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20/07/2016 | LUXEMBOURG | N°38162

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2016, 38162


Tribunal administratif Numéro 38162 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2016 Audience publique de vacation du 20 juillet 2016 Recours formé par par Madame …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38162 du rôle et déposée le 13 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Roby Schons, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclar...

Tribunal administratif Numéro 38162 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2016 Audience publique de vacation du 20 juillet 2016 Recours formé par par Madame …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38162 du rôle et déposée le 13 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Roby Schons, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le … à … (Cap Vert), actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 juillet 2016 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 18 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Roby Schons au nom de Madame …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Roby Schons et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 juillet 2016.

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En date du 11 mars 2016 Madame Madame … fut placée en détention préventive au Centre pénitentiaire de Luxembourg sur base d’un mandat de dépôt du chef de vol qualifié.

Le 1er juin 2016 Madame … fut libérée du Centre pénitentiaire de Luxembourg. En date du 2 juin 2016 elle fit l’objet d’un mandat de dépôt du chef de vol simple et elle fut de nouveau placée en détention préventive au Centre pénitentiaire de Luxembourg. Le 8 juillet 2016, elle fut libérée du Centre pénitentiaire de Luxembourg.

Par arrêté du 7 juillet 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile déclara irrégulier le séjour de Madame … sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont elle a la nationalité, en l’occurrence le Cap-Vert, ou à destination de tout autre pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou de tout autre pays où elle est autorisée à séjournée. Par le même arrêté, le ministre lui interdit l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressée le 8 juillet 2016, le ministre ordonna le placement de Madame … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, sur base des considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 7 juillet 2016 ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressée, alors qu’elle ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressée seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2016, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 7 juillet 2016.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi du 29 août 2008 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en droit, Madame … fait valoir comme unique moyen à l’encontre de la décision déférée ordonnant son placement au Centre de rétention, que les démarches effectuées par les autorités ministérielles en vue de l’organisation de son éloignement n’auraient pas été exécutées avec toute la diligence requise. Elle se réfère à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 22 février 2016, inscrit sous le numéro 37407a du rôle, ayant réformé une décision de placement au Centre de rétention au motif que les autorités ministérielles « sont restées en défaut d’effectuer les démarches appropriées et diligentes en vue d’un éloignement rapide du demandeur de sorte que le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement n’a pas été exécuté avec la diligence requise en l’espèce. ». La demanderesse précise que pour arriver à cette conclusion, le tribunal administratif aurait retenu que : « S’il est vrai qu’en l’espèce, il ressort des éléments soumis au tribunal que le demandeur ne dispose ni de documents d’identité, ni de documents de voyage valables, ce qui rend ainsi indispensable des démarches en vue de l’identification du demandeur préalables à l’organisation de son éloignement, il n’en demeure pas moins que le 2 ministre avait connaissance du séjour irrégulier du demandeur sur le territoire luxembourgeois depuis le début de sa détention préventive au Centre pénitentiaire au cours du mois de juin 2014. Ainsi, en prévision d’une mesure d’éloignement qui devrait nécessairement être prise à l’égard du demandeur à l’issue de sa détention voire de son incarcération au Centre pénitentiaire, le ministre aurait pu faire entamer des démarches notamment auprès des autorités nigérianes pendant la période allant du mois de juin 2014 au mois de décembre 2015 afin d’obtenir non seulement leur confirmation quant à l’identité nigériane du demandeur mais également quant à leur accord de principe de le reprendre à l’issue de sa détention voire incarcération au Centre pénitentiaire.

Le manque de diligences qui doit ainsi être reproché au ministre se trouve d’ailleurs confirmé par le fait que malgré les appels téléphoniques infructueux effectués avec l’ambassade du Nigéria à Bruxelles et la promesse, en date du 6 janvier 2016, que l’ambassadeur du Nigéria se rendrait au Luxembourg afin d’avoir une entrevue avec le demandeur, ces démarches et promesse n’ont à la date de ce jour eu le moindre résultat, alors que sur question afférente posée au délégué du gouvernement au cours de l’audience des plaidoiries, celui-ci n’a pas pu informer le tribunal d’une date à laquelle une telle entrevue pourrait être organisée au Centre de rétention. ».

A l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire de la demanderesse a encore signalé que cette dernière aurait, dans le cadre d’autres procédures, pu bénéficier des traductions d’un interprète. Il a ainsi émis des doutes sur le fait qu’au moment de la notification de la décision ordonnant son placement au Centre de rétention, elle aurait utilement pu comprendre le contenu et la signification de la décision déférée.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, la demanderesse a encore précisé dans le contexte de son reproche d’un défaut d’exécution diligente des démarches en vue de son éloignement, que son comportement aurait démontré qu’il n’était « nullement opportun de la placer en rétention alors que dès sa libération elle [aurait désiré] regagner le Portugal ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

L’article 120 (3) de la même loi ajoute que : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour 3 obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire (…) ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, s’il ressort certes, tant des pièces soumises au tribunal que des explications des parties en cause que Madame … est titulaire d’un passeport cap-verdien en cours de validité, ainsi que d’un visa portugais valable jusqu’au 23 août 2016, et qu’ainsi aucune démarche en vue de l’identification de la demanderesse ne se serait imposé, il n’en demeure pas moins que par arrêté précité du 7 juillet 2016, le ministre a déclaré irrégulier le séjour de la demanderesse au Grand-Duché de Luxembourg, lui a ordonné de quitter le territoire sans délai et lui a interdit l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans. Cette décision d’éloignement du 7 juillet 2016 n’ayant, d’après les explications du litismandataire de la demanderesse, pas fait l’objet d’un recours contentieux au moment de l’audience des plaidoiries, il échet de constater que le ministre a a priori valablement pu placer la demanderesse au Centre de rétention en application de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, afin de préparer l’exécution de ladite mesure et plus précisément afin d’organiser son éloignement vers son pays d’origine.

En ce qui concerne ensuite le reproche de la demanderesse selon lequel les démarches en vue de son éloignement n’auraient pas été exécutées avec toute la diligence requise au motif qu’elles n’auraient pas été débutées d’ores et déjà lors de son placement en détention prévention au Centre pénitentiaire de Luxembourg, il convient de constater que la Cour administrative a retenu dans un arrêt rendu le 1er mars 2016, inscrit sous le numéro 37573C du rôle que : « […] s’il est vrai que des faits antérieurs à la prise d’une décision de placement ou de prorogation d’un placement, notamment au niveau du comportement, que ce soit d’ailleurs celui de la personne concernée ou celui de l’autorité administrative, peuvent le cas échéant avoir une incidence dans le cadre de l’appréciation de la légalité ou de l’opportunité d’une décision de placement en rétention, il n’en reste pas moins que la condition de l’exécution du dispositif d’éloignement d’un étranger en séjour illégal avec suffisamment de diligences, vise essentiellement les diligences à entreprendre au cours de la rétention de l’intéressé. En décider le contraire, reviendrait à perdre de vue le fait que le législateur, à travers l’article 120 de la loi du 29 août 2008, a prévu la possibilité de placer 4 un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, prorogeable par la suite, précisément en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, c’est-à-dire en vue de l’accomplissement des formalités requises pour ce faire et qu’il n’exige point que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté diligemment avant même la prise d’une décision de placement. ».

Aucun reproche ne saurait partant être fait aux autorités ministérielles de n’avoir débuté les démarches en vue de l’organisation du rapatriement de la demanderesse qu’au moment de son placement au Centre de rétention et non point d’ores et déjà au moment de son placement en détention préventive au Centre pénitentiaire. Il ne saurait, par ailleurs, de manière générale, pas être reproché aux autorités ministérielles de ne pas avoir organisé l’éloignement de la demanderesse avec toute la rigueur requise, dans la mesure où il ressort des pièces soumises au tribunal et plus précisément d’un courrier du 11 juillet 2016 adressé par la police grand-ducale aux services du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration – Direction de l’Immigration- qu’à cette date, soit trois jours après le placement en rétention de la demanderesse, un vol pour la demanderesse ainsi que deux agents l’escortant avait d’ores et déjà été organisé pour le 10 août 2016. Le moyen tiré d’un manque de diligences en vue de l’organisation de l’éloignement de la demanderesse est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne le reproche formulé par le litismandataire de la demanderesse à l’audience publique des plaidoiries selon lequel la demanderesse ne maîtriserait pas à suffisance la langue française pour avoir pu utilement prendre connaissance de la décision ordonnant son placement en rétention lors de la notification de cette dernière, le tribunal constate, outre le fait que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que ce moyen a été invoqué pour la première fois oralement à l’audience des plaidoiries, qu’il ne ressort d’aucune pièce, ni d’aucun élément concret lui soumis que la demanderesse ne maîtrise pas la langue françaises et que par ailleurs et surtout, la demanderesse a signé la procès-verbal de notification de la décision déférée ordonnant son placement au Centre de rétention, sans formuler une quelconque remarque ou réserve y relative.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

Claude Fellens, vice-président, Françoise Eberhard, vice-président, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 20 juillet 2016 par Claude Fellens, vice-

président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 juillet 2016 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 38162
Date de la décision : 20/07/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-07-20;38162 ?

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