Tribunal administratif N° 36383 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2015 2e chambre Audience publique du 4 février 2016 Recours formé par la société anonyme ….., …., contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière de retenue d’impôts sur les traitements et salaires
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36383 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2015 par Maître Aurélia Feltz, avocat à la Cour, inscrite à l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme ….., établie et ayant son siège social à L-…., immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …., représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 mars 2015 portant rejet de sa réclamation introduite à l’encontre d’un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue – Lohnsteuerbescheid – pour les années d’imposition 2008 à 2013, émis le 1er octobre 2014 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2015 ;
Vu le mémoire réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2015 par Maître Aurélia Feltz pour le compte de la société demanderesse ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shanez Aksil, en remplacement de Maître Aurélia Feltz, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 janvier 2016.
Par courrier du 3 juillet 2014, le bureau d’imposition RTS Ettelbruck de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition » s’adressa à la société anonyme ….., ci-après désignée par « la société ….. » en ces termes :
« (…) Dans le but de procéder à une vérification des opérations relatives à la retenue d’impôt sur salaires suivant articles 16 à 19 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974, je vous prie de bien vouloir me faire parvenir les pièces suivantes :
1 une copie du détail des frais généraux des années 2008 à 2013 une copie du journal de bord indiquant les déplacements effectués par les salariés concernés en relation avec les frais de route accordés pour les années 2008 à 2013 (…) ».
Par courrier du 22 juillet 2014, le bureau d’imposition demanda à nouveau à la société ….. de lui fournir jusqu’au 8 août 2014 au plus tard « (…) une copie du journal de bord indiquant les déplacements effectués par les salariés concernés en relation avec les frais de route accordés pour les années 2008 à 2013 (…) », sous peine d’imposition forfaitaire des montants afférents.
Par courrier du 18 août 2014, le bureau d’imposition s’adressa à la société ….. en ces termes :
« (…) Suite à la vérification de la retenue d’impôt sur salaires du 18 août 2014 et vu le paragraphe 205 alinéa 3 de la loi générale des impôts, les modifications suivantes sont envisagées :
Imposition supplémentaire des frais de route/frais de séjour (forfaits) chez différents salariés suivant compte de salaires (pas d’exemption suivant Art. 115LIR (…) », ledit courrier précisant encore le montant de l’imposition supplémentaire due pour les différents salariés concernés, par rapport aux années d’imposition 2009 à 2013, et invitant la société ….. à faire valoir ses observations jusqu’au 9 septembre 2014.
Par courrier du 5 septembre 2014, la société ….. prit position comme suit :
« (…) Suite à votre courrier du 18/08/14, je me permets de vous envoyer le tableau des calculs pour 2013 comme vous l’avez demandé.
Comme expliqué au téléphone, nous avons fixé un montant mensuel fixe en frais de route et séjour car l’un dans l’autre avec les jours fériés et congés, nous arrivons à environ(…) le même montant au total de l’année.
Je ne vous envoi[e] que l’année 2013 car pour réaliser ces tableaux cela demande beaucoup de temps et je vous demande un délai pour les années antérieur[es] comme demandé dans votre courrier. (…) ».
Le 1er octobre 2014, le bureau d’imposition émit à l’encontre de la société ….. un bulletin de la retenue de l’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue, qui a opéré des redressements d’un total de 7.046 euros au titre des années d’imposition 2008 à 2013 sur base des considérations suivantes :
« (…) En date du 24/09/2014 il a été procédé, en application des dispositions de l’article 136 L.I.R. de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, à une révision des retenues d’impôt à opérer, à déclarer et à verser par vos soins à l’Administration des contributions, du chef de rémunérations allouées à votre personnel salarié et retraité.
2La révision portant sur les années d’imposition 2008 à 2013 inclusivement a eu lieu conformément aux dispositions de la section 5 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions.
D’après l’état récapitulatif du rapport de la révision, les compléments de retenue d’impôt et les suppléments y relatifs, sont fixés aux montants ci-après, ceci sans préjudice des intérêts de retard grevant les arriérés conformément à l’article 155 L.I.R. ainsi que, le cas échéant, des retenues d’impôt déclarées non encore versées. (…) ».
Dans ledit même bulletin, il fut encore précisé que « (…) Conformément aux dispositions de l’article 136 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est personnellement responsable de la déclaration et du paiement de l’impôt retenu. (…) ».
Par courrier de son litismandataire du 30 décembre 2014, la société ….. fit introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre du bulletin susmentionné, qui fut rejetée par une décision directoriale du 3 mars 2015, libellée comme suit :
« (…) Vu la requête introduite le 2 janvier 2015 par Maître Aurélia Feltz, au nom de la société anonyme ….. , avec siège social à L-…., pour réclamer contre le bulletin complémentaire de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013, émis le 1er octobre 2014 ;
Vu le dossier fiscal;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition de la retenue sur traitements et salaires (RTS) d'avoir refusé d'exonérer les remboursements des frais de route et de séjour octroyés à ses salariés dans le cadre de leurs déplacements professionnels;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d'impôt étant d'ordre public;
qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé;
qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique;
Considérant que la requérante s'exprime, par extraits, comme suit à l'endroit de son placet:
« En vertu du paragraphe 205 alinéa 3 de la loi générale des impôts, une imposition supplémentaires (sic) des frais de route et/ou des frais de séjour fixées (sic) forfaitairement chez les différents salariés employés auprès de ma mandante a été décidé (sic).
3 Ma mandante conteste le bulletin d'imposition émis pour les années 2008 à 2013 par votre administration pour les raisons suivantes:
Afin de faciliter l'établissement des fiches de rémunération et sur base des conseils qui lui ont été prodigués par la fiduciaire qui s'occupe du dossier, ma mandante a procédé chaque mois pour les années 2008 à 2013 au remboursement d'un montant forfaitaire au titre de frais de route et/ou de frais de séjour.
A ce jour, ce remboursement effectué mensuellement sur une base forfaitaire est refusé dans son intégralité au motif que seuls les frais réels seraient remboursables mensuellement dans le chef de chaque salarié, à l'exclusion d'un montant forfaitaire.
A supposer qu'effectivement ma mandante aurait dû procéder au remboursement des frais de route et/ou de séjour sur base des frais réels afférents à chacun de ses salariés et non pas à un remboursement forfaitaire comme elle l'a fait; il y a lieu, dans ce cas, d'effectuer un recalcul sur base des frais réels.
A cette fin, ma mandante est disposée à vous communiquer les frais de route et/ou frais de séjour réels afférents à chacun de ses salariés pour les années litigieuses afin de vous permettre de procéder sur cette base à un recalcul adéquat des retenues d'impôts (sic) à opérer en tenant compte des frais réels et non des frais forfaitaires.
Or, à ce jour, ma mandante n'a pas eu l'opportunité de vous communiquer cette information, ce qui a pour conséquence qu'elle se trouve actuellement imposée sur la totalité des frais de route et/ou de frais de séjour qu'elle a remboursé (sic) à ses employés de 2008 à 2013.
Le calcul des frais de route et/ou de frais de séjour sur base des frais réels fera apparaître des différences mensuelles minimes, cependant annuellement, le résultat final aboutira pratiquement au même résultat.
Pour les raisons susmentionnées, je vous prie de bien vouloir procéder au réexamen du dossier de ma mandante en lui donnant l'opportunité de vous communiquer les frais de route et/ou de frais relatifs à ses différents salariés afin de vous permettre de procéder à un recalcul correct d'un éventuel supplément d'impôts à payer. » ;
Considérant, à titre liminaire, que, contrairement aux assertions de la réclamante, s'efforçant par tous les moyens de faire croire qu'elle n'aurait jamais eu la moindre opportunité de présenter des pièces ou justificatifs permettant de voir clair et de s'assurer de la véracité et de la pertinence des données qu'elle serait apte à fournir à tout moment et sur simple demande, que le bureau d'imposition l'a plus d'une fois incitée, en vain, de lui faire parvenir « une copie du journal de bord indiquant les déplacements effectués par les salariés concernés en relation avec les frais de route accordés pour les années 2008 à 2013 » ; qu'elle n'a d'ailleurs, même à ce jour et nonobstant ses propres mots, jugé utile de fournir la moindre preuve quant au bien-fondé de ses allégations, de sorte qu'il s'avère dorénavant inéluctable de continuer l'analyse de droit en passant outre à cette objection;
Considérant, d'un point de vue matériel, qu'il y a lieu de se référer en l'espèce à l'article 95, alinéa 1er de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), définissant comme 4revenu imposable d'une occupation salariée « les émoluments et avantages obtenus en vertu d'une occupation dépendante (…), et retenant par ailleurs en son alinéa 2 que « les émoluments et avantages comprennent aussi toutes les indemnités autres que les remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l'intérêt exclusif de l'employeur » ;
qu'il s'ensuit qu'en général les remboursements aux salariés de frais effectivement engagés et dûment documentés par des pièces à l'appui, peuvent ne pas constituer un revenu imposable, contrairement tout de même à un remboursement forfaitaire qui, lui, est considéré d'office comme un revenu imposable, à moins d'être expressément admis comme remboursement de frais professionnels par les dispositions légales, réglementaires ou administratives y jouant;
que force est encore de noter qu'il y a lieu, dans ce cas, d'interpréter ces dispositions, notamment celles au niveau administratif faisant l'objet de circulaires, d'une manière très restreinte, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'étendre l'application de forfaits figurant dans une circulaire au-delà du champ d'application, d'ailleurs bien défini, que lui confère cette circulaire;
Considérant encore que l'alinéa 5 de l'article 95 L.I.R. retient que sous réserve des dispositions de l'article 115 L.I.R., sont considérés comme revenus d'une occupation salariée notamment les traitements, salaires, gratifications, tantièmes, les traitements d'attente ou d'indisponibilité, les indemnités de séjour ainsi que, finalement, les indemnités de chômage;
que, parallèlement et en vertu de l'article 105 L.I.R., sont considérées comme frais d'obtention les dépenses faites directement en vue d'acquérir, d'assurer et de conserver des recettes, sous réserve d'ailleurs du principe de l'interdiction de ventilation des dépenses à caractère mixte (à l'inverse des dépenses effectuées exclusivement dans le cadre de ses fonctions professionnelles), énoncé par l'article 12 L.I.R., celui-ci consignant entre autres que les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable constituent des dépenses privées non-déductibles, même lorsqu'elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession; qu'il en découle que seules les dépenses occasionnées directement par l'activité professionnelle du contribuable entrent en ligne de compte en vue de leur déduction à titre de frais d'obtention alors que les dépenses à caractère mixte où une possibilité objective de les scinder en une quote-part privée et une quote-part professionnelle n'est pas donnée, ne sont pas déductibles (Aufteilungsverbot) (doc.
parl. 5714, pages 13 - 14) ;
Considérant qu'en l'espèce, il appert que la réclamante entend s'appuyer sur les dispositions de l'article 115, alinéa 3 L.I.R., aux termes desquelles les indemnités spéciales allouées distinctement de la rémunération normale en raison des frais de route et de séjour peuvent être exonérées en tout ou en partie de l'impôt, dans les conditions et modalités fixées par le règlement grand-ducal modifié du 3 décembre 1969, la circulaire du directeur des contributions L.I.R. n° 115/6 du 7 mai 2003, sub 2.1., donnant de plus amples instructions quant au traitement fiscal des indemnités pour frais de déplacement, frais de route et séjour allouées aux salariés par les employeurs, dans les hypothèses telles qu'énoncées ci-dessus, les frais couverts par de telles indemnités étant exclus de toute déduction au sens de l'article 105 LI.R. ;
Considérant qu'en exécution de l'article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 3 décembre 1969 énoncé ci-avant, les indemnités pour frais de route et de séjour sont exemptées si elles ne dépassent pas celles des fonctionnaires comparables ; que dans le cas contraire elles ne sont exemptées que dans la mesure où elles n'excèdent pas la différence entre les dépenses effectives et les frais de ménage économisés, cette différence ne pouvant toutefois être inférieure aux indemnités des fonctionnaires comparables ; que par dérogation 5à l'alinéa 1er, l'alinéa 2 du dit règlement retient notamment que les indemnités forfaitaires pour frais de route ne sont pas exemptées si elles sont fixées en fonction d'autres critères que ceux relatifs à la distance parcourue;
Considérant, en ce qui concerne plus particulièrement les indemnités allouées aux fonctionnaires et employés de l'Etat, le règlement précité les qualifiant de « fonctionnaires comparables », qu'il y a lieu de se référer au règlement grand-ducal modifié du 5 août 1993 sur les frais de route et de séjour ainsi que sur les indemnités de déménagement des fonctionnaires et employés de l'Etat; que ce règlement fixe les conditions d'allocation et se réfère, à son tour et plus spécialement à l'endroit de ses articles 20 (1), 22 et 23 (1), à des montants forfaitaires régulièrement adaptés par des règlements du Gouvernement en Conseil;
qu'une des consignes essentielles de ce règlement est l'obligation de tout requérant souhaitant en profiter de motiver les demandes d'indemnités et, dans la plupart des cas, de documenter également les frais encourus par des justificatifs;
Considérant précisément à ce titre que, tout comme le bureau d'imposition, le directeur des contributions doit instruire (§ 204 AO) sur le revenu imposable; que c'est par la consécration du principe du réexamen intégral et d'office de l'imposition litigieuse dans les dispositions combinées des §§ 204, 243 et 244 AO que le législateur a exprimé sa volonté qu'aucun impôt que celui qui est légalement dû ne puisse être réclamé au contribuable ; que rien ne s'oppose donc à ce que le réclamant présente dans le cadre de sa réclamation des éléments nouveaux, sous réserve d'abattements ou de bonifications à accorder sur demande, tendant à apporter des modifications à sa déclaration d'impôt ;
Considérant tout de même que la réclamante n'a remis ni au bureau d'imposition ni à l'instance contentieuse des pièces justificatives (p. ex. des carnets de bord dressés par chacun de ses salariés) susceptibles de permettre une distinction claire, nette et aisément retraçable de la nature des sommes accordées à titre de salaire à ses différents salariés ayant utilisé leur voiture personnelle à des fins de déplacement professionnel, mais qu'elle n'a fait autre chose que de se manifester de façon visiblement floue et estimative à propos des distances parcourues apparemment à des fins professionnelles par ses salariés (cf. termes de la requête) ;
Considérant dès lors que, matériellement, la réclamante est restée en défaut de produire des éléments tels les différents carnets de bord dressés, le cas échéant, par ses salariés, ceux-ci s'avérant indispensables lorsqu'il s'agit d'étayer et de vérifier les déplacements professionnels effectués au cours des années litigieuses ; que les frais concernant les déplacements litigieux et remboursés au fur et à mesure aux divers salariés, même s'ils s'avèrent en principe susceptibles d'être exonérés dans le chef des salariés en vertu des dispositions légales susénoncées, cependant sous réserve de la présentation d'éléments de preuve établissant leur relation avec les revenus professionnels ainsi que leur exactitude matérielle, ne sauront d'ailleurs faire l'objet d'une exonération pour ce qui est du cas d'espèce, tout d'abord du fait qu'ils représentent des indemnités imposables qui devraient au moins figurer sur les bulletins de paie et qui seraient, par la suite et pour autant que les conditions soient remplies, susceptibles d'être exemptées (cf article 115, alinéa 3 L.I.R., et notamment le règlement grand-ducal en portant exécution), et, ensuite, du fait de l'absence de carnets de bord dûment tenus qui permettraient une séparation nette, aisément et objectivement contrôlable entre déplacements privés et professionnels;
6Considérant, en dernier lieu, que si en principe il incombe aux contribuables de fournir la preuve de la totalité des déplacements, requise à des fins de détermination de la part de l'utilisation professionnelle au moyen notamment d'un carnet de bord, les contribuables doivent au moins, en l'absence de ce moyen de preuve, pouvoir présenter des annotations et autres pièces à l'appui pouvant être raisonnablement prises en considération pour étayer une quote-part professionnelle justifiée; qu'en l'espèce la réclamante ayant en grandes parties seulement estimé les déplacements professionnels effectués par ses salariés (notamment en leur octroyant une indemnité kilométrique mensuelle forfaitaire) n'a pas réussi à retracer clairement l'origine des frais ainsi que des remboursements qu'elle souhaite voir exonérer sur base des dispositions citées en rubrique, de sorte qu'il y a lieu de conforter pleinement le bureau d'imposition dans sa manière d'agir;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contestée;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2015, la société ….. a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision précitée du directeur du 3 mars 2015.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours principal en annulation, au motif qu’en vertu de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », un recours en annulation ne serait recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, la décision déférée étant susceptible d’un recours en réformation.
La société demanderesse soutient que le recours en annulation serait le recours de droit commun devant les juridictions administratives et que le recours en réformation ne serait recevable qu’à condition d’être prévu par une loi spéciale, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, si la décision était susceptible d’un recours en réformation, cette circonstance serait sans incidence sur la recevabilité du recours principal en annulation, étant donné qu’un recours en annulation introduit à l’encontre d’une décision susceptible d’un recours en réformation serait recevable sous condition de l’invocation, par le demandeur, de moyens de légalité et de l’observation des règles de procédure spéciales pouvant être prévues et des délais dans lesquels le recours doit être introduit, la demanderesse renvoyant, à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 3 mars 1997, inscrit sous le numéro 9396 du rôle, et à un arrêt de la Cour administrative du 5 mai 2011, inscrit sous le numéro 27971C du rôle. Dans la mesure où ces conditions seraient remplies en l’espèce, le recours principal en annulation devrait être déclaré recevable.
Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996 dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas 7lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.1 Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin d’imposition.
Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale déférée, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.
A l’appui de son recours, la société demanderesse explique que pendant les années d’imposition 2008 à 2013, elle aurait procédé au paiement mensuel, à ses salariés, d’un montant forfaitaire à titre de remboursement des frais de route et de séjour exposés par ces derniers dans le cadre de l’exercice de leur activité professionnelle. A supposer qu’elle aurait dû procéder au remboursement des frais réellement exposés, il y aurait lieu d’ « (…) effectuer un calcul sur base des frais réels exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur (…) ». En se prévalant des dispositions des articles 12, 95, alinéa 5, et 105 de de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », elle fait valoir, d’une part, qu’« (…) en général les remboursements aux salariés de frais effectivement engagés et dûment documenté[s] par des pièces à l'appui, [pourraient] ne pas constituer un revenu imposable, contrairement à [un] remboursement forfaitaire qui, lui [serait] considéré(…) d'office comme un revenu imposable, à moins d'être expressément admis comme remboursement de frais professionnels par les dispositions légales, réglementaires ou administratives. (…) » et, d’autre part, que seules les dépenses occasionnées directement par l’activité professionnelle du contribuable seraient déductibles à titre de frais d’obtention, à l’exclusion des dépenses à caractère mixte, sauf l’hypothèse de l’existence d’une possibilité objective de scinder de telles dépenses en une quote-part privée et en une quote-part professionnelle. Sur ce dernier point, la partie demanderesse affirme verser des pièces justificatives qui seraient de nature à « (…) permettre une distinction claire, [nette] et aisément [retraçable] de la nature des sommes accordées à titre de(…) salaire(…) à [ses différents salariés] ayant utilisé leur voiture personnelle à (…) des fins de déplacement professionnel (…) ». Dès lors, lesdites pièces permettraient raisonnablement d’étayer une quote-part professionnelle justifiée. Dans la mesure où elle aurait ainsi réussi à retracer clairement « (…) l’origine des frais ainsi que les remboursement qu’elle souhaite[rait] voir exonérer (…) », elle conclut que l’imposition ne serait pas conforme à la loi et aux faits de la cause.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en reprenant, en substance, les motifs de la décision déférée et en insistant sur le fait que, contrairement à ses affirmations, la partie demanderesse serait restée en défaut de fournir des pièces susceptibles d’étayer ses prétentions, c’est-à-dire des pièces qui seraient de nature à permettre une distinction claire, nette et aisément retraçable de la nature des sommes accordées à titre de salaire à ses différents salariés ayant utilisé leur voiture personnelle à des fins de déplacement 1 Trib. adm., 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en réformation, n° 3 et les autres références y citées.
8professionnel, telles que les carnets de bord dressés, le cas échéant, par ses différents salariés au cours des années d’imposition litigieuses.
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse conteste l’affirmation de la partie étatique selon laquelle elle aurait procédé à une estimation des déplacements professionnels effectués par ses salariés. A cet égard, elle précise qu’elle exercerait une activité de transport routier de marchandises, dans le cadre de laquelle elle se servirait de semi-remorques d’un poids de 44 tonnes, qui auraient été conduites par ses salariés dans le cadre de déplacements strictement professionnels. Dès lors, la tenue d’un carnet de bord par lesdits salariés n’aurait pas été nécessaire, dans la mesure où, compte tenu de la nature des véhicules ayant servi aux déplacements ayant occasionné les frais litigieux, des déplacements privés auraient été inenvisageables, voire matériellement impossibles, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir versé des carnets de bord permettant de distinguer les déplacements professionnels de ceux effectués à titre privé.
Par ailleurs, elle se prévaut des articles 29 et 30.1. de la convention collective de travail pour le secteur des transports et de la logistique, prévoyant une indemnité de 23,05 euros par nuitée, à laquelle aurait droit tout conducteur se déplaçant à l’étranger à des fins professionnelles, respectivement une indemnité de repas et une indemnité de découcher, dont les conducteurs pourraient bénéficier sous certaines conditions et dont le montant total s’élèverait à 4,96 euros, respectivement à 12,64 euros, selon que le déplacement en cause a lieu au Luxembourg ou à l’étranger. Ce seraient précisément ces montants – qui correspondraient aux « (…) indemnités conventionnelles fixées de manière précise par la convention collective (…) », de sorte à ne pas avoir été établis forfaitairement – dont elle se serait servie pour établir le tableau versé en cause, qui documenterait, pour chaque salarié et sur une base mensuelle, les différentes indemnités accordées, qui auraient été calculées en multipliant lesdits montants par le nombre de jours travaillés.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que la société ….. aurait en grande partie estimé les déplacements professionnels effectués par ses salariés en leur octroyant une indemnité kilométrique mensuelle forfaitaire et qu’elle resterait en défaut de retracer clairement l’origine des frais ainsi que des remboursements qu’elle souhaiterait voir exonérer, les pièces versées en cause étant, selon la partie étatique, insuffisantes à cet égard, notamment au motif qu’elles ne fourniraient pas les informations obligatoirement consignées dans un carnet de bord, telles que précisées dans un jugement du « Bundesfinanzhof » du 1er mars 2012.
Le tribunal entend, en premier lieu, préciser le cadre légal dans lequel se situe la décision déférée.
A cet égard, il ressort du bulletin litigieux que celui-ci a été émis à l’encontre de la société ….. dans le cadre d’une révision des retenues de l’impôt sur le revenu à opérer par l’employeur en application de l’article 136 LIR, aux termes duquel, « (1) Les rémunérations d’une occupation salariée au sens de l’article 95 sont passibles de la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu (…).
(2) La retenue est à opérer par l’employeur pour compte et à décharge du salarié.
(…) (…) 9 (4) L’employeur est personnellement responsable de l’impôt retenu ainsi que de l’impôt qu’il aurait dû retenir, à moins que, dans ce dernier cas, il ne soit établi que le défaut ou l’insuffisance de retenue ne lui est pas imputable.
(…) (6) L’impôt retenu est à déclarer et à verser par l’employeur à l’administration des contributions. (…) ».
Il suit de cette disposition que l’employeur est tenu, d’une part, d’opérer, pour compte et à décharge du salarié, la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu dont sont passibles les rémunérations d’une occupation salariée, au sens de l’article 95 LIR, et, d’autre part, de déclarer et de verser l’impôt retenu à l’administration des Contributions directes, l’employeur étant personnellement responsable de l’impôt retenu ainsi que de l’impôt qu’il aurait dû retenir, à moins que, dans ce dernier cas, il ne soit établi que le défaut ou l’insuffisance de retenue ne lui est pas imputable.
C’est en application de ces principes que suite à une procédure de vérification, le bureau d’imposition a, dans le bulletin litigieux, fixé des compléments de retenue d’impôt à verser à l’administration des Contributions directes par la société ….., par rapport aux sommes que celle-ci a versé à ses salariés à titre de remboursement de frais de route et de séjour.
La société ….. soutient, en substance, que les sommes en question ne seraient pas passibles de l’impôt sur le revenu et, par conséquent, de la retenue afférente, respectivement ne le seraient que partiellement, à hauteur de la seule quote-part privée des frais de route et de séjour encourus par ses salariés, qu’il serait objectivement possible de distinguer de la quote-
part professionnelle, au vu des pièces versées en cause, de sorte que la fixation, par le bureau d’imposition, des compléments de retenue d’impôts litigieux serait injustifiée.
L’article 95 LIR, auquel renvoie l’article 136 LIR, précité, et auquel la demanderesse se réfère dans sa requête introductive d’instance, prévoit ce qui suit : « (1) Sont considérés comme revenus d’une occupation salariée:
1. les émoluments et avantages obtenus en vertu d’une occupation dépendante et les pensions allouées par l’employeur, avant la cessation définitive de cette occupation;
2. les allocations obtenues après ladite cessation par rappel d’appointements ou de salaires ou à titre d’indemnités de congédiement.
(2) Les émoluments et avantages comprennent aussi toutes les indemnités autres que les remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur.
(…) (5) Sous réserve des dispositions de l’article 115, sont considérés comme revenus d’une occupation salariée notamment: les traitements, salaires, gratifications, tantièmes, les traitements d’attente ou de disponibilité, les indemnités de séjour ainsi que les indemnités de chômage. (…) ».
10Il s’ensuit que sous réserve, notamment, des cas d’exemption d’impôt prévus par l’article 115 LIR, les indemnités autres que les remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur sont considérées comme des revenus d’une occupation salariée, de sorte à être passibles de la retenue d’impôt afférente, aux termes de l’article 136 (1) LIR, précité.
Force est au tribunal de constater qu’il se dégage, d’une part, des documents intitulés « Décompte Individuel 2009 », « Décompte Individuel 2010 », « Décompte Individuel 2011 », « Décompte Individuel 2012 » et « Décompte Individuel 2013 », figurant au dossier fiscal, et, d’autre part, des déclarations de la demanderesse faites tant au cours de la phase précontentieuse2 que dans le cadre du présent recours, que les sommes ayant donné lieu à la fixation des compléments de retenue d’impôt litigieux constituent des montants forfaitaires versés mensuellement aux salariés de la société demanderesse à titre de remboursement de frais de route et de séjour, ces montants s’élevant à 196 euros, concernant les frais de route, et à 31 euros, concernant les frais de séjour. Il s’ensuit que les paiements litigieux ne sauraient être qualifiés de remboursements non forfaitaires de frais exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur, au sens de l’article 95 (2) LIR, de sorte à constituer a priori des revenus d’une occupation salariée passibles en tant que tels de la retenue de l’impôt sur le revenu.
Quant à l’argumentation de la demanderesse selon laquelle il y aurait lieu d’ « (…) effectuer un calcul sur base des frais réels exposés dans l’intérêt exclusif de l’employeur (…) », pour autant qu’elle ait entendu conclure à la déduction des frais de route et de séjour encourus par ses salariés en application de l’article 105 LIR, auquel elle se réfère dans sa requête introductive d’instance, le tribunal relève qu’aux termes dudit article « (…) Sont considérées comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes. (…) ».
Il se dégage de cette disposition légale que les dépenses, pour pouvoir être prises en compte à titre de frais d’obtention, doivent avoir été faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes et doivent partant être en relation économique avec les revenus auxquels elles se rapportent.3 Par ailleurs, l’article 12 LIR, évoqué par la demanderesse dans sa requête introductive d’instance, prévoit, en son paragraphe (1), que « (…) ne sont [pas] déductibles (…) les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité ».
L’article 12 (1) LIR pose ainsi le principe de l’interdiction de déduction des dépenses pour l’entretien personnel et du ménage du contribuable, donc des dépenses se situant dans la sphère d’utilisation des revenus, et y fait rentrer certaines dépenses de train de vie du contribuable qui profitent ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité. Si cette disposition de la loi interdit ainsi entièrement la déduction de dépenses privées 2 Voir, par exemple, d’une part, le courrier adressé le 5 septembre 2014 par la société Arden au bureau d’imposition et aux termes duquel : « (…) Comme expliqué par téléphone, nous avons fixé un montant mensuel fixe en frais de route et séjour (…) » et, d’autre part, la réclamation du 30 décembre 2014, aux termes de laquelle : « (…) ma mandante a procédé chaque mois pour les années 2008 à 2013 au remboursement d’un montant forfaitaire au titre des frais de route et/ou de frais de séjour (…) ».
3 Cour adm., 15 novembre 2012, n° 30538C et 30539C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Impôts, n° 197.
11présentant également un intérêt pour l’activité professionnelle du contribuable mais pour lesquelles les motivations d’ordre privé et professionnel sont intimement et inséparablement imbriquées, elle ne s’oppose pas à une ventilation de dépenses qui sont provoquées directement à la fois par des motifs privés et par l’activité professionnelle du contribuable, pour autant que la partie professionnelle puisse être séparée nettement de la partie privée. La partie professionnelle ainsi dégagée de la dépense fait dès lors partie non pas de la sphère d’utilisation des revenus, mais de la sphère de réalisation des revenus et devient déductible en tant que frais d’obtention. La déduction partielle d’une dépense implique partant que le lien causal d’une partie de la dépense avec l’activité professionnelle puisse être établi de manière adéquate, que la partie professionnelle ne soit pas d’importance minime et que la ventilation puisse être opérée sur base d’éléments objectifs suffisants. Si, par contre, les dépenses servent exclusivement ou quasi exclusivement à des fins professionnelles, elles sont à considérer dans leur intégralité comme des frais d’obtention déductibles conformément à l’article 105 LIR.4 Or, outre le fait qu’en application de l’article 139 (2) et (3) LIR, les frais d’obtention ne sont déductibles des rémunérations dans le cadre de la détermination de la retenue de l’impôt sur le revenu à opérer par l’employeur que dans la mesure où ils dépassent les minima forfaitaires annuels déductibles visés à l’article 107 (1) 1. LIR, soit le montant de 540 euros par an, sur demande du salarié concerné et après approbation de l’administration – ces deux dernières conditions n’étant, au vu des pièces soumises à l’appréciation du tribunal, pas remplies en l’espèce –, le tribunal est amené à retenir que la société ….. est restée en défaut de rapporter la preuve de la réalité et de la nature exacte des frais prétendument encourus par ses salariés et qui auraient donné lieu aux paiements litigieux, les pièces versées en cause étant insuffisantes à cet égard. Force est en effet au tribunal de constater, d’une part, que la pièce n° 1, en plus de manquer de toute précision quant à la nature des sommes y mentionnées, est dépourvue de toute pertinence, dans la mesure où elle se rapporte à l’année 2014, alors que le bulletin litigieux concerne les années d’imposition 2008 à 2013 et, d’autre part, que la pièce n° 2 contient des tableaux comportant, par salarié, par mois, et par année, un multiple des sommes de 23,05 euros (« nuitée »), 4,96 euros (« repas + dej lux ») et 12,64 euros (« repas + dej), calculé en fonction des jours de travail, sans qu’il n’en ressorte la moindre précision quant aux déplacements effectivement effectués par les différents salariés, qui auraient occasionné les frais litigieux, de sorte à être dépourvue de toute force probante. Dans ce contexte, le tribunal retient qu’à défaut, pour la partie demanderesse, d’avoir fourni le moindre élément probant quant aux déplacements réellement effectués par ses salariés, son argumentation selon laquelle seuls des déplacements professionnels auraient été envisageables, respectivement matériellement possibles, compte tenu de la nature des véhicules mis à la disposition de ses salariés – à savoir des semi-remorques d’un poids de 44 tonnes – est à écarter pour défaut de pertinence. Il suit des considérations qui précèdent que les montants en question ne sauraient faire l’objet d’une déduction à titre de frais d’obtention.
Dans le cadre de son recours, la partie demanderesse s’est encore prévalue de l’article 115 LIR. Pour autant qu’elle ait entendu invoquer le cas d’exemption de l’impôt sur le revenu prévu par le paragraphe (3) dudit article, le tribunal relève que ce dernier dispose que « Sont exempts de l’impôt sur le revenu : (…) dans la mesure et sous les conditions à fixer par règlement grand-ducal:
a) les indemnités spéciales usuellement allouées à des salariés, distinctement des rémunérations ordinaires d’une occupation salariée et en raison de frais d’obtention incombant aux salariés; (…) ».
4 Cour adm., 3 mai 2012, n° 29713C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Impôts, n° 201 et les autres références y citées.
12 Dans ce contexte, il y a lieu de se référer au règlement grand-ducal modifié du 3 décembre 1969 portant exécution de l’article 115, numéro 3 de la loi concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 3 décembre 1969 », qui prévoit, en son article 3 (1) que « Les indemnités pour frais de route et de séjour sont exemptées si elles ne dépassent pas celles des fonctionnaires comparables. Dans le cas contraire, elles ne sont exemptées que dans la mesure où elles n’excèdent pas la différence entre les dépenses effectives et les frais de ménage économisés, cette différence ne pouvant toutefois être inférieure aux indemnités des fonctionnaires comparables. », l’article 1er (2) dudit règlement grand-ducal définissant la notion d’ « indemnité du fonctionnaire comparable » comme étant « celle qui serait allouée, dans les circonstances définies, à un fonctionnaire ou à un agent de l’Etat de rang comparable à celui du bénéficiaire effectif de l’indemnité en cause ».
Il s’ensuit que pour savoir si et dans quelle mesure des indemnités pour frais de route et de séjour sont susceptibles d’être exemptées de l’impôt sur le revenu sur base de l’article 115 (3) LIR – ce qui entraînerait, en l’espèce, que la société ….. n’aurait pas dû procéder, sur les sommes litigieuses, à une retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu de ses salariés, de sorte que, par rapport à ces sommes, aucun complément de retenue n’aurait valablement pu être fixé par le bureau d’imposition –, il faut en premier lieu procéder à une comparaison entre, d’une part, les indemnités en question et, d’autre part, celles auxquelles auraient droit, dans les circonstances définies, un fonctionnaire ou un agent de l’Etat de rang comparable à celui du bénéficiaire effectif des indemnités en cause.
Quant aux indemnités pour frais de route et de séjour allouées aux fonctionnaires ou agents de l’Etat, il y a lieu de se référer aux dispositions du règlement grand-ducal modifié du 5 août 1993 sur les frais de route et de séjour ainsi que sur les indemnités de déménagement des fonctionnaires et employés de l’Etat, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 5 août 1993 », qui, aux termes de son article 1er, a pour objet de fixer « (…) les conditions et modalités du paiement des frais de route et de séjour à l’occasion de voyages de service (…) effectués par les fonctionnaires et employés de l’Etat » .
Dans la mesure où l’article 4 (1) du règlement grand-ducal du 5 août 1993 prévoit que « Le remboursement des frais inhérents au voyage de service n’est accordé que pour autant que les frais du fonctionnaire ou de l’employé et la durée du déplacement sont nécessaires à l’accomplissement de la mission (…) », le droit des fonctionnaires et employés de l’Etat au remboursement des frais de route et de séjour occasionnés par des voyages de service est nécessairement conditionné par la fourniture, par la personne intéressée, d’informations concrètes quant au déplacement effectué et quant à la nature des frais en question. Dès lors, il doit en être de même en ce qui concerne l’exemption de l’impôt sur le revenu sur base de l’article 115 (3) LIR d’indemnités pour frais de route et de séjour, étant donné que celle-ci a lieu sur base d’une comparaison entre, d’une part, les indemnités en question et, d’autre part, celles auxquelles auraient droit, dans les circonstances définies, un fonctionnaire ou un agent de l’Etat de rang comparable à celui du bénéficiaire effectif des indemnités en cause, tel que relevé ci-avant, une telle comparaison étant impossible en l’absence des informations susmentionnées.
Or, tel que retenu ci-avant, la partie demanderesse n’a pas rapporté la preuve de la réalité et de la nature exacte des frais prétendument encourus par ses salariés et qui auraient donné lieu aux paiements litigieux, la société ….. étant notamment restée en défaut de fournir le moindre élément probant quant aux déplacements effectivement effectués par ses salariés, 13qui auraient occasionné les frais en question. Dans ces circonstances, le tribunal est dans l’impossibilité de vérifier si les indemnités versées par la société ….. à ses salariés à titre de remboursement des frais de route et de séjour dépassent ou non celles des fonctionnaires comparables, au sens de l’article 3 (1) du règlement grand-ducal du 3 décembre 1969, de sorte que lesdites indemnités ne sont pas susceptibles d’être exemptées de l’impôt sur le revenu en vertu de l’article 115 (3) LIR.
A défaut d’autres moyens, le tribunal retient que c’est à bon droit que le directeur a rejeté la réclamation de la société demanderesse, de sorte que le recours en réformation est à déclarer non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours subsidiaire en réformation en la forme;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation :
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 4 février 2016 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 février 2016 Le greffier du tribunal administratif 14