Tribunal administratif N° 35999 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mars 2015 3e chambre Audience publique du 16 mars 2016 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 35999 du rôle et déposée le 16 mars 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Bruno Vier, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, employé, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 décembre 2014 portant rejet de sa réclamation introduite contre le bulletin d’appel en garantie émis par le bureau d’imposition de … du 31 juillet 2014 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2015 par Maître Bruno Vier au nom et pour compte de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Bruno Vier et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou Thill en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 mars 2016.
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Le 31 juillet 2014, le bureau d’imposition RTS … de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … un bulletin d’appel en garantie « Haftungsbescheid » en vertu du § 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », en sa qualité de gérant administratif de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après désigné par « la société », ledit bulletin déclarant Monsieur … co-débiteur solidaire d’un montant total de ….-€ en principal et intérêts au titre de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2012, 2013 et 2014 incombant à la société.
Le 31 octobre 2014, Monsieur … introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », contre le bulletin d’appel en garantie précité du 31 juillet 2014.
Par décision du 12 décembre 2014, le directeur reçoit la réclamation en la forme, mais au fond, la rejette comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« […] Vu la requête introduite le 3 novembre 2014 par Me Bruno VIER, au nom du sieur …, L-…, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires … en date du 31 juillet 2014;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119 alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§238AO) dans les forme (§249AO) et délai (§245AO) de la loi ; qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le bureau d'imposition, après avoir constaté que le réclamant était tenu en sa qualité de gérant administratif de la société à responsabilité limitée …, de payer sur les fonds administrés les impôts dont la société était redevable et qu'elle avait négligé de remplir les obligations qui lui incombaient à cet égard aux termes du § 103 AO, l'a déclaré responsable du non paiement de la retenue sur les traitements et salaires dus par la société pour les années 2012, 2013 et 2014 au montant total de … euros, dont … euros en principal et … euros pour intérêts de retard; qu'à cet égard l'omission de verser les sommes retenues serait à considérer comme faute grave au sens du § 109 AO ;
Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH 24 novembre 1961, BStBI.
1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf. Becker-Riewald-Koch §2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3) ;
que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe-même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du gérant d’une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109 alinéa 1 AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive « schuldhafte Verletzung » des obligations du représentant de la société envers le fisc (CA du 22.02.2000, no 11694C) ;
Considérant qu'en l'espèce l'auteur de la décision a révélé les circonstances particulières susceptibles de justifier sa décision de poursuivre le réclamant et de mettre à sa charge l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires ;
qu'il développe clairement les raisons qui l'ont conduit à engager la responsabilité de l'administrateur, pour les années d'imposition litigieuses ;
Considérant qu'il se dégage d'une publication au Mémorial C no … du … que lors de l'assemblée générale du …, le réclamant a été nommé gérant administratif de la société …, sans qu'une démission n'ait été publiée par la suite ;
qu’en cette qualité il disposait du pouvoir d’engager la société par sa signature et la signature conjointe du gérant technique ;
Considérant que pour les années en cause, le réclamant n'a réglé aucune retenue, ce fait constituant en soi une faute caractérisée ;
Considérant en effet que le § 109 AO prévoit un régime de responsabilité des représentants d'une société qui ne déroge pas au droit commun, mais qui le renforce, et soumet la mise en œuvre de cette responsabilité à la triple condition de l'existence d'une faute (schuldhafte Verletzung), d'un dommage et d'un lien de causalité entre le dommage et la faute ;
que la faute consiste dans le fait, soit de ne pas avoir accompli soi-même, soit de ne pas avoir veillé à l'accomplissement des obligations incombant à la personne morale représentée et que le dommage consiste dans l'insuffisance de l'impôt légalement dû, le lien de causalité se caractérisant par le fait que l'insuffisance est la conséquence du comportement fautif du représentant ;
que le fait pour un gérant, position-clé d'une société, de ne pas verser les retenues sur traitements et salaires au Trésor public constitue un comportement fautif per se ;
Considérant que l'auteur de la décision a également motivé sa décision en ce qui concerne le montant pour lequel la responsabilité du réclamant est engagée en vue des éléments qui précèdent ;
Considérant que durant la période du 1er octobre 2012 au 28 février 2014, les montants à retenir n'ont pas été payés au receveur ;
Considérant que le réclamant a sciemment omis de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires pendant les années 2012, 2013 et 2014 et que partant il a empêché la perception de l'impôt légalement dû ;
Considérant qu'il s'ensuit que la responsabilité du réclamant en tant que gérant de la société à responsabilité limitée … est incontestablement établie et la mise à charge de l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur traitements et salaires de la période en cause est justifiée ;
Considérant que, de même qu'en matière de responsabilité du fait personnel (art.1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables, le gérant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 12 décembre 2014.
Conformément aux dispositions du § 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes aux contribuables. Or, conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités, un bulletin de l’impôt commercial communal, ou encore un bulletin de l’impôt sur la fortune. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
En ce qui concerne le recours en réformation introduit à titre principal, le délégué du gouvernement a soulevé l’irrecevabilité ratione temporis dans son mémoire en réponse. En vertu de l’article 8, paragraphe (4) de la loi précité, le délai pour l’introduction d’un recours est de trois mois.
Aux termes du § 88 (3) AO: « Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist. » En l’espèce, il ressort des pièces versées au dossier administratif que la décision déférée a été expédiée au demandeur sous pli recommandé en date du 12 décembre 2014, de sorte qu’en vertu de la présomption instituée par le § 88 (3) AO précité, ledit courrier recommandé est réputé avoir été notifié le troisième jour ouvrable qui suit le dépôt du courrier recommandé à la poste, en l’occurrence le 15 décembre 2014. Le délai de trois mois pour introduire un recours contentieux à l’encontre de la décision déférée a donc commencé à courir le 15 décembre 2014 pour expirer le 16 mars 2015, le 15 mars 2015 ayant été un jour férié.
Le demandeur a déposé le présent recours le 16 mars 2015, de sorte qu’il est à déclarer recevable ratione temporis et le moyen d’irrecevabilité afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.
Le recours principal en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, est dès lors recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur se base sur l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », et invoque une violation de ses droits de défense du fait que le bulletin en garantie sous analyse aurait été émis postérieurement au jugement de faillite de la société en date du 10 mars 2014, de sorte qu’il serait « attaqué sur des éléments auxquels il n’a plus aucun accès ».
Il soulève ensuite le fait qu’il aurait disposé d’un pouvoir de signature conjoint avec le gérant technique de la société, Monsieur … et estime qu’un appel en garantie aurait également dû être émis à l’encontre de ce dernier.
Il considère encore que la jurisprudence selon laquelle celui qui opère des retenues l’oblige également de transférer ces fonds au receveur serait inapplicable en matière de faillite où la masse des créanciers ne pourrait être désintéressée par les fonds propres d’un dirigeant d’une société qu’en cas d’action en comblement de passif intentée par le curateur et moyennant preuve d’une faute lourde dans le chef du dirigeant. Il en conclut que la décision litigieuse violerait le principe d’égalité des créanciers en matière de faillite lequel aurait une valeur légale supérieure aux dispositions de la loi sur l’impôt sur le revenu.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur estime encore que l’Etat « n’aurait pas pris les soins d’expliquer » sur quels salaires l’impôt n’aurait pas été payé ni si les salaires en question auraient été effectivement versés par la société, voir si les retenues auraient été opérées ou non.
Le délégué du gouvernement fait valoir que le directeur aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que le recours serait à rejeter pour ne pas être fondée.
S’agissant du moyen tiré d’une violation des droits de la défense, force est au tribunal de constater que l’indication vague et abstraite d’être « attaqué sur des éléments auxquels il n’a plus aucun accès », sans étayer en quoi exactement ses droits de la défense auraient été violées, est insuffisant pour permettre au tribunal d’apprécier l’existence d’une violation des droits de la défense du demandeur, surtout en considérant que le dossier fiscal a été tenu à la disposition du demandeur en vue d’une consultation de sa part.
En ce qui concerne la contestation des montants tels que réclamés pour les exercices 2012, 2013 et 2014, le tribunal retient qu’ils résultent en ce qui concerne le principal d’une dette fiscale de la société pour la période du 1er octobre 2012 au 28 février 2014, des bulletins d’impôts, qui n’ont à la connaissance du tribunal pas fait l’objet d’une réclamation de la part du contribuable - dont le demandeur était gérant administratif - et qui sont dès lors devenus définitifs et bénéficient en conséquence de l’incontestabilité, des actes administratifs devenus définitifs1. Il s’ensuit que la question des montants retenus par l’administration des Contributions directes à titre d’impôts échappe au tribunal, de sorte que le moyen y afférant est à rejeter.
S’agissant ensuite des contestations du demandereur quant au bien-fondé de l’appel en garantie, force est de constater qu’aux termes du § 103 AO, « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln, die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen. » Dès lors, le représentant d’une société à responsabilité limitée est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui.
1 Voir M. Leroy, Contentieux administratif, 3e éd., Bruylant, p.704.
Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du représentant d’une personne morale du fait du non-paiement des impôts dont est redevable cette personne morale, il y a lieu de se référer plus particulièrement au paragraphe 109 AO, qui dispose dans son alinéa (1) que : « Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind. » Ces dispositions légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société, en ce compris, conformément au paragraphe 108 AO, les dirigeants de fait ou dirigeants apparents, c’est-à-dire ceux qui se comportent, à l’égard des tiers, comme s’ils avaient le pouvoir de disposer : a contrario, les personnes non visées par ces dispositions ne sont pas soumises à cette responsabilité personnelle.
Il se dégage encore de ces dispositions légales que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.
Le paragraphe 7 (3) de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, maintenue en vigueur par l‘arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », disposant par ailleurs que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », de sorte que le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
En cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG qui dispose que ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d'imposition n'est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d'entre eux2. Il appartient dès lors à l’administration de justifier la décision à ce double égard.
En l’espèce, force est de constater qu’il se dégage de la motivation fournie à la base de la décision du directeur, ensemble les explications fournies en cours d’instance par le délégué du gouvernement, que la responsabilité du demandeur a été engagée dans la mesure où il aurait été confirmé gérant administratif de la société lors de l’assemblée générale du 29 juillet 2011, et qu’il aurait, en cette qualité, disposé du pouvoir d’engager la société avec la signature 2 Trib. adm., 14 juin 2010, n° 26277 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Impôts, n° 352 et les autres références y citées.
conjointe de Monsieur … nommé gérant technique en 2012, et dans la mesure où, en qualité de gérant, il aurait été personnellement tenu de respecter les obligations de la société à l’égard de l’administration fiscale alors qu’il aurait occupé une position clé dans la société.
Quant au bien-fondé de cette motivation, il se dégage des pièces soumis au tribunal que le demandeur a exercé la fonction de gérant administratif de la société depuis le 1er octobre 2005 et que durant les années fiscales litigieuses, à savoir pendant la période du 1er octobre 2012 au 28 février 2014, la société a été valablement engagée d’une part par la signature conjointe du gérant administratif et du gérant technique Monsieur … pour l’exploitation de prestations de services informatiques et publicitaires, et d’autre part, par la signature conjointe du gérant administratif et du gérant technique Monsieur … pour l’exploitation de l’industrie de la viande. Il ressort également des pièces versées en cause que le demandeur a occupé la fonction de délégué à la gestion journalière et que la société a été engagée en toutes circonstances soit par les signatures conjointes de deux administrateurs, dont celle du demandeur lequel a par ailleurs possédé dans tous les cas un droit de cosignature obligatoire, soit par la signature individuelle du demandeur, et que le demandeur a exercé le pouvoir de signature individuellement lorsque la signature conjointe n’a pas été possible en raison de l’absence de l’un des administrateurs.
Si le demandeur argue certes de la présence d’un gérant technique ayant démissionné en date du 28 octobre 2013, il reste cependant en défaut de fournir un quelconque élément concret susceptible d’énerver les constatations de l’administration des Contributions directes, et qui tendrait à étayer une implication effective de ce gérant technique dans la gestion journalière de la société.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le tribunal est amené à conclure que c’est à bon droit que le bureau d’imposition a retenu qu’en tant que gérant administratif, le demandeur était responsable de l’accomplissement des obligations fiscales incombant à la société. Partant, le moyen invoqué par le demandeur n’est pas de nature à renverser le choix du bureau d’imposition de mettre en œuvre sa responsabilité et non celle de ses co-gérants.
Quant à l’appréciation de la faute commise du fait du défaut de paiement des impôts sur traitements et salaires, il convient encore de relever que lorsque le débiteur du revenu a opéré la retenue sans la continuer au fisc et a de ce fait nécessairement détourné les sommes retenues à d’autres fins, son comportement est en règle générale à considérer comme fautif puisque celui qui opère des retenues ne peut ignorer que la loi qui l’oblige à effectuer les retenues l’oblige également de transférer ces fonds au receveur.
Force est au tribunal de retenir que les explications fournies en l’espèce par la partie étatique permettent à suffisance, au regard des exigences posées par le paragraphe 109 AO et par le paragraphe 2 StAnpG, de justifier le constat d’un comportement fautif dans le chef du demandeur et la mise en cause de sa responsabilité, sans que le bureau d’imposition ait commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont il est investi en vertu des dispositions légales précitées.
En ce qui concerne le moyen du demandeur tiré d’une violation du principe d’égalité des créanciers, force est au tribunal de souligner que la responsabilité solidaire et personnelle sous examen, dont le but est d’éviter que la société débitrice ne s’acquitte pas des impôts dus, persiste indépendamment et au-delà de toute action potentielle en comblement du passif introduite dans le cadre de la procédure de liquidation de la société faillie, de sorte que le moyen y relatif est à rejeter pour ne pas être fondé.
Il s’ensuit qu’il y a lieu d’admettre, à l’instar de ce qui a été retenu par le directeur, que Monsieur …, en sa qualité de gérant administratif ayant effectivement exercé la gestion journalière de la société est personnellement responsable des insuffisances d'impôt qui sont la conséquence de son comportement fautif, à savoir son défaut d’avoir retenu pendant la période en question, lors du paiement des salaires, l’impôt sur les salaires et de le continuer au trésor public.
En avançant ces considérations à l’appui de sa décision, le directeur s’est livré à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles de fonder sa décision. Force est encore de constater que le demandeur n’a de son côté pas utilement renversé les conclusions du directeur à cet égard, mais qu’il est resté en défaut d’énerver concrètement les faits relevés par le directeur pour conclure au caractère fautif de son comportement en tant que gérant administratif.
Il se dégage dès lors des développements qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé, aucun autre moyen n’ayant été soulevé par le demandeur à l’encontre de la décision directoriale sous analyse.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
Claude Fellens, vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Géraldine Anelli, attaché de justice, et lu à l’audience publique 16 mars 2016, par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s.Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 mars 2016 Le greffier du tribunal administratif 9