Tribunal administratif N° 34657 et 37439 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 11 juin 2014 1re chambre resp. le 21 janvier 2016 Audience publique du 6 juin 2016 Recours formé par la société à responsabilité limitée …S.à r.l., … contre des décisions du bourgmestre de la Ville de Diekirch, en matière de permis de construire
JUGEMENT
I.
Vu la requête, inscrite sous le numéro 34657 du rôle et déposée le 11 juin 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …S.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision implicite de refus du bourgmestre de la Ville de Diekirch portant refus de sa demande en obtention d’une autorisation de construire pour un immeuble résidentiel de 16 appartements à Diekirch, …, résultant du silence maintenu par le bourgmestre au-delà de trois mois par rapport à une demande afférente lui adressée le 30 janvier 2014 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 16 juin 2014, portant signification de ladite requête à l’administration communale de la Ville de Diekirch, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à L-9250 Diekrich, 48, rue de l’Industrie ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 juillet 2014 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale de la Ville de Diekirch ;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 novembre 2014 par Maître Alain BINGEN au nom de l’administration communale de la Ville de Diekirch ;
Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 décembre 2014 par Maître Lex THIELEN au nom de la société à responsabilité limitée …S.à r.l. ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 janvier 2015 par Maître Alain BINGEN au nom de l’administration communale de la Ville de Diekirch ;
II.
Vu la requête, inscrite sous le numéro 37439 du rôle et déposée le 21 janvier 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Lex THIELEN, au nom de la société à responsabilité limitée …S.à r.l., préqualifiée, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision de refus du bourgmestre de la Ville de Diekirch du 5 janvier 2016 portant refus de sa demande datée du 6 octobre 2015 sollicitant l’autorisation de construire pour un immeuble résidentiel de 16 appartements à Diekirch, … ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 26 janvier 2016, portant signification de ladite requête à l’administration communale de la Ville de Diekirch, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 février 2016 par Maître Alain BINGEN au nom de l’administration communale de la Ville de Diekirch ;
Vu la requête en abréviation du délai légal pour déposer les mémoires en réponse, en réplique et en duplique, présentée par Maître Maître Lex THIELEN en date du 19 février 2016 ;
Vu l’ordonnance du 2 mars 2016 accordant l’abréviation des délais sollicitée ;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2016 par Maître Alain BINGEN au nom de l’administration communale de la Ville de Diekirch ;
Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 avril 2016 par Maître Lex THIELEN au nom de la société à responsabilité limitée …S.à r.l. ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 mai 2016 par Maître Alain BINGEN au nom de l’administration communale de la Ville de Diekirch ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision explicite déférée;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Cyril CHAPON, en remplacement de Maître Lex THIELEN, et Maître Alain BINGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 mai 2016.
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Au courant de l’année 2011, sans préjudice quant à la date exacte, la société à responsabilité limitée …S.à r.l., ci-après « la société …», adressa par l’intermédiaire de son architecte à la Ville de Diekirch différents plans relatifs à un avant-projet d’immeuble résidentiel à 16 unités (16 appartements) à Diekirch sur les parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Diekirch, section B, au lieu-dit « … », sous les numéros …, d’une contenance totale de 30,07 ares.
Le 29 septembre 2011, le bourgmestre de la Ville de Diekirch, dénommé ci-après « le bourgmestre », s’adressa à la société …pour l’informer de ce qui suit :
« Par la présente, nous vous informons que la commission des bâtisses, en sa séance du 21 septembre 2011 a émis un avis défavorable quant au projet présenté.
La commission est d’avis que le projet ne peut avoir une suite favorable, vu qu’il se trouve dans la « zone inondable et zone de rétention pour le territoire de Diekirch », régis par le règlement grand-ducal du 6 avril 1999. Celui-ci précise dans l’article 2 3) « lacune dans le tissu urbain existant » que la construction est possible sous différentes conditions. La commission est d’avis que celles-ci ne sont pas respectées, même après les démarches entreprises.
Elle propose d’attendre la régularisation de la situation pour le terrain en question avant qu’un nouveau projet peut être présenté (retrait, remplacement du règlement grand-ducal du 6 avril 1999). […] » Par courrier du 28 mars 2012, le mandataire de la société …demanda au bourgmestre « qu’une décision en bonne et due forme soit transmise quant à sa demande d’autorisation de construire, alors qu’elle ne peut accepter un « simple » avis non motivé en réponse à sa demande ». Le 13 juin 2012, il s’adressa une nouvelle fois au bourgmestre en vue d’obtenir une prise de position de la part de ce dernier.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 septembre 2012, inscrite sous le numéro 31415 du rôle, la société …fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la « décision », ainsi qualifiée, du bourgmestre du 29 septembre 2011, précitée, recours dont elle fut déboutée par jugement du 11 novembre 2013, n° 31415 du rôle, le tribunal ayant retenu que le prédit courrier ne constituait pas une décision administrative susceptible de recours.
Par courrier du 28 janvier 2014, la société …s’adressa par l’intermédiaire de son architecte au bourgmestre en vue de solliciter formellement une autorisation préalable de construire pour la construction d’un immeuble résidentiel à 16 unités.
A défaut de réponse fournie par le bourgmestre endéans un délai de trois mois par rapport à cette demande, la société …a fait introduire le 11 juin 2014 un recours, enrôlé sous le n° 34657, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision implicite de refus du bourgmestre de sa demande en obtention d’une autorisation de construire du 28 janvier 2014.
Le règlement grand-ducal du 6 avril 1999 déclarant obligatoire la partie du plan d’aménagement partiel « Zones inondables et zones de rétention » pour les territoires des communes de Bettendorf, Diekirch et Ettelbruck ayant été abrogé en date du 5 février 2015, la société …adressa le 6 octobre 2015 une itérative demande d’autorisation de construire au bourgmestre.
Par courrier du 5 janvier 2016, le bourgmestre refusa à nouveau la demande lui adressée pour les motifs suivants :
« Suite à votre demande d’autorisation de bâtir, je suis au regret de vous informer que votre projet n’est pas conforme au PAG, mis en procédure le 3 octobre 2015, vu que le terrain s’y trouve en zone de verdure. Dans les zones de verdure la construction de bâtiments est interdite ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2016, inscrite sous le numéro 37439 du rôle, la société …a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de cette décision explicite de refus datée du 5 janvier 2016.
Les deux recours déférés au tribunal concernent le même projet immobilier et opposent les mêmes parties, encore qu’ils visent deux décisions distinctes, de sorte qu’il y a lieu dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.
Quant à la recevabilité Quant au recours enrôlé sous le n° 34657 Tel que relevé ci-avant, le recours enrôlé sous le n° 34657 a pour objet le refus implicite opposé par le bourgmestre à une demande en obtention d’une autorisation de construire du 28 janvier 2014, tandis que le rôle n° 37439 vise une décision explicite de refus, datée du 5 janvier 2016, et opposée à une nouvelle demande d’autorisation de bâtir du 6 octobre 2015, introduite au vu d’un changement règlementaire.
En ce qui concerne le recours contre le refus implicite de la demande de l’autorisation de bâtir du 28 janvier 2014, s’il est effectivement incontestable que le bourgmestre n’a pas répondu endéans un délai de trois mois à la demande initiale lui adressée, force est cependant au tribunal de constater que le bourgmestre, saisi postérieurement d’une nouvelle demande, a néanmoins notifié une décision de refus d’une telle autorisation de bâtir en date du 5 janvier 2016.
Or, tel que discuté contradictoirement, une seconde demande qui tend certes aux mêmes fins que la demande antérieure, mais qui se place dans le cadre d’une nouvelle réglementation qui diffère de la réglementation antérieure sur des points essentiels, de sorte à reposer sur des circonstances nouvelles, doit être considérée comme demande distincte, remplaçant par la force des choses la demande antérieure : a fortiori, la nouvelle décision, intervenue après nouvelle instruction du dossier, se substitue à la décision antérieurement prise et le recours contentieux, même introduit antérieurement à la nouvelle décision par rapport à la décision initiale, devient sans objet et partant irrecevable1.
Il résulte de ces considérations que la décision explicite de refus du 5 janvier 2016 se substitue à la décision implicite de refus, qui, à partir de ce moment, n’existe plus, de sorte que le recours en tant qu’il est dirigé contre cette dernière est à déclarer irrecevable.
Quant au recours enrôlé sous le n° 37439 1 Trib. adm 25 septembre 2003, n° 15972, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative, n° 321, et les autres références y citées.
Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en cette matière, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision déférée au tribunal, lequel, à défaut de tout moyen d’irrecevabilité circonstancié, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en réformation, en tout état de cause non prévu par les textes.
Quant au fond, la société …, après avoir rappelé les faits et rétroactes du présent litige, souligne que la décision de refus explicite telle que déférée serait uniquement fondée sur une non-conformité à un plan ou projet d’aménagement général (« PAG ») qui classerait le terrain visé en zone verte, pour ensuite soutenir que l’administration communale ne pourrait pas s’appuyer sur le prédit PAG qui n’aurait pas fait l’objet d’une procédure d’adoption menée jusqu’à son terme, la société …donnant en effet à considérer que la prédite procédure n’en serait pour le moment qu’au stade de l’enquête publique puisqu’une réunion d’information se serait tenue en date du 15 octobre 2015.
Par conséquent, elle fait plaider que l’administration communale ne pourrait prendre de décision que sur base de la législation applicable au moment où elle statue et non pas sur base d’un simple projet de PAG, la société …invoquant encore à cet égard l’article 112 de la Constitution, selon lequel « aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration générale ou communale n’est obligatoire qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi ». Dès lors, elle estime que comme selon le PAG actuellement en vigueur, le terrain à construire concerné serait classé en zone de « Moyenne Densité 1 » et que sa demande répondrait « parfaitement » aux exigences de ce classement, l’unique motif de refus, reposant sur le prétendu non-respect d’une norme de droit en réalité pour le moment inapplicable, devrait être écarté et la décision de refus déférée annulée.
L’administration communale, de son côté, expose que les parcelles cadastrales visées seraient actuellement classées en zone de verdure d’après le projet de PAG de la Ville de Diekirch, projet ayant fait l’objet en date du 24 septembre 2015 d’un vote positif permettant au collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 ». Or, conformément à l’article 21 de la loi du 19 juillet 2004, toute modification de limites de terrains en vue de l’affection de ceux-ci à la construction, toute construction ou réparation confortative ainsi que tous travaux généralement quelconques contraires aux dispositions du projet seraient interdits, à l’exception des travaux de conservation et d’entretien, à partir de la décision du conseil communal intervenue dans les conditions de l’article 10, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 : partant, à partir du 24 septembre 2015, date de la saisine du conseil communal ayant délibéré avec un vote positif sur le projet de PAG, la délivrance d’une autorisation de construire un bâtiment en zone de verdure serait interdite.
La société …conteste cette argumentation en reprochant d’abord à l’administration communale d’avoir motivé sa décision de refus de façon lapidaire sans avoir fait référence aux dispositions de la loi du 19 juillet 2004, pour ensuite soutenir que différents propriétaires de terrains touchés par le projet de PAG auraient contesté les propositions de classement faites par l’intermédiaire d’un avocat, et ce tant auprès de l’administration communale qu’auprès de l’autorité de tutelle, contestations reposant sur l’argumentaire que l’article 108 (1) de la loi du 19 juillet 2004 imposerait aux communes de procéder à une refonte globale du PAG, devant par conséquent inclure l’intégralité du territoire communal, alors qu’en l’espèce il existerait deux votes distincts du conseil communal initiant la procédure d’adoption d’un PAG, à savoir le vote du conseil communal du 24 septembre 2015 ainsi qu’un second vote en date du 24 mars 2016 relatif à une « phase 2 », de sorte qu’il n’y aurait pas une seule et unique refonte globale telle que prévue par les dispositions légales, mais bien deux procédures actuellement en cours, hypothèse pourtant non prévue par les dispositions légales. La société …en conclut qu’à supposer que la procédure ne soit pas intégralement frappée de nullité en raison de son illégalité, il conviendrait en toute hypothèse de retenir que seul le second vote pourrait éventuellement répondre aux exigences des articles 10 et suivants de la loi du 19 juillet 2004 ; partant, les dispositions en matière de servitude ne trouveraient à s’appliquer qu’à partir de la date du 24 mars 2016 et partant plus de deux mois après la décision de refus sous analyse.
Elle en conclut qu’au moment où le bourgmestre a pris sa décision de refus, il n’aurait existé aucun obstacle légal à accorder l’autorisation sollicitée.
L’administration communale, pour sa part, maintient son argumentation en défense en situant la réclamation émanant de tiers, telle qu’invoquée par la société …, dans le cadre de la procédure de réclamation telle que prévue à l’article 16 de la loi du 19 juillet 2004, ouverte auprès du ministère de l’Intérieur, à qui il incomberait de statuer sur le moyen de nullité invoquée, sans que le dépôt d’une réclamation n’ait d’effet suspensif sur la servitude légale prévue par l’article 21 de la loi du 19 juillet 2004.
Elle expose par ailleurs avoir procédé à une refonte globale du PAG couvrant l’intégralité du territoire communal administré de Diekirch, refonte effectuée en deux phases, la première portant sur la ville de Diekirch et la seconde portant sur la zone du Fridhaff, cette seconde phase ayant d’ailleurs fait l’objet d’un vote positif du conseil communal en date du 24 mars 2016.
La décision de refus déférée repose en l’espèce sur le motif que le projet immobilier de la société …ne serait pas conforme au PAG dont la procédure a été initiée le 3 octobre 2015, pour se trouver actuellement en zone de verdure où les constructions seraient prohibées. L’administration communale a précisé cette motivation en cours de procédure, en en indiquant le cadre légal précis, à savoir l’article 21 de la loi du 19 juillet 2004, et en produisant la définition retenue par le PAG à travers de l’article 21 de sa partie écrite pour la zone de verdure, dans laquelle la construction de bâtiments est interdite, la localisation des terrains de la société demanderesse en cette zone n’étant pas contestée.
Si la motivation fournie initialement par le bourgmestre peut certes paraître quelque peu sommaire, il convient toutefois de rappeler que l’obligation de motivation formelle inscrite à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes - laquelle ne prescrit expressément en tout état de cause qu’une motivation « sommaire » - ne constitue pas une fin en soi, mais consacre des garanties visant à ménager à l’administré concerné la possibilité d’apprécier la réalité et la pertinence de la motivation à la base d’une décision administrative, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte, la question du respect de cette obligation par la décision devient sans objet2.
Or, en l’espèce, force est de constater que non seulement la société demanderesse a pu exhaustivement prendre position par rapport au motif ayant présidé au rejet de sa demande, mais encore que ce motif lui a été explicitement précisé tel que constaté ci-avant au cours de la procédure contentieuse. A cet égard, il résulte d’une jurisprudence établie suite à un arrêt de la Cour administrative du 20 octobre 2009, n° 25783C du rôle, qu’il appartient au juge administratif, non pas de sanctionner une décision, le cas échéant, non motivée, mais plutôt de permettre à l’administration de produire ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse, tel qu’en l’espèce, où l’administration communale a précisé tant les bases légales et réglementaire exactes de la décision de refus déférée que les motifs en fait justifiant ladite décision.
Par conséquent, le tribunal devrait en tout état de cause rejeter le moyen de la société …basé sur l’absence de motivation d’un point de vue formel - la question du bien-fondé de cette motivation relevant du fond -, à supposer l’existence d’un tel défaut avérée, et tendant à la sanction pour cette cause de la décision de refus déférée.
En ce qui concerne le bien-fondé de ce refus, le conseil communal a émis en date du 24 septembre 2015 un vote positif relatif au projet d’aménagement général de la Ville de Diekirch, habilitant le collège échevinal à procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi 19 juillet 2004, ledit vote s’inscrivant dans le cadre de l’article 10 de la même loi. Il est encore constant en cause que l’objet de ce vote favorable comprenait, outre la partie écrite précisant notamment la définition et le contenu de la zone de verdure, une partie graphique définissant les terrains concernés, à savoir les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Diekirch, section B, au lieu-dit « … », sous les numéros 58/1756 et 59/857, comme sis en zone de verdure.
Or, conformément à l’article 21 de la loi 19 juillet 2004, « à partir de la décision du conseil communal intervenue dans les conditions de l’article 10, alinéa 2, toute modification de limites de terrains en vue de l’affectation de ceux-ci à la construction, toute construction ou réparation confortative ainsi que tous travaux généralement quelconques qui sont contraires aux dispositions du projet sont interdits, à l’exception des travaux de conservation et d’entretien ».
Ainsi, l’article 21 précité instaure une servitude légale applicable de plano dans le but d’empêcher, dès le premier acte d’adoption d’un nouveau plan d’aménagement général lui ayant conféré un contenu précis et avant qu’il n’entre formellement en vigueur, toutes mesures d’urbanisation et toute construction qui, tout en étant conformes à l’ancien plan d’aménagement général, ne seraient pas conformes au contenu des dispositions provisoirement adoptées du nouveau plan d’aménagement général et tend ainsi à éviter que les nouvelles orientations du pouvoir communal en matière d’aménagement du territoire communal ne soient contrecarrées par des projets initiés durant la procédure d’adoption du nouveau plan d’aménagement général.
2 Voir en ce sens. trib. adm. 11 janvier 2010, n° 25445, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 56.
Conformément à cette finalité, l’article 21 pose que la portée de cette servitude est délimitée par les dispositions provisoirement arrêtées du nouveau plan d’aménagement général3.
Le moyen de la société demanderesse, basé sur le fait que la décision attaquée reposerait sur une norme de droit actuellement inapplicable est partant à rejeter au vu de cette disposition légale, instaurant une servitude s’imposant au bourgmestre.
Par ailleurs, le bourgmestre étant appelé à faire son analyse au regard du permis de construire sollicité à la date où il statue suivant la réglementation communale d’urbanisme applicable à ce moment4, il ne saurait lui être reproché d’avoir à ce moment - le 5 janvier 2016 -
tenu compte de l’existence de cette servitude non aedificandi, entrée en vigueur suite à la délibération du conseil communal du 24 septembre 2015 et tirée de la non-conformité du projet immobilier de la société …avec le zonage arrêté par la prédite délibération, la légalité d’une décision administrative s’appréciant, dans le cadre d’un recours en annulation, de même en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise.
Cette conclusion n’est pas énervée par le renvoi fait par la société demanderesse à une réclamation introduite par des tiers auprès de l’autorité de tutelle, ladite réclamation restant sans incidence sur la servitude légale provisoire prévue par l’article 21 de la loi 19 juillet 2004. Dans la mesure toutefois où la partie demanderesse entend faire sienne l’argumentation contenue dans ladite réclamation, il convient de relever que si le ministre de l’Intérieur, dans le cadre des compétences et de la tutelle d’approbation lui conférés par l’article 18 de la loi 19 juillet 2004, peut refuser son approbation à un projet d’aménagement général abouti en raison d’une illégalité affectant ce dernier, le tribunal ne saurait, de son côté, sanctionner une éventuelle illégalité d’un projet d’aménagement général non encore abouti et se trouvant encore en voie d’adoption, puisqu’un tel projet ne constitue pas encore un acte règlementaire directement ou indirectement déferable, la société demanderesse, respectivement son litismandataire, n’ayant d’ailleurs sur question spéciale du tribunal administratif au cours de l’audience publique pas été à même de préciser en ce point son argumentation, et en particulier la possibilité légale pour le tribunal de sanctionner de nullité un projet d’acte règlementaire se trouvant toujours en voie d’élaboration.
Enfin, et à titre tout à fait superfétatoire, le tribunal constate que contrairement à l’argumentation contenue dans la réclamation des tiers et invoquée pour ses propres besoins par la société …, le projet d’aménagement général de la Ville de Diekirch, encore qu’articulé en deux phases distinctes, s’avère in fine couvrir l’intégralité du territoire communal ; or, la législation ne prohibe pas un tel phasage, à condition que le résultat de la refonte, lors de sa soumission à l’approbation de l’autorité de tutelle, couvre effectivement l’intégralité du territoire communal et constitue une refonte globale du PAG conformément à l’article 108 (1) de la loi du 19 juillet 2004, la portée effective de la refonte s’appréciant pour des raisons évidentes lorsqu’elle est achevée et soumise à l’étape finale de la procédure.
3 Trib. adm. 12 décembre 2011, n° 27543.
4 Voir notamment Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C, Pas. adm. 2015, V° Urbanisme, n° 590.
Il résulte des développements qui précèdent que le refus du bourgmestre tel qu’exprimé dans la décision déférée au tribunal est légalement motivé à travers les éléments fournis en cause en fait et en droit ; aucun autre moyen n’ayant été soulevé, le recours sous analyse est dès lors à rejeter comme n’étant pas fondé.
La société …sollicite la condamnation de la Ville de Diekirch à une indemnité d’un montant de 1.500.- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, demande qu’il convient de rejeter au vu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours enrôlé sous le n° 34657 irrecevable ;
se déclare compétent pour connaître du recours en annulation enrôlé sous le n° 37439 ;
le déclare cependant non fondé et en déboute la société …;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation ;
rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société …;
la condamne aux frais des deux rôles.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2016 par :
Marc Sünnen, président, Annick Braun, premier juge, Paul Nourissier, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit s. Schmit s. Sünnen 9