Tribunal administratif N° 36643 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 juillet 2015 2e chambre Audience publique du 6 juin 2016 Recours formé par Monsieur … et consort, … (Brésil) contre une décision et une décision implicite de refus de la Trésorerie de l’Etat – Caisse de Consignation en matière de restitution de sommes consignées
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36643 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2015 par Maître Alex Schmitt, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à … (Brésil), …, tendant à l’annulation, sinon à la réformation, d’une décision du 24 avril 2015 portant la référence … de la Trésorerie de l’Etat - Caisse de Consignation portant refus de libérer des fonds consignés et d’une décision implicite de rejet de la Trésorerie de l’Etat - Caisse de Consignation suite au courrier du 23 avril 2015 de Maître Alex Schmitt, préqualifié ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 octobre 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 5 novembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex Schmit, préqualifié ;
Vu les pièces versées au dossier ainsi que la décision déférée du 24 avril 2016;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alain Grosjean en remplacement de Maître Alex Schmitt assisté de Maître Italo Tanaka Junior ainsi que Madame Betty Sandt en leurs plaidoiries à l’audience publique du 18 janvier 2016.
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Par arrêt du 4 mars 2015 portant le numéro 26196 du registre, la Cour d’Appel décida ce qui suit :
« A l'appui de leur requête en autorisation de saisie-arrêt, les parties saisissantes exposaient quant aux sociétés … et … les faits suivants : … était en charge de la gestion commerciale et industrielle de ces sociétés, tandis que … en avait la gestion financière ; … faisait confiance à la gestion de son frère et ne contrôlait pas les finances des sociétés ;
lorsque l'administration fiscale a réclamé des paiements qu'il croyait effectués depuis longtemps parce que de l'argent était sorti de la société …, … a demandé des comptes à son frère ; des audits ont été effectués et il s'est avéré que … s'est enrichi au détriment de son frère et des différentes sociétés dont ils étaient les copropriétaires ; le juge des référés a nommé un administrateur judiciaire pour administrer conjointement avec … les différentes sociétés, retirant à cet égard tout pouvoir à … ; des affaires civiles et pénales sont en cours au Brésil contre … ; le gouvernement fédéral brésilien a déposé une plainte pour fraude fiscale ; … a notamment assigné son frère et l'épouse de ce dernier devant le tribunal civil de … en récupération des montants distraits des sociétés … et … qui s'élèvent à plus de ….- USD ; pour garantir le paiement des montant détournés, … se propose de saisir les avoirs du compte ouvert auprès de la banque … S.A.
Force est de constater que déjà dans cette requête, la créance alléguée n'était pas circonscrite avec précision (détail des montants détournés, quel montant détourné au préjudice de quelle société, détail des faits reprochés, identification précise des procédures judiciaires en cours au Brésil susceptibles de mener à une condamnation pécuniaire des parties saisies - en lien bien sûr avec la créance invoquée - et détermination du montant auquel ces procédures se rapportent). L'argumentation ultérieure des parties saisissantes qui consiste à faire état d'une plainte pénale diligentée en 2014 contre les parties saisies n'est d'ailleurs guère plus précise.
Au jour de la saisie-arrêt, les parties saisissantes ne disposaient pas d'un titre exécutoire consacrant leur créance et en constatant le caractère certain, liquide et exigible.
Dans une telle hypothèse de demande de validation de saisie-arrêt en l'absence d'un titre exécutoire et lorsque le juge de la saisie-arrêt n'est pas le juge du fond statuant quant à la créance invoquée, le juge saisi de la demande de validation peut surseoir à statuer pour permettre au créancier saisissant de rapporter le titre justificatif de sa créance. C'est précisément ce en quoi a consisté l'arrêt de la Cour d'appel du 21 juillet 2005.
La Cour ne peut que constater que quel que soit l'état des procédures lancées au Brésil, les parties saisissantes restent à l'heure actuelle (c'est-à-dire plus de neuf ans après l'arrêt ayant sursis à statuer) en défaut de verser ledit titre exécutoire, qui lèverait toute ambiguïté quant à la réalité de la créance qui fait l'objet d'énergiques contestations de la part des parties saisies.
Or, l'on ne saurait faire perdurer de manière illimitée l'indisponibilité des avoirs d'une partie saisie, sous peine de compromettre ses intérêts.
Il s'ensuit qu'en l'absence de la preuve d'une créance certaine, liquide et exigible, la mainlevée de la saisie-arrêt est à ordonner.
Par conséquent, l'appel est à rejeter et le jugement entrepris est à confirmer (y compris pour ce qui concerne l'indemnité de procédure accordée aux parties saisies). (…) » Ainsi, elle ordonna la main levée de « la saisie-arrêt pratiquée le 26 juin 1998 par [… et …] entre les mains de la société anonyme … sur les avoirs que celle-ci détenait pour compte de … et de son épouse, …, pour avoir le paiement du montant de … USD que ces derniers auraient prétendument distrait des sociétés … et … (sociétés dont le capital était détenu à raison de 50% par, d’une part, les parties saisissantes et de 50% par, d’autre part, les parties saisies) ».
Elle se référa, entre autres, dans les rétroactes, à l’arrêt de la Cour d’Appel du 30 avril 2014 « qui a autorisé le transfert des fonds faisant l’objet de la saisie-arrêt auprès de la Caisse de Consignation ».
Par courrier électronique du 17 mars 2015, le litismandataire de Monsieur … et de son épouse Madame …, ci-après désignés par « les consorts … », transmit à la Caisse de Consignation un exemplaire de l’arrêt précité de la Cour d’Appel du 4 mars 2015 et l’informa « qu’un éventuel pourvoi en cassation de la partie adverse n’aurait pas d’effet suspensif sur l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel (…) ».
Ce courrier électronique fut suivi de l’envoi par le litismandataire des consorts … d’un autre courrier électronique à la Caisse de Consignation en date du 18 mars 2015 relatif aux modalités de transfert des espèces et des titres détenus par la Caisse de Consignation.
Suite au silence de la Caisse de Consignation, le litismandataire des consorts … invita par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 avril 2015, la Caisse de Consignation « [à] procéde[r] au virement des avoirs litigieux dans la quinzaine ».
En date du 24 avril 2015, la Caisse de consignation répondit par courrier au litismandataire des consorts … en ces termes :
« Nous comprenons parfaitement le désarroi de vos clients devenus impatients par les procédures en cours.
Nous avons également bien pris note de votre message du 17 mars 2015 qu’« en matière civile, sauf disposition contraire, le pourvoi en cassation n'est pas suspensif ».
Or, il appartient à la Caisse de consignation d'effectuer en connaissance de cause une restitution à qui de droit.
Les pièces dont nous disposons à ce jour ne nous permettent pas d'effectuer une analyse approfondie du dossier. De ce fait, nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir, soit par fax soit par message électronique, une copie du jugement du 7 juin 2001, et des arrêts du 21 juillet 2005 et du 7 mars 2012.
Devant en plus prendre en considération les montants en jeu, le caractère international du litige, les procédures au Luxembourg et au Brésil et les différents volets y allégués, que ce soit au niveau civil ou pénal, nous vous prions de bien vouloir nous faire parvenir une pièce certifiant que la décision du 4 mars 2015 n'a pas été frappée d'un pourvoi en cassation. » Par courrier électronique du 27 avril 2015, le litismandataire des consorts … communiqua à la Caisse de Consignation un exemplaire du jugement du 7 juin 2001 ainsi que des arrêts du 21 juillet 2005 et 7 mars 2012. Il rappela que « la Caisse de Consignation dispose[rait] d’un arrêt de la Cour d’appel qui prévoi[rait] clairement la main levée de la saisie. [Il] […] confirm[a] qu’il n’y [aurait] pas eu de recours en cassation à ce jour. [Il] […] rappell[a] que le pourvoi en cassation n’a[urait] pas d’effet suspensif. [Il] pri[a] [la Caisse de Consignation] de bien vouloir exécuter l’ordre de virement dans les meilleurs délais (…) ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2015, le litismandataire des consorts … adressa encore un « recours gracieux » au ministre des Finances.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2015, les consorts … ont fait déposer un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation, de la décision de la Caisse de consignation du 24 avril 2015 ainsi que de la décision implicite de rejet de la Caisse de Consignation suite au silence gardé après l’envoi du courrier de leur litismandataire du 23 avril 2015 ayant pour objet la restitution des fonds consignés.
Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désigné par « la loi du 7 novembre 1996 », dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.
Etant donné qu’aucune disposition de de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat, ci-après « la loi 29 avril 1999 », ni aucune autre disposition légale ne prévoit un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.
Quant à la recevabilité du recours en annulation à l’encontre de la décision de la Caisse de consignation du 24 avril 2015 ainsi que de la décision implicite de rejet de la Caisse de Consignation suite au silence gardé après l’envoi du courrier du litismandataire des consorts … du 23 avril 2015 ayant pour objet la restitution des fonds consignés, le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice.
Or, le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1.
Force est au tribunal de constater qu’il ressort du libellé du courrier de la Caisse de consignation du 24 avril 2015 que cette dernière enjoignit aux demandeurs de lui transmettre des documents additionnels tels que « [la] copie du jugement du 7 juin 2001, et des arrêts du 21 juillet 2005 et du 7 mars 2012 » ainsi qu’« une pièce certifiant que la décision du 4 mars 2015 n'a[urait] pas été frappée d'un pourvoi en cassation. », de sorte qu’il y a lieu de conclure que ledit courrier constituant une simple mesure d’instruction doit nécessairement s’analyser en un acte préparatoire à une décision ayant vocation à intervenir postérieurement, laquelle n’a néanmoins jamais été adoptée.
Or, selon une jurisprudence constante du tribunal de céans, échappent au recours contentieux les actes préparatoires qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d'élaboration de celle-ci23.
1 Trib. adm. 27 octobre 2004 n°17634 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 678 et les autres références y citées.
2 Cour Adm. 22 janvier 1998 n° 9647C, n° 9759C, n° 10080C et n° 10276C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes administratifs n° 51 et les autres décisions y visées.
3 Trib. adm. 6 janvier 1998, n°10138 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Actes administratifs, n° 74 et les autres références y citées.
Ainsi, le recours en annulation dirigé à l’encontre du courrier de la Caisse de consignation du 24 avril 2015 est irrecevable pour ne pas comporter d’élément décisionnel définitif et ce, indépendamment de l’indication des voies de recours dans ledit courrier.
Le recours principal en annulation de droit commun est recevable à l’encontre de la décision implicite de rejet de la Caisse de Consignation suite au silence gardé par l’administration lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il ne soit intervenu aucune décision conformément à l’article 4 de la loi du 7 novembre 1996, délai qui a commencé à courir lors de l’envoi par le litismandataire des demandeurs à la Caisse de Consignation d’un courrier électronique en date du 17 mars 2015, lequel fut envoyé de manière itérative par courrier dudit litismandataire du 23 avril 2015 ayant pour objet la restitution des fonds consignés de sorte que ledit recours a été introduit dans les formes et délai de la loi conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.
Quant au fond, les demandeurs soulèvent, premièrement, un moyen tenant à l’exigence abusive dans le chef de la Caisse de Consignation d’un certificat de non-appel ou de non-opposition pour refuser l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel le 4 mars 2015. Ils font valoir que la Cour d’Appel rendrait des arrêts qui peuvent, le cas échéant, faire l’objet d’un pourvoi en cassation, lequel ne serait, cependant pas suspensif, en matière civile, sauf disposition contraire. Ils rappellent que les arrêts rendus par la Cour d’Appel seraient exécutoires par provision, sans que la décision prise en appel n’ait besoin de le préciser. Ils ajoutent que les exceptions prévues à l’absence d’effet suspensif relèveraient du domaine de l’état des personnes de sorte à être étrangères à l’objet de l’arrêt de la Cour d’Appel du 4 mars 2015. Ils en concluent que la décision déférée devrait être annulée pour violation de la loi ou pour excès de pouvoir.
Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que ce serait à tort que la Caisse de Consignation refuserait la restitution des fonds litigieux au motif qu’elle ne s’estimerait pas en mesure de procéder à « une analyse approfondie du dossier » et en considération du fait qu’il lui faudrait prendre en considération « les montants en jeu, [et] le caractère international du litige ». A cet égard, ils se prévalent d’une jurisprudence aux termes de laquelle le tiers saisi ne pourrait apprécier lui-même la validité d’une saisie attribution pratiquée entre ses mains et selon laquelle la saisie produirait ses effets tant que la juridiction compétente n’en aurait pas prononcé la mainlevée. Or, ils estiment en l’espèce que la main levée de la saisie-arrêt aurait été ordonnée par l’arrêt précité de la Cour d’Appel de sorte à conclure que la restitution des fonds serait justifiée.
La partie étatique rétorque en substance que la Caisse de Consignation ne pourrait restituer les fonds consignés qu’en conformité avec les prescriptions des dispositions des articles 5 et 6 de la loi du 29 avril 1999. Or, elle fait valoir que la Caisse de Consignation aurait seule la charge de la restitution des biens consignés aux ayants droit, ce qui impliquerait que ces derniers soient bien les personnes qui disposent d’un droit, de manière définitive et non de manière provisoire, sur les biens consignés. Elle soutient qu’un arrêt de la Cour d’Appel pourrait toujours être remis en question et être cassé par la Cour de Cassation de sorte qu’une restitution qu’elle estime être, à titre provisoire, ne serait pas envisageable.
Elle se prévaut des montants en jeu, du caractère international du litige et des différentes procédures au Luxembourg et au Brésil pour exiger un certificat de non pourvoi en cassation avant la restitution des biens consignés.
Ensuite, elle réfute l’argumentation des demandeurs selon laquelle l’arrêt de la Cour d’Appel, précité, du 4 mars 2015 aurait autorisé la déconsignation des fonds. Elle fait valoir que l’article 1er de la loi du 29 avril 1999 prévoirait le principe du parallélisme des formes qui exigerait qu’une consignation qui serait intervenue en vertu d’une loi, d’une décision judiciaire ou administrative fasse l’objet du même type d’acte pour libérer les biens consignés. Elle conclut, en l’espèce, que les demandeurs n’excipant d’aucune décision de justice qui prévoirait ni une déconsignation des sommes consignées, ni leur destinataire, ni encore le montant à concurrence duquel elles devraient être libérées, ce serait en conformité avec les dispositions légales applicables que la Caisse de Consignation aurait refusé de faire droit à la demande de restitution litigieuse.
L’article 6 de la loi du 29 avril 1999 dispose ce qui suit : « (1) La restitution des biens consignés aux ayants droit nécessite une décision motivée de la part de la caisse de consignation. En cas de consignation sur base de l’article 1er (1), la restitution intervient suite à l’acte qui l’autorise. En cas de consignation sur base de l’article 1er (2), la restitution intervient sur demande dûment justifiée. (…) ».
L’article 1er (1) auquel il est renvoyé prévoit, quant à lui, ce qui suit : « (1) Tout bien à consigner en vertu d’une loi, d’un règlement, d’une décision judiciaire ou administrative doit être consigné auprès de la caisse de consignation, conformément aux dispositions de la présente loi, nonobstant toutes dispositions légales ou règlementaires antérieures. (…) ».
Ainsi, la restitution des biens consignés se fait à l’égard des ayants droit aux termes d’une décision motivée de la part de la Caisse de Consignation. Si la consignation est intervenue en vertu d’une loi, d’un règlement, d’une décision judiciaire ou administrative, la restitution doit intervenir suite à l’acte qui l’autorise.
En l’espèce, il est constant que la consignation des sommes concernées a été prononcée par l’arrêt de la Cour d’Appel du 30 avril 2014.
En application de l’article 1er (1), précité, de la loi du 29 avril 1999, la restitution des biens consignés doit intervenir suite à l’acte qui l’autorise, à savoir, en l’espèce, une décision judiciaire.
Les parties sont en désaccord en la cause sur la portée des termes de l’arrêt, précité, de la Cour d’Appel du 4 mars 2015, les demandeurs estimant qu’en autorisant la mainlevée de la saisie, la Cour d’Appel aurait « forcément [visé] la remise des fonds aux parties saisies » sous peine de « remettre[…] en cause toutes les décisions de mainlevée de saisies », la Caisse de Consignation étant d’avis contraire.
Il est constant que l’arrêt, précité, de la Cour d’Appel du 4 mars 2015 a décidé « qu’en l’absence de la preuve d’une créance certaine, liquide et exigible, la mainlevée de la saisie-
arrêt est à ordonner ».
Il appartient au tribunal, à ce stade, d’analyser la portée de cet arrêt sur les faits de l’espèce et de se prononcer sur la question de savoir si la mainlevée de la saisie entraîne ipso facto l’obligation pour la Caisse de Consignation de restituer les biens consignés.
Il ressort tant de la doctrine que de la jurisprudence que lorsqu’un jugement annule la saisie et en ordonne la mainlevée, il a logiquement pour conséquence de faire perdre tout effet à la saisie-arrêt et de rendre à nouveau disponibles les avoirs bloqués à partir du moment où ce jugement est exécutoire4.
Il ressort encore de la doctrine qu’hormis les matières de divorce, de déclaration d’absence, d’abandon et d’adoption, le pourvoi en cassation en tant que voie de recours extraordinaire ne produit pas d’effet sur la force exécutoire d’une décision de justice acquise à la suite de la signification de l’expédition. Ainsi, les décisions qui font l’objet d’une telle voie de recours peuvent toujours faire l’objet de mesures d’exécution forcée, bien que ces dernières soient toujours aux risques et périls du créancier qui devra restituer les montants au cas où la décision serait revue en sa défaveur5.
Force est de constater qu’en la cause, à admettre que l’arrêt de la Cour d’Appel, précité, du 4 mars 2015 ait bien fait l’objet d’une signification, ce qui ne ressort pas expressément des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal mais n’est pas pour autant contesté par la partie étatique et eu égard à la force exécutoire qui y est attachée, ledit arrêt emporte ipso facto libération des biens consignés en exécution de la saisie-arrêt dont la mainlevée fut ordonnée Ainsi les conditions de l’article 1er (1), précité, de la loi du 29 avril 1999, selon lesquelles la restitution des biens consignés doit intervenir suite à l’acte qui l’autorise, à savoir, en l’espèce, une décision judiciaire sont remplies en l’espèce.
C’est partant à tort que la Caisse de Consignation se retranche derrière des motifs tenant « [aux] montants en jeu, [au] caractère international du litige et [aux] différentes procédures au Luxembourg et au Brésil » pour exiger un certificat de non pourvoi en cassation avant la restitution des biens consignés, ces conditions étant étrangères à celles posées à l’article 1er (1), précité, de la loi du 29 avril 1999 et ce, d’autant plus que le tribunal a relevé plus en avant que le pourvoi en cassation en tant que voie de recours extraordinaire ne produit pas d’effet sur la force exécutoire d’une décision de justice acquise à la suite de la signification de l’expédition.
Il s’ensuit, qu’en application de l’article 6 de la loi du 29 avril 1999, il appartient à la Cour de Consignation de restituer les biens consignés aux demandeurs sur base d’une décision motivée. Partant, la décision déférée encourt l’annulation.
Force est de constater que la partie demanderesse ne justifie ni la nature ni les motifs de sa demande d’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 euros. Or, une demande d'allocation d'une indemnité de procédure qui omet de spécifier concrètement la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas concrètement en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie gagnante est à rejeter, la simple référence à l'article de loi applicable n’étant pas suffisante à cet égard6.
Par ces motifs, 4 La saisie-arrêt de droit commun, Thierry Hoscheit, Pas. 1994, pp. 66 et 67.
5 Le droit judiciaire privé au Grand-Duché de Luxembourg, Thierry Hoscheit, Editions Paul Bauler 2012, n° 1381 et 1382.
6 voir Cour adm. 1er juillet 1997, n° 9891C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, XIII. Frais-
Indemnité de Procédure-Assistance judiciaire , n°936 et les autres références y citées.
le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;
déclare irrecevable le recours en annulation dirigé à l’encontre de la décision de la Caisse de consignation du 24 avril 2015 ;
reçoit le recours en annulation introduit en ordre principal à l’encontre de la décision implicite de rejet de la Caisse de Consignation suite au silence gardé après l’envoi du courrier du litismandataire des demandeurs du 23 avril 2015 ayant pour objet la restitution des fonds consignés ;
au fond le déclare justifié partant annule la décision implicite de la Caisse de consignation et renvoie le dossier en prosécution de cause à la Caisse de consignation ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure formulée par la partie demanderesse ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Anne Gosset, premier juge, Hélène Steichen, juge, Daniel Weber, juge, et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2016 par le premier juge en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 07 juin 2016 Le greffier du tribunal administratif 8