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03/10/2016 | LUXEMBOURG | N°35161

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 octobre 2016, 35161


Tribunal administratif N° 35161 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 septembre 2014 Ire chambre Audience publique du 3 octobre 2016 Recours formé par Madame …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’appel en garantie

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35161 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2014 par Madame …, demeurant à B-…, « ayant pour conseil » Maître Didier Bernard, avocat déclarant être établi à B-…, contenant un

recours dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions direct...

Tribunal administratif N° 35161 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 septembre 2014 Ire chambre Audience publique du 3 octobre 2016 Recours formé par Madame …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’appel en garantie

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35161 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2014 par Madame …, demeurant à B-…, « ayant pour conseil » Maître Didier Bernard, avocat déclarant être établi à B-…, contenant un recours dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 juin 2014 portant rejet de sa réclamation du 6 mars 2014 introduite à l’encontre d’un bulletin d’appel en garantie émis en date du 28 janvier 2014 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 novembre 2014 ;

Vu le courrier adressé en date du 22 juin 2015 au greffe du tribunal administratif par lequel Maître Sandra Patricia Junqueira Oliveira, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a informé le tribunal de ce qu’elle a été chargée de la défense des intérêts de Madame … ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2016 par Maître Sandra Patricia Junqueira Oliveira ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 avril 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sylvie Denayer, en remplacement de Maître Sandra Patricia Junqueira Oliveira, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives.

En date du 28 janvier 2014, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « bureau d’imposition », émit 1un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l'encontre de Madame … en sa qualité d’administrateur de la société anonyme …S.A., dénommée ci-après « la société …», ledit bulletin déclarant Madame … codébiteur solidaire d’un montant de 32.290,20 euros, en principal et intérêts, à titre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires pour la période d’imposition allant du 1er janvier 2010 au 13 septembre 2013. Ledit bulletin d’appel en garantie précisa encore que des bulletins d’appel en garantie avaient également été adressés à Monsieur … et à Monsieur …, en leur qualité de codébiteurs solidaires.

Par courrier du 1er mars 2014 réceptionné le 12 mars 2014 par l’administration des Contributions directes, Madame … fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », à l’encontre du bulletin d’appel en garantie précité du 28 janvier 2014 lui adressé. Cette réclamation fut complétée par un courrier de Madame … du 29 avril 2014 adressé au directeur.

Par décision du 4 juin 2014, le directeur déclara non fondée la réclamation introduite par Madame … dans les termes suivants :

« Vu la requête introduite le 6 mars 2014 par la dame …, B-…, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires Luxembourg 1 en date du 28 janvier 2014;

Vu le dossier fiscal;

Vu le § 119 alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§238AO) dans les forme (§249AO) et délai (§245AO) de la loi; qu'elle est partant recevable;

Considérant que le bureau d'imposition, après avoir constaté que la réclamante était tenue en sa qualité d'administrateur de la société anonyme …, actuellement en faillite, de payer sur les fonds administrés les impôts dont la société était redevable et qu'il avait négligé de remplir les obligations qui lui incombaient à cet égard aux termes du § 103 AO, l'a déclaré responsable du non paiement de la retenue sur les traitements et salaires dus par la société pour les années 2010, 2012 et 2013 au montant total de … euros, dont … euros en principal et … euros pour intérêts de retard; qu'à cet égard l'omission de verser les sommes retenues serait à considérer comme faute grave au sens du § 109 AO;

Considérant que la réclamante fait essentiellement valoir qu'elle n'aurait commis aucune inexécution fautive en sa qualité d'administrateur de la société en cause;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que durant la période du le 1er janvier 2010 au 13 septembre 2013, les retenues litigieuses n'ont pas été continuées au bureau de recette;

Considérant que le représentant est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO;

2 qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE 20.10.1981 no 6902 );

que dans la mesure où l'administrateur par l'inexécution fautive de ces obligations a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe constitué co-débiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ;

Considérant qu'en vertu de l'article 136 alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel;

que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ;

que la responsabilité de l'administrateur est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration ( CA du 6 mai 2003 no 15989C ) ;

qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société;

Considérant que sa responsabilité, pour les actes par lui accomplis pendant la période de ses fonctions, survit à l'extinction de son pouvoir de représentation (§110 AO);

Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH 24 novembre 1961, BStBl.

1962.37 ; 3 février 1981, BStBl. 1981 II 493 ; cf. Becker-Riewald-Koch §2 StAnpG Anm. 5 Abs.

3) ;

que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe-

même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité;

Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef de l'administrateur d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109 alinéa 1 AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (CA du 22.02.2000, no 11694C) ;

3Considérant qu'en l'espèce l'auteur de la décision a révélé les circonstances particulières susceptibles de justifier sa décision de poursuivre la réclamante et de mettre à sa charge l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires;

qu'il développe clairement les raisons qui l'ont conduit à engager la responsabilité de l'administrateur, pour les années d'imposition litigieuses;

Considérant qu'il se dégage d'une publication au Registre de Commerce et des Sociétés no 2291 du 12 octobre 2007 que lors de l'assemblée générale extraordinaire du 8 mars 2007, la réclamante a été nommée administrateur de la société …, sans qu'une démission n'ait été publiée par la suite;

Considérant que pour les années en cause, la réclamante n'a réglé aucune retenue, ce fait constituant en soi une faute caractérisée;

Considérant en effet que le § 109 AO prévoit un régime de responsabilité des représentants d'une société qui ne déroge pas au droit commun, mais qui le renforce, et soumet la mise en œuvre de cette responsabilité à la triple condition de l'existence d'une faute (schuldhafte Verletzung), d'un dommage et d'un lien de causalité entre le dommage et la faute;

que la faute consiste dans le fait, soit de ne pas avoir accompli soi-même, soit de ne pas avoir veillé à l'accomplissement des obligations incombant à la personne morale représentée et que le dommage consiste dans l'insuffisance de l'impôt légalement dû, le lien de causalité se caractérisant par le fait que l'insuffisance est la conséquence du comportement fautif du représentant;

que le fait pour un administrateur de ne pas verser les retenues sur traitements et salaires au Trésor public constitue un comportement fautif per se ;

Considérant que l'auteur de la décision a également motivé sa décision en ce qui concerne le montant pour lequel la responsabilité de la réclamante est engagée en vue des éléments qui précèdent;

Considérant que durant la période du 1er janvier 2010 au 19 septembre 2013 les montants à retenir n'ont pas été continués au receveur;

Considérant que la réclamante a sciemment omis de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires pendant les années 2010 à 2013 et que partant elle a empêché la perception de l'impôt légalement dû ;

Considérant qu'il s'ensuit que la responsabilité de la réclamante en tant qu'administrateur de la société anonyme …est incontestablement établie et la mise à charge de l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur traitements et salaires de la période en cause est justifiée;

4Considérant que, de même qu'en matière de responsabilité du fait personnel (art.1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'u n tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables, l'administrateur responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 septembre 2014, Madame …, déclarant avoir pour conseil Maître Didier Bernard, avocat, déclarant avoir son cabinet à Paliseul en Belgique, a introduit un recours contentieux contre la décision directoriale précitée du 4 juin 2014.

Il échet tout d’abord de relever que la demanderesse n’a pas indiqué dans la requête sous examen quel type de recours elle a entendu diriger contre la décision directoriale du 4 juin 2014.

Or, l’indication, dans la requête introductive d’instance, qu’il s’agit d’un recours en réformation ou en annulation, n’est pas exigée à peine de nullité par la loi1, de sorte qu’une irrecevabilité ne saurait être tirée de ce défaut d’indication du type de recours dans la requête qu’au cas où les droits de la défense de la partie défenderesse auraient été lésés, suivant les dispositions de l’article 29 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives., dénommée ci-après « la loi du 21 juin 1999 ». Or, du fait que le gouvernement a pu prendre position tant dans son mémoire en réponse, que dans son mémoire supplémentaire quant au fond du litige et comme, de surcroit, il n’a pas soulevé comme moyen d’irrecevabilité de la requête sous examen le fait pour celle-ci d’omettre l’indication du type de recours que la demanderesse entendait introduire, aucune lésion des droits de la défense dans le chef du gouvernement ne peut être retenue. Pour le surplus, il échet de retenir qu’il se dégage par ailleurs du contenu de la requête introductive que la demanderesse, ayant agi en son nom personnel et déclarant avoir été simplement assistée par un conseil juridique de surcroit de droit étranger, a entendu exercer contre la décision directoriale litigieuse la voie de recours lui ouverte par la loi2.

Or, conformément aux dispositions du § 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Ainsi, en application des dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation dirigée contre un bulletin de retenue d’impôts sur salaire.

Il s’ensuit qu’en l’espèce le tribunal est compétent pour connaître d’un recours en réformation que la demanderesse a ainsi entendu introduire suivant ce qui précède, dirigé contre la décision directoriale précitée du 4 juin 2014 ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite par elle contre le bulletin d’appel en garantie dont elle a fait l’objet.

Il échet d’ailleurs de préciser à cet égard que dans son mémoire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2016, le litismandataire de la demanderesse, qui s’est 1 trib. adm. 20 décembre 2000, n° 12192 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 384 2 trib. adm. 10 septembre 2008, n° 23434 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 803 et autre référence y citée 5constitué en cours d’instance contentieuse, a précisé que sa mandante aurait entendu introduire principalement un recours en réformation et subsidiairement un recours en annulation. Comme suivant ce qui précède, seul un recours en réformation était admissible contre la décision déférée, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Dans le cadre du recours en réformation introduit par la demanderesse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité de la requête sous examen du fait que, d’une part, celle-ci n’aurait pas été signée par un avocat à la Cour inscrit à l’un des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats du Grand-Duché du Luxembourg, mais par un avocat établi à l’étranger et, d’autre part, la demanderesse voire son mandataire n’auraient pas procédé à une élection de domicile au Grand-Duché de Luxembourg, tel que cela serait exigé par l’article 57 de la loi du 21 juin 1999.

En l’absence d’une prise de position du litismandataire de la demanderesse dans le cadre de son mémoire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2016, il échet tout d’abord de constater, à la lecture de la requête sous examen, que celle-ci a été introduite par la demanderesse en son nom personnel, celle-ci ayant simplement déclaré être assistée, dans le cadre de l’instance, et à l’époque, par un avocat établi à l’étranger, qu’elle avait pris « pour conseil ». Il échet encore de constater que la requête en question, d’ailleurs extrêmement brève, a été signée « pour la requérante » par « son conseil », de sorte qu’il y a lieu de conclure de la formulation ainsi utilisée, que la requête a été signée pour compte de la demanderesse, agissant en son nom personnel, par un mandataire, dont le mandat n’a d’ailleurs par la suite pas été contesté par la demanderesse, notamment dans le cadre de son mémoire supplémentaire qu’elle a fait déposer au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2016. Il échet partant d’en reconnaître la validité. Comme en matière de contentieux administratif concernant plus particulièrement les affaires introduites devant le tribunal administratif en matière de contributions directes, les contribuables peuvent introduire eux-mêmes un tel recours et ceci en conformité avec l’article 2, paragraphe (1), deuxième alinéa de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, il échet de conclure qu’en l’espèce, il ressort de l’ensemble des éléments qui précèdent que c’est bien la demanderesse, en son nom personnel, qui a valablement introduit le recours sous examen. Il échet encore de constater, du fait que, par la suite, elle s’est fait représenter par un litismandataire, à savoir un avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, la formalité de l’élection de domicile telle que prévue par l’article 57 de la loi du 21 juin 1999 a valablement pu être régularisée en cours d’instance contentieuse, de sorte que la partie étatique n’a plus de grief au sens de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les deux moyens d’irrecevabilité soulevés par le délégué du gouvernement sont à rejeter pour ne pas être fondés.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause, le recours en réformation est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, et en fait, la demanderesse expose qu’elle n’aurait eu ni la qualité ni les pouvoirs pour engager la société …, du fait qu’elle n’aurait notamment pas été chargée de la gestion journalière de celle-ci. Elle estime ainsi qu’elle ne pourrait pas être considérée comme l’employeur des personnes qui auraient travaillé pour ladite société et elle 6conteste pouvoir être tenue comme étant personnellement responsable des retenues d’impôts qui n’auraient pas été effectuées sur les traitements et salaires du personnel en question. Elle soutient également ne pas avoir été en charge de l’établissement des comptes sociaux de la société …, voire des déclarations et des versements des retenues d’impôt sur les traitements et salaires payés par cette société. Elle conteste ainsi avoir commis une quelconque faute de gestion de nature à engager sa responsabilité quant aux sommes réclamées par le bulletin d’appel en garantie du 28 janvier 2014.

Le délégué du gouvernement pour sa part conclut au rejet du recours. Ainsi, il expose tout d’abord que la société …, déclarée en état de faillite par jugement du 14 août 2013, aurait omis de verser les retenues d’impôt dues sur les traitements et salaires de son personnel au titre des années d’imposition 2010 à 2013 et que la demanderesse, en sa qualité d’administrateur pour la période allant du 8 mars 2007 au 8 mars 2013, aurait eu le pouvoir d’engager la société par sa signature conjointe avec l’un des administrateurs-délégués, de sorte que le bureau d’imposition aurait à bon droit pu émettre le bulletin d’appel en garantie litigieux à son encontre, des bulletins d’appel en garantie ayant également été émis à l’égard des deux administrateurs-délégués. Le représentant gouvernemental précise qu’en sa qualité d’administrateur, la demanderesse aurait été légalement et personnellement tenue d’accomplir les démarches administratives légalement requises, y compris celles à l’égard des administrations fiscales. Elle aurait ainsi notamment dû veiller à ce que l’impôt sur le revenu des traitements et salaires soit retenu, déclaré et versé à l’administration des Contributions directes. En outre, d’après le délégué du gouvernement, la demanderesse n’aurait fait état d’aucune circonstance qui l’aurait empêché d’assumer son mandat social et qui l’exonérerait de ses obligations légales. Il y aurait partant lieu de retenir un comportement fautif dans le chef de la demanderesse au sens du § 109 AO, ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement fautif et le défaut de paiement des retenues sur traitements et salaires des années 2010 à 2013.

Dans son mémoire supplémentaire, la demanderesse fait reprocher à la partie défenderesse de ne pas avoir établi qu’elle aurait effectivement eu le pouvoir d’engager la société et qu’elle aurait eu accès aux comptes de la société afin de pouvoir effectuer les paiements dont le défaut lui est actuellement reproché. En outre, elle reproche à la partie défenderesse de ne pas avoir prouvé qu’elle aurait disposé des pouvoirs suffisants pour représenter la société …à l’égard des tiers, voire pour procéder au paiement des sommes dues. Enfin, elle reproche à la partie gouvernementale que la preuve du lien causal entre la prétendue faute commise par elle et la non-

perception des retenues d’impôt ne serait pas établie.

Par ailleurs, la demanderesse conteste avoir commis une quelconque faute qui aurait abouti aux manquements lui reprochés. Ainsi, elle fait état des négociations qui auraient eu lieu avec l’administration des Contributions directes afin d’aboutir à « un apurement échelonné de la dette ». Dans ce contexte, elle s’étonne de ce qu’actuellement des retenues pour les années 2010 à 2013 lui seraient réclamées, alors qu’en date du 27 juin 2013, l’administration des Contributions directes aurait uniquement fait état d’une dette en relation avec les années 2012 et 2013. Par ailleurs, elle conteste le montant réclamé par l’appel en garantie sous examen, tel que confirmé par la décision directoriale du 4 juin 2014, alors qu’elle aurait eu connaissance de ce que des mesures d’exécution auraient été entamées à l’encontre de l’un ou des deux autres anciens administrateurs de la société …. Or, la partie défenderesse ne ferait état d’aucune réduction de la dette. A défaut encore d’une quelconque information sur le sort d’une éventuelle déclaration de 7créance de la part de l’administration des Contributions directes dans le cadre de la faillite de la société …, elle serait partant obligée de contester le quantum du montant restant dû à l’heure actuelle.

Elle reproche en outre à l’administration des Contributions directes de ne pas avoir motivé en quoi consisterait plus particulièrement sa part de responsabilité. Ainsi, ladite administration n’aurait pas cherché à déterminer quel administrateur de la société …devrait voir sa responsabilité engagée.

En ce qui concerne plus particulièrement la prétendue faute qui lui serait reprochée, la demanderesse relève une absence de motivation à cet égard tant dans la décision d’appel en garantie du 28 janvier 2014 que dans la décision directoriale subséquente du 4 juin 2014, en soutenant qu’une simple omission de paiement ne suffirait pas pour caractériser la faute légalement requise pour la rendre responsable des paiements litigieux. Or, une inexécution fautive de ses obligations n’aurait pas été établie par la partie défenderesse du fait que celle-ci n’aurait pas établi qu’elle aurait volontairement omis de faire les paiements requis et qu’elle aurait matériellement été en mesure d’effectuer ceux-ci, alors qu’elle n’aurait pas disposé des « pouvoirs suffisants » pour effectuer une telle opération. Afin de se dégager de toute responsabilité de ce chef, elle fait encore état de ce qu’ensemble avec les autres administrateurs de la société, elle aurait « tout mis en œuvre » afin de tenter d’apurer les dettes de la société, en ayant entrepris notamment des négociations avec les créanciers de celle-ci afin d’obtenir des délais de paiement voire de procéder par des versements échelonnés. En outre, elle fait état de ce que l’administration des Contributions directes aurait elle-même été contactée par les administrateurs de la société et, au vu des difficultés économiques rencontrées par celle-ci, elle aurait accepté un paiement échelonné de la dette. Ainsi, il y aurait lieu de conclure que la partie défenderesse aurait été parfaitement au courant de la situation financière de la société …et de ce qu’elle n’aurait pas sciemment omis de procéder aux paiements de la retenue sur les traitements et salaires. Il y aurait encore lieu de retenir que ni le curateur de la faillite de la société …ni le parquet n’auraient retenu une quelconque faute dans le chef des administrateurs de la société faillie, ce qui serait également de nature à établir un défaut de faute dans son chef et ceci, au vu de la situation financière de la société. Pour se dégager de sa responsabilité, elle fait encore état de ce que l’administrateur-délégué … aurait attesté qu’en la susdite qualité, il aurait eu le pouvoir de signature « sur les comptes » ainsi que pour effectuer les opérations financières pour le compte de la société. Il y aurait partant lieu de conclure de cette attestation versée à l’appui de son recours qu’elle n’aurait pas été en mesure d’effectuer le paiement des sommes dues.

D’une manière générale, elle soutient que le défaut de paiement de l’intégralité des retenues serait dû à « un problème de liquidité et de trésorerie de la société », ce qui ressortirait « de la situation des comptes clients » versée par elle, dont il ressortirait que la société aurait eu des « actifs non liquides considérables », du fait qu’elle aurait eu des factures importantes qui seraient restées impayées. Ce serait ce montant « énorme d’impayés » qui se trouverait à l’origine de l’impossibilité de la société de faire face à l’intégralité de ses dettes.

D’une manière générale, la demanderesse estime qu’il faudrait tenir compte des efforts considérables qui auraient été entrepris par tous les administrateurs afin de tenter de « maintenir la société » et de payer les dettes de celle-ci. Dans ce contexte, elle fait état de ce qu’ils auraient fait des efforts pour trouver un partenaire ou un investisseur et que plusieurs contacts auraient eu 8lieu dans ce contexte, ces démarches n’ayant toutefois pas abouti. Elle précise encore que des diligences auraient été effectuées auprès du Centre commun de la sécurité sociale afin de trouver un arrangement avec ledit établissement quant au recouvrement des cotisations sociales dans le but d’apurer ainsi leur retard de paiement. Enfin, elle précise que dès le début de l’année 2013, l’un des administrateurs aurait entamé la négociation d’un plan de redressement avec différents créanciers de la société et il se serait mis en contact avec le ministère de l’Economie et du Commerce extérieur afin de trouver des solutions en vue de « pérenniser l’activité », étant relevé par elle que les difficultés économiques de la société auraient pris leur origine dans la crise financière, alors qu’au début de l’année 2013, le cahier de commandes pour le deuxième semestre de l’année en question aurait été très prometteur.

Dans son mémoire supplémentaire, le délégué du gouvernement soutient, en ce qui concerne les contestations de la demanderesse quant au montant des sommes qui lui sont actuellement réclamées au titre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires de la société …, qu’elle ne serait plus en droit de contester le bien-fondé de l’imposition qui serait devenue définitive non seulement à l’égard du débiteur principal, à savoir la société précitée, mais également à son encontre. Il rappelle ainsi que la créance d’impôt porterait sur les années 2010 à 2013 au cours desquelles la demanderesse aurait été l’un des représentants légaux de la société, de sorte à avoir ainsi eu la possibilité de contester l’imposition en temps utile dans le chef de la société elle-même. A titre subsidiaire, et pour le cas où la demanderesse serait toujours en droit de contester le bien-fondé de l’imposition elle-même, le délégué du gouvernement se réfère à un rapport de vérification établi en date du 17 octobre 2013 par le service de la retenue d’impôt sur les rémunérations de l’administration des Contributions directes en soutenant pour le surplus, en ce qui concerne un arrangement de paiement conclu en date du 27 juin 2013, que celui -ci serait intervenu avant la mise en faillite de la société et aurait porté à l’époque sur une créance d’impôt de …. €, avec la précision que ledit arrangement aurait également porté sur des impôts autres que ceux ayant trait à la retenue d’impôt sur les rémunérations. Cet arrangement n’aurait toutefois pas tenu compte des impôts échus par la suite ni des intérêts de retard ultérieurs ni enfin du supplément de retenues fixé au titre de l’année 2010, ce qui expliquerait la différence entre la créance d’impôt fixée dans le cadre dudit arrangement et celle figurant dans le bulletin d’appel en garantie sous examen.

En ce qui concerne la responsabilité de la demanderesse dans le cadre du défaut de paiement des retenues d’impôt litigieuses, le délégué du gouvernement soutient que le simple non-paiement constituerait « une faute per se » du simple fait qu’elle aurait possédé la qualité d’administrateur de la société, de sorte qu’elle aurait été « légalement et personnellement tenue d’accomplir les démarches administratives y compris celles à l’égard des administrations fiscales ». Ainsi, il y aurait lieu de constater que la responsabilité découlant du défaut d’exécuter les obligations fiscales de la société aurait incombé au moins en partie à la demanderesse, ensemble avec les deux autres administrateurs de la société …. En outre, la demanderesse ne ferait état d’aucune circonstance qui l’aurait empêchée d’assumer son mandat social et qui l’aurait exonérée de ses obligations légales. Ainsi, et plus particulièrement, elle ne saurait se décharger de sa responsabilité légale en soutenant qu’elle n’aurait pas été matériellement en mesure d’effectuer les paiements voire en invoquant un manque de solvabilité de la part du débiteur principal. En ce qui concerne l’attestation versée par elle de la part de l’administrateur-

délégué …, datée du 3 juillet 2015, et à part le fait qu’une telle déclaration ne saurait empêcher l’administration des Contributions directes d’émettre un bulletin d’appel en garantie, le délégué 9du gouvernement soutient que cette dernière n’aurait pas eu connaissance de ladite déclaration au moment de l’émission du bulletin d’appel en garantie sous examen.

Suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision sous analyse, et plus précisément l’absence ou l’insuffisance de motivation de la décision déférée, telle que soulevée par la demanderesse, force est de constater d’une manière générale que ni le § 228 AO, ni les §§ 299 et suivants AO, auxquels renvoie le § 228 AO, ni les dispositions générales relatives au régime des décisions (« Verfügungen ») contenues aux §§ 91 à 96 AO, ne prévoient une obligation générale, sous peine d’annulation, de motivation expresse d’une décision du directeur.3 Plus particulièrement, en ce qui concerne la présente matière, le tribunal est encore amené à retenir que ni le § 2 ni le § 7 de la loi modifiée d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après dénommée « StAnpG », ne contiennent une obligation de motivation dans le chef du bureau d’imposition ou encore du directeur, le premier prévoyant certes qu’une motivation spécifique doit sous-tendre la décision en question, sans toutefois imposer que celle-ci doit obligatoirement être indiquée dans la décision elle-même.

Dès lors, l’obligation de motivation ne se conçoit en la présente matière qu’à travers le principe général du droit du respect des droits de la défense, en ce sens que le contribuable doit être en mesure de connaître la motivation d’une décision au plus tard au cours de la procédure contentieuse devant les juridictions administratives afin de pouvoir utilement prépar er sa défense.4 En l’espèce, le tribunal constate que la motivation à la base de l’appel en garantie résulte à suffisance de la décision du directeur, dont la motivation a encore été complétée par les explications fournies par le délégué du gouvernement au cours de la présente instance, en ce qui concerne plus particulièrement le choix d’engager la responsabilité de la demanderesse en tant qu’administrateur et en ce qui concerne son inexécution fautive, et cela indépendamment du bien-

fondé de la motivation ainsi fournie qui sera examinée ci-après. La demanderesse n’a dès lors pas pu se méprendre sur les éléments de motivation gisant à la base du bulletin d’appel en garantie ou encore de la décision directoriale sous analyse, de sorte que le moyen en ce qu’il a trait à un défaut d’indication des motifs est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision sous analyse, et en ce qui concerne plus particulièrement l’existence d’un comportement fautif dans le chef de la demanderesse, il échet de rappeler que le § 103 AO dispose comme suit: « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ;

insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, 3 Voir par analogie trib. adm. 15 novembre 2007, n°22500 du rôle, confirmé par Cour adm. du 20 mars 2008, n°23789C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n°770, et les autres références y citées.

4 Voir trib. adm. 10 novembre 2015, n° 34139 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu 10entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln, die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen. ».

Dès lors, le représentant d’une société anonyme est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société en question et notamment celles de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable.

Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du représentant d’une personne morale du fait du non-paiement des impôts dont est redevable cette personne morale, il y a lieu de se référer plus particulièrement aux dispositions du § 109 AO, qui dispose dans son alinéa (1) que : « Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind. » Ces dispositions légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société, en ce compris, conformément au § 108 AO, les dirigeants de fait ou dirigeants apparents, c’est-à-dire ceux qui se comportent, à l’égard des tiers, comme s’ils avaient le pouvoir de disposer : a contrario, les personnes non visées par ces dispositions ne sont pas soumises à cette responsabilité personnelle.

Il se dégage encore de ces dispositions légales que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du § 109 (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.

Le § 7, paragraphe (3) StAnpG disposant par ailleurs que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », de sorte que le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.

En cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du § 7 StAnpG qui dispose que ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d'imposition n'est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d'entre eux. En toute hypothèse, il appartient au bureau d'imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix.

11Quant à l’exercice du pouvoir d’appréciation par l’administration, le § 2 StAnpG dispose que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-

Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessens-Entscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision.

En ce qui concerne la responsabilité personnelle de la demanderesse, force est de constater, tel que relevé ci-avant, que le §103 AO soumet les dirigeants d’une société à l’obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public.

En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il se dégage d’une publication au Mémorial C, à la suite de son dépôt au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg en date du 19 septembre 2007 que la demanderesse a été nommée administrateur pour une durée de 6 ans, prenant fin en date du 8 mars 2013, tel que cela ressort d’une résolution prise lors d’une assemblée générale extraordinaire du 8 mars 2007 de la société …. Il se dégage par ailleurs de l’article 9 des statuts de la société …que « la société est engagée en toutes circonstances par la signature de deux administrateurs sans préjudice des décisions à prendre quant à la signature sociale en cas de délégation des pouvoirs (…) », avec la précision que suivant l’article 10, alinéa 1er des mêmes statuts « le Conseil d’Administration peut déléguer la gestion journalière de la société à un ou plusieurs administrateurs qui prendront la dénomination d’administrateurs-

délégués ». Il n’est par ailleurs pas contesté en cause que la demanderesse avait gardé la qualité d’administrateur jusqu’à la date du 8 mars 2013, et même au-delà de la date ainsi fixée par l’assemblée générale extraordinaire précitée du 8 mars 2007 jusqu’au jour du prononcé de la faillite, à savoir jusqu’au 14 août 2013, de sorte qu’au moins de facto elle est restée administrateur de la société jusqu’au jour du prononcé de la faillite de celle-ci. Il s’ensuit qu’en application du § 103 AO, la demanderesse était personnellement tenue pendant les périodes correspondant à l’exercice de sa fonction d’administrateur à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, de sorte qu’elle était obligée de retenir, lors du paiement des salaires, l’impôt sur les salaires, ainsi que de le verser au trésor public, étant encore relevé qu’il s’agit de sommes d’argent qui, dès le versement du salaire, ne doivent pas recevoir une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû par le salarié. Il échet partant d’en conclure à une inexécution des obligations lui ayant incombé à ce titre. Toutefois, une simple inexécution desdites obligations doit en outre être fautive dans le chef de celui qui s’est vu adresser un bulletin d’appel en garantie pour pouvoir engager la responsabilité personnelle de ce destinataire. Or, à ce titre, et en l’espèce, il échet de constater que la société a effectivement connu des difficultés financières et que la demanderesse, ensemble avec les deux autres administrateurs de la société, a effectué des démarches non seulement afin de pouvoir maintenir les activités de la société mais également de procéder au paiement des dettes de celle-ci, notamment celles vis-à-vis de l’administration des Contributions directes. Il échet ainsi de constater qu’il ressort des pièces et éléments soumis au tribunal que les démarches auprès de l’administration des Contributions directes avaient abouti à un « arrangement de paiement » en date du 27 juin 2013, dont l’objectif était d’échelonner les paiements afin de rembourser les arriérés notamment en matière de retenues d’impôt sur les rémunérations des années 2012 et 2013. Les efforts accomplis par les administrateurs de la société …, dont la demanderesse, afin de procéder au redressement de la société se dégage également d’un courrier adressé à la société par 12le ministre de l’Economie et du Commerce extérieur du 28 juin 2013 ainsi que d’un courrier de la BGL BNP Paribas du 20 juin 2013 et des démarches effectuées auprès de la BGL BNP Paribas en vue de la conclusion d’un contrat de factoring, également versé en cause dans son projet. En outre, il échet de constater sur base des pièces versées par la demanderesse au tribunal que celle-

ci a valablement pu estimer, au vu de l’attestation signée en date du 3 juillet 2015 par Monsieur …., en sa qualité d’administrateur-délégué de la société …, qu’il s’occupait seul de toute la gestion notamment financière de la société, y compris la gestion des comptes bancaires et le paiement des salaires des employés.

Il échet partant de conclure de l’ensemble des éléments qui précèdent qu’une inexécution fautive des devoirs de la demanderesse, en sa qualité d’administrateur, ne saurait être retenue en l’espèce, de sorte que la décision du directeur du 4 juin 2014 doit être réformée, en ce qu’aucune obligation de payer personnellement ne saurait être retenue dans le chef de la demanderesse au titre des retenues d’impôt sur les rémunérations payées par la société …, non continuées à l’administration des Contributions directes.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le dit justifié, partant, décide de faire droit à la réclamation de la demanderesse du 6 mars 2014, en ce que c’est à tort que le bulletin d’appel en garantie a été émis en date du 28 janvier 2014 à son encontre ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, 13 et lu à l’audience publique du 3 octobre 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 03/10/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 35161
Date de la décision : 03/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-10-03;35161 ?

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