Tribunal administratif N° 36417 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2015 2e chambre Audience publique du 11 janvier 2016 Recours formé par Monsieur ….., …. (Népal), contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de police des étrangers
______________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36417 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2015 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Népal), de nationalité népalaise, demeurant à …. (Népal), tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 mars 2015 portant rejet de sa demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 19 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh pour le compte du demandeur ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 décembre 2015.
______________________________________________________________________________
Par courrier de sa fiduciaire du 13 novembre 2014, Monsieur ….., de nationalité népalaise, fit introduire auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministère », une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée.
Suite à un avis négatif de la commission consultative pour travailleurs salariés du 5 février 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à la demande susvisée de Monsieur ….. par décision du 27 mars 2015, libellée comme suit :
« (…) Je reviens à votre demande en obtention d’une autorisation de séjour temporaire en qualité de travailleur salarié conformément à l’article 42 de la loi modifiée du 29 août 2008 1sur la libre circulation des personnes et l’immigration, qui m’est parvenue en date du 12/11/2014.
Il y a lieu de noter que l’octroi de l’autorisation de séjour est subordonné à la condition prévue par l’article 42 paragraphe (1) point 2 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et (…) l’immigration. L’autorisation de séjour ne peut être accordée que si l’exercice de l’activité visée sert les intérêts économiques du pays.
Alors que cette condition s’apprécie en fonction des besoins économiques du pays et plus précisément des besoins spécifiques du marché du travail, force est de constater que votre dossier ne renseigne pas d’avantage sur une future intégration durable dans le marché de l’emploi luxembourgeois et votre profil, plus précisément l’activité à main-d’œuvre peu qualifiée, ne ramène pas de savoir-faire apportant un avantage compétitif pour le secteur d’activité visé par l’employeur « ….. »,(…) de sorte que la condition énoncée à l’article 42 paragraphe (1) point 2 de la loi précitée n’est pas remplie.
A titre subsidiaire, il n’est pas prouvé que vous remplissez les conditions afin de pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour dont les différentes catégories sont fixées à l’article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.
Par conséquent la commission consultative pour travailleurs salariés qui s’est tenue en date du 05/02/2015 a émis un avis négatif quant à la délivrance d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié.
Au vu de ce qui précède, l’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié vous est refusée sur base de l’article 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée ».
(…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2015, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 27 mars 2015.
Etant donné que l’article 113 la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », par renvoi à l’article 109 de la même loi, prévoit un recours en annulation en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation.
Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours au motif qu’en date du 15 juin 2015, le demandeur aurait conclu un nouveau contrat de travail avec un autre employeur, à savoir la société à responsabilité limitée ….., ci-après désignée par « la société …..», de sorte que, d’une part, le présent recours dirigé contre un refus d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée concernant un emploi auprès de la société à responsabilité limitée ….., ci-après dénommée « la société …..», serait dépourvu d’objet et, d’autre part, le demandeur n’aurait aucun intérêt à agir, dans la mesure où une éventuelle annulation de la décision déférée ne lui « (…) apporterait aucune satisfaction (…) ».
2Le demandeur rétorque que s’il est exact qu’il aurait introduit, en date du 15 juin 2015, une nouvelle demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée en se prévalant d’un contrat de travail conclu le même jour avec la société ….., il conserverait néanmoins un intérêt à agir à l’encontre de la décision déférée, dans la mesure où, en cas d’annulation de celle-ci, il pourrait commencer à exercer son activité professionnelle auprès de la société ….., tout en renonçant à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée auprès de la société ….., le demandeur précisant, dans ce contexte, que rien ne l’aurait empêché de conclure successivement deux contrats de travail avec deux employeurs différents, ce d’autant plus que chacun des contrats en question aurait été conclu sous la condition suspensive de l’obtention d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée.
Il est constant en cause, d’une part, qu’à l’appui de sa demande du 13 novembre 2014 faisant l’objet de la décision litigieuse, le demandeur s’est prévalu d’un contrat de travail conclu le 22 octobre 2014 avec la société ….., ledit contrat subordonnant l’entrée en service de l’intéressé à l’obtention d’une « (…) autorisation de séjour de salarié (…) » et, d’autre part, qu’en date du 15 juin 2015, le demandeur a introduit une deuxième demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée, en se prévalant d’un contrat de travail conclu le même jour avec la société ….., qui, lui aussi, subordonne l’entrée en service de l’intéressé à l’obtention d’une « (…) autorisation de séjour de salarié (…) ».
Dans la mesure où la conclusion, par le demandeur, du contrat de travail susmentionné avec la société …..est manifestement sans incidence sur l’existence de la décision déférée et – à défaut d’autres éléments – sur celle du contrat précédemment conclu avec la société ….., ainsi que sur la validité des obligations en découlant, le tribunal retient, d’une part, que le recours n’est pas dépourvu d’objet et, d’autre part, que l’annulation de la décision litigieuse refusant de faire droit à la demande de Monsieur ….. tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée et visant l’exercice d’une activité professionnelle auprès de la société …..conférerait à l’intéressé une satisfaction certaine et personnelle, de sorte qu’il justifie d’un intérêt à agir1. Il s’ensuit que les moyens d’irrecevabilité sous examen sont à rejeter.
Il suit des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, que le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base de la décision déférée.
En droit, il estime remplir l’ensemble des conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée, telles que prévues par l’article 42 de la loi du 29 août 2008.
S’agissant plus particulièrement de la condition inscrite au paragraphe (1), point 1. dudit article, selon laquelle il ne doit pas être porté préjudice à la priorité d’embauche dont bénéficient certains travailleurs en vertu de l’article L.622-4 (4) du Code du travail, il se prévaut d’un certificat émis par l’Agence pour le développement de l’emploi, ci-après désignée par 1 Voir en ce sens : Trib. adm., 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 7 et les autres références y citées.
3« l’ADEM », le 6 octobre 2014, aux termes duquel la société …..a été autorisée à « (…) recruter une personne de son choix (…) pour le poste de (…) CUISINIER EXPERIMENTE EN CUISINE NEPALAISE ET INDIENNE OU BANGLADAISE [–] CDI 40 HRS/SEM [–] Anglais, Hindou (Très bon niveau) [–] Expérience 3 ans[,] faute de demandeur d’emploi qualifié remplissant le profil requis pour le poste déclaré et inscrit à l’ADEM (…) ». Par ailleurs, en se prévalant de deux certificats de travail émis par le « ….. », sis à New Delhi (Inde), et l’ « …. », situé à Butwal (Népal), datés respectivement au 8 janvier 2013 et au 16 novembre 2014 et attestant qu’il aurait travaillé du 22 septembre 2005 au 7 décembre 2012, respectivement du 5 février 2013 au 16 novembre 2014 en tant qu’ « Indian and Tandoori Cook », le demandeur soutient qu’il disposerait des qualifications professionnelles requises pour l’activité visée – à savoir celle de cuisinier spécialisé dans la cuisine indienne, népalaise ou bangladaise – au sens de l’article 42 (1) 3. de la loi du 29 août 2008.
Le demandeur conteste encore le motif de refus de sa demande d’autorisation de séjour, selon lequel l’exercice de l’activité visée ne servirait pas les intérêts économiques du pays, tel qu’exigé par l’article 42 (1) 2. de la loi du 29 août 2008, au motif que son dossier ne renseignerait pas sur une future intégration durable dans le marché de l’emploi luxembourgeois et que son profil, « (…) plus précisément l’activité à main d’œuvre peu qualifiée (…) », n’apporterait pas un savoir-faire présentant un avantage compétitif pour le secteur d’activité visé.
A cet égard, il fait valoir que la société …..exploiterait deux restaurants, dont le restaurant « … » sis à Remich, qui offrirait à ses clients une vue directe sur la Moselle, dont la capacité d’accueil serait d’une centaine de couverts et dont le chiffre d’affaires de l’année 2014 se serait élevé à approximativement 340.000 euros. Ledit restaurant étant en concurrence directe avec d’autres restaurants situés sur le quai de la Moselle, la société …..aurait décidé de diversifier sa cuisine, afin qu’il soit le plus compétitif possible. En se prévalant d’un article publié sur le site internet « www.horesca.lu », intitulé « L’importance du secteur » et ayant trait, notamment, à la croissance que connaîtrait actuellement le secteur de la restauration au Luxembourg, le demandeur conclut que l’activité de cuisinier indien qu’il envisagerait d’exercer auprès de la société …..servirait les intérêts économiques du pays, étant donné que la mise à la disposition de son employeur de ses capacités de cuisinier permettrait à ce dernier de réaliser des bénéfices, qui seraient « (…) taxés et [qui] participe[raient] à l’économie luxembourgeoise (…) ».
En renvoyant au certificat susmentionné de l’ADEM, aux certificats de travail, précités, à un « TRANSFER/CHARACTER CERTIFICATE », établi le « 2071-7-27 » par la « Shree Mahakavi Devkota Higher Secondary School » sise à Sunwal (Népal) et attestant qu’il aurait réussi les épreuves de la « (…) class 10 (TEST) in III division (…) », ainsi qu’à un certificat établi le 15 août 2004 par le « Royal Institute of Hotel Management » sis à Butwal, aux termes duquel il aurait suivi avec succès une formation en tant qu’ « Indian & Tandoori Cook », qui se serait tenue du 10 février au 10 août 2004, le demandeur soutient que l’activité salariée visée par sa demande d’autorisation de séjour ne saurait être qualifiée d’activité de main-d’œuvre peu qualifiée.
Le demandeur ajoute que la société …..n’aurait pas de concurrent direct dans le domaine de la cuisine indienne, de sorte que l’activité envisagée procurerait à son employeur un avantage 4compétitif, le demandeur précisant encore, dans ce contexte, qu’ « (…) aucune société à but lucratif n’engagerait une personne si elle n’en [tirait] pas un bénéfice financier (…) ».
Par ailleurs, le demandeur se prévaut des avis de la Chambre de Commerce, de la Chambre des Métiers et du Conseil d’Etat des 27 février, 28 mars et 20 mai 2008 relatifs au projet de loi n° 5802 ayant donné lieu à la loi du 29 août 2008, et plus précisément des critiques y exprimées à l’encontre de la condition inscrite à l’article 42 dudit projet de loi, devenu l’article 42 de la loi susmentionnée, selon laquelle l’activité de l’intéressé doit servir les intérêts économiques du pays, ces critiques ayant trait, notamment, à l’utilité discutable de ladite condition, compte tenu de la considération selon laquelle la déclaration, par un employeur, d’une vacance de poste auprès de l’ADEM traduirait à elle seule un besoin économique en personnel dudit employeur, et à l’imprécision de son libellé.
Le demandeur soutient encore que les critères pris en compte par la ministre pour arriver à la conclusion selon laquelle l’activité visée ne servirait pas les intérêts économiques du pays – à savoir, d’une part, la perspective d’une intégration durable dans le marché de l’emploi luxembourgeois et, d’autre part, la question de savoir si le profil de l’intéressé apporte un savoir-
faire présentant un avantage compétitif pour le secteur d’activité visé – ne seraient pas prévus par la loi. Il conteste plus particulièrement le premier de ces critères en donnant à considérer qu’aux termes de l’article 43 de la loi du 29 août 2008, l’autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée serait délivrée pour une durée maximale d’une année, renouvelable pour deux années, de sorte que l’existence d’une perspective d’intégration durable dans le marché de l’emploi luxembourgeois ne saurait en conditionner l’octroi.
Par ailleurs, le demandeur soutient que « (…) le refus d’accorder une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié à un ressortissant de pays tiers [remplissant] les conditions de l’article 42 (1) de la loi (…) du 29 août 2008 (…) [constituerait] une entrave à la liberté du commerce (…) », telle que consacrée par l’article 11 (6) de la Constitution.
Il conclut que la décision déférée devrait encourir l’annulation pour excès de pouvoir manifeste et violation de la loi.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en reprenant, en substance, les motifs de refus figurant dans la décision déférée et en ajoutant que le constat du ministre selon lequel, d’une part, le dossier de Monsieur ….. ne comporterait pas d’élément qui renseignerait sur sa future intégration durable dans le marché de l’emploi luxembourgeois et, d’autre part, son profil n’apporterait pas un savoir-faire présentant un avantage compétitif pour le secteur d’activité visé par la société …..ne serait pas invalidé par la référence, faite par le demandeur, à son expérience professionnelle et à l’importance, pour l’économie luxembourgeoise, du secteur de la restauration, ni par son affirmation – qualifiée de purement gratuite par la partie étatique – selon laquelle le chiffre d’affaires de la société …..se serait élevé à 340.000 euros en 2014. Le délégué du gouvernement conteste encore le moyen du demandeur tiré de la violation de l’article 11 (6) de la Constitution en donnant à considérer que la liberté du commerce y consacrée ne serait ni inconditionnelle, ni illimitée, étant donné que ledit article prévoirait expressément la possibilité, pour le législateur, d’établir des restrictions à la liberté en question, de sorte que 5l’argumentation afférente du demandeur, selon laquelle tout refus d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée serait une entrave à la liberté du commerce, serait à écarter.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste, d’une part, sur le fait que la volonté de la société ….. de l’engager traduirait son besoin en personnel et, d’autre part, sur la circonstance selon laquelle aucun demandeur d’emploi répondant au profil requis pour le poste en question n’aurait été inscrit auprès de l’ADEM, de sorte que celle-ci aurait autorisé la société ….. à recruter la personne de son choix. Par ailleurs, il réfute les contestations de la partie étatique ayant trait au moyen tiré de la violation de l’article 11 (6) de la Constitution, en faisant valoir que dans la mesure où il remplirait toutes les conditions légales pour obtenir une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée, la décision de refus litigieuse constituerait une entrave à la liberté du commerce, qui ne serait pas fondée sur une restriction prévue par la loi, au sens de l’article 11 (6), précité, de la Constitution.
Aux termes de l’article 42 de la loi du 29 août 2008, « (1) L’autorisation de séjour et l’autorisation de travail dans les cas où elle est requise, sont accordées par le ministre au ressortissant de pays tiers pour exercer une activité salariée telle que définie à l’article 3, après avoir vérifié si, outre les conditions prévues à l’article 34, les conditions suivantes sont remplies:
1. il n’est pas porté préjudice à la priorité d’embauche dont bénéficient certains travailleurs en vertu de l’article L. 622-4, paragraphe (4) du Code du travail ;
2. l’exercice de l’activité visée sert les intérêts économiques du pays;
3. il dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée;
4. il est en possession d’un contrat de travail conclu pour un poste déclaré vacant auprès de l’Agence pour le développement de l’emploi dans les formes et conditions prévues par la législation afférente en vigueur. (…) ».
Il s’ensuit que l’octroi, à un ressortissant d’un Etat tiers, d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée est, en sus des conditions prévues par l’article 34 de la loi du 29 août 2008, soumis aux conditions cumulatives que, premièrement, il ne soit pas porté préjudice à la priorité d’embauche dont bénéficient certains travailleurs, deuxièmement, l’exercice de l’activité visée serve les intérêts économiques du pays, troisièmement, la personne concernée dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée et, quatrièmement, l’intéressé soit en possession d’un contrat de travail conclu pour un poste déclaré vacant auprès de l’ADEM dans les formes et conditions prévues par la législation afférente en vigueur.
En l’espèce, si les conditions inscrites aux points 1, 3 et 4 de l’article 42 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sont pas litigieuses, les parties sont en désaccord sur la question de savoir si l’activité visée par le contrat de travail signé entre le demandeur et la société …..est susceptible de servir les intérêts économiques du pays, au sens du point 2 dudit article.
6A cet égard, le tribunal retient en premier lieu que les intérêts du pays sont à apprécier en termes d’utilité économique, c’est-à-dire de réponse à un besoin économique2, de sorte qu’une activité répondant à un besoin économique exprimé par un acteur de l’économie luxembourgeoise est, a priori et sous réserve, notamment, du respect de la législation en vigueur, de nature à servir les intérêts économiques du pays.
Il s’ensuit d’ores et déjà que les critères pris en compte par le ministre dans ce contexte – à savoir, d’une part, la perspective d’une intégration durable de la personne concernée sur le marché de l’emploi luxembourgeois et, d’autre part, la question de savoir si le profil de l’intéressé apporte un savoir-faire présentant un avantage compétitif pour le secteur d’activité visé – sont à écarter pour défaut de pertinence.
Le tribunal retient ensuite qu’en déclarant vacant auprès de l’ADEM le poste ultérieurement attribué à Monsieur ….., la société ….. a fait état d’un besoin économique, plus précisément de la nécessité d’embaucher un cuisinier expérimenté en cuisine népalaise et indienne ou bangladaise. Or, tel que relevé ci-avant, il ressort du certificat, précité, de l’ADEM qu’aucun « (…) demandeur d’emploi qualifié remplissant le profil requis pour le poste déclaré (…) » ne s’était inscrit auprès de cette administration, de sorte que la société …..a finalement été autorisée à recruter la personne de son choix. Il est ainsi constant en cause que ladite société a manifesté son besoin d’engager une personne avec un profil spécifique, à savoir une personne disposant d’une expérience professionnelle de trois ans dans la cuisine népalaise et indienne ou bangladaise et ayant des connaissances linguistiques précises, sans que ce besoin, lequel est par essence économique, n’ait pu être satisfait par les demandeurs d’emploi inscrits auprès de l’ADEM, la réalité dudit besoin n’ayant été contestée par la partie étatique ni au cours de la phase précontentieuse, ni à travers son mémoire en réponse produit dans le cadre du présent recours.
Dans la mesure où l’activité visée par Monsieur ….. répond ainsi à un besoin économique exprimé par un acteur de l’économie luxembourgeoise, le tribunal conclut que c’est à tort que le ministre a refusé d’accorder à ce dernier l’autorisation de séjour sollicitée, au motif que l’activité en question ne servirait pas les intérêts économiques du pays, de sorte que la décision déférée encourt l’annulation, sans qu’il ne soit nécessaire de statuer plus en avant.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
2 Trib. adm., 7 octobre 2015, n° 35257 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
7partant annule la décision ministérielle du 27 mars 2015 refusant d’accorder à Monsieur ….. une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée et renvoie l’affaire devant le ministre de l’Immigration et de l’Asile en prosécution de cause ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 11 janvier 2016 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 janvier 2016 Le greffier du tribunal administratif 8