Tribunal administratif N° 35904 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 février 2015 1re chambre Audience publique du 3 février 2016 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 35904 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 2015 par Maître Yvette Ngono Yah, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à …(Togo), de nationalité togolaise, alias …, née le … à …(Bénin), de nationalité béninoise, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 janvier 2015 portant refus de sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Yvette Ngono Yah et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 janvier 2016.
En date du 2 octobre 2014, Madame …, alias … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par la « loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Madame… sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg furent actées dans un procès-verbal du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale du même jour.
En date du 14 octobre 2014, Madame… fut encore entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur son identité, sa situation familiale, ses séjours antérieurs dans d’autres pays, les documents de voyage en sa possession et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Madame… fut finalement entendue le 1er décembre 2014, ainsi que le 6 janvier 2015 par un agent du même ministère sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.
Par une décision du 22 janvier 2015, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Madame… que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Cette décision est libellée comme suit :
« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 2 octobre 2014.
Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 2 octobre 2014.
Il ressort dudit rapport que vous seriez venue en Europe par voie aérienne du Bénin en décembre 2013. Vous ne sauriez pas où vous auriez atterri. Vous auriez eu l'intention de venir au Luxembourg pour rechercher le père de vos enfants. Depuis votre arrivée, vous auriez séjourné auprès d'une certaine … mais vous ne sauriez pas où celle-ci habiterait.
Vous présentez une carte d'identité togolaise.
Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien Dublin III du 14 octobre 2014 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 1er décembre 2014 et 6 janvier 2015 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.
Il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu avec Mon[sieur] … [R-8228)] à ….
Selon vos dires, vous auriez été mariés de façon coutumière et que votre père aurait payé la dot du mariage. En 2008, lorsque vous auriez été enceinte de votre quatrième enfant, votre époux vous aurait quitté pour se rendre en Europe à cause de ses problèmes politiques.
Suite au départ de votre mari, votre famille […] aurait voulu vous marier de force à un homme plus âgé car elle n'aurait plus été en mesure de subvenir à vos besoins et à ceux de vos enfants. Elle vous aurait menacé de vous abandonner en cas d'un refus de votre part.
Vers février 2012, vous vous seriez installée à … après que votre famille vous aurait « jetée » (p. 5/9). Vers fin mars 2012 après avoir raconté à votre tante où vous viviez, elle vous aurait informé que votre famille viendrait à votre recherche. Par peur, vous auriez quitté le Togo le lendemain pour vous rendre avec vos enfants à … au Bénin.
En décembre 2013, vous auriez quitté le Bénin avec l'aide d'un pasteur nommé …, qui vous aurait fourni un faux passeport et aurait organisé un visa pour la France. Vous auriez laissé vos enfants chez une amie pour retrouver leur père qui se serait trouvé au Luxembourg.
Vous auriez gagné l'Europe par voie aérienne mais vous ne sauriez pas où vous auriez atterri. Vous auriez été accompagnée par le pasteur … qui aurait repris votre passeport et vous aurait confiée à une sœur nommée …. Cette dernière ne vous aurait pas autorisé de sortir, de sorte que vous n'auriez pas su où elle aurait habité. Lors de votre séjour chez …, vous auriez été violée par son copain, duquel vous seriez tombée enceinte.
En date du 28 septembre 2014, vous auriez quitté l'appartement de … pendant son absence pour vous rendre au Luxembourg. Entre le 1er décembre 2014 et le 6 janvier 2015, vous auriez revu votre mari au Luxembourg. Ce dernier se serait par contre remarié et n'aurait plus eu l'intention de retourner au Togo. Il vous aurait donné le numéro de son frère pour que vous puissiez envoyer vos enfants chez lui au Togo.
Vous avez déposé des copies des actes de naissances de vos enfants qui ne pourraient être pris en compte dans votre demande de protection internationale étant donné que leur authenticité ne pourrait être vérifiée.
Enfin, il ressort du rapport d'entretien qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.
Analyse ministérielle en matière de Protection internationale En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
Soulignons dans ce contexte que l'examen et l'évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu'il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.
1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.
Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 [d]) de la loi modifiée du 5 mai 2006, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 31(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 28 de la loi susmentionnée.
Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'app lique à toute personne qui crai[nt] avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
En l'espèce, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amenées à quitter votre pays d'origine n'ont pas été motivées par un des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.
Madame, selon vos dires, la raison principale qui vous aurait incité à déposer une demande de protection internationale au Luxembourg serait que vous auriez été à la recherche de votre mari.
Or, le fait d'être à la recherche d'une personne n'entre manifestement pas dans le champ d'application de la Convention de Genève étant donné que votre objectif n'est nullement lié à une crainte fondée de persécution dans votre pays d'origine.
Ajoutons qu'il ressort de vos dires que vous auriez réussi à trouver votre mari au Luxembourg mais que ce dernier aurait été marié à une autre femme et n'aurait pas eu l'intention de retourner avec vous au Togo.
Madame, vous soulevez par la suite que votre famille voudrait vous forcer à vous marier contre votre volonté à un homme plus âgé car elle ne pourrait plus subvenir à vos besoins et à ceux de vos enfants.
Notons en premier lieu qu'il est peu convaincant que votre famille tenterait de vous marier de force à l'âge de 37 ans. En effet, la pratique d'un mariage forcé est surtout prévalante auprès de jeunes femmes et filles. A cela s'ajoute que le mariage forcé est pratiqué plus fréquemment dans les régions au Nord du Togo ainsi que dans la région de Vogan, régions desquelles vous ne seriez pas originaire. « (…) ln addition, in correspondence sent to the Research Directorate on 13 March 2013, a representative of Women in Law and Development in Africa (WiLDAF), a pan-African NGO network founded in 1990 (WiLDAF Jan. 2013), explained that in Togo, the practice of forced marriage is most prevalent in the northern part of the country, as well as in the Vogan region in the southern part of the country (ibid. 12 Mar. 2013). ».
Relevons par la suite que la coutume du mariage force est en net déclin depuis quelques années: «The practice significantly declined in recent years. » Vous soulignez par la suite que votre famille vous aurait abandonnée si vous n'a[v]iez pas accepté d'épouser l'homme âgé. Or, vous auriez vécu avec vos enfants pendant un certain temps dans l'ancienne maison familiale à … après le départ de votre mari en 2008 sans faire état d'un quelconque problème. De même, en février 2012, après que votre famille vous aurait rejetée, vous auriez déménagé avec vos enfants à …, où vous auriez vécu pendant un mois sans faire état de problèmes.
Relevons qu'en vertu de l'article 30 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, le ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.
Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.
Relevons qu'il ressort des recherches minstèrielles que: «The WiLDAF representative also stated that women can live alone in Togo, both in urban areas and in rural areas (WiLDAF 12 Mar. 2013). (…) ».
En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires, que vous auriez vécu à … pendant un mois sans faire état du moindre problème. Ainsi, il n'est pas établi en l'espèce que vous n'auriez pas pu recourir vous-même à une réinstallation dans une autre région du Togo, sans prévenir un membre de votre famille de votre nouvelle adresse. Vous ne soulevez donc pas de raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une fuite interne.
Ajoutons à cet égard que les problèmes dont vous faites état n'ont qu'un caractère local, ce que vous indiquez clairement dans vos déclarations, et que la situation dans laquelle vous ont placé les mesures infligées n'a pas atteint une telle ampleur que vous ne pouviez vous y soustraire qu'en fuyant à l'étranger.
Compte tenu des constatations qui précèdent concernant les conditions générales dans cette partie du pays et votre situation personnelle, force est de retenir que les critères du paragraphe 2 de article 30 de la loi modifiée du 5 mai 2006 sont clairement remplis.
En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutée dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.
De tout ce qui précède, les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies.
2. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 37 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 37 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 28 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous auriez quitté votre pays d'origine car votre famille aurait voulu vous marier de force. Par la suite, vous seriez venue au Luxembourg pour rechercher votre époux.
Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande, ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Togo, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 2015, Madame… a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 22 janvier 2015 portant refus de sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
A titre liminaire, tel que cela a été relevé par le tribunal à l’audience des plaidoiries, il y a lieu de relever que la loi du 5 mai 2006 a été abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », publiée au Mémorial A le 28 décembre 2015 et entrée en vigueur 3 jours après sa publication, soit le 1er janvier 2016, à défaut de disposition spéciale ayant trait à son entrée en vigueur.
Dans la mesure où, par l’article 83 de la loi du 18 décembre 2015, le législateur s’est limité à abroger purement et simplement la loi du 5 mai 2006 dans son intégralité, sans prévoir de mesures transitoires, se pose dès lors la question de savoir quelle loi est applicable en l’espèce.
En ce qui concerne les voies de recours à exercer contre une décision refusant l’octroi d’un statut de protection internationale et comportant l’ordre de quitter le territoire, seule la loi en vigueur au jour où la décision a été prise est applicable pour apprécier la recevabilité d’un recours contentieux dirigé contre elle, étant donné que l’existence d’une voie de recours est une règle du fond du droit judiciaire, de sorte que les conditions dans lesquelles un recours contentieux peut être introduit devant une juridiction doivent être réglées suivant la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée, en l’absence, comme en l’espèce, de mesures transitoires1. Il s’ensuit que la recevabilité des recours sous examen devra être analysée conformément aux dispositions de la loi du 5 mai 2006.
Etant donné que l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de décisions de refus d’une demande de protection internationale, ainsi qu’un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître, d’une part, du recours en réformation introduit, en l’espèce, contre 1 Trib. adm. 5 mai 2010, n° 25919 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 288 et l’autre référence y citée.
la décision ministérielle du 22 janvier 2015 portant rejet de la demande de protection internationale de Madame…, et, d’autre part, du recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte, lesdits recours étant par ailleurs recevables pour avoir été introduits dans les formes et délai prévus par la loi du 5 mai 2006.
Quant à la loi applicable à l’examen du bien-fondé de la demande de protection internationale, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d'un recours en réformation, le tribunal est amené à considérer les éléments de fait et de droit de la cause au moment où il statue, en tenant compte des changements intervenus depuis la décision litigieuse2, tandis que, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d'une décision administrative s'apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise3. Par ailleurs, la loi du 18 décembre 2015 reprend en substance, sauf quelques modifications de détail, concernant les dispositions de fond relatives à la fois au statut de réfugié et au bénéfice de la protection subsidiaire, les dispositions de la loi antérieure du 5 mai 2006. Il s’ensuit que, d’une part, la loi du 18 décembre 2015 est applicable en ce qui concerne le refus de la protection internationale, et, d'autre part, la loi du 5 mai 2006 continue à s’appliquer pour l’analyse du bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 22 janvier 2015 portant refus d’une protection internationale Quant aux faits, la demanderesse, déclarant être de nationalité togolaise, renvoie aux faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale tels que retranscrits dans le rapport d’entretien auprès de l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes. Il ressort dudit rapport que la demanderesse aurait quitté son pays d’origine fin mars 2012, pour s’installer au Bénin jusqu’en décembre 2013, avant de venir au Luxembourg pour, d'une part, rechercher son mari qui aurait dû, en tant qu’opposant politique, fuir le Togo en 2008, et, d'autre part, échapper à sa famille qui aurait décidé de la marier de force à un homme âgé de plus de soixante ans, dans le cadre d’un mariage polygame.
En droit, la demanderesse critique tout d’abord la décision déférée en ce que le ministre n’aurait pas pris en compte la situation générale dans son pays d’origine et notamment la situation des femmes confrontées à un mariage forcé, dans la mesure où la partie étatique aurait retenu que la pratique de tels mariages existerait surtout dans le nord du Togo, ainsi que dans la région de Vogan et au sud du pays, alors même qu’il ressortirait d’articles publiés dans le journal « Lci … » que ce problème serait plus largement répandu au Togo. Elle fait encore valoir que les femmes togolaises, en raison de la réprobation sociale, ne dénonceraient pas en justice les personnes souhaitant les contraindre à un mariage forcé, de sorte que la législation togolaise réprimant de tels agissements serait inopérante. Au regard de ces éléments que le ministre n’aurait pas pris en considération dans le cadre de l’analyse de la demande de sa protection internationale, il aurait méconnu les dispositions de l’article 26, paragraphe (3) a), de la loi du 5 mai 2006.
2 Trib. adm., 15 juillet 2004, n° 18353 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en reformation, n° 17 et l’autre référence y citée.
3 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en annulation, n° 17 et les autres références y citées.
En vertu de l’article 37, paragraphe (3) a), de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 26, paragraphe (3) a), de la loi du 5 mai 2006, « Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants : a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués. […] ».
Force est au tribunal de constater que le ministre, dans sa décision déférée du 22 janvier 2015, s’est fondé sur des rapports du « Immigration and Refugee Board of Canada » du 2 avril 2013, intitulé « Togo : Forced mariage, particularly in …, including its prevalence, the consequences of a refusal, and the treatment by society and the government of women who refuse a forced marriage ; state protection and services », ainsi que du « United States Department of State » du 27 février 2014, initulé « Country Reports on Human Rights Practices – Togo » et que les observations de la demanderesse – celle-ci restant, par ailleurs, en défaut de soumettre au tribunal des articles de presse prétendument publiés dans le journal « Lci … », respectivement leurs références – sont également fondées sur les mêmes rapports invoqués par la partie étatique qui citent des informations parues dans le journal « Lci … », de sorte qu’il n’est pas établi que le ministre a omis de prendre en considération des éléments ayant trait à la situation règnant au Togo, dans le cadre de l’analyse de la demande de protection internationale de Madame…. Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation de l’article 37, paragraphe (3) a), de la loi du 18 décembre 2015 est à rejeter pour ne pas être fondé.
La demanderesse reproche ensuite au ministre d’avoir procédé à une analyse erronée de ses déclarations, en ayant retenu que sa demande ne serait pas fondée sur un des motifs mentionnés à l’article 1er, section A, § 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 juillet 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après désignées par « la Convention de Genève », alors même que les faits à la base de sa demande reposeraient sur son appartenance au groupe social des femmes togolaises exposées au risque de faire l’objet d’un mariage forcé, tel que celui projeté par sa famille avec un homme polygame plus âgé, ce qui serait à qualifier d’acte de persécution.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et conclut ainsi au rejet du recours.
Aux termes de l'article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « demande de protection internationale » se définit comme correspondant à une demande visant à obtenir le statut de réfugié, respectivement celui conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l'article 2 f) de ladite loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers (…) qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».
L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Il y a tout d’abord lieu de relever que le fait, pour la demanderesse, de quitter son pays d’origine afin de rechercher son mari ne peut pas justifier l’octroi du statut de réfugié, dans la mesure où ce fait n’est pas basé sur un des motifs de persécution visés à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social.
En ce qui concerne la crainte de la demanderesse de faire l’objet d’un mariage forcé, contrairement à ce que prétend la partie étatique, ce risque n’est pas à considérer comme délit de droit commun, mais tombe dans le champ d’application de la Convention de Genève, dans la mesure où le comportement manifesté à son égard est motivé par son appartenance au groupe social des femmes.
A ce sujet, force est en effet de constater que, selon l’UN High Commissioner for Refugees, ci-après désigné par « l’UNHCR »4, « « La persécution liée au genre » est une expression utilisée pour englober la variété de demandes dans lesquelles le genre est une considération pertinente pour la détermination du statut de réfugié. (…) Afin de comprendre la nature de la persécution liée au genre, il est essentiel de définir les termes « genre » et « sexe » et de faire la distinction entre eux. Le genre fait référence aux relations entre les femmes et les hommes basées sur des identités, des statuts, des rôles et des responsabilités qui sont définis ou construits socialement ou culturellement, et qui sont attribués aux hommes et aux femmes, tandis que le « sexe » est déterminé biologiquement.
Ainsi, le genre n’est ni statique ni inné mais acquiert une signification construite socialement et culturellement au fil du temps. Les demandes d’asile liées au genre peuvent être présentées aussi bien par des femmes que par des hommes, bien que, en raison de formes spécifiques de persécutions, ces demandes soient plus communément présentées par des femmes. […] Il est typique que les demandes d’asile liées au genre comprennent, même si elles ne s’y limitent certainement pas, les actes de violence sexuelle, les violences conjugales/familiales, la planification familiale imposée, les mutilations génitales féminines, les sanctions pour transgression de normes sociales et la discrimination envers les homosexuel(le)s . » 4 UNHCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, version décembre 2011, page 86, points 1 et 3.
Il ressort encore de cette même source internationale que « les femmes [constituent] un exemple manifeste d’ensemble social défini par des caractéristiques innées et immuables, et qui sont fréquemment traitées différemment des hommes. Leurs caractéristiques les identifient également en tant que groupe dans la société, les exposant à des formes de traitement et des normes différentes selon certains pays. De la même façon, cette définition comprend les homosexuel(le)s, les transsexuel(le)s ou les travesti(e)s. »5 Il ressort des différentes sources internationales citées par la partie étatique et par la demanderesse, que les mariages forcés au Togo et les éventuelles violences sexuelles corrélatives concernent exclusivement les femmes, de sorte qu’à cet égard, les femmes au Togo forment un groupe social particulièrement vulnérable en raison de leur genre, auquel appartient la demanderesse.
Le tribunal constate cependant que les faits mis en avant par la demanderesse pour motiver sa demande de protection internationale ne revêtent pas une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015. En effet, il ressort des déclarations de la demanderesse dans le cadre de son audition auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, que, suite au départ de son mari en 2008, la demanderesse aurait vécu seule, avec ses quatre enfants, sans incident pendant 3 ans à …, avant que sa famille ne lui propose, en 2012, de se marier avec un homme polygame d’une soixantaine d’années afin que ce dernier l’aide financièrement. Par ailleurs, il n’y a eu aucun agissement concret de la famille de la demanderesse à son égard, suite à leur proposition de mariage en 2012. Il y a finalement lieu de relever qu’il ressort du rapport du « Immigration and Refugee Board of Canada » du 2 avril 2013, intitulé « Togo : Forced mariage, particularly in …, including its prevalence, the consequences of a refusal, and the treatment by society and the government of women who refuse a forced marriage ; state protection and services » que les mariages forcés se pratiquent, au Togo, essentiellement en milieu rural et concernent plutôt des filles adolescentes qui sont promises, avant d’avoir atteint la majorité, en mariage par leur famille, de sorte à ne pas concerner a priori la demanderesse qui provient de la capitale togolaise et qui, au moment des faits, était âgée d’une trentaine d’années. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la crainte de la demanderesse de faire l’objet d’un mariage forcé, dans son pays d’origine doit être qualifiée d’hypothétique, de sorte à ne pas revêtir un degré de gravité suffisant au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015.
Par voie de conséquence, c’est à bon droit que le ministre a refusé à la demanderesse l’octroi du statut de réfugiée.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef de la demanderesse d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015 (anciennement article 2 f) de la loi du 5 mai 2006), est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
5 Ibidem, page 92, point 30.
L’article 48 de la même loi (anciennement article 37 de la loi du 5 mai 2006) énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, la demanderesse invoque les mêmes faits que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Comme il n’y a pas de conflit armé au Togo et que la demanderesse n’allègue pas risquer la peine de mort ou l’exécution dans son pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les traitements dont elle fait état peuvent être qualifiés de torture ou de traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants.
Comme le tribunal vient de retenir ci-avant, en ce qui concerne la demande d’octroi du statut de réfugié, que les faits invoqués par la demanderesse ne sont pas suffisamment graves pour pouvoir être considérés comme une persécution au sens de la loi du 18 décembre 2015, ces mêmes faits, à savoir une proposition de sa famille de marier un homme polygame d’une soixantaine d’années afin que ce dernier puisse l’aider financièrement, sans que cette proposition n’ait été suivi d’un quelconque acte, ne sauraient, de par leur nature, être qualifiés de torture, respectivement de traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.
Il se dégage partant de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre lui a partant également refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres éléments, que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 22 janvier 2015 portant ordre de quitter le territoire A l’appui de ce recours, la demanderesse conclut à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire eu égard à la réformation de la décision du ministre portant rejet de sa demande de protection internationale.
Aux termes de l’article 19, paragraphe (1), de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
Dans la mesure où le tribunal a rejeté le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 22 janvier 2015 portant refus de la demande de protection internationale, le moyen afférent laisse d’être fondé.
En effet, le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse, de sorte qu’a priori, il a pu assortir la décision négative d’un ordre de quitter le territoire conformément à l’article 19, paragraphe (1), de la loi du 5 mai 2006.
A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 22 janvier 2015 portant rejet d’un statut de protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 22 janvier 2015 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Annick Braun, premier juge, Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, et lu à l’audience publique du 3 février 2016 par le premier juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4/2/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 14