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11/05/2016 | LUXEMBOURG | N°36185

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2016, 36185


Tribunal administratif N° 36185 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2015 3e chambre Audience publique du 11 mai 2016 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36185 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2015 par Maître Sandra Giacometti, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant actuellement à L-…, de nationalité capv...

Tribunal administratif N° 36185 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2015 3e chambre Audience publique du 11 mai 2016 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36185 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2015 par Maître Sandra Giacometti, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant actuellement à L-…, de nationalité capverdienne, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 janvier 2015, portant refus de renouveler une autorisation de séjour pour raisons médicales ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 2015 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 21 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra Giacometti au nom et pour le compte de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 mai 2016.

Il résulte des explications concordantes des parties ainsi que des pièces versées en cause, et notamment du dossier administratif, qu’en date du 28 août 2009, Madame … entra sur le territoire du Grand-Duché du Luxembourg. Le 22 octobre 2009, elle formula une demande en obtention du revenu minimum garanti. Le 2 décembre 2009, Madame … formula une demande en obtention d’une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de pays tiers. Cette demande fut refusée par une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 29 décembre 2009, décision contenant encore un ordre de quitter le territoire sans délai à l’égard de Madame ….

Par courrier du 8 mars 2010, Madame … formula une demande en obtention d’un sursis à l’éloignement sur base de deux certificats médicaux, indiquant, entre autre, qu’elle ne serait pas apte à voyager. Sur avis du médecin délégué du 19 avril 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration lui accorda le 27 mai 2010 un sursis à l’éloignement jusqu’au 19 octobre 2010 qui fut renouvelé par la suite. Un titre de séjour de type vie privée lui fut accordé par décision ministérielle du 30 novembre 2012, valable jusqu’au 21 juin 2013.

La demande en renouvellement du titre de séjour précité introduite le 14 mai 2013 fut favorablement accueillie par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », le 28 janvier 2014 sur base d’un avis du médecin délégué du 22 octobre 2013, tandis que la demande subséquente en renouvellement du titre de séjour précité introduite le 5 août 2014 fut refusée par le ministre par décision du 29 janvier 2015, sur base d’un avis du médecin délégué du 9 janvier 2015.

Par requête déposée au greffe du tribunal au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2015, inscrite sous le numéro 36185 du rôle, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle du 29 janvier 2015 portant refus de renouvellement de l’autorisation de séjour pour raisons médicales dans son chef.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en la présente matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

En revanche il est compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation.

Le délégué du gouvernement fait valoir que le recours serait irrecevable dans la mesure où la requête introductive d’instance ne contiendrait aucun exposé des faits et ne soulèverait aucun moyen en droit, alors que la demanderesse se limiterait en substance à citer l’article 90, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008.

A cet égard, force est au tribunal de constater que s’il est exact qu’aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désigné par « la loi du 21 juin 1999 », « La requête, qui porte date, contient : […] - l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués […] », de sorte qu’il appartient au demandeur d’introduire un recours contenant au moins un exposé sommaire des faits et des moyens, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce la demanderesse fait valoir, notamment, en se référant sur des certificats médicaux, qu’elle remplirait les conditions inscrites à l’article 131 de la loi du 29 août 2008.

Par voie de conséquence, le tribunal est amené à conclure, que l’affaire a été suffisamment exposée dans le cadre de la requête introductive d’instance, de sorte que, compte tenu de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 au terme duquel « L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense », une violation des droits de la défense de la partie étatique n’est pas vérifiée en l’espèce dans la mesure où elle n’a pas pu se méprendre en ce qui concerne l’objet du recours sous analyse, d’autant plus qu’elle a conclu sur le fond du dossier. Le moyen afférent laisse partant d’être fondé.

Il s’ensuit que le recours, ayant par ailleurs été introduit dans le délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir qu’elle remplirait les conditions inscrites à l’article 131 de la loi du 29 août 2008 dans la mesure où elle aurait démontré, sur base de certificats médicaux, son état de santé fragile nécessitant des soins médicaux et qu’elle ne saurait bénéficier de ces soins dans son pays d’origine. Elle se plaint par ailleurs du brusque changement d’attitude de l’administration étant donné qu’elle aurait toujours bénéficié d’un sursis à l’éloignement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

L’article 130 de la loi du 29 août 2008 dispose: « Sous réserve qu’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique, l’étranger ne peut être éloigné du territoire s’il établit au moyen de certificats médicaux que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et s’il rapporte la preuve qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné », tandis qu’aux termes de l’article 131 de la loi du 29 août 2008, « (1) L’étranger qui satisfait aux conditions énoncées à l’article 130 peut obtenir un sursis à l’éloignement pour une durée maximale de six mois. Ce sursis est renouvelable, sans pouvoir dépasser la durée de deux ans.

(2) Si, à l’expiration du délai de deux ans visé au paragraphe (1) qui précède, l’étranger rapporte la preuve que son état tel que décrit à l’article 130 persiste, il peut obtenir une autorisation de séjour pour raisons médicales pour la durée du traitement, sans que cette durée ne puisse dépasser un an. Le cas échéant cette autorisation peut être renouvelée, après examen de sa situation.

(3) Les décisions visées aux paragraphes (1) et (2) qui précèdent, sont prises par le ministre, sur avis motivé du médecin délégué visé à l’article 28, selon les modalités à déterminer par règlement grand-ducal. Le médecin délégué procède aux examens qu’il juge utiles. L’avis du médecin délégué porte sur la nécessité d’une prise en charge médicale, les conséquences d’une exceptionnelle gravité et la possibilité de bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel l’étranger est susceptible d’être éloigné.

(4) Le ministre peut, le cas échéant, étendre le bénéfice des mesures prévues aux paragraphes (1) et (2) qui précèdent, aux membres de la famille qui accompagnent l’étranger et qui sont susceptibles d’être éloignés du territoire, pour une durée identique à celle accordée au bénéficiaire principal. » L’article 131 de la loi du 29 août 2008 permet à l’étranger, ayant déjà bénéficié d’un sursis à l’éloignement pendant la durée maximale de deux ans énoncée au paragraphe (1) dudit article 131, d’obtenir une autorisation de séjour pour raisons médicales pour la durée de son traitement, sans que cette durée ne puisse dépasser un an. L’octroi d’une telle autorisation de séjour pour raisons médicales est subordonné plus particulièrement à la condition que l’étranger établisse que son état de santé répondant aux conditions énoncées à l’article 130 de la loi du 29 août 2008 persiste au-delà du délai de deux ans. Ainsi, l’étranger doit établir, premièrement, au moyen de certificats médicaux, que son état de santé est toujours tel qu’il nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et, deuxièmement, qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié et suffisamment accessible dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné.

En ce qui concerne la maladie visée par l’article 130 de la loi du 29 août 2008, les travaux préparatoires renseignent que : « Les personnes ne résidant pas ou plus légalement sur le territoire ne peuvent être éloignées, malgré une décision d’éloignement à leur égard, si elles sont atteintes d’une maladie grave qui nécessite impérativement une prise en charge médicale dont elles ne pourront bénéficier dans le pays vers lequel elles sont susceptibles d’être éloignées. La maladie qui est prise en compte est celle qui, sans traitement ou soins médicaux, entraîne des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour la personne concernée, notamment celle qui peut causer la mort de la personne, réduire son espérance de vie ou entraîner un handicap grave. La question de savoir s’il existe un traitement approprié et suffisamment accessible dans le pays d’origine devra s’analyser au cas par cas, en tenant compte de la situation individuelle du demandeur. »1 En l’espèce, force est au tribunal de constater que la demande tendant au renouvellement de l’autorisation de séjour pour raisons médicales, respectivement l’autorisation de séjour pour des raisons privées est basée d’un côté sur un certificat médical du 29 septembre 2014 ainsi que sur une attestation du 25 mars 2015, le premier certifiant que la demanderesse est atteinte d’une maladie chronique grave nécessitant une thérapie ajustée avec surveillance étroite, le deuxième attestant que l’hôpital Dr Batista De Sousa, sis au Cap Vert, ne disposerait pas de spécialiste en rhumatologie ni de la possibilité d’examen analytique ou autre pour suivre la maladie de la demanderesse, de sorte que sa vie pourrait être en danger.

Compte tenu de la charge de la preuve reposant sur la demanderesse, le tribunal est amené à conclure que c’est à bon droit que le ministre, sur base des certificats précités, lui a refusé de renouveler le titre de séjour en question. En effet, le certificat médical du 29 septembre 2014 ne précise pas quelles seraient les conséquences d’un arrêt du traitement actuellement suivi par la demanderesse, bien que l’attestation du 25 mars 2015, estime que sa vie pourrait être en danger. Par ailleurs, quant à la preu ve que la demanderesse ne peut pas être suivie dans son pays d’origine, le tribunal est amené à conclure que si le certificat précité du 25 mars 2015, atteste certes qu’un suivi de sa maladie n’est pas possible à l’hôpital Dr Batista De Sousa, il n’en reste pas moins que ce certificat se limite à un seul hôpital, mais reste muet sur la question de savoir si la demanderesse ne peut pas être suivie dans un autre hôpital du Cap Vert.

Par voie de conséquence, le tribunal est amené à conclure que la demanderesse n’a pas rapporté la preuve du deuxième élément de l’article 130, à savoir de ne pas pouvoir être traitée dans son pays d’origine.

Quant au moyen tenant au prétendu changement d’attitude brusque de l’administration, le tribunal est amené à conclure que s’il est exact que la demanderesse a pu bénéficier, à plusieurs reprises, d’un sursis à l’éloignement, respectivement d’une autorisation de séjour pour raisons médicales, le tribunal note cependant une évolution de la maladie de la demanderesse, certifiée par son médecin traitant, qui renseigne que la maladie se serait stabilisée, de sorte que la demanderesse pourrait reprendre un travail à mi-temps. Par ailleurs, tel que relevé ci-avant, la demanderesse n’a pas rapporté la preuve de l’impossibilité de traitement effectif dans son pays d’origine, de sorte que le ministre a valablement pu lui refuser l’autorisation de séjour visée, étant rappelé que la charge de la preuve de ce fait incombe entièrement à la demanderesse.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

1 Doc. parl. N° 5802, commentaire des articles, p. 86. ad art. 131 Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

quant au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Géraldine Anelli, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 11 mai 2016 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 mai 2016 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 36185
Date de la décision : 11/05/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-05-11;36185 ?

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