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03/02/2016 | LUXEMBOURG | N°37278

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2016, 37278


Tribunal administratif N° 37278 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2015 3e chambre Audience publique du 3 février 2016 Recours formé par Madame …, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37278 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2015 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Alba...

Tribunal administratif N° 37278 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2015 3e chambre Audience publique du 3 février 2016 Recours formé par Madame …, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37278 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2015 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L- …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 décembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision portant refus de sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh, en remplacement de Maître Louis Tinti, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 janvier 2016.

En date du 29 septembre 2015, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Madame … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg furent actées dans un procès-verbal du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale du même jour.

En date du 23 octobre 2015, Madame … fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

A l’occasion de son audition, Madame … déclara être de nationalité albanaise et originaire de …, mais qu’elle aurait travaillé en Italie entre 2006 et 2014 en tant que traductrice auprès du tribunal de Bergamo. Pendant ce temps, elle aurait fait la connaissance d’un dénommé … avec lequel elle aurait vécu en couple de 2007 à 2009. Puis ils se seraient séparés et il aurait épousé une femme italienne. Elle se serait également mariée à un autre homme, mais elle aurait divorcé de celui-ci en novembre 2014. Par la suite elle serait retournée en Albanie, notamment en raison du fait que ses documents d’identité de séjour auraient été périmés.

En décembre 2014, elle aurait commencé une nouvelle relation amoureuse avec Monsieur … bien que ce dernier aurait toujours été marié officiellement à sa femme italienne.

En date du 28 mai 2015, ils se seraient mariés traditionnellement lors d’une fête familiale tenue en secret.

Quant aux raisons l’ayant amenées à quitter son pays d’origine, Madame … expliqua que la famille de son mari se trouverait dans une dette de sang avec la famille … dans la mesure où il aurait tué un dénommé … … en 1997 quand ce dernier aurait tenté de lui voler de l’argent.

Les frères du dénommé … auraient informé la famille … de leur désir de se venger. Peu de temps après ce message, des membres de la famille … auraient tué le père d’… ainsi que son cousin. Depuis ce temps, il se cacherait en Italie ou en Albanie et il aurait été victime de plusieurs agressions. Etant donné qu’elle serait la concubine d’… et que les membres de la famille … la considéreraient comme future mère des enfants d’…, elle serait également visée par la dette de sang.

En mai 2015, ils seraient retournés ensemble en Albanie en espérant pouvoir refaire leur vie. Or, en juin 2015, un membre de la famille …, qui serait un ami d’…, l’aurait informé qu’il serait toujours la cible de cette famille. A ce moment ils auraient immédiatement pris la décision de quitter leur travail et de porter plainte contre la famille …. Or, en route au prochain commissariat, ils auraient été suivis en voiture par des membres de la famille ….

Arrivés au commissariat, le commissaire les aurait informé qu’il ne pourrait pas leur apporter de l’aide car la police ne pourrait rien faire dans des affaires de ce genre. Ils auraient obtenu la même réponse à plusieurs reprises quand … a voulu porter plainte et demander de la protection auprès du parquet.

D’autre part, le propriétaire de la maison qu’ils avaient louée les aurait informé que la famille … serait au courant de leur adresse et leur aurait conseillé de quitter la maison. En date du 29 juillet 2015, ils auraient dès lors quitté l’Albanie pour se rendre d’abord en Italie où ils seraient restés pendant deux mois, puis en septembre 2015, ils auraient décidé de quitter l’Italie pour le Luxembourg. Elle déclara enfin qu’elle n’aurait pas déposé une demande de protection internationale en Italie, dans la mesure où … aurait été informé que sa vie y serait en danger.

Par une décision du 2 décembre 2015, notifiée par lettre expédiée par voie recommandée le 3 décembre 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Madame … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20, paragraphe (1) a) et c), de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Le ministre releva de prime abord que l’Albanie figurerait sur la liste des pays d’origine sûrs fixée par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs et que depuis le 4 juin 2014, l’Albanie aurait obtenu le statut de candidat officiel à l’Union européenne compte tenu des améliorations concernant sa situation juridique et l’application du droit dans un régime démocratique qui garantirait une protection adéquate contre des persécutions ou mauvais traitements.

D’autre part, le ministre mit en doute la crédibilité du récit de la demanderesse dans la mesure où, comme, d’une part, elle se serait mariée en secret, personne ne pourrait être au courant qu’elle serait liée à la famille … et, d’autre part, selon la loi du Kanun, les membres féminins d’une famille ne seraient pas inquiétés. Le ministre ajouta que les membres de la famille … auraient déjà tué deux membres de la famille … en 1997, de sorte que la vengeance serait accomplie et qu’il n’existerait plus de raison pour laquelle la famille … serait toujours visée.

Même à supposer que les membres de la famille … voudraient se venger sur Madame …, le ministre expliqua qu’un acte de vengeance constituerait un délit relevant du droit commun, punissable selon la loi albanaise, de sorte à ne répondre à aucun des critères prévus par la Convention de Genève et la loi modifiée du 5 mai 2006. D’autre part, en tant que personnes privées, les membres de la famille … ne pourraient pas être considérés comme acteurs de persécutions, étant donné que les autorités du pays d’origine de la demanderesse auraient mis en place des structures permettant de repréhender de tels actes. Finalement, le ministre estima que les suspicions de Madame … qu’elle serait recherchée par la famille … ne seraient basées que sur des rumeurs qu’elle aurait entendu de son concubin ou encore du propriétaire de la maison dans laquelle ils ont habité. Le ministre en conclut que ses craintes à l’encontre de la famille … seraient purement hypothétiques et se traduiraient en un sentiment général d’insécurité plutôt qu’en une crainte fondée de persécutions.

Finalement, le ministre conclut que Madame … n’établirait pas des motifs sérieux permettant de croire qu’elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2015, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 2 décembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du même ministre portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

A titre liminaire et en ce qui concerne la loi applicable au présent recours, force est au tribunal de constater que la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection a été abrogée par l’article 83 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désigné par « loi du 18 décembre 2015 ». La nouvelle loi précitée du 18 décembre 2015 a apporté plusieurs changements législatifs notamment au niveau de la procédure et de la nature des voies de recours en la présente matière. En effet, la loi du 18 décembre 2015 prévoit dans son article 35, paragraphe (2) de manière générale un recours en pleine juridiction devant le tribunal administratif contre toutes les décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile prises dans le cadre d’un refus d’une protection internationale selon la procédure accélérée au sens de l’article 27, paragraphe (1) de la même loi, contrairement à la loi abrogée du 5 mai 2006, qui ne prévoyait qu’un recours au fond contre les seules décisions du ministre portant refus d’accorder un des statuts de la protection internationale. Or, en ce qui concerne les affaires contentieuses en cours au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, ce changement législatif quant à la nature de la voie de recours qui est ouverte, est susceptible, à défaut de dispositions transitoires, d’entraîner des conflits de lois dans le temps.

En l’espèce, la procédure contentieuse était pendante au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi précitée du 18 décembre 2015. En effet, le recours contentieux contre la décision déférée a été introduit en date du 14 décembre 2015 et le délégué de gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 29 décembre 2015, tandis que la nouvelle loi date du 18 décembre 2015 et est entrée en vigueur, à défaut de dispositions spécifiques afférentes, trois jours après sa publication au journal officiel le 28 décembre 2015, c’est-à-dire avant que l’affaire n’ait été prise en délibéré et que le tribunal n’ait statué. Il se pose dès lors la question de savoir quelle loi est applicable en l’espèce et plus particulièrement quelle voie de recours était ouverte à l’encontre des décisions déférées.

Conformément au droit commun, les lois de droit judiciaire privé entrent en vigueur à la date qu’elles fixent ou à défaut, trois jours après leur publication. Or, ce principe n’est pas transposable de manière aussi évidente s’agissant de l’application de la nouvelle loi aux instances en cours, qui par hypothèse, ont débuté sous l’empire de la loi ancienne. En principe, la nouvelle loi a vocation à s’appliquer immédiatement à ces instances et cela quel que soit son objet1. Ainsi, tant la jurisprudence française que luxembourgeoise s’accordent à dire que, sauf s’il n’en a été autrement disposé par le législateur, toute loi nouvelle de compétence et de procédure s’applique aux instances qui sont en cours au jour de son entrée en vigueur, à moins qu’une décision sur le fond ait été rendue2.

Toutefois, le principe de l’application directe de la nouvelle loi connaît des exceptions.

Ainsi, la loi ancienne de compétence continue à s’appliquer lorsque, au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, la juridiction saisie a déjà rendu une décision intéressant le fond de l’affaire. La loi ancienne doit également continuer à s’appliquer lorsque la loi nouvelle met en cause le fond du droit3. Or, l’existence d’une voie de recours est une règle de fond du droit judiciaire et non pas une règle de forme4. Dès lors, la survie de la loi ancienne joue également en matière de voies de recours. La nouvelle loi est applicable aux instances en cours quand elle se contente de modifier les formes ou la procédure du recours, mais elle ne l’est pas lorsqu’elle affecte la recevabilité même du recours qui doit être appréciée selon la loi en vigueur au jour où la décision a été rendue. En résumé, l’existence d’une voie de recours est régie, en l’absence de mesures transitoires, par la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée5.

En l’espèce, par l’article 83 de la nouvelle loi précitée du 18 décembre 2015, le législateur s’est limité à abroger purement et simplement la loi du 5 mai 2006 dans son intégralité, sans prévoir de dispositions transitoires. Ainsi, à défaut par le législateur d’en avoir autrement disposé, l’existence et la nature du recours ouvert en l’espèce, sont régies par la loi du 5 mai 2006.

A l’appui de son recours, la demanderesse reprend en substance l’exposé des faits tels que décrits lors de son audition auprès de la direction de l’immigration.

1 Loïc Cadiet, Emmanuel Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec, 5e édition, p.11, n°19.

2 Encyclopédie Dalloz, Procédure, V° Conflits de lois dans le temps, n° 132 et 133 et voir dans le même sens :

trib. adm. 25 juin 2009, n°24354 du rôle, Pas. adm. 2009, V° Lois et règlements, n° 33.

3 Loïc Cadiet, Emmanuel Jeuland, op. cit., n°20.

4 Jurisclasseur, Procédure, Vol. 2, fasc. 61, n°72 et voir en ce sens : Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2009, V° actes règlementaires, n° 4.

5 Jurisclasseur, Procédure, Vol. 2, fasc. 61, n°72.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 2 décembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Tel que précisé ci-avant, l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006, est applicable en l’espèce et prévoit expressément que le tribunal administratif est compétent pour connaître d’un recours en annulation contre une décision de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée en la présente matière, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision déférée. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance, la demanderesse donne à considérer, sur base de différents rapports internationaux ainsi que d’un mémoire de fin d’études universitaires qu’elle verse en cause, que le Kanun serait toujours pratiqué en Albanie, mais que les règles anciennes, notamment celles que seulement les membres masculins de la société seraient visés, ne seraient plus respectées, de sorte qu’il arriverait que des femmes et même des enfants pourraient être victimes de la loi du Kanun. D’autre part, les autorités albanaises seraient inefficaces dans la lutte contre la pratique de la loi du Kanun, notamment, en raison de la corruption qui régnerait en Albanie. Elle en conclut que son récit serait tout à fait plausible et crédible.

La demanderesse estime dès lors que les faits d’espèce seraient de par leur nature et gravité d’une pertinence manifeste au regard des critères visant à déterminer si elle remplit des conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte qu’il y aurait lieu d’annuler la décision du ministre déférée.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

De prime abord, le tribunal est amené à conclure que dans le cadre du recours en annulation, son analyse ne saurait se rapporter qu’à la situation de fait et de droit telle qu’elle s’est présentée au moment de la prise de la décision déférée, le juge de l’annulation ne pouvant faire porter son analyse ni à la date à laquelle il statue, ni à une date postérieure au jour où la décision déférée a été prise6. Par voie de conséquence, c’est la loi du 5 mai 2006 qui est applicable au recours en annulation intenté contre la décision du ministre du 2 décembre 2015.

En ce qui concerne la crédibilité du récit de la demanderesse, le tribunal est amené à constater que cette dernière a valablement pu démontrer dans le cadre de la présente procédure contentieuse que la loi ancestrale du Kanun n’est actuellement plus respectée sous tous ses aspects, de sorte que les femmes peuvent également être visées. Par ailleurs, le tribunal ne dispose d’aucun élément plausible permettant de conclure avec certitude que la soif de vengeance de la famille … a été apaisée par les meurtres du père et du cousin du compagnon de la demanderesse et qu’ils ne veulent plus s’en prendre aux autres membres de leur famille, en l’occurrence le compagnon de la demanderesse. Partant, le tribunal est amené à conclure que le récit de la demanderesse est crédible dans son ensemble.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 :

6 TA 23 mars 2005, n° 19061 du rôle, Pas. Adm. 2015 v° Recours en annulation, n°18 et les références y citées.

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

[…] c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20, paragraphe (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement en ce qui concerne le point c) de l’article 20, paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Plus particulièrement quant à l’application éventuelle de l’article 20, paragraphe (1) c) de la loi du 5 mai 2006, il se dégage de la lecture de l’article 21, paragraphe (2), précité, qu’un pays peut être qualifié de pays d’origine sûr soit si le demandeur en a la nationalité, soit s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays.

Il est constant en cause qu’en vertu du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », tel qu’il a été modifié par un règlement grand-ducal du 1er avril 2011 et par celui du 19 juin 2013, l’Albanie figure sur la liste des pays d’origine sûrs.

En l’espèce, il est également constant en cause que la demanderesse a la nationalité albanaise et qu’elle a résidé en Albanie avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer dans le cadre de la procédure accélérée.

Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21, paragraphe (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, en tout état de cause, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale de la demanderesse, a conclu qu’elle provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20, paragraphe (4) de loi du 5 mai 2006 et des moyens invoqués, de vérifier si la demanderesse lui soumet, conformément à l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Or, l’analyse de sa situation personnelle décrite par la demanderesse lors de son audition ainsi que dans le cadre du présent recours ne permet pas au tribunal d’en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption en ce qui la concerne et pour conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle sous analyse.

En effet, force est de prime abord au tribunal de constater que les documents sur lesquels la demanderesse base son argumentation datent de 2013, de sorte qu’ils ne reflètent forcément pas l’évolution de la situation sécuritaire en Albanie jusqu’au moment où le ministre a pris la décision sous analyse, en l’occurrence le 2 décembre 2015.

Or, le tribunal est amené à conclure, de concert avec le délégué du gouvernement, que l’Albanie a récemment mis en place des mesures générales pour combattre la corruption au sein de ses administrations et plus spécifiquement qu’elle s’est dotée d’instances pour combattre la problématique de l’application de la loi du Kanun.

A cet égard, le tribunal est amené à insister plus particulièrement sur le fait que la pratique ancestrale du Kanun se concentre, selon les documents invoqués par la demanderesse elle-même, surtout au nord de l’Albanie et plus particulièrement dans la région de …, alors que la demanderesse est originaire et habitait avec son concubin à …, c’est-à-dire au centre du pays.

Il suit des considérations qui précèdent que la demanderesse n’a pas soumis des éléments probants à l’appréciation du tribunal de nature à renverser la présomption établie par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 selon laquelle l’Albanie est à considérer comme pays d’origine sûr.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation dirigé contre la décision du ministre du 2 décembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de la demanderesse dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 2 décembre 2015 portant refus d’une protection internationale L’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006, applicable en l’espèce suivant les principes retenus ci-avant, prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est dès lors compétent pour statuer sur le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce recours, la demanderesse fait valoir que les faits de l’espèce, de par leur nature et gravité, entreraient dans le champ d’application matérielle des dispositions de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006 en ce sens que sa vie se trouverait gravement menacée en raison du risque sérieux d’être assassinée par les membres de la famille …. A cet égard, elle donne encore à considérer que le possible assassinat serait la conséquence de son appartenance à un groupe social au sens de la loi du 5 mai 2006, à savoir celui des personnes visées de manière directe, sinon indirecte par le Kanun.

D’autre part, en application de l’article 29 de la loi du 5 mai 2006, il ne ressortirait pas des faits de l’espèce que l’Etat ou d’autres organisations étatiques présentes sur le territoire de son pays d’origine aient pris des mesures raisonnables en vue d’empêcher les actes de persécution s’inscrivant dans le cadre particulier de la loi du Kanun, de sorte que les membres de la famille … seraient à qualifier d’acteurs de persécution ou d’atteintes graves au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006.

La demanderesse donne encore à considérer qu’à l’heure actuelle de nombreuses familles continueraient de vivre reclus faute d’obtenir une aide suffisante de la part de l’Etat albanais.

Quant à la protection subsidiaire, la demanderesse fait valoir, sur base de plusieurs arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme que le risque de se voir tuer par les membres de la famille … constituerait un traitement inhumain et dégradant.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et conclut partant au rejet du recours.

Quant à la loi applicable au fond, force est de constater que dans le cadre du recours en réformation, le juge est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d’y substituer sa propre décision impliquant que cette analyse s’opère au moment où il est appelé à statuer.7 Par voie de conséquence, c’est la loi du 18 décembre 2015 qui est applicable au recours en réformation intenté contre la décision du ministre du 2 décembre 2015 en ce qu’elle porte refus d’octroyer à la demanderesse une protection internationale.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015:

«Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

7 TA 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas. Adm. 2015 v° Recours en réformation, n°15 et les références y citées.

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, force est au tribunal de constater que dans la mesure où la demanderesse risque d’être victime des actes invoqués en raison de son appartenance à la famille de son concubin, les faits invoqués tombent dans le champ d’application de la Convention de Genève. En effet, la demanderesse est recherchée par les membres de la famille … en raison de son appartenance à un groupe social, en l’occurrence la famille de son concubin.

Si le tribunal est encore amené à conclure que ces faits sont d’une gravité certaine, il ne ressort cependant pas des éléments soumis à son appréciation, tels que relevés ci-avant dans le cadre de l’analyse du recours en annulation introduit contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que les autorités du pays d’origine de la demanderesse sont dans l’impossibilité ou ne veulent pas lui accorder une protection adéquate.

Par voie de conséquence, c’est à bon droit que le ministre a pu refuser à la demanderesse le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef de la demanderesse d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant, le tribunal est amené à conclure que la demanderesse peut bénéficier d’une protection adéquate de la part des autorités de son pays d’origine, de sorte que les actes invoqués ne sont pas à qualifier d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que la demanderesse n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’elle court le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 g) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire L’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006, applicable en l’espèce selon les principes dégagés ci-avant, prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire du ministre, de sorte que le tribunal est compétent pour en connaître en la présente matière. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

En l’espèce, la demanderesse sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus de lui accorder une protection internationale.

Tel que relevé ci-avant, dans le cadre d’un recours en annulation, l’analyse du tribunal se rapporte à la situation de fait et de droit telle qu’elle s’est présentée au moment de la prise de la décision déférée, de sorte que la loi du 5 mai 2006 est applicable au recours en annulation intenté contre la décision du ministre du 2 décembre 2015.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « Une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de la demanderesse, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 2 décembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 2 décembre 2015 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 2 décembre 2015 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Géraldine Anelli, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 3 février 2016, par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 février 2016 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 37278
Date de la décision : 03/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-02-03;37278 ?

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