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04/02/2016 | LUXEMBOURG | N°37277

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 février 2016, 37277


Tribunal administratif N° 37277 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2015 2e chambre Audience publique du 4 février 2016 Recours formé par Monsieur ….. et consort, …., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37277 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2015 par Maître François Gengler, a

vocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Tribunal administratif N° 37277 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2015 2e chambre Audience publique du 4 février 2016 Recours formé par Monsieur ….. et consort, …., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37277 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2015 par Maître François Gengler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Kosovo), et de son épouse, Madame ….., née le …. à …., tous les deux de nationalité kosovare, demeurant actuellement ensemble à L-…., tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 novembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître José Lopes, en remplacement de Maître François Gengler, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er février 2016.

Le 13 août 2015, Monsieur ….. et son épouse, Madame ….., ci-après désignés par « les époux ….. », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations des époux ….. sur leurs identités respectives et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Le 14 septembre 2015, les époux ….. furent entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale 1en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 dit « règlement Dublin III ».

Le 12 octobre 2015, Monsieur ….. fut entendu par un agent du même ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que l’audition de Madame …..-….. eut lieu le lendemain.

Lors de son audition, Monsieur ….. soutint ne pas se sentir en sécurité dans son pays d'origine. A cet égard, il expliqua qu’en 1999, au cours de la guerre du Kosovo, le cousin de son père et un voisin auraient été assassinés par des Albanais. Par ailleurs, il fit état de provocations et de menaces régulières de mort à leur encontre et – en ce qui concerne son épouse – de viol de la part d’Albanais inconnus. Ainsi, le 4 juillet 2014, deux Albanais l’auraient menacé de violer son épouse, en lui disant « Il faut que tu me prêtes ce tu as à la maison. Si tu ne vas pas me la prêter volontairement, je vais m’en servir de force ». En décembre 2014, deux Albanais auraient poursuivi son épouse, d’abord en voiture et ensuite à pieds. En prenant la fuite, Madame …..-…..

serait tombée et se serait cassée la cheville. Monsieur ….. expliqua encore que son père aurait possédé une forêt à ….., que des Albanais d’un autre village auraient voulu acheter. En janvier 2015, une connaissance lui aurait fait savoir que ces personnes l’auraient recherché et menacé, afin qu’il leur cède la forêt en question, malgré une tradition locale qui interdirait à un héritier de vendre son patrimoine familial immobilier. Monsieur ….. précisa ne jamais avoir sollicité la protection des autorités de son pays d'origine face aux agissements d’Albanais inconnus dont il s’est plaint. Finalement, il expliqua que malgré le fait d’être mariés depuis trois ans, son épouse et lui-même n’auraient toujours pas réussi à avoir des enfants. Ils n’auraient cependant pas osé se rendre à l’hôpital local pour en faire déterminer les causes, au motif que le personnel de cet établissement serait exclusivement composé de personnes d’ethnie albanaise.

Lors de son entretien, Madame …..-….. confirma le récit de son époux. Elle précisa encore avoir été victime d’une tentative de viol de la part d’Albanais inconnus à l’âge de neuf ans et elle ajouta que lors de l’incident survenu en décembre 2014, qu’elle qualifia également de tentative de viol, les malfaiteurs auraient essayé de la tirer dans leur voiture. A l’instar de son époux, elle ne se serait jamais adressée aux autorités de son pays d'origine pour obtenir une protection.

Par décision du 25 novembre 2015, notifiée aux intéressés par courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre de l'Immigration et de l'Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa les époux ….. qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2015, les époux …..

ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision du ministre du 25 novembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

2A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a invité les parties à prendre oralement position sur l’incidence, sur les présents recours, de l’abrogation de la loi du 5 mai 2006 par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », publiée au Mémorial A le 28 décembre 2015 et entrée en vigueur 3 jours francs après sa publication1, soit le 1er janvier 2016, à défaut de disposition spéciale quant à l’entrée en vigueur de ladite loi.

Les parties n’ont pas pris position de façon spécifique par rapport à cette question.

Dans la mesure où, à travers l’article 83 de la loi du 18 décembre 2015, le législateur s’est limité à abroger purement et simplement la loi du 5 mai 2006 dans son intégralité, sans pour autant prévoir de mesures transitoires, se pose la question de la loi applicable au présent litige.

Quant à la recevabilité des recours introduit par les époux ….., le tribunal relève que seule la loi en vigueur au jour où une décision critiquée a été prise est applicable pour apprécier la recevabilité d’un recours contentieux dirigé contre elle, étant donné que l’existence ainsi que la nature d’une voie de recours sont des règles de fond du droit judiciaire, de sorte que les conditions dans lesquelles un recours contentieux peut être introduit devant une juridiction doivent être réglées suivant la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée, en l’absence de mesures transitoires2. Il s’ensuit que la recevabilité des recours sous examen devra être analysée conformément aux dispositions de la loi du 5 mai 2006.

L’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, ainsi qu’un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître, d’une part, des recours en annulation introduits respectivement contre la décision ministérielle du 25 novembre 2015 de statuer sur la demande de protection internationale des époux ….. dans le cadre d’une procédure accélérée et contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte et, d’autre part, du recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale, lesdits recours étant, par ailleurs, recevables pour avoir été introduits dans les formes et délais de la loi. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit à l’encontre de la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale.

Quant à la loi applicable au fond du litige, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d'un recours en réformation, le juge administratif est amené à considérer les éléments de fait et de droit de la cause au moment où il statue, en tenant compte des changements intervenus depuis la décision litigieuse3, tandis que, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d'une décision administrative s'apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été 1 Arrêté royal grand-ducal du 22 octobre 1842, art. 2.

2 Trib. adm. 5 mai 2010, n° 25919 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 288 et l’autre référence y citée.

3 Trib. adm., 15 juillet 2004, n° 18353 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en reformation, n° 17 et l’autre référence y citée.

3prise4, de sorte que, d’une part, le tribunal est amené à appliquer la nomenclature de la loi du 18 décembre 2015 dans le cadre du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision déférée portant refus d’un statut de protection internationale – étant relevé que le contenu des dispositions applicables à l’appréciation des conditions d’octroi d’un tel statut reste le même – et, d’autre part, la loi du 5 mai 2006 continue à s’appliquer pour l’analyse du bien-fondé tant de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale des époux ….. dans le cadre d’une procédure accélérée que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée A l’appui de ce volet de leur recours, les demandeurs font valoir que ce serait à tort que le ministre aurait estimé que leurs déclarations ne soulèveraient que des questions sans pertinence et qu’ils ne rempliraient pas les conditions pour prétendre au statut de réfugié. Ils insistent sur le fait que leurs déclarations auraient mérité une analyse et un examen concrets. En outre, ils soutiennent que les faits invoqués à l’appui de leur demande de protection internationale, à savoir les menaces de mort, respectivement de viol proférées à leur encontre, ainsi que la tentative de viol dont Madame …..-….. aurait fait l’objet à l’âge de neuf ans, constitueraient indéniablement des faits graves rentrant dans le cadre d’une demande de protection internationale, les demandeurs précisant encore, dans ce contexte, d’une part, qu’au vu de la subsistance, au Kosovo, de tensions entre les communautés ethniques serbe et albanaise, il serait « (…) tout à fait légitime [qu’ils aient] des appréhensions concernant le bon vouloir des autorités du pays (…) » et, d’autre part, que l’argumentation de la partie étatique selon laquelle le Kosovo serait un Etat démocratique veillant au respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et qui serait doté d’un système judiciaire indépendant serait à écarter en ce qu’elle « (…) [manquerait] de se confronter à la réalité, du moins celle [les] concernant (…) ». Ils en déduisent que le ministre aurait abusé de sa faculté de recourir à la procédure accélérée prévue par l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que la décision déférée devrait encourir l’annulation pour défaut de motivation, excès de pouvoir ou irrégularité formelle.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Le tribunal retient en premier lieu que le moyen tiré d’un défaut de motivation est à écarter, dans la mesure où les demandeurs sont restés en défaut de préciser dans quelle mesure la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, étant précisé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à 4 Trib. adm. , 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en annulation, n° 17 et les autres références y citées.

4déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

(…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.

Par ailleurs, il convient de relever que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

En ce qui concerne plus précisément le cas énuméré au point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, force est de constater qu’aux termes de l’article 21 de cette même loi, auquel l’article 20 (1) fait expressément référence : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et 5libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, le Kosovo a été retenu comme constituant un pays d’origine sûr. Etant donné qu’il est encore constant en cause que les demandeurs ont non seulement la nationalité kosovare, mais qu’ils ont encore habité ensemble au Kosovo avant de venir au Luxembourg, c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr.

Or, au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est pas suffisant pour conclure ipso facto qu’il soit statué sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, étant donné qu’aux termes de l’article 21 (2) de la même loi, le ministre est obligé, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le tribunal constate que le ministre, après examen de la demande de protection internationale des demandeurs, a conclu qu'ils proviennent d'un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et dans les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier si les demandeurs lui soumettent, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.

Or, les demandeurs omettent d'établir l’existence, dans leur chef, de pareilles raison. En effet, l'analyse de la situation personnelle décrite par eux ne permet pas d'en dégager des éléments suffisants impliquant que ce constat ministériel s’en trouve ébranlé.

A cet égard, le tribunal relève qu’il se dégage des auditions respectives des demandeurs qu’ils n’ont jamais porté plainte suite aux menaces proférées à leur encontre par des Albanais inconnus et qu’il en est de même en ce qui concerne la tentative de viol dont Madame …..-…..

aurait fait l’objet en décembre 2014. Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection. En effet, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut. 5 Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et de tentatives de viol, communément la forme d’une plainte.

5 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

6En l’espèce, les demandeurs sont restés en défaut de fournir des raisons valables permettant de justifier leur inaction à cet égard, leurs contestations générales et non appuyées par un quelconque élément concret portant sur l’indépendance du système judiciaire kosovare et le respect, par les autorités kosovares, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales étant insuffisantes à cet égard. Il en est de même en ce qui concerne la crainte de représailles exprimée par la demanderesse au cours de son audition6, étant précisé, dans ce contexte, que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. La même conclusion s’impose en ce qui concerne la référence que les demandeurs font à la subsistance, au Kosovo, de tensions entre les communautés ethniques serbe et albanaises. En effet, s’il est exact que de telles tensions existent toujours au Kosovo, cette seule circonstance ne permet pas de retenir que les autorités kosovares ne voudraient ou ne pourraient pas fournir une protection adéquate aux victimes d’infractions s’inscrivant sur une toile de fond ethnique, étant précisé, dans ce contexte, qu’il ressort tant des propres déclarations du demandeur7 que des explications de la partie étatique, sources internationale à l’appui, que la police kosovare est multiethnique, la station de police de la commune de Partes, dont les demandeurs sont originaires, étant même majoritairement composée d’agents d’ethnie serbe.

Dans ces conditions, le tribunal retient qu’il n’est pas établi en l’espèce que les autorités kosovares ne voudraient ou ne pourraient pas fournir aux demandeurs une protection appropriée par rapport aux faits invoqués à l’appui de leur demande de protection internationale, ni qu’ils seraient en droit de ne pas se prévaloir de la protection desdites autorités.

Il s’ensuit que le ministre a valablement pu conclure que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 20 (1) c), respectivement de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale A l’appui de ce volet de leur recours, les demandeurs invoquent en substance la même argumentation que celle développée à l’appui du recours en annulation dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée. Pour le surplus, ils reprochent au ministre de ne pas avoir pris en compte leur situation individuelle in concreto, qui serait caractérisée par le fait qu’ils auraient été victimes de menaces de mort et de viol. Par ailleurs, 6 Rapport d’audition de Madame …., p. 3.

7 Rapport d’audition de Monsieur …., p. 3 : « (…) Partout là-bas, par exemple à la commune ou à la police, travaillent des Serbes et des Albanais. [Si] deux Serbes travaillent dans un établissement, alors deux Albanais y travaillent également. (…) ».

7contrairement aux affirmations du ministre, leurs déclarations seraient parfaitement crédibles.

Pourtant, le ministre n’aurait pas pris en compte leurs déclarations, de sorte que la décision litigieuse serait dépourvue de toute motivation et leur droit à un examen effectif de leur demande n’aurait pas été respecté. Ils ajoutent qu’un retour dans leur pays d’origine les exposerait à des traitements inhumains et dégradants. En conclusion, ils soutiennent qu’ils prétendraient à juste titre à l’octroi du statut de réfugié, sinon de la protection subsidiaire et que la décision déférée devrait encourir la réformation en ce sens.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

A titre liminaire, le tribunal relève que contrairement à ce que les demandeurs soutiennent dans leur requête introductive d’instance, le ministre n’a pas remis en cause la crédibilité de leur récit, de sorte que leurs contestations afférentes sont à écarter pour défaut de pertinence.

S’agissant ensuite du reproche formulé par les demandeurs selon lequel le ministre se serait abstenu de procéder à un examen effectif de leur demande, en ce qu’il n’aurait pas pris en compte leurs déclarations, de sorte que la décision déférée serait dépourvue de toute motivation, force est au tribunal de constater, d’une part, que les demandeurs sont restés en défaut d’indiquer quelles de leurs déclarations n’auraient pas été prises en compte par le ministre et, d’autre part, que la décision déférée contient un résumé des motifs de la demande de protection internationale des époux ….. tels que ressortant de leurs auditions respectives et énonce de façon détaillée les raisons ayant amené le ministre à refuser ladite demande. Dès lors, l’argumentation afférente est à écarter pour manquer en fait.

Quant au fond, il y a lieu de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi, reprenant, en substance, les termes de l’ancien article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la loi 18 décembre 2015, anciennement l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne 8pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, dispose que « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, lesquels peuvent être :

« (…) a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

Par rapport à la notion de protection, l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 29 de la loi du 5 mai 2006, prévoit ce qui suit : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent 9l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes en question sont des personnes privées, elles sont à qualifier d’acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire. Particulièrement, si l’élément qui fait défaut touche à l’auteur des persécutions ou des atteintes graves, aucun des deux volets de la demande de protection internationale ne saurait aboutir, les articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 s’appliquant tant à la demande tendant à l’obtention du statut de réfugié qu’à celle tendant à l’octroi de la protection subsidiaire.

Indépendamment de la qualification des faits invoqués par les époux ….. à l’appui de leur demande de protection internationale ou encore de celle de savoir si ces faits sont d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, le tribunal relève que les auteurs desdits faits sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat, en l’occurrence des Albanais inconnus. Les demandeurs ne sauraient dès lors faire valoir un risque réel de subir des persécutions ou des atteintes graves que si les autorités kosovares ne veulent ou ne peuvent pas leur fournir une protection adéquate contre les agissements de ces personnes, en application de l’article 39 c) de la loi du 18 décembre 2015, ou si, du fait de leur crainte, ils sont en droit de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de leur pays d’origine, étant rappelé, dans ce contexte, que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

10Or, le tribunal vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée par rapport à la situation de fait et de droit ayant existé au jour de la prise de la décision litigieuse qu’il n’est pas établi en l’espèce que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir aux demandeurs une protection adéquate au sens de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, ni qu’ils seraient en droit de ne pas se prévaloir de la protection desdites autorités. Dans la mesure où, dans le cadre du présent recours en réformation, le tribunal ne dispose, au jour où il statue, pas d’autres éléments permettant d’énerver cette conclusion, les faits invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande de protection internationale ne sauraient justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni celui de la protection subsidiaire.

Dès lors, le tribunal retient que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des époux ….., de sorte que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire, au motif, d’un côté, qu’ils auraient invoqué des motifs sérieux et suffisants de craintes de persécution et, de l’autre côté, qu’eu égard au principe de précaution, il serait en tout état de cause préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où il y aurait lieu de craindre qu’elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en annulation.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des demandeurs, il a, a priori, valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution.

Les demandeurs soutiennent encore que l’ordre de quitter le territoire devrait encourir l’annulation, au motif qu’il violerait l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». Ils considèrent que leur éloignement serait proscrit dès lors qu’il existerait, dans leur chef, un risque de subir un traitement inhumain, sinon des atteintes graves en cas de retour forcé dans leur pays d’origine.

Il convient de rappeler que si l’article 3 de la CEDH proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement – tel qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé aux demandeurs pour quitter le Luxembourg – relève de la CEDH dans la mesure où 11son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La Cour européenne des droits de l’Homme recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

En l’espèce, les demandeurs n’ont pas fait état d’une crainte fondée d’être persécutés, ni d’un risque réel de subir des atteintes graves, tel que retenu ci-avant dans le cadre de l’examen du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant refus de leur demande de protection internationale. Dès lors, compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH,8 le tribunal est amené à retenir qu’il n’existe pas de risque suffisamment réel pour que le renvoi des demandeurs dans leur pays d’origine soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Finalement, le tribunal ne saurait suivre les demandeurs en ce qu’ils soutiennent que la décision prise à leur encontre violerait l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1984, disposant que « 1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d’autres pays. 2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. », étant donné que le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir qu’ils n’ont pas fait état d’un risque réel de subir des persécutions en cas de retour dans leur pays d’origine.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

8 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.

12reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 25 novembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 25 novembre 2015 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 25 novembre 2015 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Hélène Steichen, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 4 février 2016 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 février 2016 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 37277
Date de la décision : 04/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-02-04;37277 ?

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