou particulier, ou 2. il est muni d’une autorisation de séjour de résident de longue durée. » Enfin, d’après l’article 111, paragraphe (3), c) de la loi du 29 août 2008 le risque de fuite est présumé dans les cas suivants : « 1. si l'étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l'article 34;

2. si l'étranger se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;

3. si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement;

4. si une décision d'expulsion conformément à l'article 116 est prise contre l'étranger;

5. si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage;

6. si l'étranger ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, ou qu'il s'est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125. (…) ».

Le tribunal constate qu’en l’espèce, le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, du fait qu’il ne dispose pas d’un titre de séjour valable, voire d’un visa touristique, étant relevé que le visa italien figurant dans son passeport n’était valable que du 19 février 2014 au 11 septembre 2014. Par ailleurs, il échet de constater dans ce contexte que le demandeur n’a pas établi disposer d’un titre de séjour valable en Italie et que même au cas où un tel titre de séjour lui aurait été délivré, celui-ci serait de nature à rendre son séjour au Luxembourg régulier. Il échet encore de relever que par l’arrêté ministériel précité du 17 octobre 2016, le demandeur s’est vu ordonner de quitter le territoire sans délai et qu’une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire a été prise à son encontre, valable pour une durée de 3 ans.

Il échet partant de conclure des éléments qui précèdent que le demandeur rentre dans le champ d’application des dispositions de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et qu’il existe un risque de fuite dans son chef du fait qu’il ne remplit pas les conditions prévues à l’article 34 de la loi du 29 août 2008 pour ne pas être en possession d’un visa en cours de validité qui a valablement pu être requis de sa part pour séjourner sur le territoire luxembourgeois, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté en cause.

Il suit partant des considérations qui précèdent que le premier moyen invoqué par le demandeur à l’appui du recours sous examen est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au deuxième moyen invoqué par le demandeur et tiré d’un défaut de diligences appropriées accomplies par le ministre dans le cadre de l’exécution de la mesure d’éloignement prise à l’encontre du demandeur, il échet de relever qu’il n’est pas contesté en cause, pour ressortir d’ailleurs encore du mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2016, sur question et invitation afférentes du tribunal, que la validité du passeport dont dispose le demandeur n’est pas mise en cause, de sorte qu’il échet de constater que suivant les pièces faisant partie du dossier administratif, le demandeur dispose d’un passeport en cours de validité jusqu’au 18 mai 2017. Il échet partant d’en conclure que l’identité du demandeur est établie. Au vu de ce constat, il est partant incompréhensible que le gouvernement luxembourgeois s’adresse aux autorités camerounaises, par un courrier adressé à l’ambassade de la République du Cameroun située à Bruxelles, daté du 27 octobre 2016, afin de procéder à l’identification du demandeur, notamment sur base des empreintes digitales transmises à ladite ambassade, procédure dans le cadre de laquelle il y aurait lieu de faire venir un agent de ladite ambassade afin de rencontrer le demandeur au Centre de rétention, étant donné qu’une telle identification s’avère être superfétatoire au vu de la possession par le demandeur d’un passeport en cours de validité et dont l’authenticité n’est pas remise en cause. Dans ce contexte, il échet pour le surplus de relever que, malgré le fait que lors d’un entretien téléphonique qui a eu lieu en date du 3 novembre 2016 entre un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes et une conseillère de l’ambassade de la République du Cameroun à Bruxelles, il avait été décidé que ladite conseillère de l’ambassade communiquerait au plus tard le lundi 7 novembre 2016 la date de la venue au Luxembourg d’un collaborateur de ladite ambassade, le délégué du gouvernement, sur question afférente lui posée par le tribunal au cours des plaidoiries, n’a pas pu indiquer au tribunal à quelle date la visite en question pourrait avoir lieu.

En outre, il est également incompréhensible qu’au vu des explications et argumentations cohérentes développées par le demandeur suivant lesquelles il serait en possession d’un titre de séjour en Italie, voire une procédure en vue de l’obtention du renouvellement d’un tel titre de séjour serait en cours dans ce pays, le ministre refuse catégoriquement, suivant ses dernières explications fournies dans le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2016, de contacter les autorités italiennes afin de vérifier la véracité desdites informations, ce qui permettrait le cas échéant, c’est-à-dire au cas où ces informations seraient officiellement confirmées, de le transférer en Italie, de manière peu compliquée, au lieu d’envisager l’organisation fastidieuse d’un transfert du demandeur vers le Cameroun.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il échet de conclure à une absence de diligences pertinentes et appropriées accomplies par le ministre afin de procéder à l’éloignement du territoire luxembourgeois du demandeur dans les délais les plus brefs, de sorte qu’il échet de retenir une violation de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 de nature à entraîner la libération avec effet immédiat du demandeur du Centre de rétention.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision ministérielle du 17 octobre 2016 ordonne la libération immédiate de Monsieur … du Centre de rétention et renvoie le dossier pour exécution au ministre de l’Immigration et de l’Asile ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 11 novembre 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11/11/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 38654
Date de la décision : 11/11/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-11-11;38654 ?

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