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06/01/2016 | LUXEMBOURG | N°35715

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 janvier 2016, 35715


Tribunal administratif N° 35715 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 janvier 2015 Ire chambre Audience publique du 6 janvier 2016 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de traitement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35715 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2015 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tabl

eau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendan...

Tribunal administratif N° 35715 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 janvier 2015 Ire chambre Audience publique du 6 janvier 2016 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de traitement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35715 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2015 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du 20 octobre 2014 du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative portant refus de faire droit à sa demande de bénéficier du supplément personnel prévu par l’article 6bis III, 1 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 avril 2015 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 mai 2015 par Maître Jean-Marie Bauler au nom de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 juin 2015 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … fut nommé professeur de lettres au Lycée du Nord avec effet au 1er mars 2009.

Par un arrêté grand-ducal du 4 septembre 2012, un service à temps partiel correspondant à vingt-cinq pourcent d’une tâche complète fut accordé à Monsieur … à partir du 17 septembre 2012.

Cet arrêté du 4 septembre 2012 fut abrogé par un arrêté grand-ducal du 17 novembre 2012 par lequel Monsieur … se fit accorder un congé sans traitement pour raisons professionnelles à partir du 1er novembre 2012 jusqu’à la rentrée scolaire 2016/2017.Le 1er novembre 2012, Monsieur … fut admis au stage de rédacteur qui prit fin le 1er novembre 2013, jour de sa nomination en tant que rédacteur.

Par un courrier du 29 septembre 2014, Monsieur … demanda au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, dénommé ci-après « le ministre », de bien vouloir lui accorder le supplément personnel prévu par l’article 6bis, III, 1 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-

après « la loi du 22 juin 1963 ».

Le ministre refusa cette demande par une décision du 20 octobre 2014 aux motifs suivants :

« (…) Dans le cadre de votre demande concernant l'affaire sous rubrique, je constate que votre parcours professionnel auprès de l'État se présente actuellement et en résumé comme suit.

Après un engagement à partir de la rentrée scolaire de l'année 2002 en qualité de chargé d'éducation, vous avez été admis au stage de professeur en lettres avec effet au 1er janvier 2004. En date du 1er mars 2009, vous avez été nommé au grade E7 dans la carrière de professeur, dans le cadre de laquelle vous avez atteint à partir du mois d'août 2012 l'échelon majoré correspondant à un traitement de base de 433 points indiciaires.

Au cours de l'année 2012, vous avez pris la décision de vous réorienter professionnellement et après réussite à l'examen-concours de la carrière du rédacteur vous avez été admis au stage de la carrière du rédacteur à partir du 1er novembre 2012, avec une indemnité de stage de 203 points indiciaires. Vu votre expérience professionnelle, vous avez profité d'une réduction de stage qui a été porté à la durée minimale d'un an et votre nomination de rédacteur auprès de l'Administration du personnel de l'État est intervenue le 1er novembre 2013. Après application du principe de la bonification d'ancienneté de service, votre traitement a été fixé à ce moment à 248 points indiciaires pour être majoré à partir du 1er février 2014 à 253 points indiciaires, traitement de base que vous touchez encore à ce moment.

Par courrier du 29 septembre 2014, qui m'a été transmis par lettre recommandée, vous sollicitez une compensation de votre perte de rémunération encourue suite à votre changement de carrière en question. A ce titre, vous vous référez aux dispositions de l'article 6bis, section III, paragraphe 1 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'État. Celui-ci prévoit, comme vous l'invoquez, que « le fonctionnaire, le fonctionnaire stagiaire ainsi que l'employé de l'État qui réintègre le service de l'État dans l'une de ces qualités énumérées après l'avoir quitté pour des raisons autres que la mise à la retraite peut obtenir un supplément personnel tenant compte de la différence entre son traitement ou de l'indemnité barémiques dont il jouissait avant son départ et son traitement ou indemnité barémiques alloués au moment de sa réintégration.» Le paragraphe 3 de ce même article dispose que les décisions sur l'allocation d'un tel supplément sont prises par le ministre ayant dans ses attributions la Fonction publique.

En réponse à votre demande, je voudrais mettre en avant les considérations suivantes.

2Votre changement de carrière ayant été motivé par le désir d'acquérir de nouvelles expériences professionnelles, celui-ci résulte donc d'une décision personnelle de vous réorienter dans la carrière du rédacteur et ce en conséquence vers une carrière, qui contrairement à la carrière supérieure du professeur, fait partie du groupe des carrières dit « de la carrière moyenne auprès de l'État ». En raison de la hiérarchie dans les barèmes de traitement reflétant la hiérarchie des fonctions et des responsabilités inhérentes à celles-ci, il en a donc inévitablement résulté une diminution de votre rémunération. Cette constatation est confirmée par la seule comparaison entre l'agencement des deux carrières impliquées et plus particulièrement entre le dernier échelon barémique que vous aviez atteint en qualité de professeur, à savoir comme signalé 433 points indiciaires, et l'échelon de 203 points indiciaires accordé au moment de l'admission au stage de rédacteur, correspondant à une différence de traitement de 230 points indiciaires. Même en se basant sur votre nouvelle situation de carrière au moment de votre nomination dans la carrière du rédacteur, cette différence se chiffre à 185 points indiciaires.

Adopter maintenant une approche de vouloir compenser une telle marge moyennant un supplément équivaudrait à vous accorder de fait l'équivalent d'un échelon qui dépasse le dernier échelon allongé de l'avant-dernier grade de votre nouvelle carrière, à savoir l'échelon 425 du grade 12. Pareille démarche bouleverserait donc totalement la hiérarchie des fonctions inscrite dans la législation sur les traitements, aussi bien à l'intérieur de la carrière du rédacteur que par rapport aux autres carrières notamment supérieures et relevant, comme vous, du cadre de l'Administration gouvernementale.

En raison de ces considérations, je ne suis pas en mesure d'accorder le supplément sollicité au cas où comme dans le vôtre, l'intéressé change de la carrière supérieure vers la carrière moyenne ou inférieure, respectivement de la carrière moyenne vers la carrière inférieure, telles qu'elles sont définies à l'annexe 0 de la loi sur les traitements.

En consultant les documents parlementaires relatifs au projet de loi No 5889 devenu la loi du 19 décembre 2008 modifiant entre autres la loi sur les traitements et ayant conféré au ministre de la Fonction publique la possibilité d'accorder un tel supplément même après une interruption de service, je me vois confirmé dans ma prise de position. En effet, vous pouvez constater dans l'exposé des motifs qui accompagne le projet et plus particulièrement dans son chapitre III que l'intention du législateur était de compenser d'éventuelles pertes de traitement dans les seuls cas déjà visés au même article 6bis, à savoir le passage du fonctionnaire vers une carrière supérieure à la sienne, ainsi que l'admission au statut de fonctionnaire d'un employé ou salarié de l'État, même lorsque dans ces mêmes cas une perte de rémunération interviendrait après une interruption de service par l'intéressé.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 20 octobre 2014 du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative portant refus de faire droit à sa demande de bénéficier du supplément personnel prévu par l’article 6bis III, 1 de la loi du 22 juin 1963.

Etant donné que suivant l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général », les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et 3accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, étant relevé que la décision déférée ne contient pas d’indication des voies de recours admissibles.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur estime qu’il serait incontestable qu’il aurait quitté le service de l’Etat en sa qualité de professeur fonctionnaire pour des raisons autres que la mise à la retraite et qu’il aurait réintégré le service de l’Etat en qualité de rédacteur administratif, de sorte qu’il affirme devoir bénéficier du supplément prévu à l’article 6bis III, 1 de la loi du 22 juin 1963 jusqu’à ce que son traitement initial de rédacteur ait atteint le niveau de son ancien traitement de professeur au jour du changement de fonction.

Il fait plaider que la raison d’être de ce supplément serait de tenir compte d’une situation exceptionnelle d’un agent qui, comme lui, pourrait faire valoir sa formation universitaire et son expérience professionnelle de professeur de lettres dans sa nouvelle carrière de rédacteur administratif.

Il fait valoir que le ministre aurait à tort cité les travaux parlementaires du projet de loi n° 5889 ayant abouti à l’article 6bis III, 1 précité pour limiter l’application de ce dernier aux situations de passage d’un employé dans la carrière de fonctionnaire, respectivement d’un fonctionnaire vers une carrière supérieure à la sienne en cas d’interruption du service à l’Etat, alors que l’idée de l’interruption ne serait pas la seule raison d’être de cette nouvelle disposition, mais le souci de l’interchangeabilité entre les différentes fonctions, sans aucune restriction quant à un éventuel changement de carrière et pour éviter une « discrimination flagrante par rapport aux employés ».

Il explique encore dans ce contexte qu’il ne faudrait pas « oublier que parfois des agents changent volontairement dans une carrière inférieure à leur carrière initiale pour des raisons d’insatisfaction professionnelle, alors que dans certains cas difficiles l’option alternative consisterait à demander la mise à la retraite pour cause d’invalidité. L’agent qui de son propre gré, au lieu de demander la mise à la retraite à un âge plutôt jeune, décide de mettre ses compétences aux services d’une autre carrière, quoi qu’inférieure, mériterait de toute façon de profiter du supplément personnel en traitement.» Il estime que s’il avait intégré la fonction publique en tant que rédacteur dès l’âge de 20 ans, il jouirait de toute façon à l’heure actuelle d’un traitement de 433 points, niveau barémique faisant par ailleurs partie intégrante de la carrière du rédacteur.

Le demandeur soutient qu’étant donné que les tâches d’un rédacteur auraient un caractère technique et seraient largement prédéfinies d’avance, laissant peu de marge de décision, ces tâches n’évolueraient que peu dans le temps, de sorte que le travail resterait en principe le même tout au long de la carrière, mais qu’un agent plus ancien aurait « tendance à se débarrasser encore plus facilement de ces tâches ». Ainsi, la raison principale pour laquelle un agent jouissant d’une certaine ancienneté gagnerait davantage qu’un jeune collègue ne saurait résider dans une augmentation substantielle des responsabilités ou des missions à accomplir. Du fait que l’ancienneté et l’âge seraient les seuls piliers garantissant l’avancement à l’intérieur d’une carrière, l’article 6bis de la loi du 22 juin 1963 permettrait 4justement de valider les années de service passées au sein d’une autre carrière. Il s’agirait de garantir aux agents de l’Etat une certaine continuité quant au niveau de leur rémunération.

Le demandeur souligne que l’emploi du terme « peut » dans l’article 6bis III, 1 de la loi du 22 juin 1963 ne devrait pas être interprété comme une invitation au ministre de juger si la hauteur du supplément lui paraît adéquate. Il n’y aurait aucun plafond légal à ce supplément, de sorte qu’il n’appartiendrait pas au ministre d’en créer un.

Il estime que le ministre, par son refus, lui reprocherait d’avoir choisi une carrière inférieure à celle dans laquelle il se serait trouvé avant, suggérant ainsi que la carrière du rédacteur serait moins exigeante qu’une carrière supérieure, ce qui ne serait pourtant pas le cas, alors que la carrière moyenne serait une carrière à part nécessitant de passer un examen concours, ainsi qu’une formation spécifique.

A titre subsidiaire, le demandeur conclut à une violation de l’article 10bis de la Constitution, en ce qu’il serait discriminé en sa qualité de fonctionnaire par rapport aux employés de l’Etat.

Finalement, il estime que l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950, dénommée ci-

après « la CEDH », sinon le principe général d’impartialité seraient violés, alors que l’impartialité ne serait pas garantie dans le chef de l’autorité qui décide de l’allocation du supplément, alors que, dans son cas, étant affecté à l’administration du personnel de l’Etat, ce serait le même ministre qui proposerait et qui déciderait l’allocation du supplément.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait encore plaider la nullité de la décision déférée, alors que le ministre aurait commis une erreur de droit quant aux motifs invocables, en ce qu’il aurait basé son refus sur la circonstance que le changement de carrière aurait résulté d’une décision personnelle et que la hiérarchie des fonctions se trouverait bouleversée, alors que de tels motifs de refus ne seraient pas prévus par l’article 6bis III, 1 de la loi du 22 juin 1963.

Il ajoute que si l’article 6bis III,1 de la loi du 22 juin 1963 ne lui serait pas applicable du fait qu’il n’aurait pas quitté le service de l’Etat, le législateur serait à critiquer pour avoir omis de prévoir son cas de figure spécifique, ce qui s’apparenterait à une « illégalité d’omission » entraînant que la loi serait contraire au principe constitutionnel de l’égalité des citoyens devant la loi.

Le seul objectif de l’article 6 de la loi du 22 juin 1963 serait celui de compenser une perte éventuelle de traitement en cas de changement de carrière, d’administration ou de statut, dans le but de promouvoir ainsi la mobilité dans la fonction publique.

Il s’oppose encore à l’interprétation de la partie étatique selon laquelle il résulterait des travaux parlementaires que la ratio legis de ces dispositions aurait été de favoriser uniquement la mobilité horizontale et ascendante et non la mobilité descendante, alors qu’un tel cas de figure serait également couvert par l’article 6bis IV de la loi du 22 juin 1963.

Le demandeur fait encore un parallèle avec l’article 6ter du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 portant assimilation des traitements des fonctionnaires des communes, syndicats de communes et établissements publics placés sous la surveillance des communes, à ceux des 5fonctionnaires de l’Etat, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 4 avril 1964 », qui prévoirait une application d’office d’un supplément compensatoire de leur ancien traitement en cas de changement de commune.

Finalement, le demandeur fait plaider que la décision déférée serait nulle pour violation de son droit acquis au traitement dont il jouirait en vertu de l’article 21 du statut général.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d'une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.1 En ce qui concerne d’abord le moyen d’illégalité externe relative à un manque d’impartialité du ministre, notamment basé sur l’article 6 CEDH, il a été jugé que les garanties prévues par l'article 6 CEDH n'ont pas vocation à s'appliquer au niveau d'une procédure purement administrative, en ce qu'elles n'entrent en ligne de compte qu'à un stade ultérieur, au niveau de l'instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l'aboutissement de ladite procédure2. A défaut de précisions relatives au principe général d’impartialité dont le demandeur fait état, le moyen y relatif est à rejeter dans son ensemble.

En ce qui concerne le moyen d’annulation pour « erreur de droit quant aux motifs invocables », force est au tribunal de relever que ce moyen consiste à contester les motifs de refus du ministre dont aucun ne serait « une cause légalement admise pour refuser l’allocation du supplément personnel prévu par l’article 6bis », de sorte qu’outre le constat que ces motifs ont par ailleurs été complétés par le délégué du gouvernement, l’analyse de ce moyen se confond avec le traitement des questions de fond posées par le recours et l’éventuelle application de l’article 6bis III, 1 de la loi du 22 juin 1963 à la situation du demandeur.

Ainsi, quant au fond, il échet de rappeler les termes de l’article 6bis III, 1 de la loi du 22 juin 1963 qui prévoit que « Le fonctionnaire, le fonctionnaire stagiaire ainsi que l’employé de l’Etat qui réintègre le service de l’Etat dans l’une de ces qualités énumérées après l’avoir quitté pour des raisons autres que la mise à la retraite peut obtenir un supplément personnel tenant compte de la différence entre son traitement ou indemnité barémiques dont il jouissait avant son départ et son traitement ou indemnité barémiques alloués au moment de sa réintégration. ».

Force est d’abord de relever, de concert avec le délégué du gouvernement, qu’il ne ressort pas du dossier que le demandeur aurait quitté le service de l’Etat pour le réintégrer par la suite, alors que, durant la procédure de changement de carrière, il a toujours continué à être au service de l’Etat en tant que fonctionnaire, la fin de son service actif en tant que fonctionnaire professeur se recoupant avec le début de son stage en tant que rédacteur. Le 1 trib. adm. du 31 mai 2006, n °21060 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 408 2 trib. adm. du 9 décembre 2013, n° 29910 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Droits de l'homme et libertés fondamentales, n° 18 6demandeur n’ayant pas passé un seul jour sans être à la solde de l’Etat entre la fin de sa carrière supérieure et le début de sa carrière de rédacteur, l’article 6bis III, 1 de la loi du 22 juin 1963 n’a partant pas vocation à s’appliquer, étant relevé que suivant les travaux parlementaires, la raison d’être de cette disposition réside dans la demande « d’un recrutement au niveau de traitement atteint au moment de leur départ des fonctionnaires et employés de l’Etat rentrant au service après interruption de leur qualité d’agent public »3 et que la nouveauté de cette dernière réside dans « la possibilité de bénéficier d’un tel supplément même après une interruption de service auprès de l’Etat, alors que celles existantes s’appliquaient aux cas de passage sans interruption aucune d’une carrière ou d’un régime à un autre. »4.

A titre superfétatoire, en ce qui concerne la discussion autour de la question si le passage d’une carrière supérieure à une carrière inférieure est ou non éligible pour le versement du supplément visé par l’article 6bis III, 1 précité de la loi du 22 juin 1963, force est de constater à la lecture des différentes hypothèses considérées par l’intégralité dudit article 6bis, qu’un supplément de traitement est possible à chaque fois qu’un passage vers une carrière, respectivement vers un statut considérés comme « supérieurs » ou « meilleurs » à la carrière, ou au statut précédent, ainsi qu’un changement d’administration, auraient comme effet pervers une perte de salaire dans le chef de l’agent public concerné. Il s’agit dès lors d’encourager les personnes aspirant à une carrière plus élevée et théoriquement mieux rémunérée, ainsi que celles qui désirent réintégrer le service public ou changer d’administration, en leur proposant de compenser une éventuelle perte de traitement passagère qu’ils seraient susceptibles de subir dans certains cas.

En aucun cas, cette disposition ne consacre un droit acquis à un traitement qui, en vertu de l’article 21 du statut général, reste toujours couplé à une certaine fonction respectivement à un certain classement dans la carrière. Il n’y a dès lors pas non plus violation dudit article 21 du statut général.

Il ressort de ces considérations que le demandeur ne rentre pas dans les prévisions de l’article 6bis III, 1 de la loi du 22 juin 1963, sans qu’il y ait lieu de revenir sur ses autres arguments invoqués dans ce contexte.

Cette conclusion n’est pas énervée par le moyen non autrement étayé relatif à une violation de l’article 10bis de la Constitution par l’article 6bis III,1 de la loi du 22 juin 1963, en ce qu’il en résulterait une discrimination des fonctionnaires par rapport à des employés de l’Etat, alors que ledit article précité ne fait, de manière expresse, aucune différence en ce qui concerne les fonctionnaires, les fonctionnaires stagiaires et les employés de l’Etat.

La circonstance que l’article 6bis de la loi du 22 juin 1963 ne prévoit dans aucune de ses dispositions un supplément de traitement pour « les fonctionnaires de la carrière supérieure qui changent de carrière » vers une carrière inférieure ne saurait pas non plus constituer une violation de l’article 10bis de la Constitution du fait d’une discrimination des fonctionnaires par rapport aux employés de l’Etat, alors qu’un tel droit n’est pas non plus prévu pour les employés d’Etat. En effet, l’article 6bis IV de la loi du 22 juin 1963 ne prévoit un supplément de traitement que pour les employés de l’Etat qui changent de statut vers celui du fonctionnaire, ce qui est à considérer comme une amélioration de la situation statutaire de l’agent en question qu’il consiste à encourager malgré une perte salariale théorique éventuelle, 3 Exposé des motifs, documents parlementaires n°5889 4 ibidem 7à l’inverse de la situation du demandeur qui abandonne son poste de la carrière supérieure exigeant une responsabilité accrue pour une fonction de la carrière moyenne, c’est-à-dire inférieure, où il ne remplit plus que, d’après ses propres affirmations, des tâches largement prédéfinies d’avance et qui laissent peu de marge de décision. Il n’y a partant aucune injustice dans le fait qu’une fonction d’une carrière inférieure soit moins bien rémunérée que celle d’une carrière supérieure et aucun mérite à honorer en cas d’un changement « descendant » de carrière.

Il en va de même de la prétendue discrimination entre les fonctionnaires d’Etat et « leurs collègues du secteur communal », alors que les dispositions invoquées de l’article 6ter du règlement grand-ducal du 4 avril 1964 concernent la mobilité transversale et trouvent leur pendant pour les fonctionnaires de l’Etat à l’article 6bis II de la loi du 22 juin 1963.

Il s’ensuit que le recours est à rejeter en tous ses moyens.

Au vu de l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 750 euros telle que formulée par le demandeur est rejetée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du 20 octobre 2014 ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande de Monsieur … en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 6 janvier 2016 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 06/01/2016 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 35715
Date de la décision : 06/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-01-06;35715 ?

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