Tribunal administratif N° 34984 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juillet 2014 Ire chambre Audience publique du 13 avril 2016 Recours formé par la société anonyme …S.A., … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de retenue d’impôt sur les traitements et salaires
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34984 du rôle, déposée en date du 30 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg S.à r.l., avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 18-20, rue Edward Steichen, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 174.248, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Jean-Pierre Winandy, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, avec adresse professionnelle à la même adresse, au nom de la société anonyme de droit belge …S.A., établie et ayant son siège social sis à B-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 mai 2014, référencée sous le n° C 19536, prise sur une réclamation de la société anonyme …S.A. introduite en date du 7 mars 2014 dirigée contre :
le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012, émis le 4 décembre 2013 par le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2014 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2015 par la société Loyens & Loeff Luxembourg S.à r.l pour le compte de sa mandante ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nadège Le Gouellec, en remplacement de Maître Jean-Pierre Winandy, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 17 juin 2015 ;
Vu le mémoire supplémentaire de Maître Jean-Pierre Winandy produit en cause, suite à la demande du tribunal, en date du 30 juillet 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Nadège Le Gouellec, en remplacement de Maître Jean-Pierre Winandy, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives complémentaires à l’audience à laquelle l’affaire avait été refixée pour la continuation des débats.
__________________________________________________________________________
A la suite d’une révision des retenues d’impôt à opérer, à déclarer et à verser par la société anonyme …S.A. succursale de Luxembourg, ci-après dénommée « la société … », portant sur les salaires perçus par Monsieur … et Monsieur …au titre des années 2008 à 2012, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de la section des impôts sur salaires de l’administration des Contributions directes émit le 4 décembre 2013 à l’encontre de la société … un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue qui a opéré des redressements d’un total de … € au titre des années fiscales 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 sur base des considérations suivantes :
« En date du 20/11/2013, il a été procédé, en application des dispositions de l’article 136 L.I.R. de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, à une révision des retenues d’impôt à opérer, à déclarer et à verser par vos soins à l’Administration des contributions, du chef de rémunérations allouées à votre personnel salarié et retraité.
La révision portant sur les années d’imposition 2008 à 2012 inclusivement a eu lieu conformément aux dispositions de la section 5 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions.
D’après l’état récapitulatif du rapport de la révision, les compléments de retenue d’impôt et les suppléments y relatifs sont fixés aux montants ci-après, ceci sans préjudice des intérêts de retard grevant les arriérés conformément à l’article 155 L.I.R., ainsi que, le cas échéant, des retenues d’impôt déclarées mais non encore versées. (…) » Par courrier de son litismandataire du 6 mars 2014, la société … fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-
après « le directeur », à l’encontre dudit bulletin du 4 décembre 2013.
Cette réclamation fut rejetée comme non fondée par une décision sur réclamation du 6 mai 2014 référencée sous le numéro du rôle C19536 et motivée comme suit :
« Vu la requête introduite le 7 mars 2014 par Maître Jean-Pierre Winandy, de la société fiduciaire « Loyens & Loeff », au nom de la succursale luxembourgeoise de la société anonyme …, avec siège social à B-…, pour réclamer contre le bulletin complémentaire de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires des années 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012, émis en date du 4 décembre 2013 ;
Vu le dossier fiscal;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition de la retenue sur traitements et salaires (RTS) d'avoir imposé sur base du barème mensuel, des salaires versés par elle à deux de ses salariés non-résidents, alors qu'au cours des années antérieures, il aurait été constant d'imposer lesdits salaires sur base du barème annuel;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d'impôt étant d'ordre public;
qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé;
qu'en l'espéce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique;
Considérant que la réclamante critique avant tout la pratique du bureau d'imposition d'avoir imposé les salaires versés à deux de ses employés (notamment les salariés … et …) en ayant recours au barème mensuel, et non au barème annuel;
Considérant, à titre liminaire et afin de rétorquer aux accusations de la réclamante consistant à affirmer que le bureau d'imposition n'aurait ni mené une quelconque instruction ni pris en considération la ou les période(s) effective(s) que les deux salariés en cause auraient passé sur le territoire du Grand-Duché du Luxembourg afin de vaquer aux occupations leur incombant du chef de leur poste au sein de la requérante; qu'il y a lieu, à ce titre, de mettre en exergue que les employés dont le salaire a été soumis à la retenue d'impôt par le biais du barème mensuel et non annuel, n'ont toujours pas trouvé nécessaire de démontrer combien de temps ils ont effectivement passé sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et plus précisément au sein des locaux de la requérante afin d'accomplir leurs missions, alors qu'il s'agit justement ici du critère déterminant pour ce qui est de l'application soit du barème annuel soit du barème mensuel; qu'ils ont donc complètement failli à remplir les exigences du paragraphe 171 AO ;
Considérant qu'en effet, même si un contrat de travail prévoit tout banalement une certaine rémunération annuelle au lieu d'une concrète rémunération mensuelle, accordée par l'employeur pour un nombre déterminé d'heures prestées par son salarié, et même s'il ne relève pas directement de la compétence de l'Administration des contributions directes d'imposer tel ou tel régime à un employeur, il n'en demeure pas moins que pour ce qui est de l'interprétation des contrats et accords stipulés entre un employeur et son salarié à la lumière de l'ensemble des préceptes fiscaux régissant en la matière, celle-ci fait parfaitement et justement partie des missions confiées aux différents services des autorités fiscales;
Considérant dès lors que le bureau d'imposition tout comme le directeur statuant au contentieux, faute de la partie requérante d'être en mesure de fournir sinon également de démontrer le détail des heures soi-disant prestées sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg à l'aide d'indications claires, aisément concevables et étayées par des pièces probantes (cf. § 171 AO), se doivent nécessairement de présumer une approche quelque peu négligente en ce qui concerne le respect minutieux de leurs contrats de travail d'ailleurs formulés un brin imprécis (intentionnellement ou non) de la part de ses salairés, de sorte à appliquer implicitement, faute de renseignements supplémentaires plus exacts, le barème de la retenue mensuelle et non celui afférent à la retenue annuelle;
Considérant que, matériellement, l'article 137, alinéa 1er L.I.R. prescrit que la retenue d'impôt sur les traitements et salaires est à déterminer d'après le tarif visé aux articles 118 à 121 et 124 L.I.R., sauf que les revenus limitant les différentes tranches sont divisés préalablement par 12 ou 300, suivant que la période de paye à laquelle correspondent les rémunérations passibles de la retenue est d'un mois ou d'une journée;
Considérant que la publication d'un barème annuel sur les salaires est censée servir exclusivement aux fins d'un décompte annuel à établir par l'employeur dans certains cas délimités, mais n'autorise nullement l'employeur à fixer une retenue en dérogeant aux périodicités de mois et de jour définies par la loi;
Considérant que le cas de figure sous rubrique est régi par l'article 11, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974, relatif à la détermination de la retenue d'impôt sur les salaires et pensions, qui précise:
« Lorsque la période de paie ne correspond ni au mois, ni à la journée, la retenue d'impôt est à déterminer comme s'il était fait usage d'un barème dont les deux positions (salaires et retenues) seraient:
a) pour une période de plusieurs mois, celles du barème de retenue mensuelle multipliée par le nombre des mois compris dans la période, b) pour une période de plusieurs jours, celle du barème de retenue journalière multipliée par le nombre de jours compris dans la période» ;
Considérant que des paiements uniques et non mensuels d'émoluments tels qu'en l'espèce ne sauraient être imposés d'après le barème annuel de la retenue d'impôt sur les salaires et pensions, mais en tout état de cause d'après le barème de retenue mensuelle;
Considérant qu'aux termes de l'article 136, alinéa 4 L.I.R., l'employeur, donc la réclamante, est personnellement responsable de l'impôt retenu ainsi que de l'impôt qu'il aurait dû retenir et qu'aux termes de l'article 136, alinéa 6 L.I.R., l'impôt retenu est à déclarer et à verser par l'employeur, donc la réclamante, à l'administration des contributions, conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d'impôt sur salaires et pensions;
Considérant qu'en vertu de l'article 16, alinéa 1er du règlement de procédure précité, le bureau d'imposition de la retenue sur traitements et salaires contrôle la régularité des opérations relatives à la retenue sur les salaires et pensions en procédant, comme en l'espèce, à des révisions périodiques des pièces comptables documentant les opérations précitées;
Considérant qu'il résulte pleinement des développements qui précèdent que c'est à bon droit que le bureau d'imposition de la retenue sur traitements et salaires a procédé à l'imposition des salaires versés à plusieurs de ses employés de la part de la réclamante sur base du barème de la retenue sur traitements et salaires mensuelle;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contestée (…) ; » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juillet 2014, la société … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale ci-avant visée du 6 mai 2014.
Le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, instaurant un recours au fond contre la décision directoriale critiquée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal par la société demanderesse.
Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire tendant à l’annulation de la décision directoriale déférée.
A l’appui de son recours, la société … fait valoir, en s’appuyant sur l’article 171 AO, que pour se voir appliquer le barème annuel, le contribuable devrait être en mesure de fournir et de démontrer le temps effectivement presté dans le cadre de l’exercice de son activité salariée au Luxembourg. Faute de fournir cet élément, le barème de la retenue mensuelle serait applicable selon la décision litigieuse qui se fonderait à cet égard sur l’article 11 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 relatif à la détermination de la retenue d’impôt sur les salaires et pensions, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 », alors que l’article 9 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 prévoirait que, dans l’hypothèse d’une occupation intermittente, une autre méthode de calcul pourrait être appliquée afin de déterminer la retenue d’impôt sur les salaires, à savoir une retenue annuelle, et ce en application du commentaire se trouvant en note de bas de page numéro 27 relative à l’article 9 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 et publié avec ce dernier dans le recueil.
Suivant la société …, la condition essentielle pour déterminer si cette autre méthode de calcul serait applicable résiderait principalement dans le caractère « intermittent » de l’occupation des salariés en cause, notion qui si elle n’est pas définie au commentaire du règlement grand-ducal, serait néanmoins illustré par un exemple dans la note de bas de page numéro précitée, consistant en celui « d’un directeur étranger d’une société passant un jour par semaine au siège de la société alors que le reste du temps son activité est exercée à l’étranger au profit de sociétés étrangères ». Cet exemple amène la société demanderesse à en déduire trois critères majeurs à l’application de cette méthode alternative, à savoir le critère de la résidence à l’étranger du salarié en question, le critère du temps de travail dont une partie du temps est prestée au Luxembourg et le critère tenant au fait que l’autre partie du temps de travail est prestée hors du Luxembourg au profit de sociétés non résidentes, critères qui se trouveraient tous les trois remplis dans le cas d’espèce, de sorte à ce que l’activité salariée de Monsieur … respectivement de Monsieur …serait à considérer comme occupation intermittente.
La demanderesse rappelle à ce titre que le directeur se serait exclusivement fondé sur les dispositions de l’article 11 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974, alors qu’il serait rappelé au commentaire de l’article 9 dudit règlement que les articles 9 et 11 seraient à combiner.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours comme étant non fondé en faisant valoir qu’il ressortirait de l’article 137 (1) de la loi de l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « L.I.R. », que la retenue d’impôt sur les traitements et salaires serait déterminée d’après le tarif visé aux articles 118 à 121 et 124, sauf que les revenus limitant les différentes tranches seraient divisés préalablement par 12 ou 300 suivant que la période de payement à laquelle correspondent les rémunérations passibles de la retenue d’impôt serait d’un mois ou d’une journée. L’application d’un barème annuel sur les salaires serait uniquement censée servir aux fins d’un décompte annuel à établir par l’employeur dans des cas précis mais ne dérogerait pas aux règles obligeant ce dernier à fixer les retenues selon des périodicités de mois et de jours. Il souligne par ailleurs que la partie demanderesse voudrait donner un autre sens à l’article 9 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974, et qu’en l’espèce, les employés n’auraient pas rapporté à suffisance de droit le nombre exact d’heures de travail prestées au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte que l’article 11, alinéa 1 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 serait applicable en l’espèce, en ce qu’il indique que si la période de paie ne correspond ni au mois, ni à la journée, la retenue d’impôt est à déterminer comme s’il était fait usage d’un barème dont les deux positions (salaires et retenues) seraient pour une période de paie de plusieurs mois, de sorte qu’il y aurait lieu d’appliquer le barème de retenue mensuelle.
Ensemble avec son mémoire en réplique, la société … verse une copie des agendas professionnels des salariés concernés, ainsi qu’une copie de courriels professionnels et de quittances relatives aux frais de repas au titre des années 2011 et 2012.
La société demanderesse explique encore que les salariés en cause seraient chargés d’apporter ponctuellement leur assistance technique dans le cadre de la mise en place et la gestion opérationnelle de la succursale luxembourgeoise de …NV. Considérant que la nature de ce travail serait assimilée à l’accomplissement d’une tâche précise, les contrats les liant à la société … seraient à considérer comme des contrats à la tâche, raison pour laquelle ils percevraient pour l’exécution de cette tâche une rémunération salariale payée une fois par an.
Elle indique encore que les deux contrats de travail auraient été conclus en date du 31 décembre 2004, respectivement le 1er janvier 2007, époque pendant laquelle l’administration des Contributions directes aurait toléré que les rémunérations salariales payées à des employés ayant conclu un contrat à la tâche et faisant l’objet d’un versement de salaire unique, seraient imposées sur base de l’application du barème annuel.
La société … tient ensuite à remettre en cause le raisonnement du délégué du gouvernement suivant lequel la présence physique des employés … et …sur le territoire luxembourgeois ne serait pas suffisamment prouvée au regard des conséquences fiscales d’un tel raisonnement en droit fiscal international. Elle rappelle à ce sujet que les dispositions des conventions contre les doubles impositions qui ont pour fonction de déterminer lequel des deux Etats (entre l’Etat de résidence du salarié et l’Etat d’exercice de l’activité) a le droit d’imposer les revenus salariés seraient prévues à l’article 15 de la convention fiscale conclue entre le Luxembourg et la Belgique et à l’article 16 de la convention fiscale conclue entre le Luxembourg et les Pays-Bas, pays de résidence respectifs de Monsieur … et de Monsieur ….
D’après ces articles, les salaires seraient imposables dans l’Etat de résidence du salarié à moins que l’activité professionnelle soit physiquement prestée dans l’autre Etat. En reconnaissant que les dispositions de l’article 11 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 seraient d’application, le délégué du gouvernement reconnaîtrait que l’administration fiscale considèrerait que les deux salariés auraient exercé leur activité salariée partiellement au Luxembourg et ceci à raison d’un mois par année, affirmation qui serait cependant contredite par l’affirmation selon laquelle leur présence physique sur le territoire luxembourgeois ne serait pas rapportée, auquel cas le Luxembourg ne serait pas en droit d’imposer les revenus au sens de la convention contre les doubles impositions, preuve qui lui serait impartie.
En se référant aux contrats de travail de Messieurs … et …, indiquant que la durée et l’horaire de travail est variable selon les besoins pour accomplir leur mission, la société demanderesse souligne que leur rémunération ne serait pas fonction du critère du temps d’occupation. Elle précise que dans une telle situation, l’article 3, alinéa 4 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 prévoirait qu’il serait possible de déterminer une période de paie en se basant sur la durée effective ou présumée de l’occupation.
La société … reproche dans ce contexte à l’administration des Contributions directes de ne pas avoir sollicité des informations supplémentaires afin de déterminer la durée effectivement prestée par les salariés concernés avant de procéder à une rectification selon le barème de la retenue mensuelle. Elle précise que ce n’aurait été qu’au moment de l‘émission de la décision sur réclamation que le directeur aurait fait une remarque dans ce sens.
Dans son mémoire supplémentaire, et sur question du tribunal administratif portant sur la question de la nature, de l’auteur et de la valeur contraignante du commentaire du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974, ainsi que sur sa conformité par rapport aux dispositions des articles 9 à 11 du règlement grand-ducal précité, la société … fait valoir que la partie pertinente du commentaire du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 aurait été reprise dans différentes circulaires administratives s’adressant à des non-résidents allemands reprenant le mode de calcul indiqué quant aux hypothèses d’occupation intermittente qui, certes, n’auraient pas de caractère légal, mais s’imposeraient aux fonctionnaires. Elle insiste qu’une application de la méthode de calcul qui serait restreinte exclusivement à des non-résidents allemands serait contraire à la loi générale des impôts, à la Constitution luxembourgeoise, ainsi qu’au droit de l’Union européenne.
A titre subsidiaire, au cas où le tribunal déciderait que le commentaire n’aurait pas la valeur légale d’une circulaire opposable à l’administration, la société demanderesse demande au tribunal de saisir la Cour constitutionnelle par une question préjudicielle libellée comme suit : « L’application d’une méthode de calcul alternative de la retenue d’impôt sur les salaires à des non-résidents allemands, toute en refusant l’application à des non-résidents belges ou néerlandais, est-elle en conformité à l’article 101 de la Constitution ? » Conformément à l’article 136 (2) L.I.R. « la retenue est à opérer par l’employeur pour compte et à décharge du salarié (…) » et conformément au paragraphe (4) du même article « l’employeur est personnellement responsable de l’impôt retenu ainsi que de l’impôt qu’il aurait dû retenir, à moins que, dans ce dernier cas, il ne soit établi que le défaut ou l’insuffisance de retenue ne lui est pas imputable (…) ».
L’article 137, alinéa 1er L.I.R. prescrit que « la retenue d’impôt sur les traitements est salaires et à déterminer d’après le tarif visé aux articles 118 à 121 et 124 L.I.R., sauf que les revenus limitant les différentes tranches sont divisés préalablement par 12 ou 300, suivant que la période de paye à laquelle correspondent les rémunérations passibles de la retenue est d’un mois ou d’une journée. ».
L’article 11 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 est libellé comme suit :
« Lorsque la période de paie ne correspond ni au mois, ni à la journée, la retenue d’impôt est à déterminer comme s’il était fait usage d’un barème dont les deux positions (salaires et retenues) seraient :
a) pour une période de paie de plusieurs mois, celles du barème de retenue mensuelle multipliées par le nombre des mois compris dans la période b) pour une période de paie de plusieurs jours, celles du barème de retenue journalière multipliées par le nombre de jours compris dans la période. (…) ».
Force est au tribunal de constater que les contrats de travail liant Monsieur …et Monsieur … à la société … prévoient un paiement annuel unique en contrepartie de leur assistance technique ponctuelle dans le cadre de la mise en place, ainsi que de la gestion de la succursale luxembourgeoise de la société …. Le paiement forfaitaire en contrepartie d’une prestation de travail non autrement déterminée en fonction de la durée de travail effectivement prestée doit dès lors être considéré comme étant équivalent à une période de paie ne correspondant ni au mois, ni à la journée au sens de l’article 11 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 mais qui s’étend en l’espèce sur douze mois au vu du fait que les contrats de travail prévoient que « la rémunération est fixée à un montant brut annuel de 19.103,75 euros [respectivement 34.375 euros] qui sera normalement payée en une fois au mois de juin [respectivement janvier] de chaque année », de sorte que l’article 11 (1) a) trouve application en ce qu’il prévoit que la retenue d’impôt est à déterminer comme s’il était fait usage d’un barème dont les deux positions seraient celles du barème de retenue mensuelle multipliées par le nombre des mois compris dans la période.
Cette conclusion n’est pas énervée par les considérations de la partie demanderesse relatives à une occupation intermittente, alors que suivant l’article 9 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 prévoit qu’ « (…) En cas d’occupation intermittente, la durée de la période de paie est exprimée en jours et correspond à la somme des journées d’occupation effectives (…) » et qu’au vu des stipulations contractuelles précitées, l’occupation de Messieurs … et …. ne saurait être considérée comme intermittente pour ne pas être prévue en tant que telle par leurs contrats de travail.
Dans la mesure où les lois fiscales sont d'interprétation stricte et qu’on ne saurait ajouter au texte une disposition y non prévue, le moyen de la société … quant à l’application de l’autre méthode de calcul prévue dans le commentaire relatif au règlement grand-ducal du 9 janvier 1974 est à rejeter.
C’est pour cette même raison que les développements de la partie demanderesse relatifs à une violation de l’obligation de traitement égalitaire se basant sur les articles 29 et 46 alinéa 1er AO, l’article 101 de la Constitution et l’article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, sont également à rejeter.
La décision directoriale déférée ne saurait partant encourir une quelconque réformation à cet égard et le recours laisse d’être fondé.
Par ces motifs ;
le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge et lu à l’audience publique du 13 avril 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Warken s.Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13/04/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 9