Tribunal administratif Numéro 36497 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2015 2e chambre Audience publique du 17 octobre 2016 Recours formé par la société anonyme … S.A., ..
contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière d’aide financière
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36497 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 juin 2015 par Maître Alex Engel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 141456, représentée par ses administrateurs actuellement en fonction, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l'annulation de 1) « la décision de la responsable du dispositif de soutien financier à la formation en entreprise au sein du Ministère de l'Education nationale et de la Formation professionnelle, prise pour compte du Ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en date du 9 mai 2015, portant avis négatif sur la demande de bilan de formation et partant rejet de cofinancement par 1’Etat des frais de formation continue tel que prévu par le Livre V, titre IV, chapitre II, section 2 du Code du travail et ses règlements d'application », 2) « et pour autant que de besoin » de « la décision du Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, sinon de la directrice adjointe Madame …, matérialisée par courrier de cette dernière du 25 mars 2015 portant avis négatif sur la demande de bilan de formation et partant rejet de cofinancement par l’Etat des frais de formation continue tel que prévu par le Livre V, titre IV, chapitre II, section 2 du Code du travail et ses règlements d’application » ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 novembre 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2015 par Maître Alex Engel pour compte de la société anonyme … S.A., préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 décembre 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alex Engel et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 mai 2016.
1 Par arrêté du 18 mars 2009, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement autorisa la société anonyme … S.A., dénommée ci-après « la société … », à exercer au Grand-Duché de Luxembourg, en qualité de commerçante, l’activité de « gestionnaire d’un organisme de formation professionnelle continue », à condition que la gérance en soit assurée par Monsieur ….
Par courrier du 24 juillet 2013, adressé à la société …, le service de la formation professionnelle du ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle accusa réception d’un courrier lui adressé par ladite société « concernant le soutien et le développement de la formation professionnelle continue (section 2 du chapitre II du titre IV du Livre V du Code du Travail) », en l’informant encore que son bilan annuel pour l’année 2012 a été enregistré auprès dudit service et que le dossier en question a été transmis à l’Institut national de la Formation professionnelle continue, dénommé ci-après « INFPC », « pour attribution et analyse de conformité ».
Par courrier du 4 mars 2014, la directrice adjointe à la formation professionnelle, dénommée ci-après « la directrice adjointe », informa la société … de ce qui suit :
«Lors de la réunion du 12 février 2014, la commission consultative instituée par l'article L.542-11.(4) du Code du Travail a donné un avis négatif sur le dossier susmentionné.
Lors de l'analyse, entre autres, les constats suivants ont été faits:
• Du 27 au 31 août 2012 Monsieur … forme Monsieur … pendent 8 heures par jour sur Microsoft SharePoint 2010, Ap.Dev. et également Monsieur … forme du 27 au 31 août 2012 Monsieur … sur Maintaining a Microsoft SQL S2008 pendant 8 heures par jour.
Comme il s'agit en l'occurrence d'une manœuvre frauduleuse, le rapport final a été refusé et vous perdez votre droit à l'aide financière de l'État prévue par la législation ayant pour objet le soutien et le développement de la FPC.
Un recours contre la présente décision peut être introduit devant le tribunal administratif endéans trois mois. » En réaction au courrier précité du 4 mars 2014, la société … fit parvenir au ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, service de la formation professionnelle, un courrier réceptionné par ce dernier en date du 10 mars 2014, dans lequel elle contesta toute démarche frauduleuse dans le cadre de son dossier de cofinancement de la formation de l’année 2012, en lui fournissant des explications circonstanciées quant à la situation de fait et en expliquant qu’un système « révolutionnaire au Luxembourg » serait utilisé par eux et que celui-ci permettrait « de former plusieurs élèves simultanément ». Il fut encore précisé dans ledit courrier qu’il s’agirait en l’occurrence d’une « formation officielle et certifiante de type E-learning », qui permettrait à un « coach-formateur » de suivre plusieurs étudiants en même temps.
En réponse au courrier précité, la directrice adjointe informa la société …, par courrier du 28 mars 2014, de ce qui suit :
« En ma qualité de responsable du dispositif de soutien financier à la formation en entreprise au sein du Ministère de l' Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), je tiens à vous informer, après analyse, suite à vos explications écrites du 7 2courant, que la procédure tel que décrite en votre courrier n'entre pas dans le cadre de la catégorie 'Adaptation poste de travail' prévue par la législation tel que défini par le règlement grand-ducal du 22 janvier 2009 pris en exécution de la section 2 du chapitre II du titre IV du Livre V du Code du Travail, règlement modifié par les articles 1er et 2 du règlement grand-ducal du 29 juin 2010 portant modification des articles 6 et 7 dudit règlement grand-ducal du 22 janvier 2009.
Par voie de conséquence, je suis au regret de vous informer que les éléments fournis ne me permettent pas de revenir sur ma décision du 4 mars 2014.
Un recours contre la présente décision peut être introduit devant le tribunal administratif endéans trois mois.».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 avril 2014, la société … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de « la décision du responsable du dispositif de soutien financier à la formation en entreprise au sein du Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en date du 28 mars 2014 portant avis négatif sur la demande de bilan de formation et partant rejet de cofinancement par l’Etat des frais de formation continue tel que prévu par le Livre V, titre IV, chapitre II, section 2 du Code du travail et ses règlements d’application » et, « pour autant que de besoin », de « la décision de la commission consultative instituée par l’article L.542-11 (4) du Code du travail en date du 14 février 2014, sinon de la directrice adjointe de la formation professionnelle Madame …, décision matérialisée par courrier de cette dernière du 4 mars 2014 portant avis négatif sur la demande de bilan de formation et partant rejet de cofinancement par l’Etat des frais de formation continue tel que prévu par le Livre V, titre IV, chapitre II, section 2 du Code du travail et ses règlements d’application ».
Par jugement du 18 mars 2015 portant le numéro 34380 du rôle, le tribunal se déclara incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal. Il déclara ensuite irrecevable à défaut d'objet le recours en annulation à l’encontre de la décision prise par la directrice adjointe en date du 4 mars 2014 en ce que ladite décision fut remplacée par une décision postérieure de ladite directrice du 28 mars 2014 intervenue sur recours gracieux et basée sur d'autres motifs de refus que ceux initialement retenus par la décision du 4 mars 2014. Enfin, il annula la décision précitée du 28 mars 2014 en ce qu’elle fut prise par une autorité incompétente, à savoir la directrice adjointe en sa qualité propre, et non pas par délégation ou représentation d'une autre autorité, alors que en application de l'article 16 du règlement grand-ducal du 22 janvier 2009 pris en exécution de 1) la section 2 du chapitre II du titre IV du Livre V du Code du Travail (…), ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 22 janvier 2009 », il aurait appartenu au ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre », de prendre toute décision de refus d'approbation d'un bilan de formation en vue de l'obtention d'une aide directe de l'Etat allouée en matière de formation professionnelle continue.
En date du 25 mars 2015, le ministre adressa à la société … la décision suivante :
« Lors de la réunion du 12 février 2014, la commission consultative instituée par l’article L.542-11.(4) du Code du Travail a donné un avis négatif sur le dossier susmentionné. Lors de l’analyse, entre autres, les constats suivants ont été faits : Du 27 au 31 août 2012 Monsieur … forme Monsieur … pend[a]nt 8 heures par jour sur Microsoft SharePoint 2010, Ap. Dev. et également Monsieur … forme du 27 au 31 août 2012 Monsieur … sur Maintaining a Microsoft SQL S2008 pendant 8 heures par jour. Comme il s’agit en l’occurrence d’une 3fausse déclaration, le bilan annuel a été refusé et vous perdez votre droit à l’aide financière de l’Etat prévue par la législation ayant pour objet le soutien et le développement de la FPC (…) ».
Le litismandataire de la société … adressa un courrier en date du 6 mai 2015 à la directrice adjointe aux termes duquel il lui demanda « si [elle ne s’était] pas tout simplement trompée de courrier lorsqu[elle] [a] voulu reprendre, cette fois en la bonne forme, la décision annulée du 28 mars 2014 ».
Le ministre confirma au litismandataire de la société … par courrier du 11 mai 2015 que « (…) par mégarde le ministère a dans son courrier du 25 mars 2015 repris le contenu du courrier du 4 mars 2014 au lieu de reprendre celui du 28 mars 2014. Le ministère a effectivement voulu réitérer sa décision du 28 mars 2014. Une lettre recommandée reprenant le contenu de la lettre du 28 mars 2014 vous sera envoyée par lettre recommandée dans les jours à venir (…) ».
Le ministre adressa en date du 9 mai 2015 la décision suivante à la société … : « En ma qualité de responsable du dispositif de soutien financier à la formation en entreprise au sein du Ministère de l' Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), je tiens à vous informer, après analyse, suite à vos explications écrites du 7 courant, que la procédure tel que décrite en votre courrier n'entre pas dans le cadre de la catégorie 'Adaptation poste de travail' prévue par la législation tel que défini par le règlement grand-ducal du 22 janvier 2009 pris en exécution de la section 2 du chapitre II du titre IV du Livre V du Code du Travail, règlement modifié par les articles 1er et 2 du règlement grand-ducal du 29 juin 2010 portant modification des articles 6 et 7 dudit règlement grand-ducal du 22 janvier 2009. Par voie de conséquence, je suis au regret de vous informer que les éléments fournis ne me permettent pas de revenir sur ma décision du 4 mars 2014.».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 juin 2015 la société … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l'annulation de « la décision de la responsable du dispositif de soutien financier à la formation en entreprise au sein du Ministère de l'Education nationale et de la Formation professionnelle, prise pour compte du Ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en date du 9 mai 2015, portant avis négatif sur la demande de bilan de formation et partant rejet de cofinancement par 1’Etat des frais de formation continue tel que prévu par le Livre V, titre IV, chapitre I1, section 2 du Code du travail et ses règlements d'application », « et pour autant que de besoin » de « la décision du Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, sinon de la directrice adjointe Madame …, matérialisée par courrier de cette dernière du 25 mars 2015 portant avis négatif sur la demande de bilan de formation et partant rejet de cofinancement par l’Etat des frais de formation continue tel que prévu par le Livre V, titre IV, chapitre II, section 2 du Code du travail et ses règlements d’application ».
C'est à bon droit que le délégué du gouvernement soutient qu'en la présente matière, un recours en réformation ne peut pas être dirigé contre les décisions portant refus de faire droit à l'allocation d'une aide financière en matière de formation professionnelle continue. Il s'ensuit que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.
La société … fait remarquer à titre liminaire que la décision du 9 mai 2015, qui réitèrerait in extenso la décision du 28 mars 2014 s'inscrirait dans le cadre du recours gracieux 4introduit par courrier du 5 mars 2014, de sorte qu’elle estime que le ministère aurait abandonné la motivation de son refus ayant trait à la manœuvre frauduleuse voire à la fausse déclaration pour maintenir uniquement le motif tenant à l'incompatibilité de la formation du Mentored Learning avec le dispositif légal. Elle indique avoir développé des moyens visant principalement la motivation contenue dans le courrier du 9 mai 2015, et subsidiairement celle comprise dans le courrier du 25 mars 2015.
Le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en annulation.
Etant donné que suite au courrier du litismandataire de la société … du 6 mai 2015 adressé à la directrice adjointe aux termes duquel il lui demanda « si [elle ne s’était] pas tout simplement trompée de courrier lorsqu[elle] [a] voulu reprendre, cette fois en la bonne forme, la décision annulée du 28 mars 2014 », la directrice adjointe confirma audit litismandataire par courrier du 11 mai 2015 que « (…) par mégarde le ministère a dans son courrier du 25 mars 2015 repris le contenu du courrier du 4 mars 2014 au lieu de reprendre celui du 28 mars 2014. Le ministère a effectivement voulu réitérer sa décision du 28 mars 2014. Une lettre recommandée reprenant le contenu de la lettre du 28 mars 2014 vous sera envoyée par lettre recommandée dans les jours à venir (…) » et qu’une nouvelle décision datée du 9 mai 2015 fut envoyée à la société …, il a lieu de conclure que la décision du 25 mars 2015 ayant été remplacée par la décision déférée du 9 mai 2015, elle n’avait plus d’existence légale au jour de l’introduction du recours sous examen, de sorte que le recours dirigé à son encontre doit être déclaré irrecevable à défaut d’objet.
A l'appui de son recours, la demanderesse reproche en substance au ministre d’indiquer dans la décision déférée que le « Mentored Training » n'entrerait pas dans le cadre de la catégorie « Adaptation poste de travail », catégorie qui ne serait, par ailleurs, prévue ni dans les textes législatifs ni dans les textes règlementaires dès lors que ni la forme ni le contenu de son dossier n'auraient été contestés par le ministre. Elle relève que si ladite catégorie apparaît certes dans les formulaires établis par l'Institut National pour le Développement de la Formation Professionnelle Continue, ci-après désigné par « INFPC », établissement public pour le développement de la formation professionnelle continue, il n’en demeurerait pas moins qu’il s'agirait d'une catégorisation effectuée par l'INFPC à des fins purement pratiques d'instruction des dossiers, mais sans pour autant prendre appui sur une quelconque base légale ou réglementaire. Elle reproche au ministre d’avoir refusé le cofinancement de la formation litigieuse alors qu’il n'appartiendrait pas à l'INFPC d'ajouter dans sa notice explicative des conditions d'attribution de l'aide étatique qui ne seraient prévues ni par la loi ni par les règlements d'application, de sorte qu’elle conteste toute valeur juridique contraignante audit document. Elle donne à considérer qu’elle aurait à tout moment respecté le prescrit de l'article L. 542-7 du Code du travail, la formation dispensée s'inscrivant, selon elle, dans le cadre d'une « adaptation de la qualification du salarié par la mise à niveau de ses compétences ».
Elle ajoute en s’emparant de la jurisprudence du tribunal de céans que s'il existe certes un règlement d'application du Code du Travail, ce dernier ne comporterait néanmoins aucune précision quant aux modalités d'organisation des formations, de sorte qu’il y aurait lieu de constater que le ministre, voire la Commission consultative se serait arrogé un pouvoir arbitraire et non susceptible de contrôle en ce sens que l'administré serait mis dans l'impossibilité de connaître les exigences que l'administration pourrait, de manière unilatérale et discrétionnaire, rajouter par rapport aux textes légaux et réglementaires. Finalement, elle fait valoir que si l'administration avait estimé qu’elle aurait renseigné la mauvaise rubrique, il 5lui aurait appartenu de l'en avertir en lui demandant de modifier son bilan, mais pas de lui refuser d'office son dossier au motif d'une prétendue fraude, puis d'une prétendue non-
conformité à la loi. Elle conclut qu’au vu des explications qu’elle aurait livrées, l'administration aurait bien dû se rendre à l'évidence que le fonctionnement du système de formation conjointe lui était certes inconnu, mais qu'en tout état de cause il était au -delà de tout soupçon de fraude.
Le délégué du gouvernement tout en dressant les caractéristiques de la notice explicative établie par l’INFPC expose en substance qu’il se serait agi en l’espèce d’une formation dispensée par un seul formateur pour deux participants sur un même laps de temps et portant sur deux thèmes de formation différents. Il affirme que ce type de formation ne rentrerait pas dans la catégorie de formation éligible pour le remboursement des frais salariaux en se référant à l’article 7 alinéa 4 du règlement grand-ducal du 22 janvier 2009 et en faisant valoir que si celui-ci prévoit certes une catégorie de formation intitulée « formation d’adaptation au poste de travail », celle-ci ne correspondrait pas à celle dispensée par la demanderesse étant donnée qu’elle se serait déroulée en même temps pour deux personnes différentes et sur deux thèmes de formation différents. Il fait valoir qu’il existerait un autre type de formation éligible pour le remboursement des coûts salariaux des salariés, à savoir l'autoformation, qui inclurait le mode « e-learning », qui devrait être affecté à une des catégories de thèmes de formation suivantes, à savoir 1. langues, 2. informatique / bureautique, 3. management / gestion des ressources humaines, 4. finance/comptabilité/droit, 5. qualité/ISO/sécurité, 6.technique/métiers. Selon lui, l'autoformation ne s'appliquerait pas au thème de formation « adaptation au poste de travail (nouvelle embauche/mutation/adaptation) » car elle nécessiterait un formateur donnant des explications aux personnes nouvellement recrutées dès lors que la nouvelle recrue ne pourrait s'enseigner elle-même les différentes tâches exigées par son nouveau poste de travail. Il observe encore que l'éligibilité de l'autoformation nécessiterait une justification soit par une liste de présence signée par le formé et le tuteur ou par le responsable de la formation, soit par une liste « Logifile » reprenant les périodes d'accès au programme et le nom du ou des participants, liste qui devrait être signée par le tuteur ou le responsable de la formation. Il considère qu’en l'espèce la formation dispensée par la demanderesse ne serait en aucun cas une formation interne, de sorte qu’elle ne pourrait donner lieu au remboursement des coûts salariaux du formateur. Il complète son argumentation en indiquant que dans la notice explicative sus-
visée, il serait précisé que seuls les modes d'organisation des formations énumérées ci-après ouvriraient le droit à une aide financière, à savoir -formation auprès d'un offreur de formation (formation externe),- formation dispensée au minimum à 2 participants par un salarié de l'entreprise (formation interne structurée), -formation d'adaptation au poste de travail (formation interne),-autoformation, « e-learning »,-participation à une conférence, une foire ou un salon. Il en conclut que la formation dispensée par la demanderesse ne rentrerait pas dans l'un des différents types de formations retenues par la commission et ne pourrait en conséquence donner lieu au remboursement des coûts salariaux du formateur.
Il est constant en cause pour ressortir du « Bilan annuel valable pour les formations de l’année 2012 – Plan de formation (ensemble de plusieurs projets) ou projet de formation inférieur ou égal à 75 000 € » que la formation litigieuse a pour objectif de « [f]ormer le personnel en général et les nouveaux arrivés : présentation des procédures PSF, intégration dans la société, architecture, IT système…Amélioration des compétences du personnel en place, accès vers l’informatique en particulier ».
Aux termes de l'article L. 542-7 du Code du travail, « la formation professionnelle continue comprend toutes activités de formation ayant pour objet :- l'adaptation de la 6qualification du salarié par la mise à niveau de ses compétences aux techniques et technologies d'organisation, de production ou de commercialisation ;-le recyclage du salarié en vue d'accéder à une autre activité professionnelle ;-la promotion du salarié par le biais de sa préparation à des tâches ou postes plus exigeants ou à plus grande responsabilité, et la mise en valeur de compétences et de potentiels non ou incomplètement utilisés ».
L’article L. 542-9 dispose comme suit : « (1) L’accès à la formation se fait conformément aux conditions et modalités fixées soit par une convention collective applicable à l’entreprise, soit par un plan de formation .(…) (3) Au cas où l’accès des salariés à la formation se fait dans le cadre d’un plan de formation, indépendamment de l’existence d’une convention collective, le plan précise les conditions et modalités pratiques conformément à l’article L .542-11 (…) ».
Il est constant en cause que le projet de formation litigieux tombe sous le seuil de 75.000 euros de sorte qu’il y a lieu d’avoir égard à l’article L.542-11 (3) qui dispose que «(3) Les plans de formation visés à l’article L .542-9 d’un montant total inférieur à 75 .000 euros remplissent les conditions de cofinancement par l’Etat par la présentation, «dans les délais fixés par règlement grand-ducal» d’un bilan de formation. Le bilan de formation s’oriente aux conditions et aux données citées au paragraphe (2) ci-dessus ».
Lesdites conditions et données citées au paragraphe (2) sus-visé sont les suivantes :
« 1 . les objectifs de formation;
2 . la durée et la planification du plan de formation;
3 . le budget du plan prévu par l’entreprise;
4 . l’avis de la délégation du personnel ou du comité mixte d’entreprise;
5 . les renseignements fournis en matière de formation professionnelle continue par l’employeur aux salariés d’une entreprise en dessous de quinze salariés. » L’article L. 542-13. dispose que « L’aide directe consiste dans une participation financière de l’Etat fixée à «vingt pour cent» du coût de l’investissement dans la formation professionnelle continue de l’entreprise et réalisé au cours de l’exercice d’exploitation. Les modalités d’application de l’aide directe peuvent être précisées par règlement grand-ducal (…) ».
Les frais éligibles sont prévus à l’article 6 du règlement grand-ducal du 22 janvier 2009 qui dispose que « Le coût salarial des participants est calculé sur base d’un salaire horaire moyen résultant du montant inscrit sur le certificat renseignant sur la masse salariale émis par le Centre commun de la sécurité sociale ».
Enfin, aux termes de l’article 7 alinéa 4 dudit règlement « [l]a durée de la formation d’adaptation au poste de travail est limitée à 173 heures par participant par exercice, la formation d’adaptation au poste de travail vise une insertion professionnelle d’une personne nouvellement embauchée, respectivement une mutation interne, la limite est augmentée à un plafond de 519 heures par participant par exercice dans les cas où l’entreprise dispose d’une formation d’insertion/de reconversion pleinement documentée ».
La partie demanderesse fait valoir qu’en soumettant la demande de cofinancement litigieuse à une approbation ministérielle, le ministre a empiété « sur le domaine de la loi ».
En objectant de la sorte, la demanderesse tend à faire vérifier par le tribunal de céans la conformité du règlement grand-ducal du 22 janvier 2009 avec le Code du Travail en 7application de l’article 95 de la Constitution aux termes duquel les dispositions d’un règlement ne peuvent être appliquées par le tribunal que pour autant qu’elles sont conformes à la loi. Il y a lieu de comprendre que la demanderesse critique en particulier l’article 16 dudit règlement qui dispose que « L’aide directe de l’État prévue à l’article L.542-13 du Code du Travail peut être allouée dans les conditions suivantes: Le rapport ou le bilan avisé par la commission prévue à l’article L.542-11 paragraphe (4) du Code du Travail est soumis pour approbation au ministre. La procédure de remboursement de la totalité de l’aide éligible de la formation à l’entreprise est entamée, dès l’approbation par le ministre. (…) ». En effet, elle estime qu’en exigeant la condition de la soumission pour approbation au ministre du rapport ou du bilan avisé par la commission prévue à l’article L.542-11 paragraphe (4) du Code du Travail, ledit article aurait ajouté une condition supplémentaire au prescrit légal de l’article L.542-11 (3) du Code du Travail qui dispose que « Les plans de formation visés à l’article L .542-9 d’un montant total inférieur à 75 .000 euros remplissent les conditions de cofinancement par l’Etat par la présentation, «dans les délais fixés par règlement grand-
ducal» d’un bilan de formation », sans autre condition d’approbation. Etant donné que le règlement grand-ducal concerné est pris en exécution, notamment de la section 2 du chapitre II du titre IV du Livre V du Code du Travail, et qu’il a pour objet aux termes de l’article L.542-11 (3) deuxième alinéa du Code du Travail de mettre en œuvre « des critères de qualité et d’éligibilité », il se doit de rester dans sa sphère de compétence et non de modifier la norme hiérarchiquement supérieure1, à savoir le Code du Travail, ce qu’il omet de faire en l’espèce en ajoutant une condition supplémentaire qui n’est pas prévue à l’article L.542-11 (3) du Code du Travail. Le même raisonnement s’applique par rapport à l’article L-542-13 du Code du Travail qui dispose que « L’aide directe consiste dans une participation financière de l’Etat fixée à «vingt pour cent» du coût de l’investissement dans la formation professionnelle continue de l’entreprise et réalisé au cours de l’exercice d’exploitation. Les modalités d’application de l’aide directe peuvent être précisées par règlement grand-ducal (…) » dès lors que ledit règlement grand-ducal du 22 janvier 2009 a uniquement vocation à préciser les modalités d’application de l’aide directe y visée et non d’ajouter une condition additionnelle ainsi qu’il le fait dans le cadre de l’article 16 sus-visé. Il s’ensuit que les dispositions sus-
visées de l’article 16 dudit règlement du 22 janvier 2009 étant contraires à l’article L.542-11 (3) du Code du Travail, il y a lieu de les écarter.
Il y a encore lieu d’observer que la formation litigieuse s’inscrivant dans le cadre de « Plan de formation (ensemble de plusieurs projets) ou projet de formation inférieur ou égal à 75 000 € » ainsi que cela ressort du « Bilan annuel valable pour les formations de l’année 2012 » fourni par la demanderesse, aucune approbation ministérielle n’est nécessaire pour le financement par l’Etat aux termes de l’article L.542-11 (3) sus-visé. La seule condition posée par ledit article est la remise d’un bilan de formation dans les délais fixés par règlement du 22 janvier 2009. Etant donné que la partie étatique n’a pas excipé du retard de la demanderesse à soumettre ledit bilan de formation, lequel « s’oriente aux conditions et aux données citées au paragraphe (2) [de l’article L.542-11] », seul motif qui eût pu conditionner un refus de co-
financement, le ministre a manifestement commis un excès de pouvoir en y ajoutant la condition d’approbation du bilan de formation qui n’est pas prévue par la loi.
Il suit des considérations qui précèdent que la décision déférée du 9 mai 2015 encourt l’annulation pour violation de la loi sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens développés plus en avant.
1 Marc, Besch, Traité de légistique formelle, Publication du Conseil d’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, 2005, p.63 8Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation dans la mesure où il est dirigé à l’encontre de la décision prise par le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en date du 25 mars 2015 et le reçoit en la forme pour le surplus ;
au fond, annule la décision prise par le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en date du 9 mai 2015 ;
renvoie le dossier en prosécution de cause audit ministre ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi délibéré par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 17 octobre 2016, par le vice-président, en présence du greffier Arny Schmit.
Arny Schmit Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18.10.2016 Le greffier du tribunal administratif 9