Tribunal administratif No 36302 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mai 2015 Ire chambre Audience publique du 15 juin 2016 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du collège échevinal de la Ville d’Esch-sur-Alzette en matière de traitement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36302 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2015 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du collège échevinal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 15 juillet 2014 ayant refusé de lui accorder un supplément de traitement personnel égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade de fin de carrière (grade 7bis) et son traitement effectif (grade 7) ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura Geiger, agissant en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, les deux demeurant à Luxembourg, du 20 mai 2015, portant signification de ladite requête à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à L-
4138 Esch-sur-Alzette, Place de l’Hôtel de Ville ;
Vu le mémoire en réponse de Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2015, au nom et pour le compte de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-
Alzette, ledit mémoire ayant été notifié au mandataire adverse à la même date ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Jean-Marie Bauler, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2015, au nom et pour le compte de Monsieur …, ledit mémoire ayant été notifié au mandataire adverse à la même date ;
Vu le mémoire en duplique de Maître Steve Helminger déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2015, au nom et pour le compte de sa mandante, ledit mémoire ayant été notifié au mandataire adverse à la même date ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, ainsi que Maître Steve Helminger en leurs plaidoiries respectives.
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Par courrier du 10 juin 2014, Monsieur … demanda au collège des bourgmestre et échevins de la Ville d’Esch-sur-Alzette, dénommé ci-après « le collège échevinal », « un allongement de grade 7bis de [sa] carrière ».
Le 15 juillet 2014, le collège échevinal adressa à Monsieur … le courrier suivant : « (…) Le collège échevinal a analysé votre demande du 10 juin 2014 avec l'attention qu'elle mérite.
Je tiens à attirer votre attention sur le déroulement de la carrière de fonctionnaire à laquelle vous appartenez. Vous bénéficiez actuellement d'un classement au grade 7 de la carrière de l'artisan. Dans ce grade l'échelon 275 points vous est accordé depuis le 1.6.2008. Cet échelon constitue le maximum allongé du grade7.
Or, l'article 16quater du règlement grand-ducal modifié du 4.4.1964 stipule entre autres que le fonctionnaire classé à un grade des rubriques I « administration générale » et II « enseignement » de l'annexe B du règlement grand-ducal modifié du 4.4.1964, classé à l'avant-
dernier grade de sa carrière, bénéficie à partir du premier jour du mois qui suit son cinquante -
cinquième anniversaire d'un supplément de traitement personnel égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade de fin de carrière (7bis) et son traitement effectif (grade7).
Le supplément de traitement diminue au fur et à mesure que le traitement augmente par l'effet d'avancement en échelon, de majorations de l'indice ou d'avancement en grade.
L'article afférent a été appliqué en votre faveur de sorte que vous êtes bénéficiaire depuis le 1.3.2014 d'un supplément de traitement égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade du grade 7bis (278 points indiciaires) et votre traitement actuel (grade 7, échelon 275).
Dans votre demande vous sollicitez l'allocation des allongements de grade prévus pour le grade 7bis. Vous ne pouvez bénéficier de ces allongements de grade qu'à partir du moment où vous accédez, par le biais d'une promotion accordée par le conseil communal, effectivement au grade 7bis. Ceci ne peut actuellement pas être le cas étant donné qu'aucun poste d'artisan dirigeant (grade 7bis) n'est vacant et qu'en outre vous ne figurez pas en rang utile au tableau d'avancement pour pouvoir accéder au grade 7bis.
En guise de conclusion de ce qui précède, le collège échevinal se doit de constater que la demande que vous ayez présentée est actuellement sans objet. (…) ».
Par une requête déposée le 15 mai 2015 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du collège échevinal du 15 juillet 2014.
Dans son mémoire en réponse, la Ville d’Esch-sur-Alzette invoque en premier lieu l’irrecevabilité du recours en réformation, alors qu’aucun recours au fond ne serait prévu en la matière.
Dans ce contexte, la Ville d’Esch-sur-Alzette souligne que Monsieur …, classé au grade 7 en tant que premier artisan principal, serait depuis le 1er avril 2014 bénéficiaire d’un supplément de traitement en exécution de l’article 16 quater du règlement grand-ducal modifié du 4 avril 1964 portant assimilation des traitements des fonctionnaires des communes, syndicats de communes et établissements publics placés sous la surveillance des communes, à ceux des fonctionnaires de l'Etat, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 4 avril 1964 », et qu’il n’aurait pas contesté le calcul de son traitement depuis lors.
La Ville d’Esch-sur-Alzette estime que la demande de Monsieur … ne concernerait pas une question de traitement, mais constituerait une demande en avancement de grade, de sorte que son recours serait encore irrecevable pour défaut d’objet, défaut d’intérêt et pour cause de tardivité.
Elle souligne à ce sujet que le recours de Monsieur … ne critiquerait en rien la décision du collège échevinal de lui refuser la demande en avancement au grade 7bis au motif qu’aucun poste d’artisan dirigeant ne serait libre et qu’il ne serait pas en rang utile pour prétendre à une telle fonction, de sorte que le recours, n’attaquant pas cette décision qui répondrait pourtant au seul objet de sa demande, devrait être déclaré irrecevable faute d’objet, sinon faute d’intérêt, alors que la motivation de la décision entreprise ne serait pas non plus contestée. Ainsi, aucune décision n’aurait été prise quant au traitement de Monsieur …, alors que le courrier du 15 juillet 2014 se serait borné à exposer, en citant le texte légal afférent, comment son traitement serait calculé.
Etant donné que le recours viserait les modalités de calcul de son traitement dont il bénéficierait depuis le 1er avril 2014, Monsieur … serait encore à considérer comme forclos à agir, alors qu’il serait inconcevable qu’un fonctionnaire accepte sans mot dire pendant plus d’une année les modalités de calcul de son traitement pour subitement, plus d’une année plus tard, les entreprendre par voie d’un recours contentieux.
A ce sujet, Monsieur … fait répliquer que la Ville d’Esch-sur-Alzette ne contesterait pas que la décision déférée de refus de sa demande de bénéficier d’un supplément de traitement égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade de fin de carrière (7bis) et son traitement effectif (grade 7), lui ferait grief. En ce qui concerne le moyen relatif à la forclusion, Monsieur … fait plaider que la décision déférée n’aurait pas fait courir de délai contentieux en raison du fait qu’elle ne contiendrait pas d’indication sur les voies de recours.
Aux termes de l’article 41 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-après dénommée « le statut général », sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond, les contestations relatives à la fixation du traitement en principal et accessoires.
Force est de constater que la demande de Monsieur … d’« un allongement de grade 7bis de [sa] carrière », si elle est certes libellée de façon très succincte, touche néanmoins à la fixation de son traitement dans le contexte de l’application de l’article 16 quater du règlement du 4 avril 1964, alors qu’il ne demande pas une promotion consistant à se faire nommer à un poste du grade 7bis, mais sollicite l’application de l’allongement du grade 7bis à son niveau de carrière actuel, à savoir à la fonction de premier artisan principal classé au grade 7.
En effet, cette demande est à considérer dans le contexte de l’allocation du supplément de traitement visé par l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 permettant à un fonctionnaire, classé à l’avant-dernier grade de sa carrière, de bénéficier à partir du premier jour du mois qui suit son cinquante-cinquième anniversaire d´un supplément de traitement personnel égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade de fin de carrière et son traitement effectif. La Ville d’Esch-sur-Alzette ne s’y trompe d’ailleurs pas, alors qu’il ressort du courrier du 12 juin 2014 adressé par le chef de service au collège échevinal, que la demande de Monsieur … est bien placée dans le contexte de l’application de l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 en ce qu’il y est expliqué que cet article aurait été correctement appliqué et que Monsieur … ne saurait bénéficier des allongements du grade 7bis qu’une fois qu’il occuperait un poste classé au grade 7bis de sa carrière. Cette argumentation est ensuite reprise par la décision déférée du 15 juillet 2014 qui rappelle qu’en application de l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 juin 1964, son traitement aurait bien été revu à la hausse jusqu’au dernier échelon barémique du grade 7bis, à savoir 278 points indiciaires.
Ainsi, contrairement à ce qui est prétendu actuellement de la part de la Ville d’Esch-sur-
Alzette, la décision déférée du 15 juillet 2014 n’est pas à considérer comme un refus d’une demande de promotion à un poste du grade 7bis, mais comme une décision déboutant expressément Monsieur … de sa demande en révision de son traitement par l’allocation des allongements de grade prévus pour le grade 7bis, la référence par la Ville d’Esch-sur-Alzette à une promotion à un poste du grade 7bis n’étant faite qu’à titre accessoire dans le cadre de la motivation du refus basée sur la considération que les allongements du grade 7bis ne pourraient être appliqués qu’aux fonctionnaires déjà classés audit grade.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
En ce qui concerne le moyen d’irrecevabilité relevant d’un défaut d’objet ou d’intérêt, ce moyen est à rejeter, alors qu’il échet de rappeler, conformément à ce qui a été retenu plus haut, que la décision déférée a pour objet de refuser à Monsieur … une valorisation de son traitement par l’allocation des allongements du grade 7bis prévus par l’article 17 VII, 13e point du règlement grand-ducal du 4 avril 1964, de sorte que Monsieur … a un intérêt à introduire un recours contentieux contre la décision déférée qui constitue par ailleurs l’objet de son recours.
Il en est de même en ce qui concerne le moyen relatif à la prétendue tardivité du recours contentieux dirigé contre la décision du 15 juillet 2014, qui, en application de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l´Etat et des communes, n’a pas fait courir de délai contentieux du fait de ne pas avoir indiqué les voies de recours.
Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause, le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision du 15 juillet 2014 aurait violé l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 combiné à l’article 17 VII, point 13 du même texte.
En substance, il fait plaider dans ce contexte que les échelons allongés du grade 7bis, tels qu’ils résultent de l’article 17 VII, point 13 du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 devraient faire partie du traitement barémique à prendre en considération pour la détermination de l’échelon de fin de carrière dans le cadre du calcul du supplément de traitement prévu à l’article 16 quater du même règlement.
La partie défenderesse s’oppose à cette demande en soutenant que les échelons allongés 290 et 302 seraient réservés au grade 7bis et ne correspondraient pas au grade 7 auquel le demandeur serait classé.
Aux termes de l’article 17 VII, point 13, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 « Pour la carrière de l´artisan le grade 7 est allongé par un onzième échelon ayant l´indice 266, et le grade 7bis par les échelons 290 et 302 ».
L’article 16 quater du même règlement grand-ducal prévoit quant à lui que « 1. Le fonctionnaire classé à un grade des rubriques I «administration générale» et II «enseignement» de l´annexe B du présent règlement, classé à l´avant-dernier grade de sa carrière, bénéficie à partir du premier jour du mois qui suit son cinquante-cinquième anniversaire d´un supplément de traitement personnel égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade de fin de carrière et son traitement effectif. (…) 4. Par grade de fin de carrière il y a lieu d´entendre le grade de la carrière accessible au fonctionnaire compte tenu des conditions d´examen prévues pour sa carrière. (…) ».
Il n’est pas contesté en l’espèce que le demandeur est classé au grade 7 tout en ayant bénéficié au sein de ce grade de 275 points indiciaires avant l’application de l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 avril 1964.
Il n’est pas non plus litigieux que la fin de carrière théorique du demandeur se situe au grade 7bis qui, selon le tableau indiciaire pour l’administration générale, publié en tant qu’annexe B du règlement grand-ducal du 4 avril 1964, prévoit un dernier échelon du grade 7bis qui se chiffre à 278 points. En vertu de l’article 17 VII, point 13, alinéa 2, ce grade 7bis a été allongé pour la carrière de l’artisan par deux échelons supplémentaires se chiffrant à respectivement 290 et 302 points indiciaires.
Le demandeur reproche dès lors en substance à la partie défenderesse d’avoir pris en compte, lors du calcul du supplément de traitement en application de l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 avril 1964, comme dernier échelon de sa carrière, le dernier échelon du grade 7bis tel qu’il résulte du tableau barémique, à savoir 278 points indiciaires, et non celui qui résulte de l’allongement du grade 7bis, à savoir 302 points indiciaires.
La question qui se pose est partant celle de savoir si la référence au « dernier échelon barémique du grade de fin de carrière » telle qu’elle figure à l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 avril 1964, est de nature à englober les échelons résultant de l’allongement du grade 7bis, institué par l’article 17 VII, point 13, alinéa 2 de ce même règlement grand-ducal.
Or, force est de relever que la demande de Monsieur … tendant à se voir allouer un supplément de traitement calculé par rapport à l’échelon 302 du grade 7bis est à rejeter, alors que l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 se limite à faire référence au dernier échelon « barémique », c’est-à-dire au dernier échelon tel qu’il ressort du barème publié en annexe du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 et qui se chiffre à 278 points indiciaires, de sorte à ne pas inclure les allongements éventuels dudit grade.
Force est en effet de relever, par analogie, que la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommée « la loi du 25 mars 2015 », applicable depuis le 1er octobre 2015, prend soin, dans la disposition équivalente à l’article 16 quater du règlement grand-ducal du 4 avril 1964, à savoir dans son article 28, paragraphe 6, alinéa 1er, - à l’inverse de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat qu’elle abroge sur ce point - de préciser de manière expresse que les allongements de grade sont à prendre en considération dans le calcul du supplément de traitement auquel le fonctionnaire classé au dernier et à l’avant-dernier grade de sa carrière a droit après son cinquante-cinquième anniversaire, alors que tel n’est pas le cas, par exemple, en ce qui concerne le calcul du supplément de traitement du fonctionnaire classé au pénultième grade de sa carrière traité au deuxième alinéa de ce même article. Il s’ensuit qu’à défaut d’une inclusion expresse des échelons résultants des allongements de grade, ces derniers ne sont pas à considérer dans le cadre de l’application de l’article 16 quater du règlement grand-
ducal du 4 avril 1964.
Il suit de ces considérations que le recours de Monsieur … est à rejeter.
Au vu de l’issue du litige, le demandeur est à débouter de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure d’un montant de 750 euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique 15 juin 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15/06/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 7