Tribunal administratif N° 35284 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 octobre 2014 1re chambre Audience publique du 4 janvier 2016 Recours formé par l’administration communale de Mondercange contre une décision de l’administration du Cadastre et de la Topographie, en présence de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., …, en matière de morcellement
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 35284 du rôle et déposée le 9 octobre 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude PAULY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mondercange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, établie en la maison communale à L-3919 Mondercange, rue Arthur Thinnes, tendant principalement à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de morcellement, ainsi qualifiée, de l’administration du Cadastre et de la Topographie du 3 octobre 2011, relative à une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Mondercange, section D de Pontpierre, sous le numéro 573/1895 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 13 octobre 2014 portant signification de cette requête introductive d’instance à …, en leurs qualités de vendeurs de la parcelle en question, d’une part, et à la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ayant été établie et ayant eu son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, en sa qualité d’acquéreur, d’autre part ;
Vu le constat de recherche dressé le 13 octobre 2014 par l’huissier de justice Pierre BIEL relatif à la société à responsabilité limitée … s.à r.l ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 octobre 2014 par Maître François COLLOT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s. à r.l. ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2015 par Maître François COLLOT au nom de la société à responsabilité limitée … s. à r. l., signifié le 8 janvier 2015 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 janvier 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2015 par Maître Claude PAULY au nom de l’administration communale de Mondercange ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 2015 par Maître François COLLOT au nom de la société à responsabilité limitée … s. à r. l., signifié le 12 février 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hélène SMUK-
MATRINGE, en remplacement de Maître Claude PAULY, Maître Henry DE RON, en remplacement de Maître François COLLOT, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Caroline PEFFER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 décembre 2015.
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Par acte notarié passé par-devant Maître Karine REUTER, notaire, alors de résidence à Redange-sur-Attert, en date du 20, sinon 21 décembre 2007, la société à responsabilité limitée … s.à rl., ci-après la « société … », acquit de Madame …, de Madame … et de Monsieur … un terrain sis à Pontpierre, inscrit au cadastre de la commune de Mondercange, section D de Pontpierre, sous le numéro …, lieu-dit « rue de Schifflange », d’une contenance y indiquée comme ayant trait à « une surface approximative de 45 ares 53 centiares » et correspondant aux lots A, B et C, colorés en jaune sur l’extrait du plan cadastral joint à l’acte.
Afin de déterminer la surface exacte du terrain en question, Monsieur …, ainsi désignée, avait adressé en date du 3 décembre 2007, dès avant la signature de l’acte notarié précité, une demande de mesurage à l’administration du Cadastre et de la Topographie, non rencontrée utilement au moment de la signature dudit acte. Ladite administration accusa réception de la demande de mesurage en question par courrier du 6 décembre 2007 et informé la société demanderesse que sa demande avait été transmise au bureau régional à Esch-sur-Alzette aux fins voulues. Comme le mesurage n’avait pas encore pu être effectué utilement, les parties à l’acte de vente précité y firent insérer la clause suivante :
« Une demande d’un mesurage en vue de la division du terrain préqualifié a toutefois été introduite par les soins des parties comparantes. Vu le changement de la législation fiscale en matière de plus-value immobilière, il y a urgence de documenter l’opération de vente faisant l’objet des présentes, sans que le mesurage a pu avoir lieu par le géomètre du cadastre ».
En date du 15 janvier 2010, Monsieur …, géomètre officiel, sur papier à entête de la société à responsabilité limitée … s. à r. l., établie à L-2557 Luxembourg, 14, rue Robert Stümper, adressa, pour le compte de « notre client « Groupe … » », une demande de morcellement ainsi énoncée du terrain précité à l’administration communale de Mondercange, service urbanisme.
Par décision du 5 février 2010, le bourgmestre de la commune de Mondercange, ci -
après « le bourgmestre », refusa de faire droit à cette demande aux motifs suivants :
« Suite à votre demande du 18 janvier 2010 introduite par le bureau d’études … s.à r.l., concernant le morcellement de la parcelle 573/1895 en 3 lots, je vous informe que je ne peux pas donner une suite favorable au dossier.
L’article 106 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précise que le morcellement d’une parcelle en vue de les affecter à la construction est soumis obligatoirement à l’élaboration d’un Plan d’Aménagement Particulier.
Avant toute demande de morcellement, je vous demande donc d’introduire un Plan d’Aménagement Particulier conformément à notre Plan d’Aménagement Général.
Conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, je tiens à vous informer qu’un recours contre la présente décision peut être introduit auprès du Tribunal Administratif du Grand-Duché de Luxembourg par un avocat à la Cour. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision ».
En date du 12 mars 2010, Monsieur … adressa un recours gracieux ainsi désigné au bourgmestre, en faisant valoir que la demande de morcellement initialement présentée avait uniquement pour but « de rectifier un acte notarié conclu avec une clause d’urgence en date du 21 décembre 2007, par lequel nous avons acquis une partie de la parcelle reprise sous rubrique », à savoir le n° 573/1895 de la section D de Pontpierre, pour conclure « dans ces circonstances et étant donné qu’il ne s’agit que d’une rectification d’un acte notarié serait-il possible de trouver une solution afin que nous puissions tenir l’acte en question ?». A ces fins, le recourant suggéra encore la tenue d’une entrevue entre parties.
Ce recours gracieux fut rencontré par une réponse du collège échevinal de la commune de Mondercange du 30 mars 2010 portant qu’un rendez-vous, tel que sollicité ci-
avant, ne semblait pas opportun à ce stade, étant donné que lors d’une entrevue du 3 avril 2009 « vous avez présenté un projet au sujet duquel le collège des bourgmestre et échevins vous a donné son avis. Nous n’entendons pas revenir sur notre position aussi longtemps que les plans ne sont pas adaptés, que les accords des autres propriétaires font défaut et qu’un PAP en bonne et due forme et conforme au PAG de la commune de Mondercange n ’est présenté ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 2010, la société … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du refus du bourgmestre du 5 février 2010, ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision de refus du collège échevinal du 30 mars 2010 précitée.
Par jugement du 24 janvier 2011, n° 26881 du rôle, le tribunal accueillit le recours en annulation pour ensuite annuler les deux décisions déférées et renvoyer l’affaire devant le bourgmestre en prosécution de cause, tout en condamnant l’administration communale de Mondercange à payer à la société demanderesse une indemnité de procédure de 1.000.- €, ainsi que les frais de l’instance.
Suite à l’appel interjeté par l’administration communale de Mondercange, la Cour administrative, par arrêt du 14 juin 2011, n° 28065C, réforma ledit jugement en déclarant le recours en annulation de la société …, sans objet et en déchargeant la commune de Mondercange du paiement de l’indemnité de procédure.
Sur la base de cette décision, une nouvelle demande de mesurage de la partie de terrain acquise par la société … fut adressée à l’administration du Cadastre et de la Topographie et celle-ci procéda en date du 3 octobre 2011 au mesurage en attribuant trois numéros cadastraux distincts (573/2267, 573/2268 et 573/2269) aux terrains composant la parcelle n° 573/1895 ; le plan afférent fut, selon les explications de l’administration communale de Mondercange, notifié à celle-ci en date du 4 octobre 2011.
Par courrier du 21 octobre 2011, le bourgmestre s’adressa au directeur de l’administration du Cadastre et de la Topographie, pour protester à l’encontre du morcellement ainsi réalisé, ledit courrier étant libellé comme suit :
« Je me permets de vous contacter au sujet de deux plans validés par votre Administration, concernant des morcellements de parcelles.
En effet, suivant notre règlement des bâtisses actuellement en vigueur, toute demande de morcellement doit faire l’objet d’une autorisation de la commune. Jusqu’à présent, la commune a toujours été contactée au préalable par les demandeurs, afin de pouvoir vérifier la conformité du projet de morcellement et afin de pouvoir délivrer une autorisation. Or, dans ces deux cas précis, la commune a été bel et bien contactée, mais les projets de morcellement en question n’ont pu être approuvés, soit que des informations essentielles faisaient défaut, soit qu’il y avait une non-conformité avec notre PAG.
Il se trouve ainsi que les deux morcellements validés le 29 septembre 2011 et le 3 octobre 2011 par le géomètre officiel de votre administration sont en violation avec notre règlement des bâtisses / Plan d’aménagement général.
L’un des dossiers, notamment notre refus du 5 février 2010 prononcé contre le morcellement introduit par la société …, Groupe …, a fait l’objet d’une affaire en justice.
L’arrêt rendu le 14 juin 2011 par la Cour Administrative de Luxembourg a donné gain de cause à la commune de Mondercange. En présence de notre refus ainsi entériné par voie judiciaire, le morcellement que votre administration a approuvé le 3 octobre 2011, ne s’avère-t-il pas caduc ? Comme nous restons déterminés à nous opposer à ce morcellement, nous vous informons par la présente que nous contestons sa validité et nous vous prions de bien vouloir nous faire parvenir votre prise de position à ce sujet pour pouvoir décider des suites.
Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de notre parfaite considération ».
Suite à un courrier de rappel adressé au directeur de l’administration du Cadastre et de la Topographie en date du 29 novembre 2011 ainsi qu’un recours hiérarchique adressé au ministre des Finances en date du 20 décembre 2011, le directeur de l’administration du Cadastre et de la Topographie prit position par courrier du 27 décembre 2011 comme suit :
« Je vous accuse bonne réception de votre courrier en date du 21 octobre 2012 avec prière de m’excuser pour le retard dû pour des raisons professionnelles à caractères internationaux.
Permettez-moi de vous fournir des explications:
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les mesurages contestés émanent d’un géomètre officiel privé. La mission de validation de la part de l’Administration du Cadastre et de la Topographie consiste principalement à contrôler si un plan déposé par un géomètre officiel privé est conforme aux directives de l’ACT. Ces directives visent surtout à respecter les données cadastrales, les normes techniques et les conditions pour que le mesurage soit intégré aux archives cadastrales ;
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concernant le mesurage 1967 : il s’agit d’un « dépôt de plan », terme utilisé pour un plan destiné à être joint à un acte avec clause d’urgence dressé avant la confection du plan. Un dépôt de plan est une action notariée confirmant la contenance exacte d’un terrain. C’est un moyen permettant à mettre à jour nos données cadastrales.
L’ACT n’a pas de raison de refuser un tel dépôt de plan prévu par la législation régissant le notariat et la transcription de propriété. L’ACT se voit donc dans l’obligation de fournir cette pièce, sans-quoi l’enregistrement et la transcription de cet acte s’avèrent impossible. Dans ce contexte je dois souligner que la législation nationale est muette concernant la division d’un immeuble pour lequel une construction n’est pas prévue.
En effet je cite l’article 29 de la loi modifiée du 29 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain: « Tout lotissement de terrains réalisé dans une zone soumise à un plan d’aménagement particulier … est décidé par le conseil communal … On entend par lotissement de terrains, la répartition d’une ou de plusieurs parcelles en un ou plusieurs lots, en vue de leur affectation à la construction ». L’article 31 de cette loi reprend cet esprit: « En cas de fixation de nouvelles limites d’une propriété foncière par suite de lotissement en vue de son affectation à la construction, une attestation certifiant la conformité de cette fixation de limites respectivement avec le plan d’aménagement particulier «nouveau quartier» ou avec le lotissement de terrains décidé par le conseil communal conformément à l’article 29 (1) est délivré par le bourgmestre au géomètre officiel réalisant cette opération» et en continuant: « En cas de transfert d’un droit réel immobilier, une attestation certifiant la conformité respectivement avec le plan d’aménagement particulier «nouveau quartier» ou avec le lotissement de terrains décidé par le conseil communal conformément à l’article 29 (1) est délivrée par le bourgmestre à la personne cédant un tel droit et mention en est faite dans l’acte de cession avec l’obligation expresse de faire cette même mention dans tout acte ultérieur portant nouveau transfert du droit réel immobilier en question, », En principe les géomètres officiels (étatiques, communaux et privés) respectent le principe que les demandeurs d’un mesurage partageant un terrain apportent au moins une autorisation de principe préalable de la part de la commune. Dans le cas d’un acte avec clause d’urgence on peut partir du principe qu’une telle autorisation fut mentionnée dans l’acte de cession -
n’oublions pas que le terme « construction » s’adresse « à ce qui sera construit » et que, par contre, le terme « le bâti » s’adresse à « ce qui est bâti ». La législation nationale est également muette concernant le morcellement d’une parcelle (comme réalisé par le mesurage 1867) où il existe un « bâti ». La loi modifiée du 19 juillet 2004 n’utilise le terme « construction » que dans le sens « ce qui sera construit » (notamment en utilisant p.ex. les suffixes « destinés à la construction, sont autorisées les constructions, les constructions à y prévoir » etc. Comme ancien collaborateur du Städtebauinstitut à Bonn et expert au niveau européen concernant la matière droit d’urbanisme comparé au niveau des états de l’Europe communautaire je sais bien qu’il existe dans notre pays souvent des interprétations erronées concernant la signification de l’expression « groupe d’habitations » contenue dans l’article 108bis de la loi modifiée du 19 juillet 2004 reprenant le texte français de la loi du 12 juin 1937 : « Dans le cadre de la mise en œuvre du présent article, l’obligation d’établir un plan d’aménagement particulier … incombe aux communes ainsi qu’aux associations, sociétés ou particuliers dans les zones définies au plan d’aménagement général comme zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier et en cas de création ou de développement de lotissements de terrains ou de groupes d’habitations. On entend par groupe d’habitations deux maisons ou plus occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement », L’ancien texte en allemand de la loi de 1937 est plus explicite : "den Verbänden, Gesellschaften oder Privatpersonen, welche die Erschliessung oder die Erweiterung von Baugelände oder von Häusergruppen betreiben. Unter Häusergruppe sind zu verstehen zwei oder mehr Häuser auf einem Baugrund, der nach Grösse, Lage und geschäftlicher Einstellung des Eigentümers für eine Einteilung in Baulose bestimmt ist". De nouveau on est confronté avec un terme dans le sens « ce qui sera bâti » -
l’ACT ne crée pas des places à bâtir. L’administration rend attentif à ce fait en mentionnant sur le plan la remarque « Les nouvelles parcelles figurant comme « place » sur ce plan ne peuvent être considérées comme « place à bâtir » qu’après obtention de toutes les autorisations prévues par la loi ». De par cette remarque, tout éventuel acheteur est invité à se renseigner auprès de l’autorité communale sur la situation des terrains y indiqués. En plus une copie de chaque mesurage montrant un terrain susceptible d’être bâti est envoyée à la commune pour le mesurage 2037 où il s’agit d’une propriété de l’Etat, les nouvelles parcelles créées, de par leur configuration, ne se prêtent pas vraiment à une construction future. L’aménagement devrait se faire avec les propriétaires des terrains aboutissants, aménagement soumis à l’autorisation communale. J’estime également que le représentant du Domaine de l’Etat (et surtout le responsable pour le canton d’Esch) est tout à fait au courant, je dirais même plus qu’un représentant communal) de la législation nationale en demandant le partage d’une parcelle appartenant à l’Etat.
Conclusions:
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je suis convaincu que les validations citées ne sont pas en violation de votre règlement des bâtisses puisque la validation respecte les directives de l’ACT. En plus une interdiction de partager une parcelle sans autorisation de la part de la commune sur laquelle se trouvent deux bâtiments n’est pas prévu par la loi nationale -
le mesurage 1867 est un dépôt de plan suite à un acte de clause d’urgence obligeant l’ACT, acteur-clé de l’économie nationale car outil indispensable du marché immobilier, à fournir un document soumis à la procédure de transcription. Si ce morcellement a été jugé illégal, mieux vaudrait intervenir auprès de la notaire Karine Reuter en vue d’obtenir la nullité de l’acte dressé tel que prévu dans l’article 28 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 : « En cas d’inobservation des dispositions qui précèdent; la nullité de l’acte de vente, … ou de transfert d’un droit réel immobilier pourra être poursuivie à la requête … de la commune» Je regrette de ne pas partager votre point de vue de sorte que je ne peux pas donner une suite favorable à votre courrier. En cas d’annulation de la vente Reuter les plans seront maintenus comme document technique. Mention sera faite sur les plans de l’annulation des actes.
En estimant de vous avoir donné des renseignements utiles vous permettant de revoir votre position envers la validation des plans, je vous prie, Monsieur le Bourgmestre, de bien vouloir agréer l’expression de mes sentiments distingués ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2014, l’administration communale de Mondercange, ci-après « l’administration communale », a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision de morcellement, ainsi qualifiée, du 3 octobre 2011.
Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de morcellement ou de toute intervention foncière de l’administration du Cadastre et de la Topographie, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’acte litigieux.
Le tribunal est partant incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.
En ce qui concerne le recours subsidiaire en annulation, la société … soulève de prime abord la forclusion du recours, au motif que la décision de validation litigieuse aurait été émise par l’administration du Cadastre et de la Topographie en date du 3 octobre 2011 et réceptionnée par l’administration communale le 4 octobre 2011, de sorte que le délai du recours contentieux de trois mois aurait expiré depuis longtemps au 9 octobre 2014, jour où l’administration communale a déposé son recours contentieux au greffe du tribunal administratif. Par ailleurs, même à supposer que le courrier adressé par l’administration communale en date du 21 octobre 2011 puisse être interprété comme constituant un recours gracieux, le délai de recours aurait été suspendu et un nouveau délai aurait commencé à courir à compter de la réponse négative à ce recours gracieux, à savoir le 28 décembre 2011, de sorte que dans cette hypothèse également le recours devrait être irrecevable ratione temporis.
La société … soulève ensuite le défaut d’objet, dans la mesure où une décision de morcellement du 3 octobre 2011 prise par l’administration du Cadastre et de la Topographie n’existerait pas, ladite administration ayant uniquement pris en date du 3 octobre 2011 une décision de validation de plans, respectivement de mesurages, et non une décision de morcellement au sens de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La société … soulève encore le défaut d’intérêt à agir dans le chef de l’administration communale, en faisant plaider que dans la mesure où la décision entreprise ne constituerait pas une décision de morcellement mais une décision de validation de plans constatant un mesurage, l’administration communale ne pouvait en tout état de cause prendre position par rapport à un morcellement qui n’aurait jamais eu lieu, la société … contestant encore en tout état de cause que la décision en question ait une quelconque incidence sur l’exercice de son droit de préemption au sens de la loi dite « Pacte logement ».
Enfin, elle entend opposer au recours une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée résultant de l’arrêt précité de la Cour administrative du 14 juin 2011, et ce au motif que ledit arrêt aurait définitivement retenu que la demande de la société …, telle que rencontrée par la décision litigieuse du 3 octobre 2011, aurait été une demande de mesurage et non de morcellement.
L’administration du Cadastre et de la Topographie, pour sa part, opine dans le sens de la société …, en estimant que le recours serait à déclarer irrecevable faute d’avoir été dirigé contre une décision administrative au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, alors que la mention de validation du 3 octobre 2011 apposée par elle ne constituerait qu’un acte préparatoire, de sorte à ne pas revêtir de caractère décisionnel et à ne pas causer grief à l’administration communale : celle-ci, partant, ne saurait faire état d’un intérêt à agir.
Enfin, elle relève que le recours aurait été introduit trois ans après l’établissement et la validation du plan de mesurage.
L’administration communale défend de son côté la recevabilité du recours tel qu’introduit par ses soins en soutenant d’abord, en ce qui concerne la question de la recevabilité ratione temporis de celui-ci, que l’administration du Cadastre et de la Topographie n’aurait pas indiqué dans sa décision les possibilités de recours ouvertes, de sorte que l’absence de cette indication empêcherait les délais de courir ; par ailleurs, dans la mesure où son courrier du 21 octobre 2011 constituerait un recours gracieux contre la décision du 3 octobre 2011, force serait de constater que l’administration du Cadastre et de la Topographie y aurait répondu par courrier du 27 décembre 2011 sans préciser non plus de délais de recours, de sorte qu’aucun délai n’aurait jamais commencé à courir, et ce en vertu de l’article 14 du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979, lequel ferait obligation à l’administration d’informer l’administré des voies de recours.
Dans le même ordre d’idée, elle relève que l’administration du Cadastre et de la Topographie, seule partie visée par le recours - la société … se trouvant dans la présente procédure uniquement afin que la décision à intervenir lui soit opposable - n’aurait d’ailleurs, à juste titre, pas soulevé ce moyen d’irrecevabilité.
En ce qui concerne la question de l’éventuelle tardiveté du recours, - le respect du délai contentieux pour déférer au tribunal administratif une décision administrative s’analysant en une question d’ordre public devant être soulevée le cas échéant d’office -
l’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que : « Sauf dans les cas où les lois ou règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».
L’alinéa (2) de ce même article précise toutefois que « si la partie intéressée a adressé un recours gracieux à l’autorité compétente avant l’expiration du délai de recours fixé par la disposition qui précède ou d’autres dispositions législatives ou réglementaires, le délai du recours contentieux est suspendu et un nouveau délai commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite de ce recours gracieux ».
En l’espèce, il résulte de la requête introductive d’instance que l’administration communale a été informée de l’acte litigieux dès le 4 octobre 2011, ladite connaissance résultant encore explicitement des courriers adressés à l’administration du Cadastre et de la Topographie en date des 21 octobre 2011 et 29 novembre 2011, mentionnant la « validation de deux plans du 29 septembre 2011 et du 3 octobre 2011 par le géomètre officiel M. … ».
Si par courrier du 21 octobre 2011, tel que retranscrit ci-avant, le bourgmestre a certes fait part de l’opposition de l’administration communale à la validation litigieuse, ce courrier devant être considéré comme constituant un recours gracieux, de sorte que la réponse apportée le 28 décembre 2011 a fait courir un nouveau délai contentieux de trois mois, ledit délai légal de recours a toutefois expiré le 28 mars 2012.
Il s’ensuit que le recours déposé le 9 octobre 2014 a été introduit tardivement et encourt partant l’irrecevabilité.
Si l’administration communale entend certes exciper de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relative à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes pour échapper à la forclusion de son recours, ce moyen en défense est toutefois à rejeter pour une triple raison.
Ainsi, si l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 fait obligation à l’autorité administrative d’indiquer les voies et délai de recours sur toute décision « refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d’office une décision ayant créé ou reconnu des droits », force est cependant de constater qu’en l’espèce la décision déférée, à supposer pour les besoins de la discussion qu’il s’agisse d’une décision susceptible de recours, portant validation d’un mesurage opéré pour compte de la société … ne rentre pas dans les prévisions de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, dès lors qu’elle ne constitue ni une décision « refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties », ni une décision « révoquant ou modifiant d´office une décision ayant créé ou reconnu des droits ».
Il convient ensuite de relever que si l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 fait obligation à l’administration d’informer l’administré des voies de recours et que si l’omission, par l’administration, d’informer l’administré des voies de recours contre une décision administrative entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir, cette sanction ne s’applique cependant qu’à l’égard du destinataire direct de l’acte incriminé ; une solution contraire reviendrait à obliger l’administration à notifier ses décisions de manière formelle, avec indication des voies de recours, non seulement aux destinataires de ces décisions, mais encore à tous les tiers potentiellement intéressés par les décisions, ce qui n’est ni prévu par la loi ni praticable en fait1. Or, en l’espèce, l’administration communale n’est pas le bénéficiaire direct de la validation du mesurage, mais éventuellement un tiers-intéressé : à ce titre, elle ne saurait invoquer l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Enfin et surtout, l’administration communale ne saurait être visée par le champ d’application de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et plus particulièrement par son règlement d’application du 8 juin 1979, étant donné qu’une commune ne saurait être considérée comme administré à protéger dans ses rapports avec l’administration, d’autant plus que les relations existantes entre les communes et l’Etat sont régies par la loi communale du 13 décembre 19882, de sorte que ni la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ni son règlement grand-
ducal d’application du 8 juin 1979 ne s’appliquent aux procédures susceptibles de se dérouler entre deux administrations, même si elles relèvent de personnalités juridiques différentes3.
Il s’ensuit que le recours est irrecevable pour avoir été déposé très largement en dehors du délai légal de recours.
Ce n’est qu’à titre tout à fait superfétatoire et en vue de l’édification de l’administration communale que le tribunal tient encore à souligner qu’en tout état de cause la validation lui soumise ne constitue pas une décision susceptible de recours, mais uniquement la vérification, conformément à l’article 12 de la loi du 25 juillet 2002 portant réorganisation de l’administration du cadastre et de la topographie, que l’exécution technique des mesurages réalisés par un géomètre officiel est conforme aux directives de service de l’administration, lesdites mesures pour leur part ne constituant qu’une opération technique créant, supprimant, modifiant ou constatant les limites d’une propriété dans le but de l’établissement d’un plan de mesurages officiel destiné à être annexé à un acte authentique notarié, judiciaire ou administratif, réalisée par un géomètre officiel suivant l’article 9 de la loi du 25 juillet 2002 portant création et réglementation des professions de géomètre et de géomètre officiel.
1 Trib. adm. 26 janvier 1998, n° 10244, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 214.
2 Trib. adm. 19 septembre 2002, n° 13916, confirmé par arrêt du 1er avril 2003, n° 15497C, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 12.
3 Trib. adm. 5 décembre 2002, n° 13897, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 12.
Toujours dans ce but pédagogique, le tribunal attire encore l’attention de l’administration communale sur le fait qu’un morcellement au sens urbanistique du terme s’analyse en la division foncière d’une ou de plusieurs parcelles en plusieurs nouvelles parcelles en vue de créer des places à bâtir. Cette analyse est d’ailleurs confirmée par l’ancienne version de l’article 105 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain qui définissait le morcellement de parcelles comme étant « la division d’une ou de plusieurs parcelles en plusieurs nouvelles parcelles en vue de les affecter à la construction d’un groupe d’au moins deux maisons », le but et le cadre d’une telle procédure étant ainsi spécifiquement la création respectivement le maintien de places à bâtir.
Le morcellement au sens urbanistique du terme requiert dès lors un élément objectif, à savoir la division d’un terrain, ainsi qu’un élément subjectif, à savoir que ce terrain soit divisé pour y ériger de nouvelles constructions.
En revanche, une opération ayant pour seul objet de procéder à la simple division foncière d’un terrain indivis, c’est-à-dire consistant uniquement à diviser au niveau cadastral un terrain indivis bâti, rentre dans le seul champ de compétence de l’administration du Cadastre et de la Topographie et ce conformément à l’article 2, d) de la loi du 25 juillet 2002 portant réorganisation de l’administration du Cadastre et de la Topographie suivant lequel ladite administration est compétente pour « toute opération de fixation de nouvelles limites de propriété immobilière, notamment par suite de division, de partage, de morcellement, de lotissement ou d’échange »4, sans que le bourgmestre ne soit habilité à prendre une décision portant refus d’une autorisation de morcellement de la parcelle litigieuse, ni la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Mondercange, ni son règlement sur les bâtisses ne prévoyant d’ailleurs de prescription concrète sur laquelle le bourgmestre pourrait fonder un éventuel refus.
La société … réclame la condamnation de l’administration communale à une indemnité d’un montant de 15.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, en soulignant que l’administration communale l’aurait contrainte « au-delà de tout bon sens » à une procédure contentieuse inutile, alors que l’issue du litige serait certaine et prévisible et que l’administration communale aurait ce faisant bloqué ses opérations immobilières.
Il ressort de ces explications - et de l’importance du montant réclamé - que la société …, en dépit de ses dénégations, tente en fait dans cette mesure de se faire ainsi indemniser des dommages prétendument causés par l’acharnement procédural de l’administration communale. La demande tendant à l’obtention d’une indemnité de 15.000 euros étant de la sorte à qualifier de demande en obtention de dommages-intérêts pour procédure vexatoire, voire pour un comportement de l’administration communale considéré comme fautif, elle est à rejeter, les juridictions administratives n’étant pas compétentes pour indemniser un quelconque préjudice tiré du fond du litige5, cette question relevant du juge judiciaire.
Néanmoins dans la mesure où la demande s’inscrit dans le cadre de l’article 33 de la prédite loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment en raison 4 Trib. adm. 13 octobre 2014, n° 32991.
5 Cour adm. 22 avril 1999, n° 10489C, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 950.
de son issue, du fait que la partie tierce-intéressée a été obligée de se défendre en justice sous l’assistance d’un avocat et a été obligée de déposer des actes de procédure, le tribunal retient qu’il serait inéquitable de laisser à la charge la société … l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.
Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et degré de difficulté de l’affaire ainsi que du montant réclamé, et au vu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer à la société … un montant de 2.000 euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
rejette le recours en annulation introduit à titre subsidiaire pour cause de tardiveté ;
condamne l’administration communale de Mondercange à payer à la société à responsabilité limitée … une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros ;
condamne l’administration communale de Mondercange aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 janvier 2016 par :
Marc Sünnen, président Alexandra Castegnaro, juge, Hélène Steichen, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Schmit s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4.1.2016 Le greffier du tribunal administratif 11