Tribunal administratif N° 36201 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2015 Ire chambre Audience publique du 9 mars 2016 Recours formé par Monsieur …, Bosnie-Herzégovine, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36201 du rôle et déposée le 27 avril 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Allemagne), de nationalité bosnienne, demeurant actuellement en Bosnie-Herzégovine, sans préjudice quant aux indications de lieux plus exactes, tendant à l’annulation d’une décision du 12 février 2015 prise par le ministre de l’Immigration et de l’Asile lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 août 2015 par Maître Louis Tinti au nom de son mandant ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley Freyermuth en remplacement de Maître Louis Tinti, et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives.
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Par décision du 8 janvier 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », refusa de faire droit à la demande de protection internationale introduite par Monsieur… et son épouse, Madame…-…, ainsi que par leurs fils majeurs Messieurs … et …, dénommés ci-après « les consorts … », sur base de l’article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
La même décision ordonna aux consorts … de quitter le territoire dans un délai de trente jours à compter du jour où la décision en question est devenue définitive, à destination de la Bosnie-Herzégovine ou de tout autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner.
Par jugement du 19 mars 2014 (n° 33900 du rôle), le recours contentieux introduit par les consorts … contre la décision ministérielle précitée du 8 janvier 2014 a été rejeté pour ne pas être fondé.
A la suite d’une demande afférente lui adressée par le litismandataire des consorts … en date du 8 avril 2014, le ministre leur accorda, par décision du 31 juillet 2014, un sursis à l’éloignement jusqu’au 29 janvier 2015, et ceci en raison de l’état de santé de Monsieur….
Par décision du 16 janvier 2015, le ministre refusa de proroger le sursis à l’éloignement précité du 31 juillet 2014, suite à une demande afférente lui adressée par le litismandataire des consorts …, au motif que l’état de santé de Monsieur… ne justifiait plus une telle prorogation, et ceci au vu d’un avis du médecin délégué du service médical de l’immigration de la direction de la santé.
Par quatre arrêtés séparés datés du 12 février 2015, le ministre informa les différents membres de la famille … que l’entrée sur le territoire national leur était interdit pour une durée de trois ans. L’arrêté visant Monsieur …, notifié en date du 25 février 2015, est basé sur les considérations et motifs suivants :
« Vu l’article 124 (2) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu ma décision de retour du 8 janvier 2014, lui notifiée par courrier recommandé le 10 janvier 2014 ;
Attendu que l’intéressé s’est néanmoins maintenu sur le territoire (…) ».
Par quatre arrêtés séparés du même jour, le ministre ordonna le placement des consorts … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification des arrêtés en question.
Le 4 mars 2015, Monsieur … fut signalé dans le système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II).
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation la décision du 12 février 2015 lui interdisant l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans.
Dans la mesure où ni la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de décisions d’expulsion, respectivement de décisions portant interdiction du territoire, l’article 113 de la loi du 29 août 2008, auquel l’article 124 (2) de la même loi sur base duquel l’arrêté litigieux a été pris renvoie, prévoyant expressément un recours en annulation, seul un recours en annulation a pu être introduit, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur fait valoir que la décision de refus de sa demande de protection internationale du 8 janvier 2014 lui aurait laissé un délai de trente jours pour quitter le territoire luxembourgeois. Il précise qu’à l’occasion d’une entrevue auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes en vue de l’organisation du retour en Bosnie-Herzégovine, il aurait exprimé son souhait de voir reporter leur retour en Bosnie-Herzégovine dans l’attente de la décision à intervenir concernant la demande de sursis à l’éloignement déposée en date du 8 avril 2014.
En droit, Monsieur … reproche au ministre une violation de la loi dans la mesure où le délai accordé à l’étranger pour quitter volontairement le territoire devrait s’appliquer de manière identique suite au rejet d’une demande de prolongation d’un sursis à l’éloignement que suite au rejet d’une demande de protection internationale. Il précise que la volonté du législateur telle que répercutée dans l’article 124 (2) de la loi du 29 août 2008, aurait été de décider d’une interdiction de territoire uniquement dans l’hypothèse où l’étranger ne quitterait pas le territoire dans le délai lui imparti pour ce faire et qu’il paraîtrait contraire à l’esprit du législateur qu’aucun délai pour quitter le territoire ne serait accordé à l’étranger dont la demande de sursis à l’éloignement a été rejetée. Il reproche ainsi au ministre d’avoir « fait une fausse application de la loi » en ce qu’il aurait décidé d’une interdiction de territoire avant l’expiration d’un délai de trente jours en vue de lui permettre un retour volontaire dans son pays d’origine, auquel il se serait engagé préalablement.
En deuxième lieu, Monsieur … fait valoir que l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée à son égard par le ministre dans la décision déférée sur base de l’article 124 (2) de la loi du 29 août 2008 serait le fruit d’une absence sinon d’une mauvaise transposition de l’article 11, point 3, alinéa 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dénommée ci-après « la directive 2008/115/CE », suivant lequel les Etats membres pourraient soit s’abstenir d’imposer, soit lever ou suspendre une interdiction d’entrée sur le territoire dans des cas particuliers, notamment pour des raisons humanitaires. Il considère que le législateur luxembourgeois aurait lors de la transposition de cette directive méconnu cette norme européenne supranationale en instaurant aux termes de l’article 124, paragraphes 2 et 3 une sorte « d’automatisme » entre l’irrégularité du séjour d’un étranger et le recours à une interdiction de territoire, en omettant la possibilité de « s’abstenir d’imposer » une interdiction d’entrée sur son territoire dans des cas particuliers, notamment en considération de « raisons humanitaires ». Il retient ensuite que cette disposition de la directive serait suffisamment claire et inconditionnelle, de sorte qu’en application de la jurisprudence communautaire elle devrait avoir un effet direct, de manière à ce qu’en application de l’article 11, point 3, alinéa 3 de la directive 2008/115/CE, l’interdiction du territoire prononcée à son égard devrait être déclarée nulle pour des raisons humanitaires. Le demandeur estime que le fait que l’exécution de l’interdiction de territoire l’empêcherait de se déplacer pendant trois ans dans l’espace Schengen consisterait en une atteinte substantielle à sa liberté de mouvement, d’autant plus qu’il se dégagerait de sa demande de protection internationale que son père aurait pour habitude de partir travailler à l’étranger afin de subvenir aux besoins financiers de sa famille et justifierait des raisons humanitaires pouvant s’opposer à la mesure d’interdiction du territoire.
Finalement, le demandeur sollicite l’annulation de la décision du 12 février 2015 par application du principe de primauté du droit communautaire et plus précisément des normes précitées.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait encore valoir que la mesure d’interdiction du territoire serait disproportionnée en ce que le ministre ne lui aurait pas accordé un délai raisonnable pour l’organisation de son retour volontaire, dans la mesure où sa présence sur le territoire luxembourgeois aurait été parfaitement légitime jusqu’au 16 janvier 2015.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses volets.
Force est de constater que la décision litigieuse est fondée sur l’article 124 (2) de la loi du 29 août 2008, en vertu duquel « Passé le délai visé au paragraphe (1) qui précède [le délai dont l’étranger y visé dispose pour quitter volontairement le territoire luxembourgeois] une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée maximale de cinq ans est prononcée par le ministre à l’encontre de l’étranger qui se maintient sur le territoire et notifiée dans les formes prévues à l’article 110. (…) ».
Le paragraphe 3 de l’article 124 de la loi du 29 août 2008 prévoit quant à lui que « (3) La personne faisant l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire peut introduire une demande de levée de cette interdiction après un délai de trois ans à compter de l’éloignement du territoire en invoquant des moyens à établir un changement matériel des circonstances qui avaient justifié la décision d’interdiction du territoire à son encontre. » En vertu de cette disposition, une décision d’interdiction du territoire est prise par le ministre sans que celui-ci ne dispose d’un pouvoir d’appréciation quant au principe de la prise d’une telle décision, celle-ci étant la conséquence du non-respect du délai pour quitter volontairement le pays, le ministre disposant seulement d’une marge d’appréciation en ce qui concerne la durée de l’interdiction d’entrée prononcée, une levée de cette décision pouvant être demandée en cas de changement matériel des circonstances au bout d’une période de trois ans.
Le tribunal relève qu’en date du 28 décembre 2015 a été publiée au Mémorial A la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire abrogeant la loi du 5 mai 2006.
Il est constant en cause que par le biais de la décision ministérielle pré-mentionnée du 8 janvier 2014 portant rejet de sa demande de protection internationale, définitivement confirmée par le jugement précité du tribunal administratif du 19 mars 2014, le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour comportant l’ordre de quitter le territoire dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision en question.
Etant donné que ladite décision a été notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le 10 janvier 2014 et que l’article 6 (9) de la loi du 5 mai 2006 prévoit que « (…) toute notification est réputée valablement faite trois jours après l’envoi au domicile élu [du demandeur de protection internationale], sous pli recommandé à la poste », la notification de la décision de retour précitée est réputée avoir été faite le lundi 13 janvier 2014. Il s’ensuit que le délai imparti au demandeur pour quitter volontairement le territoire aurait expiré le 12 février 2014. Au regard néanmoins du caractère suspensif des recours contentieux en matière de protection internationale, cette décision n’est devenue définitive qu’à partir du jugement du tribunal administratif du 19 mars 2014, de sorte que le délai imparti au demandeur pour quitter volontairement le territoire aurait expiré trente jours après la notification dudit jugement. Au vu cependant du sursis à l’éloignement accordé aux consorts … par décision du 31 juillet 2014 suite à leur demande afférente du 8 avril 2014 et de la décision de refus de la prolongation dudit sursis à l’éloignement du 16 janvier 2015, le délai pour quitter le territoire s’est finalement écoulé en date du 29 janvier 2015, comme indiqué dans ladite décision.
D’une part l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision du 8 janvier 2014 est coulé en force de chose jugée dans la suite du jugement du tribunal administratif du 19 mars 2014 et aucune disposition légale n’oblige le ministre d’assortir la décision de refus d’une prolongation d’un sursis à l’éloignement d’un délai supplémentaire de trente jours.
D’autre part, il convient de relever que la décision de refus de prolongation du sursis à l’éloignement critiquée par le demandeur à ce titre, ne faisant pas l’objet du présent litige, le tribunal ne saurait en remettre en cause la légalité dans le cadre du présent recours.
S’il est vrai qu’il ressort du dossier administratif qu’en date du 10 avril 2014, les consorts … ont eu un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes relatif à l’organisation de leur retour dans leur pays d’origine et que la déclaration y relative porte comme remarque « Demande sursis par avocat. La famille s’engage de retourner volontairement si la demande sursis sera négative », force est cependant au tribunal de constater que cette déclaration n’a jamais été signée par les consorts …, qui ne contestent par ailleurs pas de s’être maintenus sur le territoire au-delà du délai leur imparti en vertu du sursis à l’éloignement et n’allèguent pas avoir accompli des démarches concrètes en vue d’un retour volontaire.
Il s’ensuit que le moyen du demandeur ayant trait à une violation de la loi pour non-
respect d’un délai de retour volontaire suite à une décision de rejet de prolongation de sursis à l’éloignement n’est pas fondé et que c’est a priori à bon droit que le ministre a interdit au demandeur d’entrer sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans, en application de l’article 124 (2) de la loi du 29 août 2008.
Quant au moyen du demandeur tiré de l’application directe de l’article 11, point 3 de la directive 2008/115/CE au motif que l’article 124 de la loi du 29 août 2008 invoqué par le ministre pour prononcer la mesure d’interdiction du territoire à son égard serait le fruit d’une absence sinon d’une mauvaise transposition de la prédite directive, il échet de relever que, selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, les directives ne peuvent être directement applicables et invoquées par des particuliers à l’encontre d’un Etat que si leurs dispositions apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, et que l’Etat en question s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte1. En effet, l’effet direct en droit national d’une directive européenne ne peut être invoqué et le juge n’est obligé de l’appliquer qu’à partir du moment où la directive exprime une obligation claire, précise et inconditionnelle, ne supposant aucune mesure d'exécution, ni de la part des institutions communautaires, ni de la part des États et sans laisser un pouvoir discrétionnaire à l'Etat membre chargé de sa transposition en droit national.2 Il échet tout d’abord de vérifier si le législateur luxembourgeois a correctement transposé la directive 2008/115/CE en droit national.
En effet, l’article 11 de la directive 2008/115/CE prévoit que : « 1. Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée:
1 trib. adm. 9 octobre 2003 n°15375 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Lois et règlements, n°32 et autres références y citées et trib. adm. 19 janvier 2015 n°34482 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu .
2 trib. adm. 16 mai 2011, n°27060 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Lois et règlements n°32 et autre référence y citée.
a) si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou b) si l’obligation de retour n’a pas été respectée.
Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée.
2. La durée de l’interdiction d’entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.
3. Les États membres examinent la possibilité de lever ou de suspendre une interdiction d’entrée lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une telle interdiction décidée conformément au paragraphe 1, deuxième alinéa, peut démontrer qu’il a quitté le territoire d’un État membre en totale conformité avec une décision de retour.
Les personnes victimes de la traite des êtres humains auxquelles un titre de séjour a été accordé conformément à la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes (11) ne font pas l’objet d’une interdiction d’entrée, sans préjudice du paragraphe 1, premier alinéa, point b), et à condition que le ressortissant concerné d’un pays tiers ne représente pas un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.
Les États membres peuvent s’abstenir d’imposer, peuvent lever ou peuvent suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires.
Les États membres peuvent lever ou suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers ou certaines catégories de cas, pour d’autres raisons. (…) » Ainsi, force est de constater qu’il résulte de la lecture de l’article 11 point 1 précité de la directive qu’une interdiction d’entrée sur le territoire sera prononcée si l’obligation de retour n’a pas été respectée et de la lecture de son point 3, que les Etats membres peuvent s’abstenir d’imposer, peuvent lever ou peuvent suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers, de sorte à ne prévoir que la possibilité pour les Etats membres d’envisager de ne pas prononcer, lever ou suspendre une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire pour des raisons humanitaires ou autres. Une telle abstention d’imposer une mesure d’interdiction du territoire n’est partant qu’une simple faculté pour les Etats, laissée au pouvoir discrétionnaire de l'Etat membre chargé de sa transposition en droit national, de même que l’emploi des termes « pour des raisons humanitaires» « pour d’autres raisons » constituant les différentes caractéristiques possibles des motifs pouvant justifier une telle abstention, levée ou suspension d’une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire. Il en découle qu’en l’espèce, en transposant ladite disposition de la directive 2008/115/CE par l’article 124, alinéas 2 et 3 de la loi du 29 août 2008 prévoyant tant le principe d’une interdiction d’entrée sur le territoire qu’une possibilité de mainlevée sous certaines conditions, l’Etat luxembourgeois a usé de sa large marge de manœuvre de transposition lui laissée par la directive, de sorte que ni le texte, ni l’esprit de cette directive ne s’en trouve violé.
Il s’ensuit que le demandeur n’est pas en droit de pouvoir invoquer un effet direct des dispositions de l’article 11, point 3 de la directive 2008/115/CE pour contourner l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée à son encontre en application de l’article 124 (2) de la loi du 29 août 2008. Par ailleurs, il ne saurait être reproché à l’Etat luxembourgeois d’avoir instauré un automatisme entre le séjour irrégulier et l’interdiction du territoire sans prise en compte de la situation particulière du demandeur, puisqu’en l’espèce, d’une part, un tel automatisme résulte de l’article 11, paragraphe 1, points a) et b) de la directive 2008/115/CE et que, d’autre part, la situation particulière du demandeur a été analysée dans le cadre de sa demande de protection internationale et que ce n’est qu’après une analyse de son cas particulier qu’une obligation de quitter le territoire a été prononcée à son égard et que ce n’est qu’en raison de son refus d’obtempérer et de quitter volontairement le territoire luxembourgeois que le ministre a prononcé une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire à son égard.
Le demandeur ne contestant en l’espèce pas la légalité de l’ordre de quitter le territoire prononcé à son égard, le ministre a, en l’absence d’un retour volontaire en Bosnie-
Herzégovine du demandeur, pu prononcer une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire sur base de l’article 124 (2) précité de la loi du 29 août 2008 à son égard, de sorte que le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de la décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pendant trois ans, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser si le demandeur peut invoquer des raisons humanitaires qui auraient le cas échéant pu amener le ministre à ne pas prononcer une telle décision d’entrée sur le territoire luxembourgeois.
Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’à défaut de tout autre moyen, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-
fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Michèle Stoffel, juge, Anne Foehr, attaché de justice déléguée, et lu à l’audience publique du 9 mars 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 09/03/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 8