Tribunal administratif N° 35780 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 janvier 2015 2e chambre Audience publique du 9 juin 2016 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Intérieur et une décision du conseil communal de … en matière de plan d’aménagement général
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 35780 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2015 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du conseil communal de … du 29 mars 2014 portant approbation du projet d'aménagement général de la commune de … et d’une décision du ministre de l’Intérieur du 23 octobre 2014 approuvant la délibération précitée du conseil communal de … ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex Mertzig, demeurant à Diekirch, du 30 janvier 2015, portant signification de ce recours à l’administration communale de …, établie à L-…, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 11 février 2015 par Maître Daniel Cravatte, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale de …;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2015 par Maître Daniel Cravatte, au nom de l’administration communale de …, lequel mémoire fut notifié en date du 16 avril 2015 par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur … ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2015 par Maître Georges Krieger au nom de Monsieur …, lequel mémoire fut notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire de l’administration communale de … ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2015 par Maître Daniel Cravatte, au nom de l’administration communale de …, lequel mémoire fut notifié le 12 juin 2015 par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions attaquées ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Daniel Cravatte et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 janvier 2016.
Lors de sa séance publique du 13 septembre 2013 le conseil communal de …, désigné ci-après par le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de ….
Par courrier de son mandataire du 4 octobre 2013, Monsieur …, propriétaire de la parcelle, inscrite au cadastre de la commune de …, section C, sous le numéro 305/3184 et sis dans la rue de l’Our, introduisit une réclamation auprès du collège des bourgmestre et échevins de … contre le projet d’aménagement général.
Lors de sa séance publique du 29 mars 2014, le conseil communal de … décida d’approuver :
1.) En ce qui concerne la localité de … : avec quatre voix pour et deux voix contre :
« le Projet d’Aménagement Général (PAG) concernant la localité de …, constitué d’une partie écrite et d’une partie graphique, et en tenant compte partiellement des propositions formulées dans • l’avis du 15 janvier 2014 émis par la Commission d’Aménagement du Ministère de l’Intérieur, référence : 64C/002/2013 • l’avis du 21 janvier 2014 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence : 72.266/CL • l’avis du 21 janvier 2014 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence : 79.626/CL ainsi que •des réclamations concernant la localité de … » 2.) En ce qui concerne la localité de … avec six voix pour et trois voix contre :
« le Projet d’Aménagement Général (PAG) concernant la localité de …, constitué d’une partie écrite et d’une partie graphique, et en tenant compte partiellement des propositions formulées dans • l’avis du 15 janvier 2014 émis par la Commission d’Aménagement du Ministère de l’Intérieur, référence : 64C/002/2013 • l’avis du 21 janvier 2014 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence : 72.266/CL • l’avis du 21 janvier 2014 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence : 79.626/CL ainsi que •des réclamations concernant la localité de … » 3.) En ce qui concerne la localité de … avec cinq voix pour et trois voix contre :
« le Projet d’Aménagement Général (PAG) concernant la localité de …, constitué d’une partie écrite et d’une partie graphique, et en tenant compte partiellement des propositions formulées dans • l’avis du 15 janvier 2014 émis par la Commission d’Aménagement du Ministère de l’Intérieur, référence : 64C/002/2013 • l’avis du 21 janvier 2014 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence : 72.266/CL • l’avis du 21 janvier 2014 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence : 79.626/CL ainsi que •des réclamations concernant la localité de … » 4.) En ce qui concerne la localité de … avec six voix pour et trois voix contre :
« le Projet d’Aménagement Général (PAG) concernant la localité de …, constitué d’une partie écrite et d’une partie graphique, et en tenant compte partiellement des propositions formulées dans • l’avis du 15 janvier 2014 émis par la Commission d’Aménagement du Ministère de l’Intérieur, référence : 64C/002/2013 • l’avis du 21 janvier 2014 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence : 72.266/CL • l’avis du 21 janvier 2014 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence : 79.626/CL ainsi que •des réclamations concernant la localité de … ».
En ce qui concerne plus particulièrement la réclamation introduite par Madame Irène Gales, le conseil communal de … prit position comme suit :
« Le conseil communal décide avec 6 voix pour et 3 voix contre :
de ne pas donner de suite favorable aux demandes de reclassement pour les raisons suivantes :
1) Le classement en « zone destinée à être urbanisée » de la partie de la parcelle n°103/1699 longeant la voirie existante engendrerait un développement tentaculaire de la localité, d’autant plus que le pôle prioritaire de développement défini pour la commune de … est la localité de …. Le conseil communal s’appuie également sur les conclusions de l’étude environnementale stratégique dans laquelle une partie de la parcelle a été évaluée et dont toute urbanisation devrait être évitée afin de maintenir l’entrée de village et le verger existants.
2) Une urbanisation de la parcelle n°103/1747 engendrerait également un développement tentaculaire vers le nord de …. De plus, la forme allongée et étroite de la parcelle est défavorable à tout aménagement.
L’aménagement de la parcelle n°95/1 contribuerait à une urbanisation au-delà du bâti existant formant une limite au développement vers le nord-est de …. De plus, la parcelle concernée n’a pas fait l’objet de l’étude environnementale stratégique, étude déjà élaborée par les prédécesseurs de l’actuel collège des bourgmestre et échevins et qui a servi de base afin de pouvoir entamer une mise en procédure rapide du plan d'aménagement général suivant la loi modifiée du 19/07/2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain. » En ce qui concerne plus particulièrement la réclamation introduite par Monsieur …, le conseil communal de … prit position comme suit :
« Le conseil communal décide avec 6 voix pour et 3 voix contre :
de ne pas retenir la demande de reclassement de la parcelle 305/3184 de « zone agricole » en « zone d’habitation 1 » superposée d’une servitude urbanisation ».
En effet, la parcelle concernée représente un terrain humide et est occupée majoritairement par un bassin de rétention destiné aux eaux superficielles provenant des fossés ouverts en amont et à proximité immédiate du terrain (cf. analyse de l’étude environnementale stratégique en annexe). Les conditions actuelles d’écoulement des eaux de surface sont à maintenir. Les eaux ne peuvent être évacuées de manière souterraine par une canalisation. ».
Par courrier de son mandataire du 15 avril 2014, Monsieur … introduisit une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, désigné ci-après par « le ministre », contre la décision précitée du conseil communal de … du 29 mars 2014, portant approbation du plan d’aménagement général.
Par décision du 23 octobre 2014, notifiée par courrier daté au 3 novembre 2014, au mandataire de Monsieur …, le ministre approuva la délibération du conseil communal de … du 29 mars 2014 portant adoption du plan d’aménagement général et déclara recevable mais non fondée, notamment la réclamation introduite par Monsieur …. Ladite décision ministérielle est libellée comme suit :
« (…) Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain ;
Vu son article 18 en vertu duquel le Ministre ayant l'aménagement communal et le développement urbain dans ses attributions décide de l'approbation des projets d'aménagement général ;
Vu la délibération du 29 mars 2014 du conseil communal de … portant adoption du projet d'aménagement général, parties écrite et graphique;
Considérant qu'avant de statuer, le Ministre vérifie la conformité du projet d'aménagement général avec les dispositions de la loi précitée et notamment les objectifs énoncés à l'article 2, ainsi qu'avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi du 30 juillet 2013 concernant l'aménagement du territoire ou se trouvant à l'état de projet soumis aux communes;
Considérant qu'aucune irrégularité au niveau de la procédure d'adoption, telle qu'elle est décrite aux articles 10 à 18 de la loi précitée, n'a pu être constatée et que les objectifs définis à l'article 2 de la même loi ont entièrement été respectés ;
Considérant les réclamations émanant de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Madame … …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Monsieur …, de Monsieur …, de Monsieur …, de Madame …, de Monsieur …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Maître André Harpes au nom et pour le compte de Monsieur … et de Madame …, de Maître André Harpes au nom et pour le compte de Messieurs …, de Maître Jean-Paul Wiltzius au nom et pour le compte de Monsieur …, de Monsieur …, de Madame …, de Maître Brice Olinger au nom et pour le compte de Monsieur et Madame …, de Madame …, de Madame …, de Madame …, de Maître Brice Olinger au nom et pour le compte de Madame …, de Monsieur …, ainsi que de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de la société … ; (…) Considérant que la réclamation émanant de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, tendant à intégrer dans la zone à urbaniser la parcelle cadastrale no 305/8184, sise à …, est non fondée ; qu’en effet, le potentiel de développement, tel que prévu par les autorités communales dans leur projet d’aménagement général, est largement suffisant ; qu’aucun argument d’intérêt général ne justifierait actuellement une extension de la zone à urbaniser ; que les terrains concernés sont grevés de contraintes résultant de l’existence de zones humides ; (…) Arrête:
Art. 1er: La délibération du 29 mars 2014 du conseil communal de … portant adoption du plan d'aménagement général, parties graphiques et écrite, est approuvée;
Art. 2: Les réclamations émanant de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Madame … …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Monsieur …, de Monsieur …, de Monsieur …, de Madame …, de Monsieur …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Maître André Harpes au nom et pour le compte de Monsieur … et de Madame …, de Maître André Harpes au nom et pour le compte de Messieurs …, de Maître Jean-Paul Wiltzius au nom et pour le compte de Monsieur …, de Monsieur …, de Madame …, de Maître Brice Olinger pour le compte de Monsieur et Madame …, de Madame …, de Madame …, de Madame …, de Maître Brice Olinger pour le compte de Madame …, de Monsieur …, ainsi que de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de la société … ne sont pas fondées ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2015, Monsieur … fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du conseil communal de … du 29 mars 2014, ainsi que de la décision précitée d’approbation du ministre du 23 octobre 2014.
• Quant à la loi applicable A titre liminaire, le tribunal est amené à préciser que la loi du 19 juillet 2004 a été modifiée à plusieurs reprises et une dernière fois avant l’adoption des décisions déférées par une loi du 30 juillet 2013, publiée au Mémorial A le 6 septembre 2013 et entrée en vigueur le 10 septembre 2013. Selon les dispositions transitoires figurant à l’article 108ter la loi du 19 juillet 2004, telle que modifiée par la loi du 30 juillet 2013, « (1) La procédure d’adoption des projets d’aménagement général, dont la refonte complète a été entamée par la saisine de la commission d’aménagement avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 3 de la présente loi qui était en vigueur avant le 1 er août 2011. ». En l’espèce, il est constant que les décisions déférées ont trait à l’approbation du plan d'aménagement général de …. Il est encore constant en cause que le conseil communal a émis son vote positif au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 en date du 13 septembre 2013, de sorte que la saisine de la commission d’aménagement en application de l’article 11 de la même loi s’est a fortiori opérée après la date butoir du 1er août 2011, fixée par l’article 108ter de la loi du 19 juillet 2004. Il s’ensuit que la procédure d’adoption du plan d'aménagement général de … tombe sous l’application de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version telle que modifiée par la loi du 30 juillet 2013.
• Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant statué sur la réclamation introduite par le demandeur, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit par les demandeurs. Ledit recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
• Quant au fond Le demandeur soulève deux moyens, ayant trait à la légalité externe des décisions déférées, qu’il y a lieu d’analyser avant le bien-fondé desdites décisions et dans l’ordre qui s’impose dans le souci d’une bonne administration de la justice et compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent.
Ainsi, il conclut d’abord à une motivation insuffisante des décisions déférées pour invoquer ensuite une violation des articles 7 et 9 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, désignée ci-
après par « la loi du 22 mai 2008 » et des articles 6 et 7 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, désignée ci-après par « la loi du 25 novembre 2005 ».
- Quant au moyen tiré d’une violation des articles 7 et 9 de la loi du 22 mai 2008 et des articles 6 et 7 de la loi du 25 novembre 2005 Le demandeur fait valoir que l’article 7 de la loi du 22 mai 2008 imposerait que le rapport sur les incidences environnementales soit mis à la disposition du public avant que le plan ou programme, en l’occurrence le plan d'aménagement général, ne soit adopté ou soumis à la procédure législative ou réglementaire. L’article 9 de la même loi confirmerait les dispositions de l’article 7 en prévoyant que les observations et suggestions exprimées par le public en vertu de l’article 7, par rapport à l’étude environnementale seraient prises en considération notamment pendant l’élaboration du plan d'aménagement général. La même obligation serait imposée par les articles 6 et 7 de la loi du 25 novembre 2005. Le demandeur se réfère encore à un arrêt de la Cour administrative du 30 juillet 2011, inscrit au numéro 28076C du rôle, ainsi qu’à un arrêt de la Cour administrative du 10 mai 2012, inscrit sous le numéro 29598C et 29618C du rôle1, selon lesquels, le public ne devrait pas seulement être informé et mis en mesure de participer à la procédure d’élaboration du plan ou programme, après le vote provisoire du plan d'aménagement général, mais bien avant ledit vote.
Le demandeur soutient qu’en l’espèce le plan d'aménagement général aurait déjà été figé au moment de l’enquête publique, de sorte qu’il n’aurait pas pu faire utilement valoir ses réclamations à un stade où les options d’aménagement n’auraient pas encore été figées.
L’administration communale de … soutient que la loi du 22 mai 2008 n’opérerait pas de distinction temporelle en ce qui concerne l’étude environnementale et le plan ou le programme, en l’occurrence le projet d'aménagement général. En effet, l’étude environnementale et le projet d'aménagement général suivraient la même procédure d’élaboration et seraient à mettre simultanément à disposition du public. L’administration communale de … ajoute que la loi du 22 mai 2008 ne prévoirait aucune disposition rendant obligatoire la publication de l’étude environnementale avant la délibération du conseil communal prévue à l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004. Selon l’administration communale de … la loi du 22 mai 2008 opérerait une distinction entre le projet d’aménagement et le plan d'aménagement général. Le projet d’aménagement n’existerait qu’à partir du vote provisoire par le conseil communal et ce ne serait qu’à partir de ce moment qu’il serait à mettre à disposition du public, ensemble avec l’étude environnementale. Quant aux arrêts de la Cour administrative auxquels s’est référé le demandeur, l’administration communale de … fait valoir que l’adoption d’un plan d'aménagement général en violation des dispositions relatives à la publication à un stade précoce de l’étude environnementale ne saurait être suivie de l’annulation que dans l’hypothèse où la partie qui se prévaut de la violation ferait valoir des éléments qui auraient pu et dû être pris en considération à un stade précoce de la procédure et qui auraient été de nature à influer sur le contenu du plan à élaborer. L’administration communale de … conclut qu’à défaut par le demandeur de faire valoir des arguments justifiant une intégration dans le périmètre d’agglomération de ses terrains plutôt qu’une exclusion, il ne pourrait plus se prévaloir des dispositions de la loi du 22 mai 2008.
Enfin, l’administration communale de … ajoute qu’elle aurait fait publier en date du 16 septembre 2013 une annonce dans les journaux informant le public du fait que le rapport sur les incidences environnementales pourrait être consulté par le public à partir du 17 septembre 2013 jusqu’au 16 octobre 2013.
Quant à la violation alléguée des dispositions de la loi du 22 mai 2008 et de la loi du 25 novembre 2005, la partie étatique se rallie, dans son mémoire en réponse, à l’argumentaire développé par l’administration communale de ….
Le demandeur insiste dans son mémoire en réplique sur le fait que la loi du 22 mai 2008 imposerait une consultation du public dès le stade de l’élaboration du projet de plan, c’est-à-dire à un moment où toutes les options seraient encore possibles et non point au stade de la procédure d’approbation du projet de plan. Il argumente qu’en ce qui concerne le plan d'aménagement général de …, la procédure d’approbation du nouveau plan d'aménagement 1 Cour adm. 30 juin 2011, n° 28076C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Urbanisme, n°57 et autre référence y citée.
général aurait été entamée par le vote du conseil communal en date du 13 septembre 2013 en application de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, or, à cette date, il n’aurait pas eu connaissance de l’étude environnementale. Il ajoute qu’en l’absence d’indication claire de la motivation gisant à la base du classement de son terrain, il semblerait que des motifs environnementaux auraient justifié le classement en zone verte de sa parcelle. Le demandeur réfute encore l’argument de l’administration communale de … suivant lequel l’enquête publique relative à l’étude environnementale pourrait être menée de manière concomitante avec celle relative au plan d'aménagement général, au motif que les durées légales prévues pour les deux enquêtes différeraient et seraient de 30 respectivement de 45 jours.
Dans le cadre de son mémoire en duplique, l’administration communale de … conteste, en substance, l’argumentaire du demandeur en insistant sur le fait qu’il ne mettrait pas en cause les conclusions même de l’étude environnementale, mais se limiterait à invoquer une prétendue irrégularité d’ordre procédural afin de demander l’annulation des décisions attaquées.
Aux termes de l’article 2 de la loi du 22 mai 2008 : « 1. Les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 sont soumis préalablement à leur adoption à une évaluation environnementale.
2. Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes:
a) qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en oeuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive modifiée 85/337/CEE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement pourra être autorisée à l’avenir, ou b) pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.
3. Les plans et programmes visés au paragraphe 2 qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local et des modifications mineures des plans et programmes visés au paragraphe 2 ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque l’autorité responsable du plan ou programme estime, le ministre entendu en son avis, qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. (…) 6. Dans les cas visés aux paragraphes 3 et 4, il est procédé à un examen au cas par cas, conformément aux critères pertinents fixés à l’article 3 de la présente loi.
7. Les conclusions prises en vertu du paragraphe 6, y compris les raisons de ne pas réaliser une évaluation environnementale conformément aux articles 4 à 10, font l’objet d’une publicité sur support électronique ainsi que d’une publication par extrait dans au moins quatre quotidiens imprimés et publiés au Luxembourg. (…) ».
L’article 2 de la loi du 22 mai 2008 impose dès lors en premier lieu le principe de l’obligation de l’élaboration d’une étude environnementale préalablement à l’adoption d’un plan ou programme concernant notamment l’aménagement du territoire urbain ou rural à l’exception de certaines hypothèses déterminées dans lesquelles il n’est pas obligatoire d’élaborer une étude environnementale.
Tant les résultats de l’étude environnementale que les raisons de ne pas procéder à une telle étude doivent être mis à disposition du public. Ainsi, l’article 7.1 de la loi du 22 mai 2008 dispose qu’ « Avant que le plan ou programme ne soit adopté ou ne soit soumis à la procédure législative ou réglementaire, le projet de plan ou de programme et le rapport sur les incidences environnementales sont mis à la disposition du public. L’objet, un résumé du projet de plan ou programme ainsi qu’un résumé non technique du rapport sur les incidences environnementales sont publiés sur support informatique. ».
Cette obligation de publication s’inscrit dans le souci du législateur de faire participer le public à l’élaboration des plans en matière d’aménagement communal. Afin que cette participation soit utile, il faut nécessairement que l’information du public se fasse à un stade précoce de la procédure d’élaboration de ces plans, c’est-à-dire à un moment où toutes les options sont encore possibles et ainsi, forcément avant l’adoption desdits plans2. D’ailleurs, l’obligation d’informer le public préalablement à l’adoption des plans et programmes est également consacrée par les dispositions de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, faite à Aarhus (Danemark), le 25 juin 1998, en abrégé « la Convention d’Aarhus », approuvée par une loi du 31 juillet 2005. En effet, l'alinéa 4 de l'article 6 de la Convention d’Aarhus exige clairement que « la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence. ». Ainsi, l’article 2.1 de la loi du 22 mai 2008 impose que l’étude environnementale soit effectuée préalablement à l’adoption du plan d’aménagement communal et l’article 7.1 de la même loi prévoit une consultation du public concernant tant le projet du plan d’aménagement communal que les résultats de l’étude environnementale, avant que ledit plan ne soit adopté ou ne soit soumis à la procédure législative ou réglementaire.
En l’espèce, force est de prime abord au tribunal de constater que l’étude environnementale élaborée par un bureau d’études à l’initiative des autorités communales de … dans le cadre de la procédure d’élaboration du projet d’aménagement communal, intitulée « Strategische Umweltprüfung (SUP) Teil 2 Umweltbericht », à laquelle se réfère le conseil communal dans la décision déférée du 29 mars 2014, date de juin/juillet 2013. Dès lors l’étude environnementale a été réalisée bien avant que la procédure d’élaboration du projet d'aménagement général de la commune de … ne soit entamée. Cependant, il ne ressort d’aucun élément du dossier que ladite étude environnementale ait été soumise au public avant la saisine de conseil communal de … du projet d’aménagement général en date du 13 septembre 2013. En revanche, il ressort d’un avis au public, affiché par l’administration communale de … du 17 septembre 2013 au 16 octobre 2013 et figurant au dossier administratif soumis au tribunal, que suite à la séance du 13 septembre 2013 lors de laquelle le conseil communal de … a été saisi du projet d’aménagement général, ledit projet, ainsi que l’étude environnementale ont été déposés pour consultation par le public au secrétariat communal de … pour la période du 17 septembre 2013 au 16 octobre 2013.
Toujours est-il qu’une publication concomitante de l’étude environnementale avec le projet d’aménagement général, n’est pas conforme aux articles 2 et 7 de la loi du 22 mai 2008, 2 v. en ce sens : Cour adm. 30 juin 2011, n° 28076C du rôle précité étant donné que par le vote du conseil communal au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, le conseil communal s’est d’ores et déjà provisoirement fixé sur la version du projet d’aménagement général telle qu’élaborée par le collège des bourgmestre et échevins et qu’à ce stade certaines options ont donc déjà été retenues3, de sorte que le public a été privé de la possibilité de participer à l’élaboration du projet d’aménagement à un moment où toutes les possibilités étaient encore ouvertes, mais n’a pu intervenir qu’à un stade où certaines options ont déjà été prises.
Il est certes vrai qu’au plan d'aménagement général analysé par la Cour administrative dans son arrêt précité du 30 juin 2011 s’appliquait la version de la loi du 19 juillet 2004 antérieure aux lois modificatives du 28 juillet 2011 et du 30 juillet 2013. Selon les dispositions de cette version de la loi du 19 juillet 2004, la commission d’aménagement était appelée à émettre son avis avant le vote provisoire du conseil communal, de sorte que le conseil communal se prononçait par son vote en connaissance de l’avis de la commission d’aménagement. En revanche, en vertu de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version telle qu’applicable en l’espèce, l’avis de la commission d’aménagement n’intervient qu’après le vote du conseil communal au sens de l’article 10 de la même loi, de sorte que des modifications sont susceptibles d’être apportées au projet d’aménagement général ultérieurement au vote du conseil communal et suite à l’avis de la commission d’aménagement. Il n’en reste pas moins que lors du vote au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version applicable en l’espèce, le conseil communal s’exprime sur un projet d’aménagement général élaboré dans son intégralité et sur base d’une étude préparatoire, ainsi que, le cas échéant, sur base d’une étude environnementale, par le collège des bourgmestre et échevins, de sorte qu’il est indéniable que certaines options ont d’ores et déjà été retenues avant même que le public n’ait eu connaissance de l’élaboration d’un projet d’aménagement général et a fortiori avant qu’il n’ait eu la possibilité d’y participer. Il échet partant de conclure que sous l’empire de la version de la loi du 19 juillet 2004, telle qu’applicable en l’espèce, une publication concomitante de l’étude environnementale avec le projet d’aménagement général, reste non conforme aux articles 2 et 7 de la loi du 22 mai 2008.
Toutefois, la Cour administrative a retenu dans son arrêt précité du 30 juin 2011 que :
« L'obligation d'information telle que consacrée par la Convention d'Aarhus poursuit l'objectif de permettre au public et, en particulier, aux personnes concernées, de faire valoir leurs arguments et suggestions relatifs à des considérations environnementales à un stade précoce afin qu'ils puissent être pleinement pris en considération dès l'élaboration des premiers projets de plans et programmes. Dans cette optique, [l’adoption] des décisions prises en violation de ces règles ne saurait entraîner leur annulation qu'au cas où celui qui s'en prévaut peut faire état d'éléments qui auraient pu et dû être pris en considération à un stade précoce de la procédure et qui auraient été de nature à influer sur le contenu des plans et programmes à élaborer. (…) ». En effet, l’annulation ne saurait constituer une fin en soi, mais ne doit intervenir que lorsque le contenu de la nouvelle décision à intervenir à la suite de l'annulation est susceptible de différer de celui de la décision annulée.
En l’espèce, les arguments avancés par le demandeur sont pourtant d’ordre urbanistique et technique, en ce qu’ils concernent essentiellement la possibilité d’urbanisation d’un terrain situé en zone humide. Le demandeur ne conteste pas les conclusions en elles-
mêmes de l’étude environnementale auxquelles le conseil communal et le ministre se sont 3 v. en ce sens : Cour adm. 30 juin 2011, n° 28076C du rôle précité référés. En effet, il ne remet pas en cause le fait que sa parcelle est un terrain humide, occupé majoritairement par un bassin de rétention destiné aux eaux superficielles provenant des fossés ouverts en amont et à proximité immédiate du terrain. Outre des affirmations générales et abstraites, selon lesquelles son terrain ne serait pas inconstructible malgré l’humidité, le demandeur n’avance aucun élément concret, tel que par exemple l’avis d’un expert, afin d’établir que des mesures destinées à assécher son terrain seraient envisageables. Il ne fait, par ailleurs, valoir aucune considération d’ordre environnemental qui aurait pu influer sur le vote du conseil communal et qu’il aurait invoquée à l’encontre de l’étude environnementale, si cette dernière avait été publiée préalablement à l’élaboration du projet d’aménagement général. Il s’ensuit que le demandeur ne fait état d’aucun élément qui aurait pu et dû être pris en considération à un stade précoce de la procédure d’élaboration du projet d’aménagement général et plus précisément, antérieurement au vote du conseil communal, et qui aurait été susceptible d’influer sur le contenu du projet.
Au-delà des considérations qui précèdent, le tribunal est encore amené à constater qu’il est constant en l’espèce que le demandeur, qui se plaint de ne pas avoir été informé en temps utile de l’existence de l’étude environnementale et qui reproche au conseil communal ainsi qu’au ministre de s’être basés sur ladite étude pour procéder au classement de son terrain, n’a pas introduit de recours contentieux séparé contre ladite étude, alors même que la loi du 22 mai 2008 ouvre expressément un recours en annulation, notamment contre une étude environnementale effectuée dans le contexte de l’élaboration d’un plan d’aménagement général.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen tiré d’une violation des articles 7 et 9 de la loi du 22 mai 2008 et des articles 6 et 7 de la loi du 25 novembre 2005 pour ne pas être fondé.
- Quant au moyen tiré d’une motivation insuffisante des décisions communale et ministérielle déférées Concernant le reproche d’une indication insuffisante de la motivation à la base des décisions déférées, le tribunal est amené à préciser que tout acte administratif à caractère réglementaire doit se baser sur des motifs légaux. Le juge administratif, saisi d’un recours en annulation dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire, doit être mis en mesure de vérifier l’existence des motifs légaux à sa base. Cette existence doit dès lors être documentée pour le moins au moment où le tribunal est amené à statuer4. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir. Enfin, cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision5.
En l’espèce, il se dégage du contenu même des décisions litigieuses énonçant leur base légale en se référant notamment à la loi du 19 juillet 2004 et en prenant position en détail et individuellement sur chaque réclamation introduite auprès du collège des bourgmestre et 4 cf. trib. adm. 21 février 2000, n° 11434 du rôle, confirmé sur ce point par arrêt du 17 octobre 2000, n° 11904C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes réglementaires, n° 21 et autres références y citées.
5 cf. trib. adm. 9 juin 2004, n° 11415a du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes réglementaires, n° 24 et autres références y citées.
échevins et du ministre, ainsi que des développements complémentaires contenus dans les mémoires de la partie étatique et de l’administration communale de … que les actes réglementaires litigieux sont amplement motivés par des motifs ayant existé au jour où ils ont été pris. Ainsi, indépendamment du bien-fondé des décisions déférées, le moyen tiré d’une indication insuffisante de la motivation à la base des décisions déférées est à rejeter pour ne pas être fondé.
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Quant au moyen tiré d’une motivation inexacte des décisions communale et ministérielle déférées Les parties sont en désaccord sur la question de savoir si le territoire de la commune de … était régi par un plan d'aménagement général approuvé avant l’adoption du plan d'aménagement général litigieux. Ainsi, le demandeur expose que sa parcelle aurait été classée en tant que terrain à bâtir dans une zone d’habitation à faible densité. Or, tout reclassement d’un terrain d’une zone constructible en zone non constructible serait subordonné à une obligation de fournir des motifs précis et circonstanciés à la base de ce reclassement. L’administration communale de … et la partie étatique, de leur côté, soutiennent par contre que la commune de … n’aurait jamais disposé d’un plan d'aménagement général valablement approuvé et que partant l’ensemble de son territoire serait à considérer comme ayant été classé en zone verte avant l’adoption du plan d'aménagement général sous analyse.
Avant d’aborder la question du bien-fondé des décisions déférées il y a partant lieu d’analyser la question de savoir si la commune de … disposait d’un plan d'aménagement général valablement approuvé, préalablement à l’adoption du plan d'aménagement général litigieux.
A cet égard, il est constant en cause, pour ne pas être contesté par les parties, qu’un premier plan d'aménagement général élaboré sur base de la loi entretemps abrogée du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes, approuvé provisoirement le 25 novembre 1986, puis définitivement le 2 décembre 1988 par le conseil communal de … a été approuvé partiellement par le ministre de l’Intérieur en date du 27 novembre 1989. Ladite décision ministérielle du 27 novembre 1989 a été annulée par un jugement du Conseil d’Etat, Comité du Contentieux du 18 mars 1992.
Par ailleurs, un second projet d'aménagement général élaboré, également sur base de la loi précitée du 12 juin 1937, a été provisoirement approuvé par décision du 16 octobre 1997 et définitivement approuvé par décision du 8 janvier 1999 du conseil communal de …. Par décision du 10 janvier 2004, versée en cause par le délégué du gouvernement, le ministre de l’Intérieur a refusé d’approuver la décision précitée du conseil communal du 8 janvier 1999.
Force est dès lors au tribunal de constater qu’avant l’entrée en vigueur du plan d'aménagement général sous examen, la commune de … n’a pas disposé d’un plan d'aménagement général valablement approuvé par l’autorité de tutelle, mais que, le cas échéant, seuls les effets négatifs du projet d’aménagement général tel que provisoirement approuvé par le conseil communal le 16 octobre 1997 ont persisté jusqu’à la décision du ministre de l’Intérieur du 10 janvier 2004, portant refus d’approuver le vote définitif du conseil communal6, de sorte que tout morcellement des terrains, toutes construction ou réparation confortative, ainsi que tous travaux généralement quelconques, en tant que ces morcellements, constructions, réparations ou travaux seraient contraires aux dispositions du 6 V. à ce sujet : trib. adm. 2 février 2000 n°10929 à 10931 du rôle conf. sur ce point par Cour adm. 16 novembre 2000, n° 11878C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Tutelle administrative, n° 14 et autres références y citées.
plan étaient interdits pendant cette période.
En ce qui concerne le classement des parcelles situées sur le territoire de la commune de … en zone verte ou en zone urbanisée, le tribunal ne saurait pas suivre le raisonnement de l’administration communale de … et de la partie étatique, suivant lequel le territoire de la commune de … aurait entièrement été situé en zone verte avant l’adoption du plan d'aménagement général sous examen, en application de l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004.
En effet, ledit article 5 disposant que : « (…) Dans les communes régies par un plan ou un projet d’aménagement général couvrant l’ensemble de leur territoire, toute construction, incorporée au sol ou non, n’est autorisée que dans les zones affectées a l’habitation, a l’exploitation de commerces, a l’implantation d’industries, aux installations et constructions sportives et assimilées, ainsi qu’à d’autres destinations nécessitant en ordre principal des constructions immobilières sur la totalité de l’aire concernée.
Dans les parties du territoire de ces communes situées en dehors des zones définies à l’alinéa qui précède, parties dénommées « zone verte » dans la présente loi, seules peuvent être érigées des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique. Les constructions restent cependant soumises à l’autorisation du Ministre. (…) », ne s’applique de manière explicite aux seules communes régies par un plan ou un projet d’aménagement général. Or, tel que le tribunal vient de le retenir, le territoire de la commune de … n’a jamais été régi par un plan d'aménagement général valablement approuvé, de sorte que l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004 ne s’y applique pas.
A titre superfétatoire il convient d’ajouter que l’article 3 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ne permet pas non plus de déterminer si les parcelles de la commune de … ont été classées en zone verte ou en zone urbanisée. En effet, d’une part ladite loi a été abrogée par la loi du 19 janvier 2004 et, d’autre part, alors même qu’elle ne se réfère pas uniquement aux communes dont le territoire est régi par un plan d'aménagement général mais aussi à celles ne disposant pas d’un plan d'aménagement général, elle se limite à fixer en son article 2, aux termes duquel : « (…) Dans les communes ne disposant pas d´un projet ou plan d´aménagement conformément à l´alinéa 1er, l´implantation de toute construction n´est autorisée que dans la mesure où l´aire qu´elle occupe englobe le centre d´un cercle d´un rayon de cent mètres à l´intérieur duquel sont sises au moins cinq habitations occupées d´une façon permanente. En dehors de ce cercle, seules les constructions définies à l´alinéa 2 ainsi qu´à l´article 3 peuvent être érigées avec l´autorisation du Ministre. (…) », une règlementation relative aux autorisations de construction dans lesdites communes, en restant muette sur le classement - en zone verte ou en zone urbanisée - des parcelles situées sur le territoire d’une commune ne disposant pas d’un plan d'aménagement général.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’absence de toute règlementation relative au classement - en zone verte ou en zone urbanisée - des parcelles situées sur le territoire d’une commune ne disposant pas d’un plan d'aménagement général, les parcelles situées sur le territoire de la commune de … n’étaient ni classées en zone verte, ni classées en zone urbanisée, mais ne correspondaient à aucun classement. L’ensemble de l’argumentaire des demandeurs basée sur l’hypothèse que les décisions déférées auraient de manière illégale procédé au reclassement de leurs parcelles d’une zone urbanisée en zone non constructible est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Eu égard aux considérations qui précèdent, il appartient à ce stade au tribunal d’examiner les moyens du demandeur quant au classement litigieux des terrains concernés en se basant sur la prémisse que lesdits terrains ne faisaient préalablement l’objet d’aucun classement.
Quant au bien-fondé des décisions déférées, le demandeur reproche au conseil communal ainsi qu’au ministre de se retrancher derrière les conclusions de l’étude environnementale pour affirmer que son terrain serait situé en zone humide. Il estime que cette circonstance ne serait pas suffisante pour conclure que son terrain devrait être classé en zone agricole. Il reproche encore au conseil communal d’avoir retenu que les eaux ne pourraient pas être évacuées de manière souterraine par une canalisation, sans pour autant avoir étayé cette affirmation par un élément technique probant. Il ajoute que son terrain ne serait pas classé en zone protégée nationale ou européenne et qu’il ne figurerait pas au cadastre des biotopes, de sorte qu’il ne serait pas justifié de le classer en zone verte. Au contraire, il serait envisageable de le classer en zone d’habitation 1, superposée d’une servitude urbanisation. Le demandeur argumente, par ailleurs, que même les terrains situés en zone inondable pourraient être urbanisés aux fins de combler une lacune dans le tissu urbain, selon les articles 38 et 39 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau. Or, en l’espèce, le classement du terrain du demandeur en zone agricole aurait pour effet de créer une lacune dans le tissu urbain. Le demandeur fait encore valoir que lors d’une réunion avec un agent du ministère du Développement durable et des Infrastructures, département de l’Environnement, en date du 15 mai 2014 il aurait été affirmé que l’étude environnementale n’aurait pas été assez détaillée et approfondie pour déterminer si le terrain était vraiment inconstructible. Le demandeur conclut que le classement de son terrain en zone agricole serait incompatible avec les objectifs d’un aménagement communal cohérent et qu’il irait à l’encontre du principe d’utilisation rationnel du sol, tel que prescrit par l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
L’administration communale de … répond que la raison du classement du terrain en zone agricole serait que le terrain présente une humidité importante, du fait de la présence d’un domaine à source existant au-dessus de la parcelle en question. Ainsi, la présence de fossés servant à l’écoulement des eaux, ainsi que la présence du bassin de rétention destiné auxdits eaux expliquerait que le terrain n’aurait pas pu être intégré dans le périmètre constructible. Lors de la réunion du 15 mai 2014 au ministère du Développement durable et des Infrastructures, département de l’Environnement il aurait été précisé qu’une éventuelle intégration du terrain dans la zone constructible serait subordonnée à une proposition du demandeur quant à l’évacuation des eaux excluant tout préjudice aux immeubles voisins.
L’administration communale de … souligne encore que la parcelle appartenant au demandeur serait renseignée dans les fichiers du cadastre comme « étang ». En se référant à l’étude environnementale, l’administration communale de … fait encore valoir qu’une intégration de la parcelle dans le périmètre constructible aurait de lourdes conséquences au niveau environnemental. Enfin, la lacune dans le tissu urbain, laissée par la parcelle du demandeur serait de faible importance.
Le délégué du gouvernement affirme dans son mémoire en réponse que la parcelle du demandeur serait frappée d’humidité et qu’un bassin de rétention en occuperait la majeure partie. Il explique que des flux d’eau provenant d’une source située sur le talus au lieu-dit « Korten-Hecken » s’écouleraient à proximité de la parcelle du demandeur et la traverseraient même à certains endroits. Il fait encore valoir que les autorités communales auraient souhaité maintenir les conditions actuelles d’écoulement des eaux. Enfin, il se réfère à l’étude environnementale pour préciser qu’une intégration dans le périmètre d’agglomération pourrait perturber l’équilibre au niveau de l’écoulement des eaux dans le domaine concerné.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur estime que la commune resterait en défaut d’expliquer l’affirmation selon laquelle les conditions actuelles d’écoulement des eaux de surface seraient à maintenir et selon laquelle les eaux ne pourraient pas être évacuées de manière souterraine par une canalisation. Il reproche à la commune de se contredire en affirmant qu’une construction sur la parcelle litigieuse ne serait pas envisageable pour ensuite indiquer qu’une intégration dans le périmètre de construction serait subordonnée à une proposition du demandeur quant à l’évacuation des eaux. Il soutient, par ailleurs, que l’étude environnementale ne serait pas suffisamment précise pour conclure qu’une urbanisation serait possible ou non. En fin de compte, aucune autorité et aucun expert ne pourrait conclure à l’impossibilité technique ou légale d’ériger une construction sur le terrain du demandeur.
Dans le cadre de son mémoire en duplique, après avoir argumenté en substance que la commune aurait pris la décision de classement concernant le terrain du demandeur en considération d’éléments objectifs, parfaitement vérifiables, l’administration communale de … fait valoir que la solution proposée par le demandeur et tendant à intégrer la parcelle dans le périmètre d’agglomération en l’assortissant d’une servitude d’urbanisation ne pourrait pas être réalisée, étant donné qu’en raison de la particularité du terrain, elle aurait été obligée d’imposer des contraintes d’une telle importance que le demandeur aurait été privé de la jouissance de son terrain et qu’il n’aurait pas manqué de l’assigner en justice A titre liminaire, le tribunal est amené à constater qu’en l’espèce, la parcelle du demandeur inscrite au cadastre de la commune de …, section C, sous le numéro 305/3184 et sise dans la rue de l’Our était classée en zone verte, dans la mesure où, tel que retenu ci-avant la commune de … ne disposait pas d’un plan d'aménagement général valablement approuvé par l’autorité de tutelle, et que ladite parcelle est désormais classée, d’après le plan d'aménagement général sous examen, en zone agricole.
Quant au bien-fondé de la décision de classer la parcelle du demandeur en zone agricole, il y a lieu de préciser que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute7.
Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est ainsi amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité8.
7 cf. trib. adm. 27 décembre 2007, n° 22243 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 juillet 2008, n° 24055C du rôle, Pas.adm. 2015, V° Urbanisme, n°207 et autres références y citées.
8 En ce sens : trib. adm. 27 décembre 2007, n° 22243 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 juillet 2008, n° 24055C du rôle, Pas.adm. 2015, V° Urbanisme, n°167 et autres références y citées Les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications ou procèdent à l’élaboration d’un plan d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.
En l’espèce, le demandeur reste toutefois en défaut d’établir que le classement du terrain litigieux par le plan d'aménagement général, tel qu’approuvé tant par le conseil communal de … que par le ministre, ne répond pas à des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations de nature à confluer de manière utile avec l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné et comme n’étant pas de nature à tendre à une finalité d’intérêt général.
Concrètement, il y a lieu de constater que les motifs invoqués par le conseil communal relatifs au classement du terrain du demandeur en zone agricole et tiré du fait que ladite parcelle : « représente un terrain humide et est occupée majoritairement par un bassin de rétention destiné aux eaux superficielles provenant des fossés ouverts en amont et à proximité immédiate du terrain (cf. analyse de l’étude environnementale stratégique en annexe). » répondent à des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations de nature à tendre à confluer de manière utile avec l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné et est de nature à tendre à une finalité d’intérêt général.
Plus précisément, il résulte clairement, en l’espèce, de la partie graphique du plan d'aménagement général ainsi que des extraits cadastraux soumis au tribunal que le terrain appartenant au demandeur est un terrain situé en territoire humide. En effet, il ressort sans équivoque de la partie graphique du plan d'aménagement général que la partie Sud-Est du terrain du demandeur est traversée par un fossé, regroupant les eaux d’évacuation en provenance de trois fossés, servant à évacuer les eaux descendant des champs situés en amont, du côté Nord-Ouest, du terrain litigieux. D’ailleurs, au cadastre de la commune de … ledit terrain est inscrit comme « étang ». L’exclusion dudit terrain du périmètre d’agglomération se justifie partant au niveau urbanistique et tend en effet à éviter la réalisation de constructions sur un terrain humide impliquant nécessairement la déviation de l’écoulement des eaux vers d’autres terrains éventuellement d’ores et déjà urbanisés. Dans ce contexte, il y a encore lieu de constater que le demandeur se contente de contester le fait que les eaux ne pourraient pas être évacuées de manière souterraine par une canalisation, et d’affirmer de manière abstraite que son terrain pourrait être urbanisé en le classant en zone d’habitation 1, superposée par une servitude d’urbanisation, sans pour autant prendre position quant à la réalisation concrète d’une telle urbanisation, c’est-à-dire, sans étayer ses propos par des éléments concrets, quant à la possibilité de dévier l’écoulement des eaux et d’assécher son terrain. Il n’apparaît dès lors ni que le classement du terrain de Monsieur … opéré par les autorités communales aurait violé une règle de droit ni qu’il aurait heurté l’intérêt général, de sorte qu’aucune erreur d’appréciation ne peut être reprochée au ministre dans le cadre de sa mission de contrôle des décisions communales portant approbation du plan d'aménagement général de la commune de …. Le moyen afférent du demandeur est partant à rejeter.
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Quant au moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité Le demandeur fait valoir que son terrain aurait été classé en zone agricole, c’est-à-dire en zone où toute construction serait, en principe, prohibée, sans qu’une motivation adéquate à ce reclassement ne lui aurait été indiquée. Il estime qu’un tel reclassement serait contraire au principe de proportionnalité et violerait l’article 16 de la Constitution au motif que la limitation de son droit de propriété serait manifestement excessive et non justifié de manière rationnelle. Il ajoute qu’il serait parfaitement envisageable d’urbaniser sa parcelle tout en veillant à diriger sans dommage les eaux s’écoulant sur le terrain vers l’Our. Enfin, un reclassement d’un terrain en zone verte à cet endroit serait inadmissible, alors que tous les terrains adjacents seraient entièrement urbanisés.
Ni l’administration communale de … ni le délégué du gouvernement n’ont pris position quant à ce moyen dans le cadre de leurs mémoires en réponse respectifs.
Le demandeur ajoute dans son mémoire en réplique que le droit de propriété serait constitutionnellement garanti, mais que l’exercice de ce droit pourrait être limité, notamment pour des raisons d’intérêt public, sous condition toutefois que les charges imposées au propriétaire ne soient pas disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi par de telles mesures. Le demandeur soutient, qu’en l’espèce, le reclassement de son terrain en zone verte serait justifié par des considérations tenant à l’écoulement des eaux sur sa parcelle, alors même que cet écoulement ne s’opposerait pas à une urbanisation de son terrain.
Dans le cadre de son mémoire en duplique, l’administration communale de … réfute toute violation du principe de proportionnalité et argumente que le droit de propriété ne serait pas un droit absolu, mais qu’il pourrait connaître des exceptions si celles-ci sont dans l’intérêt général, ce qui serait le cas en l’espèce.
A titre liminaire, le tribunal rappelle que la commune de … ne disposait pas d’un plan d'aménagement général valablement approuvé par l’autorité de tutelle, préalablement à l’adoption du plan d'aménagement général sous examen. Tel que retenu ci-avant, le territoire de la commune de … est donc à considérer comme ayant été situé en zone verte.
Dès lors, le tribunal constate qu’en raison du classement en zone agricole de la parcelle du demandeur préalablement classé en zone verte, aucun changement dans les attributs de sa propriété ne pourrait être retenu, ni a fortiori un changement substantiel, dans la mesure où le terrain préalablement classé en zone non constructible, c’est-à-dire en zone verte, est classé dans une autre zone, qui est à son tour non constructible. Le moyen du demandeur tiré d’un reclassement en contradiction au principe de proportionnalité en raison d’une violation du droit de propriété peut partant d’ores et déjà être rejeté.
Au-delà de ces considérations, le tribunal précise encore que par un arrêt du 4 octobre 2013, inscrit sous le numéro 101 du registre, la Cour constitutionnelle a retenu par rapport à une question de constitutionnalité dont elle a été saisie dans le cadre d’un recours contentieux dirigé contre l’adoption d’un nouveau plan d’aménagement général ayant notamment classé des parcelles en zone non constructible qui étaient auparavant classées en zone constructible que : « (…) l’article 16 de la Constitution garantit la protection du droit de propriété et prohibe l’expropriation, autrement que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité;
Considérant qu’un changement dans les attributs de la propriété qui est à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels, peut constituer une expropriation;
Considérant qu’en posant en principe que les servitudes résultant d’un plan d’aménagement général n’ouvrent droit à aucune indemnité et qu’en prévoyant des exceptions à ce principe qui ne couvrent pas toutes les hypothèses dans lesquelles la privation de la jouissance du terrain frappé par une telle servitude est hors de proportion avec l’utilité publique à la base de la servitude, l’article 22, en combinaison avec les articles 5, 6, 2 et 8 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, est contraire à l’article 16 de la Constitution;
Considérant que la contrariété de ladite disposition à la Constitution n’entrave en rien le droit des pouvoirs publics d’instaurer des servitudes d’urbanisme dans un but d’utilité publique, laissant intact le principe de la mutabilité des plans d’aménagement général et n’autorisant pas le juge administratif à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible;
Que les propriétaires touchés peuvent en revanche, conformément au droit commun, suivant la situation concrète du cas d’espèce, le cas échéant faire valoir devant le juge judiciaire un droit à indemnisation dépendant, notamment, de la situation du terrain, du caractère contraignant de la servitude et des projets concrets de viabilisation du terrain; ».
Dès lors, la Cour constitutionnelle, bien qu’ayant retenu que l’article 22 de la loi du 19 juillet 2004 en combinaison avec les articles 5, 6, 2 et 8 de la même loi, était contraire à l’article 16 de la Constitution, a consacré le principe de la mutabilité des plans d’aménagement général tout en soulignant que le juge administratif n’était pas autorisé à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible, mais que les propriétaires concernés pouvaient se pourvoir, le cas échéant, devant le juge judiciaire en vue de l’allocation d’une indemnité éventuelle.
Eu égard à la solution ainsi dégagée par la Cour constitutionnelle, le tribunal est amené à retenir que le moyen d’annulation du demandeur tiré d’une violation du principe de proportionnalité et de l’article 16 de la Constitution est à rejeter étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de sanctionner le reclassement d’un terrain d’une zone constructible en zone non constructible et a fortiori non plus le classement d’une parcelle d’une zone non constructible dans une autre zone également non constructible, pour autant, évidemment, que la modification du classement a été effectuée dans un but d’intérêt général. En l’espèce, le tribunal vient de retenir que le classement du terrain du demandeur s’est opéré selon des considérations urbanistiques poursuivant un but d’intérêt général. Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité en raison d’une violation de l’article 16 de la Constitution est à rejeter pour ne pas être fondé.
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Quant au moyen tiré d’une violation des objectifs politiques du programme directeur d’aménagement du territoire du 27 mars 2003 et de l’article 1er de la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire Le demandeur fait valoir que le classement de son terrain en zone agricole, aurait pour effet de créer une lacune dans le tissu urbain (« Baulücke »), ce qui contreviendrait au programme directeur d’aménagement du territoire, arrêté par le gouvernement en conseil par décision du 27 mars 2003, dans la mesure où ledit programme préconiserait l’utilisation en priorité de surfaces libres de construction ainsi que de surfaces où la construction pourrait être densifiée en évitant ainsi des lacunes dans le tissu urbain. Dans le même ordre d’idées, l’article 1er de la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire prévoirait une utilisation rationnelle du sol, objectif qui n’aurait pas été atteint en l’espèce.
L’administration communale de … répond que le programme directeur d’aménagement du territoire, arrêté par le gouvernement en conseil par décision du 27 mars 2003 poserait comme un des objectifs d’aménagement une densification urbaine avec une priorité à donner aux surfaces libres à l’intérieur de la structure urbaine. Cet objectif ne devrait cependant pas être invoqué pour vouloir justifier des effets négatifs sur l’environnement. Ainsi, le seul fait qu’un terrain constitue une lacune dans le tissu urbain, ne pourrait pas entraîner une obligation d’intégrer ce terrain dans la zone d’urbanisation, si une telle urbanisation entraine des conséquences négatives pour l’environnement.
Le délégué du gouvernement fait valoir que conformément à la jurisprudence des juridictions administratives, le programme directeur d’aménagement du territoire, arrêté par le gouvernement en conseil par décision du 27 mars 2003, ne définirait que les orientations générales et les objectifs prioritaires du gouvernement en matière d’aménagement du territoire. Les orientations et directives générales y contenues seraient nécessairement trop vagues pour pouvoir s’appliquer à un cas d’espèce aussi ponctuel que celui sous examen. Le délégué du gouvernement ajoute que les orientations du programme directeur ne pourraient pas être invoquées en vue de justifier le classement en zone urbanisée d’une seule parcelle de taille moyenne alors que celle-ci serait frappée d’une série de contraintes urbanistiques et environnementales tel qu’en l’espèce le terrain du demandeur. Il en serait de même pour les objectifs et moyens contenus à l’article 1er de la loi précitée du 30 juillet 2013.
Le demandeur réplique qu’en vertu de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, le ministre devrait vérifier la conformité et la compatibilité du projet d’aménagement général avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire. Or, en l’espèce, le plan d'aménagement général ne serait pas compatible avec le programme directeur d’aménagement du territoire, arrêté par le gouvernement en conseil par décision du 27 mars 2003.
Aux termes de l’article 18, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004 : « Avant de statuer, le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, avec ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi précitée du 30 juillet 2013 ou se trouvant à l’état de projet soumis à l’avis des communes. ».
L’article 5 de la loi précitée du 30 juillet 2013 figurant au chapitre intitulé :
« Programme directeur d’aménagement du territoire », dispose que : « (1) Le programme directeur d’aménagement du territoire (…) assure l’intégration et la coordination des politiques sectorielles ayant un impact sur l’aménagement du territoire dans le cadre des objectifs prévus à l’article 1er. (…) (2) Le programme directeur arrête les orientations et les objectifs du Gouvernement en ce qui concerne le développement durable du cadre de vie de la population, la valorisation des ressources humaines et naturelles, le développement des activités économiques, ainsi que les mesures à prendre en vue de leur réalisation. ».
L’article 7 de la même loi prévoit ce qui suit : « (1) Dès sa publication au Mémorial, le programme directeur oriente les démarches et les décisions du Gouvernement et des communes. Le plan d’aménagement général et les plans d’aménagement particulier des communes doivent être conformes aux orientations du programme directeur. (…) ».
Enfin, l’article 1er de la loi du 30 juillet 2013 dispose que : « (1) L’aménagement du territoire organise le territoire national et en assure le développement en respectant les particularités et les ressources propres des diverses régions qui le composent. Il a pour objectif d’assurer aux habitants du pays des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de ses régions en valorisant leurs ressources respectives et en maintenant un équilibre structurel et économique entre elles.
(2) L’aménagement du territoire identifie et définit d’une manière prospective les enjeux majeurs de l’organisation et du développement du territoire. Il assure à l’échelle nationale et régionale la coordination de l’action politique et administrative en vue de l’utilisation rationnelle du sol et de l’espace et de la protection des paysages. Il a pour objet de contribuer à la conception des initiatives et de surveiller et de coordonner les mesures destinées:
1. à la valorisation optimale des ressources économiques et humaines;
2. à la gestion responsable de l’environnement, en général, et des ressources naturelles et énergétiques, en particulier;
3. au développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris l’habitat et les réseaux de communication et d’approvisionnement, dans le respect du patrimoine culturel et naturel;
4. à la mise en œuvre de la contribution nationale à la politique transfrontalière et interrégionale et 5. à la protection de la population et des biens contre les risques naturels ainsi que les nuisances environnementales. ».
Il résulte d’une lecture combinée des dispositions qui précèdent que le programme directeur est à considérer comme instrument d’orientation général du développement urbain.
En effet, le programme directeur d'aménagement du territoire, définitivement adopté par le gouvernement en conseil dans sa séance du 27 mars 2003, ne définit que les orientations générales et les objectifs prioritaires du gouvernement en matière d'aménagement du territoire9. Ainsi, les objectifs et les principes dégagés par le programme directeur d’aménagement doivent guider tant les communes que le ministre compétent dans leurs décisions et ils constituent des considérations d'intérêt général urbanistique, sans que pour autant le programme ne revête directement la nature juridique d'un plan d'aménagement. Il en va de même de l’article 1er de la loi du 30 juillet 2013 qui fixe les orientations générales et les objectifs prioritaires de l’organisation et du développement du territoire.
Si dès lors les autorités communales et le ministre sont certes tenu es lors de l’élaboration d’un plan d'aménagement général de s’orienter sur les lignes directrices fixées par l’article 1er de la loi du 30 juillet 2003 et le programme directeur d’aménagement du territoire définitivement adopté par le gouvernement en conseil dans sa séance du 27 mars 2003, il n’en demeure pas moins qu’en ce qui concerne le détail concret des plans d'aménagement général, tel qu’en l’occurrence, le classement d’une seule parcelle humide, les autorités communales et le ministre sont tenus de prendre en compte l’ensemble des considérations urbanistiques et environnementales qui se présentent.
9 trib. adm. 29 août 2007, n° 22392 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Urbanisme, n° 166 Force est dès lors au tribunal de conclure, qu’alors même que le classement en zone agricole du terrain du demandeur crée une lacune dans le tissu urbain, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement avance que les orientations générales définies par le programme directeur d'aménagement du territoire, définitivement adopté par le gouvernement en conseil dans sa séance du 27 mars 2003, ainsi que par l’article 1er de la loi du 30 juillet 2013 ne peuvent pas s’opposer audit classement, en présence d’autres considérations urbanistiques et environnementales devant également être prises en compte. En effet, tel que retenu ci-avant, il est établi en cause que ladite parcelle est humide et sert à l’évacuation des eaux d’écoulement, excluant ainsi toute urbanisation.
Le moyen afférent est partant à son tour à rejeter pour ne pas être fondé.
Aucun autre moyen n’ayant été invoqué par le demandeur, il y a lieu de rejeter le recours en annulation pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
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Quant à l’indemnité de procédure Enfin, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros telle que formulée par le demandeur est à rejeter au vu de l’issue du litige et compte tenu du fait qu’elle omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qu’elle ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie demanderesse.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours en annulation recevable ;
au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros formulée par Monsieur … ;
condamne Monsieur … aux frais ;
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Hélène Steichen, juge et lu à l’audience publique du 9 juin 2016 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juin 2016 Le greffier du tribunal administratif 22