Tribunal administratif Numéro 38625 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2016 3ème chambre Audience publique du 2 novembre 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 38625 du rôle et déposée le 27 octobre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Martine KRIEPS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigéria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 19 octobre 2016 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 octobre 2016 par Maître Martine KRIEPS pour compte de son mandant ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Roby SCHONS, en remplacement de Martine KRIEPS et Madame le délégué du gouvernement Christiane MARTIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 novembre 2016.
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En date du 28 octobre 2015, Monsieur … fut appréhendé par la police grand-ducale et placé au Centre pénitentieaire de Schrassig suite à un mandat d’amener pour trafic de stupéfiants.
En date du 7 juin 2016, un acte d’écrou, émis par le Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, fut communiqué au ministère des Affaires étrangères et européennes, avec l’indication que Monsieur … avait été condamné pour « stupéfiants» à une peine d’emprisonnement de 12 mois dont l’exécution avait débuté en date du 28 octobre 2015 pour se terminer le 21 octobre 2016.
Par arrêté du 19 octobre 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-
après le « ministre », informa Monsieur … que son séjour sur le territoire luxembourgeois était irrégulier, qu’il devait quitter ledit territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Nigéria, ou à destination du pays qui lui aurait délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il serait autorisé à séjourner.
Le même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois. Ladite décision, notifiée à l’intéressé en date du 21 octobre 2016, est basée sur les motifs et considérations suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 19 octobre 2016 ;
Attendu que l'intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement grand-ducal (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités allemandes dans les meilleurs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches […]; ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 19 octobre 2016 ordonnant son placement au Centre de rétention.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Le recours en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est dès lors recevable.
A l’appui de son recours, Monsieur … expose les faits et rétroactes à la base de la décision déférée, en précisant plus particulièrement qu’il aurait été détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg du 28 octobre 2015 au 21 octobre 2016. Il ajoute que la direction de l’Immigration aurait été informée de sa détention en date du 7 juin 2016 et qu’en date du même jour, elle se serait vue transmettre une copie de sa « Aufenthaltsgestattung » qui lui aurait été délivrée par les autorités allemandes et qui aurait expirée le 17 février 2016.
Il précisa encore qu’il se serait vu notifier son placement en rétention le jour-même de la fin de sa peine de détention.
En droit, et quant à la légalité externe de la décision sous examen, le demandeur se prévaut d’un défaut de motivation de la décision ministérielle sous analyse par rapport à l’impossibilité de recourir à des mesures moins coercitives à son égard, telles une assignation à résidence dans un foyer pour demandeurs d’asile en ajoutant qu’il ne se serait jamais opposé à son transfert vers l’Allemagne.
En deuxième lieu, et quant à la légalité interne de la décision sous examen, le demandeur soutient que la décision de placement en rétention serait hors proportion avec le but recherché en donnant à considérer qu’il ne serait pas établi en l’espèce qu’une mesure moins coercitive que son placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence dans un foyer pour demandeurs d’asile, n’aurait pas été possible pour que son éloignement puisse être mené à bien. A cet égard, et s’il concède de ne pas avoir d’attaches particulières au Luxembourg, il conteste toutefois tout risque de fuite dans son chef, en donnant à considérer qu’il aurait une fiancée en Allemagne, laquelle serait disposée à venir le chercher au Luxembourg et l’accueillir chez elle à Bornheim. Il estime dès lors que la mesure de placement ne serait pas justifiée dans son chef.
Il reproche ensuite au ministre de ne pas avoir accompli les diligences légalement requises en vue d’organiser son éloignement dans les plus brefs délais, en insistant sur le fait que malgré la circonstance le ministre aurait été au courant de sa situation, et notamment de sa demande de protection internationale déposée en Allemagne, depuis le mois de juillet 2016, ce dernier n’aurait contacté les autorités allemandes en vue d’une reprise en charge qu’en date du 24 octobre 2016. Il insiste encore sur le fait qu’il n’aurait à aucun moment entravé les diligences du ministre, mais aurait, au contraire, pleinement collaboré. Il n’existerait ainsi aucune raison valable permettant de soutenir que les démarches en vue de son éloignement n’auraient pas pu débuter dès le mois de juin 2016. Le fait de retarder ainsi son transfert en Allemagne en lui faisant ainsi subir « une double peine d’emprisonnement » ne saurait être toléré et serait contraire aux dispositions de la loi et du droit européen.
Il ajoute que dans la mesure où sa fiancée aurait été en contact régulier avec les services sociaux du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, il n’aurait jamais eu le moindre doute que les démarches en vue de son transfert en Allemagne auraient été entamées en temps utile et ce afin d’empêcher son placement en rétention, lequel devrait rester une mesure tout à fait exceptionnelle qui ne se justifierait qu’en cas de stricte nécessité.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. Ainsi et en ce qui concerne le premier moyen soulevé par le demandeur, la partie étatique donne à considérer que celui -ci resterait en défaut d’indiquer la base légale ou réglementaire imposant une motivation particulière à la base d’une décision de placement en rétention. Le délégué du gouvernement estime par ailleurs que la décision de placement sous analyse serait en tout état de cause motivée à suffisance.
Ensuite et quant aux développements du demandeur selon lesquels, le ministre aurait dû prendre une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention à son égard, le délégué du gouvernement souligne qu’il s’agirait là d’une simple prérogative pour le ministre et qu’en présence, comme en l’espèce, d’un risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la loi du 29 août 2008, il appartiendrait à la personne visée par la mesure de placement en rétention de renverser la présomption de risque de fuite pesant sur elle en justifiant de garanties de représentation suffisantes. A cet égard, et en ce qui concerne les affirmations du demandeur selon lesquelles il aurait pu être placé dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, la partie étatique fait valoir que ces structures étatiques ne seraient pas à considérer comme lieu de résidence permettant l’application de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 et que, par ailleurs, elles auraient comme destination d’accueillir les demandeurs d’asile pendant la période de traitement de leur demande de protection internationale et non pas les personnes se trouvant en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois. En l’espèce, le demandeur resterait donc en défaut de fournir des garanties de représentation effectives, de sorte que le moyen afférent laisserait d’être fondé.
En ce qui concerne le moyen relatif à un défaut de diligences suffisantes de la part du ministre, le délégué du gouvernement, en se référant un arrêt de la Cour administrative du 1er mars 2016, n°37573 du rôle, estime qu’il ne saurait être reproché aux autorités ministérielles de ne pas avoir commencé les démarches en vue de l’organisation du transfert du demandeur avant son placement en rétention et lors de son incarcération. Il ajoute que les mesures entreprises depuis son placement en détention seraient suffisantes alors que trois jours après le début de cette mesure, une demande de reprise en charge aurait été adressée aux autorités allemandes.
Finalement il conteste les affirmations du demandeur qu’il aurait fait l’objet d’une double peine d’emprisonnement en donnant à considérer que la finalité d’une mesure de placement en rétention consisterait non pas à sanctionner la personne concernée, mais à assurer le contrôle de l’immigration.
En ce qui concerne la légalité externe de la décision sous analyse et plus particulièrement le moyen tiré d’un défaut de motivation de ladite décision par rapport à l’impossibilité de recourir à des mesures moins coercitives à l’égard du demandeur, le tribunal est amené à conclure qu’il est certes vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et que les catégories de décisions y énumérées limitativement, en l’occurrence celles refusant de faire droit à la demande de l’intéressé, celles révoquant ou modifiant une décision antérieure, sau f si elles interviennent à la demande de l’intéressé et qu’elles y font droit, celles intervenant sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle, celles intervenant après procédure consultative, lorsqu’elles diffèrent de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elles accordent une dérogation à une règle générale, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base. Or, le cas d’espèce sous examen ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité ne trouve pas d’application. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen tiré d’un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.
Par ailleurs, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois à la phase contentieuse1.
Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.
Or, en l’espèce, le tribunal retient que la décision déférée est suffisamment motivée par rapport à l’impossibilité de recourir à des mesures moins coercitives à l’égard du demandeur – point critiqué par ce dernier et qui sera analysé ultérieurement au fond – compte tenu du fait qu’il y est fait référence entre autres au fait que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable et qu’il existe un risque de fuite dans son chef, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg, cette motivation ayant encore été complétée en cours d’instance par le délégué du gouvernement. Par voie de conséquence, le moyen afférent laisse également d’être fondé sous cet angle.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à la disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
1 Voir Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 82 et les autres références y citées.
Une mesure de placement est dès lors plus particulièrement conditionnée, d’une part, par le fait que l’exécution d’une mesure d’éloignement est en cours et, d’autre part, par l’existence d’un risque de fuite, qui, en vertu de l’article 111 (3) c) de la loi du 29 août 2008, est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement si l’étranger s’est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125 de la même loi.
En l’espèce, il n’est pas contesté qu’une décision de retour a été prise à l’encontre du demandeur en date du 19 octobre 2016 et qu’elle lui a été notifiée en date du 21 octobre 2016, de sorte qu’il se trouve actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.
Il convient encore de relever que le tribunal n'étant pas lié par l'ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis, il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.
Ainsi, et en ce qui concerne le moyen invoqué par le demandeur, tiré d’un défaut de diligences accomplies par le ministre en vue de procéder à son éloignement, respectivement à son transfert dans les délais les plus brefs, pour écourter ainsi, autant que faire se peut la mesure de privation de liberté prise à son encontre, force est de constater que le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir effectué les diligences légalement requises au cours de la période pendant laquelle il avait été incarcéré au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, incarcération qui a précédé son placement en rétention administrative au Centre de rétention au Findel à partir du 21 octobre 2016. Le demandeur reproche ainsi au ministre que malgré le fait qu’il avait été informé au mois de juin 2016 par un agent du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig de ce qu’il se trouvait en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, le ministre n’aurait entamé les premières démarches afin d’organiser son transfert vers l’Allemagne, pays dans lequel il a déposé une demande de protection internationale, que postérieurement à son transfert du Centre pénitentiaire à Schrassig au Centre de rétention au Findel. En substance, le demandeur reproche ainsi au ministre de n’avoir entamé des démarches en vue de procéder à son éloignement qu’à partir de la fin de sa peine pénale et le début de sa rétention administrative.
Il ressort des pièces et éléments du dossier que par acte d’écrou du 7 juin 2016, un agent du greffe du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig a informé les services du ministre que le demandeur avait été condamné pour infractions à la loi des stupéfiants à une peine d’emprisonnement de 12 mois dont l’exécution avait débuté en date du 28 octobre 2015 pour se terminer le 21 octobre 2016. A la même date, les autorités ministérielles ont encore été informées que le demandeur disposait d’une « Aufenthaltsgestattung » émise par les autorités allemandes en date du 6 février 2015, valable jusqu’au 17 février 2016.
Il échet partant de conclure des faits ainsi relevés, tels que se dégageant du dossier administratif, que le demandeur se trouvait incarcéré au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig à partir du 28 octobre 2015 jusqu’au 21 octobre 2016 et que dès le mois de juin 2016, les autorités luxembourgeoises avaient connaissance de son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et du fait qu’il disposait d’une « Aufenthaltsgestattung » allemande.
Il résulte encore des éléments du dossier administratif qu’au plus tard à la fin du mois d’août 2016, les autorités luxembourgeoises avaient connaissance de la situation administrative exacte du demandeur et plus particulièrement de la nécessité de le transférer en Allemagne alors que d’après leurs recherches du 31 août 2016 auprès de la banque de données EURODAC et de la prise d’empreintes digitales et de photographies concernant le demandeur, celui-ci y avait introduit une demande de protection internationale en date du 6 août 2014. Ce n’est toutefois qu’en date du 24 octobre 2016 que les autorités luxembourgeoises ont, pour la première fois, pris contact avec les autorités allemandes en vue d’un transfert du demandeur.
Il échet partant de constater des éléments relevés ci-avant que pendant une période d’environ 2 mois, les autorités luxembourgeoises étaient restées inactives et n’avaient entamé aucune démarche concrète afin de procéder au transfert du demandeur après sa libération du Centre pénitentiaire et ce malgré le fait qu’elles disposaient de toutes les données nécessaires en vue d’organiser ce transfert. Ainsi, au cours de la période en question, les autorités luxembourgeoises auraient pu prendre contact avec les autorités allemandes afin d’obtenir, déjà à ce stade, leur accord de principe de reprendre le demandeur à l’issue de sa peine pénale, voire d’organiser les modalités de son transfert pour l’opérer à une date très rapprochée de sa libération.
S’il est vrai, tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement que l’article 120 de la loi du 29 août 2008 n’exige pas que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté diligemment avant même la prise d’une décision de placement, il n’en reste pas moins que des faits antérieurs à la prise d’une décision de placement, notamment au niveau du comportement, que ce soit d’ailleurs celui de la personne concernée ou celui de l’autorité administrative, peuvent le cas échéant avoir une incidence dans le cadre de l’appréciation de la légalité ou de l’opportunité d’une décision de placement en rétention.
Or, en l’espèce, et comme retenu ci-avant, le demandeur n’a à aucun moment empêché son identification, mais il résulte au contraire des éléments du dossier que les autorités ministérielles compétentes disposaient dès le mois de juin 2016 de l’« Aufenthaltsgestattung » lui délivrée par les autorités allemandes en date du 16 février 2015. Il résulte encore des pièces figurant au dossier administratif, tel que relevé ci-avant, que dès la fin du mois d’août 2016 au plus tard, les autorités luxembourgeoises étaient au courant du dépôt d’une demande de protection internationale par le demandeur en Allemagne, les recherches dont la base de données EURODAC datant en effet du 31 août 2016, tandis que la fin de la peine d’emprisonnement du demandeur était tout aussi connue des autorités ministérielles.
Force est dès lors de constater qu’en l’espèce, les autorités compétentes disposaient d’un délai d’au moins de deux mois pour organiser le transfert du demandeur en Allemagne dès la fin de son incarcération au Centre pénitentiaire de Schrassig, étant encore une fois relevé que tous les documents nécessaires à l’organisation d’un tel transfert étaient à leur disposition. Cette connaissance de la situation du demandeur et de la nécessité de le transférer en Allemagne résulte d’ailleurs encore d’un échange de courrier électronique entre la fiancée du demandeur et le service Psycho-Socio-Educatif du Centre pénitentiaire du 18 août 2016, duquel il résulte qu’avant cette même date, celle-ci avait d’ores et déjà pris contact avec un agent de la direction de l’Immigration et que ce dernier avait confirmé que le demandeur allait faire l’objet d’un transfert en Allemagne dès le mois de septembre 2016.
Il échet encore de constater que face au manque de diligences lui ainsi reproché, sur la toile de fond des circonstances spécifiques de l’espèce, la partie étatique est restée en défaut de fournir une quelconque explication susceptible de justifier son inaction et partant le fait d’avoir attendu la fin de la détention du demandeur pour ne serait-ce que contacter les autorités allemandes en vue du transfert de celui-ci, la partie étatique ne contestant d’ailleurs pas qu’elle disposait de tous les documents nécessaires pour organiser ledit transfert dès la libération du demandeur du Centre de rétention.
C’est dès lors à bon droit que le demandeur reproche en l’espèce un manque de diligences aux autorités ministérielles, de sorte que le tribunal est amené à réformer la décision précitée du 19 octobre 2016 et à ordonner la libération immédiate du demandeur.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 19 octobre 2016 ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … ;
dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 2 novembre 2016 :
Marc Sünnen, président, Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
Arny Schmit Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2.11.2016 Le greffier du tribunal administratif 8