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06/06/2016 | LUXEMBOURG | N°37966

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2016, 37966


Tribunal administratif N° 37966 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2016 1re chambre Audience publique du 6 juin 2016 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37966 du rôle et déposée le 27 mai 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour

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Tribunal administratif N° 37966 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2016 1re chambre Audience publique du 6 juin 2016 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37966 du rôle et déposée le 27 mai 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), de nationalité algérienne, alias …, déclarant être né …, de nationalité indéterminée, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 18 mai 2016 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 juin 2016.

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Il ressort des explications non contestées du délégué du gouvernement qu’après avoir fait l’objet de procès-verbaux de la police grand-ducale du chef de vols avec violence les 1er et 14 septembre 2010, Monsieur …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », fut condamné par une juridiction répressive luxembourgeoise à une peine d’emprisonnement de six mois en date du 6 janvier 2011.

Il se dégage encore des précisions apportées par le délégué du gouvernement qu’après s’être vu notifier un arrêté ministériel du 25 février 2011 portant refus de séjour, Monsieur … introduisit, en date du 5 mai 2011, auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».

Toujours aux termes des renseignements fournis par le délégué du gouvernement, non contestés par Monsieur …, celui-ci fut condamné le 15 décembre 2011 par une juridiction répressive luxembourgeoise à une peine d’emprisonnement de six mois pour vol.

Il ressort du dossier administratif que par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, du 27 février 2013, il fut encore condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans du chef de vols.

Par ailleurs, aux termes des explications non contestées du délégué du gouvernement, la demande de protection internationale de Monsieur … fut rejetée dans le cadre d’une procédure accélérée, au sens de l’article 20 de ladite loi du 5 mai 2006, par décision ministérielle du 11 juillet 2013, le recours contentieux introduit à l’encontre de cette dernière décision ayant été rejeté par un jugement du tribunal administratif du 13 septembre 2013, inscrit sous le numéro 33116 du rôle.

Il se dégage des pièces du dossier administratif, que par arrêté du 12 mai 2014, notifié à l’intéressé le 14 mai 2014, le ministre de l'Immigration et de l'Asile, ci-après désigné par « le ministre », interdit à Monsieur … l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Par arrêté du 12 juin 2014, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, cette mesure ayant, par la suite, été prolongée pour une durée d’un mois par un arrêté ministériel du 10 juillet 2014, notifié à l’intéressé le lendemain.

Par jugement du tribunal administratif du 26 juin 2014, inscrit sous le numéro 34734 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre dudit arrêté de placement en rétention du 12 juin 2014.

Le 24 juillet 2014, le ministre ordonna la libération avec effet immédiat de Monsieur … du Centre de rétention.

En vertu d’arrêtés ministériels des 11 mai, 9 juin et 7 juillet 2015, notifiés à l’intéressé respectivement les 11 mai, 11 juin et 10 juillet 2015, Monsieur … fit à nouveau l’objet d’un placement en rétention jusqu’au 24 juillet 2015.

Par jugement du tribunal administratif du 28 septembre 2015, inscrit sous le numéro 34733 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel susmentionné du 12 mai 2014 portant à son égard interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, Circonscription régionale de Luxembourg, Unité Centre d’intervention Luxembourg Gare, du 20 avril 2016, portant le numéro de référence 51635, qu’à cette dernière date, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle d’identité, lors duquel il ne put présenter de documents d’identité valables.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, sur base des considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal n° 51635 du 20 avril 2016 établi par la Police grand-duclale ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu ma décision de retour du 11 juillet 2013 ;

Vu mon interdiction d’entrée sur le territoire du 12 mai 2014 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Attendu que l’intéressé a été identifié par les autorités algériennes en date du 4 février 2015 ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 20 avril 2016 qui a été rejeté comme étant non fondé par un jugement du 9 mai 2016 du tribunal administratif, inscrit sous le numéro 37854 du rôle.

Par arrêté du 18 mai 2016, notifié à l’intéressé le 20 mai 2016, le ministre ordonna la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, sur base des considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 20 avril 2016, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 20 avril 2016 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 18 mai 2016.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 » institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base de la décision déférée.

En droit, il reproche en substance au ministre d’avoir fait une application erronée, systématique et disproportionnée de la loi du 29 août 2008, en ce que la décision déférée ne permettrait pas son éloignement au motif que les diligences accomplies par le ministre auraient montré leur limite, d’autant plus que les autorités algériennes, respectivement la législation algérienne, refuseraient l’éloignement de ses nationaux par des vols charter.

Le demandeur fait encore valoir que la mesure de placement en rétention litigieuse serait constitutive d’une violation injustifiée de sa liberté de circulation, ainsi que d’une atteinte à « ses droits et libertés fondamentaux garantis par les instruments juridiques, notamment, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme [ci-après désignée par la « CEDH »] et l’article 1er et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. ». A cet égard, il se prévaut d’un jugement du tribunal administratif, dont il n’indique toutefois pas les références, aux termes duquel « […] la privation de la liberté par l’incarcération dans un centre pénitentiaire doit justifier une mesure d’exception à appliquer seulement en cas d’absolue nécessité et il échet d’éviter une telle mesure dans tous les cas où la personne visée par une mesure de placement ne constitue pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et qu’elle peut être retenue et surveillée par le gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle ne se soustraie à son éloignement ultérieur […] ».

Par ailleurs, il conteste, d'une part, que les conditions légales pour la prorogation de son placement au Centre de rétention seraient remplies en l’espèce, et, d'autre part, l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, au motif qu’il aurait une relation stable et intense avec une ressortissante luxembourgeoise. En effet, une autre solution qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence auprès de sa concubine, au sens de l’article 125 (1) de la 29 août 2008, aurait dû être trouvée pour éviter sa privation de liberté.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Le tribunal relève tout d’abord que par l’effet de la décision ministérielle, précitée, du 11 juillet 2013 portant rejet de sa demande de protection internationale, le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour, en vertu de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » étant définie par l’article 2 r) de la même loi comme visant « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». En vertu de l’article 111 (4) a) de la loi du 29 août 2008, une telle décision de retour habilite le ministre à renvoyer la personne concernée à destination du pays dont il a la nationalité, sauf si le statut de réfugié politique lui a été reconnu ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande de protection internationale – hypothèses non vérifiées en l’espèce –, l’article 124 (1) de la même loi autorisant le ministre à prendre des mesures coercitives pour procéder à l’éloignement de la personne faisant l’objet d’une décision de retour.

Par ailleurs, aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] » et de l’article 120 (3) de la même loi : « […] La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire […] ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Quant aux contestations du demandeur portant sur l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal relève que l’article 111 (3) c) de la loi du 29 août 2008 dispose que : « (…) Le risque de fuite est présumé dans les cas suivants:

1. si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34;

2. si l’étranger se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;

3. si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement;

4. si une décision d’expulsion conformément à l’article 116 est prise contre l’étranger;

5. si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage;

6. si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, ou qu’il s’est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125.

Le risque de fuite est apprécié au cas par cas. ».

L’article 34 de la loi du 29 août 2008, auquel l’article 111 (3) c), point 1. de la même loi fait référence, prévoit ce qui suit :

« (1) Pour entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et pour le quitter, le ressortissant de pays tiers doit être muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tels que prévus par les conventions internationales et la réglementation communautaire.

(2) Il a le droit d’entrer sur le territoire et d’y séjourner pour une période allant jusqu’à trois mois sur une période de six mois, s’il remplit les conditions suivantes:

1. être en possession d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis;

(…) 3. ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire;

(…) ».

Dans la mesure où il est constant en cause que le demandeur est dépourvu d’un visa et d’un passeport en cours de validité et qu’il fait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire prise à son encontre le 12 mai 2014, il ne remplit pas les conditions de l’article 34 de la loi du 29 août 2008, plus précisément celles prévues au paragraphe (2), points 1. et 3. de cette disposition légale, de sorte que le risque de fuite est présumé en l’espèce. Dès lors, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait fait une application erronée, systématique et disproportionnée de la loi du 29 août 2008, au motif qu’au vu de sa situation individuelle caractérisée par l’existence d’une relation stable et intense avec une ressortissante luxembourgeoise, le recours à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à résidence, se serait imposé, de sorte que la mesure litigieuse serait inadaptée, le tribunal relève que l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125 (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, le tribunal retient que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenue ci-avant. En effet, il n’a présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose, la simple affirmation selon laquelle il entretiendrait une relation stable et intense avec une ressortissante luxembourgeoise qui serait prête à l’héberger en cas d’assignation à résidence, étant, à défaut d’autres éléments plus concrets prouvant l’existence d’une telle relation, telle que notamment une attestation testimoniale de sa prétendue concubine, insuffisante à cet égard. Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que lesdites mesures moins coercitives ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.

Quant aux développements du demandeur selon lesquels son placement en rétention serait injustifié, disproportionné, et arbitraire, au vu de l’absence de perspective réelle et objective d’éloignement, respectivement de refoulement vers l’Algérie, il y a tout d’abord lieu de rappeler qu’il ressort du jugement du tribunal administratif du 9 mai 2016 précité, que, dans le cadre de la mesure de rétention administrative antérieure à celle actuellement déférée au tribunal, l’autorité ministérielle, confrontée à un problème d’organisation matérielle du vol de rapatriement du demandeur, avait demandé aux autorités algériennes l’autorisation pour l’organisation d’un vol privé vers l’aéroport d’Alger en vue de l’éloignement de plusieurs ressortissants algériens, dont le demandeur, en donnant à considérer que « […] ce vol aura également pour but de prévenir les difficultés qui peuvent survenir lors d’un vol commercial […] ». Une note au dossier administratif du 9 mai 2016 renseigne ce qui suit : « […] Mercredi le 4 mai 2016 j’ai été contacté par Mme … de l’Ambassade d’Algérie à Bruxelles. Cette dernière a voulu se renseigner sur notre note verbale du 3 mai 2016 et avoir plus de précisions quant à notre demande d’autorisation pour l’organisation d’un vol charter. Elle a voulu connaître les raisons de notre demande ainsi que le nombre de personnes ayant été identifiées par son service consulaire. J’ai alors énuméré les nombreuses difficultés que nous rencontrons dans l’organisation d’un éloignement à destination d’Alger comme par exemple le fait de devoir partir de Bruxelles ou le fait de ne pas obtenir de visas pour le service d’escorte. Mme … m’a expliqué lors de notre 1 Trib. adm., 6 mai 2016, n° 37829 du rôle, non encore publié.

entretien que les vols charter ayant pour mission l’éloignement de personnes ne sont pas permis par la législation algérienne, la loi serait très claire à ce sujet. Elle a néanmoins précisé que les autorités belges connaissent les mêmes difficultés que nous et que l’Ambassade cherche à trouver une solution à ces problèmes. […] ». Sur base de ces éléments, le tribunal a retenu que, malgré l’existence des difficultés rencontrées par le ministre pour l’organisation matérielle du transport de ressortissants algériens vers leur pays d’origine, aux fins d’éloignement, l’éloignement du demandeur pouvait a priori être réalisé dans un délai raisonnable, surtout que les autorités algériennes avaient affirmé leur intention de trouver une solution à ces problèmes.

En ce qui concerne les démarches ministérielles entreprises depuis la prorogation de la mesure de placement actuellement litigieuse, il ressort du dossier administratif que celles-

ci s’inscrivent dans la lignée des démarches antérieurement accomplies, dans la mesure où il ressort d’une note au dossier du 26 mai 2016 que l’ambassade algérienne « […] envisagerait de permettre aux autorités luxembourgeoises d’organiser ses missions d’éloignement à partir du Luxembourg, c-est-à-dire effectuer des vols avec transit sans devoir nécessairement partir depuis Bruxelles par vol direct en direction d’Alger. L’Ambassade aurait d’ailleurs déjà pris contact avec la compagnie Air Algérie et attendrait de recevoir des consignes de la part des autorités algériennes à Alger. ».

Bien que la personne soumise à une mesure de rétention ne doit pas pâtir d’un défaut total de collaboration des autorités compétentes du pays d’origine mettant à néant toute perspective d’une exécution de la mesure d’éloignement, il y a lieu de retenir au regard, d’une part, des démarches actuellement accomplies par les autorités luxembourgeoises qui demeurent en attente d’une réponse de la part des autorités algériennes quant à la possibilité d’organiser le rapatriement de ressortissants algériens directement à partir du Luxembourg et, d’autre part, du fait que rien ne semble a priori s’opposer à la délivrance d’un laissez-passer au demandeur, qu’il ne se dégage pas des éléments du dossier que l’éloignement du demandeur ne puisse pas être mené à bien dans un délai raisonnable. Ce constat est encore corroboré par les explications orales du délégué du gouvernement à l’audience des plaidoiries suivant lesquelles, entretemps, la direction de l’Immigration a été invitée à fournir à l’ambassade d’Algérie les coordonnées du prochain vol à destination d’Algérie, suite à quoi la police judiciaire a eu l’instruction d’organiser le plus rapidement possible les prochains vols pour que les coordonnées y relatives puissent être transmises à l’ambassade en vue de la délivrance d’un laissez-passer. La partie étatique a également précisé que l’ambassadeur algérien s’était engagé à fournir les visas nécessaires aux membres de l’escorte, élément qui avait causé problème dans le cas d’un autre ressortissant algérien devant être éloigné.

Etant donné que le placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, tel que le demandeur, en vue d’organiser son éloignement, est expressément prévu par la loi, que le tribunal vient de conclure que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne peuvent pas être efficacement appliquées en l’espèce et que l’intéressé n’a pas établi qu’il n’existerait pas de chances raisonnables de penser que son éloignement puisse être mené à bien, tel que relevé ci-avant, la mesure litigieuse ne saurait être qualifiée ni d’arbitraire, ni de disproportionnée.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle la mesure litigieuse serait constitutive d’une violation injustifiée de sa liberté de circulation, au motif qu’une telle mesure devrait être évitée dans tous les cas – tel que celui de l’espèce – où la personne visée par une mesure de placement ne constituerait pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et qu’elle pourrait être retenue et surveillée par le gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle ne se soustraie à son éloignement ultérieur, le tribunal rappelle en premier lieu qu’il vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a constaté que les mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, telles que visées à l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce. En second lieu, le tribunal relève que l’exigence, invoquée par le demandeur, selon laquelle une mesure de placement en rétention supposerait que la personne en question constitue un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics n’est, sous l’empire de la loi du 29 août 2008, pas une condition légale d’une telle mesure, pareille exigence s’inscrivant dans une jurisprudence ayant trouvé son fondement dans la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers qui a été abrogée par celle du 29 août 2008. Il s’ensuit que l’argumentation en question est à écarter.

Il y a finalement lieu de rejeter le moyen du demandeur tiré d’une violation de l’article 3 de la CEDH, respectivement des articles 1er et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui résulterait de son maintien prolongé au Centre de rétention, étant donné que ce moyen doit être considéré comme ayant été simplement suggéré sans être effectivement soutenu. Le demandeur se limite en effet à invoquer les dispositions légales susmentionnées sans étayer son moyen par des considérations juridiques et factuelles applicables en l’espèce, étant par ailleurs relevé qu’à défaut de précisions fournies à ce sujet par le demandeur, le tribunal ne perçoit pas de risque d’atteinte à la dignité du demandeur, respectivement que ce dernier fasse l’objet d’actes de torture ou de peines ou traitements inhumains et dégradants, en raison de son placement au Centre de rétention dont les conditions légales, tel que retenu ci-avant par le tribunal, sont remplies.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, premier juge, Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, et lu à l’audience publique du 6 juin 2016 par le premier juge en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6.6.2016 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 37966
Date de la décision : 06/06/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-06-06;37966 ?

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