La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2016 | LUXEMBOURG | N°37812

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2016, 37812


ribunal administratif N° 37812 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2016 2e chambre Audience publique du 2 mai 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37812 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2016 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le …...

ribunal administratif N° 37812 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2016 2e chambre Audience publique du 2 mai 2016 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37812 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2016 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 6 avril 2016 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 avril 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2016 par Maître Louis Tinti au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh en remplacement de Maître Louis Tinti, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 mai 2016 Le 9 mars 2016, Monsieur …, fut interpellé lors d’un contrôle policier effectué dans un local au quartier de la gare à Luxembourg-Ville. Monsieur … disposa d’un passeport nigérian et il affirma être marié à une citoyenne espagnole et disposer d’un titre de séjour en Espagne en sa qualité de membre de famille. La consultation de la base de données « SIS » (Système d’Information Schengen) renseigna que Monsieur … faisait l’objet en Norvège d’un refus d’entrée au territoire.

Par un arrêté du même jour, notifié à la même date, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté, pour les motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal Nr. : 51024/2016 du 9 mars 2016 établi par la Police grand-ducale, Unité C.I. Luxembourg-Gare ;

Vu ma décision de retour du 9 mars 2016 ;

Attendu que l'intéressé est démuni d’un document de voyage valable ;

Attendu que l’intéressé est en possession d’un titre de séjour falsifié ;

Attendu que l’intéressé fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le Système d’information Schengen (SIS) ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b), c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat des ces démarches ; (…) ».

Par un arrêté du 6 avril 2016, notifié à l’intéressé le 8 avril 2016, le ministre ordonna la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision. Ledit arrêté est basé sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 09 mars 2016, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 9 mars 2016 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 avril 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 6 avril 2016 ordonnant la prorogation de son placement en rétention administrative.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours est, par ailleurs, recevable pour avoir être introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur invoque dans le cadre de sa requête introductive deux moyens en droit. Premièrement, il reproche au ministre d’être resté en défaut d’effectuer toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard et dans les délais les plus brefs. Concrètement, il argumente qu’étant donné qu’il disposerait d’un passeport nigérian valable, il n’y aurait pas lieu de solliciter un laissez-

passer et son retour vers le Nigéria pourrait se réaliser sans aucune difficulté particulière. Ainsi, il lui paraît anormal que son retour ne serait prévu que pour la date du 24 mai 2016.

En second lieu, le demandeur sollicite l’application de mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence. Il déclare ne présenter aucun risque de fuite, puisque, d’une part, il serait marié à une citoyenne espagnole, ce qui serait établi à suffisance par le livret de famille dont il aurait disposé et, d’autre part, il aurait proposé au ministre de verser une caution de 5.000 euros. Il estime ainsi offrir suffisamment de garanties de représentation pour renverser la présomption du risque de fuite instauré par l’article 111 de la loi du 29 août 2008. De surplus, les autorités luxembourgeoises disposeraient toujours de son passeport. Il ajoute qu’il aurait disposé d’un titre de séjour en Espagne dont la validité n’aurait pas été prolongée et qu’il aurait introduit un recours contentieux à l’encontre de ce refus de renouvellement dudit titre en Espagne.

Dans le cadre de son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait d’abord valoir que la proposition de verser une caution de 5.000 euros aurait été introduite au ministère au nom du demandeur par un autre mandataire que celui ayant déposé le recours sous examen, de sorte que ladite demande ne pourrait pas être prise en considération, puisque le ministre ne saurait pas qui est le véritable mandataire du demandeur.

Le délégué du gouvernement conteste par ailleurs tout défaut de diligences de la part du ministre en vue du rapatriement du demandeur. Il explique que même si le demandeur disposerait d’un passeport nigérian, l’organisation de son rapatriement ne consisterait pas dans la simple réservation d’une place dans un avion vers le Nigéria, mais il faudrait encore organiser la réception sur le sol nigérian par les autorités de ce pays. Ainsi, la date actuellement fixée pour le rapatriement, à savoir le 24 mai 2016 ne constituerait pas un délai exagéré ou anormal.

Quant à la demande de pouvoir bénéficier de mesures moins coercitives qu’un placement au Centre de rétention, le délégué du gouvernement répond que de telles mesures ne pourraient être envisagées que s’il n’existerait aucun risque de fuite dans le chef de la personne concernée.

Or, le demandeur présenterait indubitablement un risque de fuite au sens de l’article 111 de la loi du 19 août 2008, puisqu’il ne remplirait pas les conditions des articles 34 et 100 de ladite loi. Il s’y ajouterait qu’il ne disposerait pas du visa requis pour entrer et séjourner au Luxembourg, qu’il serait signalé dans la base de données SIS, qu’il aurait fait état d’une autorisation de séjour espagnole falsifiée et qu’il n’aurait aucun domicile au Luxembourg où il pourrait être assigné à résidence.

Le délégué du gouvernement explique encore que le titre de séjour espagnol falsifié ne pourrait pas servir de preuve pour établir que le demandeur serait toujours marié à une citoyenne espagnole. De même, la requête introductive d’instance contre le refus de renouvellement de son titre de séjour en Espagne, rédigée en langue espagnole, ne permettrait pas d’établir qu’il disposerait d’un titre de séjour en Espagne, puisqu’il ne s’agirait que d’une requête et non point d’un jugement. Il s’y ajouterait que ladite requête contiendrait des indications incorrectes.

Le demandeur réplique qu’un délai d’attente supérieur à deux mois pour procéder à son expulsion serait anormalement long. Il insiste sur le fait que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas accomplies les diligences requises en vue de son rapatriement. Il leur reproche de ne pas avoir établi que les autorités nigérianes auraient, le cas échéant, tardé à délivrer d’éventuels documents de voyage, pour autant que de tels documents soient effectivement nécessaires. Il affirme encore que la réalité de son union avec une citoyenne espagnole serait établie à suffisance par le livret de famille et l’acte de mariage figurant au dossier administratif.

Enfin, il fait valoir que son éloignement au Nigéria constituerait une atteinte intolérable à son droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH ». En dernier lieu, le demandeur reproche aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir contacté les autorités espagnoles en vue d’un éventuel rapatriement en Espagne.

Le délégué du gouvernement rappelle qu’alors même que le demandeur disposerait d’un passeport nigérian, les autorités de son pays d’origine devraient « marquer leur accord et organiser le retour du concerné », puisqu’il ne s’agirait pas d’un voyage organisé à l’initiative du demandeur lui-même. Il insiste sur le fait que le délai d’attente en vue de son rapatriement le 24 mai 2016 ne serait pas exagéré ou anormalement long.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] » En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Par ailleurs, s’il s’agit d’une quatrième ou d’une cinquième prorogation, il faut encore que malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’au moment de son interpellation le 9 mars 2016, le demandeur se trouvait en séjour irrégulier au Luxembourg. En effet, s’il disposait certes d’un passeport nigérian valable, il ne disposait cependant pas des visas, respectivement de l’autorisation, requis pour entrer et séjourner au Luxembourg et le titre de séjour espagnol dont il a fait état s’est avéré être falsifié, ce qui n’a pas été contesté par le demandeur au cours de la procédure contentieuse. Bien au contraire, le demandeur a affirmé avoir disposé d’un titre de séjour en Espagne qui aurait expiré et dont le renouvellement lui aurait été refusé. Le ministre a partant a priori valablement pu se fonder sur l’article 120, de la loi du 29 août 2008 pour placer le demandeur en rétention et prolonger ledit placement afin d’organiser son éloignement.

En ce qui concerne les démarches concrètes entreprises par le ministre en vue de l’éloignement du demandeur, force est au tribunal de constater que suite au placement au Centre de rétention du demandeur en date du 9 mars 2016, un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes a contacté la police grand-ducale le 10 mars 2016 afin d’obtenir les empreintes du demandeur. Le 15 mars 2016 un agent ministériel a contacté le Centre de Coopération Policière et Douanière du Luxembourg, désigné ci-après par « CCPD » afin d’obtenir de plus amples informations sur le demandeur et notamment afin d’obtenir une réponse sur la question de savoir s’il était toujours marié à une citoyenne espagnole. Le CCPD a répondu que le demandeur était connu en Allemagne du chef de l’infraction de faux-monnayage, qu’il était répertorié dans la base de données SIS comme faisant l’objet d’une interdiction d’entrée en Norvège, qu’il était connu en Espagne des chefs d’escroqueries en 2009, d’un délit routier en 2010, de faux-monnayage en 2010 et 2011, d’usurpation d’identité en vue d’obtenir des aides en 2010 et de falsification de documents en 2011 et 2015. Le CCPD renseignait encore, d’une part, que la France ne pouvait pas préciser si le demandeur était toujours marié à une citoyenne espagnole et, d’autre part, qu’il a disposé d’une carte de résidence en Espagne délivrée en 2006 et expirée le 19 juillet 2014. Le 18 mars 2016 une recherche a été effectuée dans la base de données Eurodac renseignait que le demandeur n’y était pas répertorié. Le même jour, le ministre contacta le service de police judiciaire, section des étrangers et des jeux en vue d’organiser le départ du demandeur. Enfin, il ressort d’un courrier électronique du 7 avril 2016 envoyé par un agent de la police grand-ducale à un agent du ministère et versé en cause, que la date envisagée par ledit agent du service de la police grand-ducale pour le rapatriement du demandeur était le 24 mai 2016, en raison du fait qu’il serait débordé et qu’il devait de surplus assurer un service de permanence. Il ressort encore du dossier administratif qu’en date du 11 avril 2016 un agent ministériel s’est adressé aux services de police espagnols pour solliciter des informations sur le demandeur quant à son mariage avec une citoyenne espagnole et quant à au sort d’un recours contentieux introduit par le demandeur à l’encontre du refus de renouvellement de son titre de séjour espagnol.

Dès lors, le tribunal est amené à constater que jusqu’à la date du 11 avril 2016, les autorités ministérielles luxembourgeoises ont entrepris des démarches en vue de la clarification de la situation familiale du demandeur et en vue de vérifier s’il dispose d’un titre de séjour espagnol. Toutefois, à compter du 18 mars 2016 plus aucune pièce du dossier administratif ne renseigne sur d’éventuelles démarches en vue de l’organisation du rapatriement du demandeur vers le Nigéria. Si le délégué du gouvernement affirme, à juste titre, qu’il ne suffirait pas de réserver une place dans un avion à destination du Nigéria pour le demandeur, mais qu’il y aurait également lieu d’organiser la réception de ce dernier sur le sol nigérian par les autorités locales, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce aucune pièce figurant au dossier administratif ne documente les éventuelles démarches en ce sens effectuées par les autorités luxembourgeoises.

Enfin, et surtout, le tribunal constate qu’à compter de la décision du 6 avril 2016 ordonnant la prolongation de son placement au Centre de séjour plus aucune démarche n’a été entreprise par les autorités luxembourgeoises, en vue de l’organisation du rapatriement du demandeur vers son pays d’origine.

Il s’ensuit que la partie étatique reste en défaut d’établir d’éventuelles démarches effectuées auprès des autorités nigérianes en vue du rapatriement du demandeur et elle reste en défaut de justifier la raison de l’existence d’un délai supérieur à deux mois entre le placement au Centre de rétention du demandeur et la date prévue pour le rapatriement vers son pays d’origine.

Bien au contraire, eu égard au courrier électronique précité envoyé par un agent de la police grand-ducale à un agent ministériel en date du 7 avril 2016, le tribunal est amené à conclure que la seule raison de la fixation de la date du rapatriement du demandeur au 24 mai 2016 est le débordement d’un agent policier luxembourgeois. Or, les contraintes résultant de l’emploi du temps d’un seul agent de police ne sont, de par leur nature et à défaut d’autres éléments, pas suffisants pour justifier un tel délai. Il s’y ajoute que la date du 24 mai 2016 a été affirmée par ledit agent policier, sans qu’un quelconque document au dossier administratif ne vienne concrètement confirmer le rapatriement du demandeur à cette date.

Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur a été placé au Centre de rétention entre le 18 mars 2016 et la date où le tribunal statue, soit, depuis une durée totale de 45 jours, sans que les autorités ministérielles n’aient justifié d’une quelconque démarche entreprise en vue de son éloignement, étant entendu que la date du rapatriement n’est fixée qu’au 24 mai 2016 sans que les autorités ministérielles n’aient pu expliquer à suffisance la raison du délai entre cette date et celle du placement au Centre de rétention du demandeur.

Force est dès lors au tribunal de constater que les autorités ministérielles luxembourgeoises sont restées en défaut de déployer toutes les diligences nécessaires en vue d’un éloignement rapide du demandeur, afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.

Il y a partant lieu de réformer la décision déférée et d’ordonner la libération immédiate du demandeur, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser plus en avant les autres moyens développés par celui-ci, cet examen devenant surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 6 avril 2016, ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 2 mai 2016, par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 mai 2016 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 37812
Date de la décision : 02/05/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-05-02;37812 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award