La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/12/2015 | LUXEMBOURG | N°37301

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 décembre 2015, 37301


Tribunal administratif Numéro 37301 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 décembre 2015 3e chambre Audience publique extraordinaire du 24 décembre 2015 Recours formé par Monsieur ….., Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 10, L.05.05.2006)

______________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37301 du rôle et déposée le 17 décembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Kari

ne Bicard, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif Numéro 37301 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 décembre 2015 3e chambre Audience publique extraordinaire du 24 décembre 2015 Recours formé par Monsieur ….., Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 10, L.05.05.2006)

______________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37301 du rôle et déposée le 17 décembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Karine Bicard, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., déclarant être né le …. à ….

(Turquie) et être de nationalité turque, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 décembre 2015 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en sa plaidoirie.

______________________________________________________________________________

Par arrêté du 3 décembre 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », prononça à l’encontre de la personne déclarant se nommer ….., né le ….

à …., de nationalité turque, alias ….., né le …., de nationalité syrienne, alias …., dénommée ci-

après « Monsieur ….. », une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 3 ans, après avoir constaté qu’elle se trouvait en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire sans délai.

Par arrêté du même jour, le ministre plaça, sur base des articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée la « loi du 29 août 2008 », Monsieur ….. au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question.

Les deux arrêtés précités du 3 décembre 2015 furent notifiés à l’intéressé en date du même jour avec la précision que la mesure de placement en rétention administrative fut notifiée à l’intéressé en anglais et qu’« aucun interprète n’a été joignable ». Il ressort encore dudit procès-verbal de notification que l’intéressé connaissait « quelques mots en anglais ».

Par courrier de son litismandataire du 4 décembre 2015, Monsieur ….. fit parvenir au ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, « sa demande d’asile écrite dans la langue turque ».

Par arrêté du 7 décembre 2015, le ministre rapporta l’arrêté ministériel précité du 3 décembre 2015 portant décision de retour et interdiction d’entrée sur le territoire.

Par arrêté du même jour, le ministre, après avoir ordonné la mainlevée de l’arrêté de placement précité du 3 décembre 2015, ordonna le placement de Monsieur ….. au Centre de rétention pour une durée maximale de 3 mois à partir de la notification de la décision en question, cette décision, notifiée en date du même jour, étant basée sur les motifs et considérations suivants :

« Vu l'article 28 (2) du règlement (UE) N°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Vu l'article 10 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu l'article 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal no 305 du 3 décembre 2015 établi par la Police grand-ducale, unité UCPA-SCA/SCF ;

Attendu qu'au vu de la situation particulière de l'intéressé, il n'existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu'une mesure de placement alors que les conditions d'une assignation à domicile conformément à l'article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un document de voyage valable ;

-

qu'il a utilisé un document de voyage falsifié pour se rendre au Royaume-Uni ;

-

qu'il est signalé au système VIS comme étant titulaire d'un visa néerlandais ;

Considérant que l'intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 7 décembre 2015 ;

-

qu'une demande de prise en charge en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités néerlandaises dans les meilleurs délais ;

Considérant qu'un éloignement immédiat n'est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite non négligeable, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ;

que la mesure de placement est nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert de l'intéressé vers les Pays-Bas; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2015, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 7 décembre 2015 ordonnant son placement en rétention.

Etant donné que l’article 10, paragraphe (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, dénommée ci-après « la loi du 5 mai 2006 », institue, par renvoi à l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative prise sur le fondement de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le recours principal est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient avoir été arrêté à l’aéroport du Findel en date du 3 décembre 2015 et qu’à cette occasion, il aurait présenté un faux passeport syrien sous le nom de….., respectivement ….., tout en précisant qu’il se nommerait en réalité ….., qu’il serait né le …. à …. et qu’il serait de nationalité turque. Du fait qu’il ne parlerait que la langue turque, il n’aurait pas pu comprendre l’officier de police judiciaire lui ayant notifié en date du 3 décembre 2015 l’arrêté de placement en rétention administrative ainsi que l’arrêté d’interdiction de territoire datés du même jour, de sorte qu’il n’aurait pas pu lui déclarer avoir l’intention d’introduire une demande d’asile au Luxembourg.

En droit, le demandeur conclut tout d’abord à l’illégalité de la décision ministérielle sous examen, en ce qu’elle ne respecterait pas « les droits de la défense », du fait qu’elle ne serait pas signée et qu’elle ne comporterait pas l’indication sur les voies de recours.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce premier moyen, qui n’est d’ailleurs basé sur aucune disposition légale ou réglementaire, étant donné qu’il ressort de la décision déférée, telle que figurant au dossier administratif déposé par l’Etat, qu’elle comporte deux pages et qu’à la deuxième page figurent non seulement la signature du fonctionnaire agissant par délégation du ministre mais également l’indication des voies de recours susceptibles d’être dirigées contre la décision en question.

Il s’ensuit que ce premier moyen est à rejeter comme n’étant pas fondé.

En deuxième lieu, le demandeur reproche au ministre de s’être référé à l’article 125 de la loi du 29 août 2008 pour ne pas ordonner une assignation à domicile dans son chef, au motif qu’il existerait un risque de fuite, alors que l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, sur lequel est basé l’arrêté litigieux, ne prévoirait pas cette condition.

Le demandeur reproche encore au ministre d’avoir fait état de sa prétendue volonté de se soustraire à la mesure d’éloignement, alors qu’il n’aurait eu aucune intention frauduleuse dans le cadre de l’introduction de sa demande d’asile, d’autant plus qu’il aurait été placé au Centre de rétention au moment de l’introduction de la demande en question.

Enfin, le demandeur estime que rien n’aurait empêché les autorités luxembourgeoises de prononcer une assignation à résidence à son égard, en attendant que les autorités néerlandaises, auxquelles aurait été adressée une demande de reprise, ne communiquent leur réponse. Il soutient dans ce contexte avoir eu une conduite exemplaire et n’avoir commis aucune infraction sur le territoire luxembourgeois, de sorte qu’il ne constituerait pas un danger pour l’Etat luxembourgeois.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce deuxième moyen, en estimant que ce serait à bon droit que le ministre n’aurait pas prononcé d’assignation à résidence à l’encontre du demandeur, du fait que ce dernier ne disposerait d’aucune adresse au Luxembourg et qu’il n’aurait d’ailleurs indiqué aucune adresse à laquelle il pourrait être assigné à résidence. Par ailleurs, et contrairement aux allégations du demandeur, le représentant gouvernemental estime que le demandeur ne saurait raisonnablement estimer avoir eu une « conduite exemplaire » et n’avoir « commis aucune infraction sur le territoire luxembourgeois », alors qu’il aurait fait usage d’un passeport grec falsifié en ayant ainsi voulu s’approprier une fausse identité afin de quitter le Luxembourg pour Londres. Le représentant gouvernemental estime encore que la demande de protection internationale du demandeur n’aurait été déposée que dans le seul but de prévenir un éloignement du territoire luxembourgeois, sur lequel le demandeur se trouverait de manière irrégulière.

Enfin, le délégué du gouvernement estime que le risque de fuite serait donné dans le chef du demandeur et que son placement en rétention administrative aurait été nécessaire afin de ne pas compromettre son transfert vers les Pays-Bas, dont il bénéficierait d’un visa court séjour valable du 21 novembre 2015 au 5 janvier 2016.

Aux termes de l’article 10, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, « (…) Le demandeur peut, sur décision du ministre, être placé dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois dans les cas suivants :

a) la demande de protection internationale a été déposée dans le but de prévenir un éloignement de la personne concernée alors que celle-ci se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg ;

b) le demandeur refuse de coopérer avec les autorités dans l’établissement de son identité ou de son itinéraire de voyage ;

c) la demande de protection internationale est traitée dans le cadre d’une procédure accélérée conformément à l’article 20 paragraphes (1) d), e), f), i), k), l) ou m) de la présente loi ;

d) le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande. (…) ».

Force est au tribunal de constater qu’il se dégage de la décision déférée qu’elle est basée sur le point d) de l’article 10 (1) de la loi du 5 mai 2006, en vertu duquel un demandeur de protection internationale peut être placé en rétention pour une durée maximale de trois mois si le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre son transfert vers le pays responsable de l’examen de la demande de protection internationale en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, dont notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Il n’est pas contesté en l’espèce qu’en vertu du règlement Dublin III, les Pays-Bas sont responsables de l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur ….., de sorte qu’a priori, le ministre a valablement pu prendre une mesure de placement en rétention à l’égard du demandeur, sous condition toutefois que cette mesure s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre son transfert vers les Pays-Bas.

Or, il ressort des pièces et éléments versés au tribunal que bien qu’il ait été constaté par le biais de la comparaison des empreintes digitales du demandeur avec le système « VIS » qu’il est bénéficiaire d’un visa émis en date du 16 novembre 2015 par l’ambassade des Pays-Bas en Turquie et valable du 21 novembre 2015 au 5 janvier 2016, le demandeur n’a pas pu présenter un document justifiant son identité, en remettant au contraire aux agents l’ayant contrôlé un faux passeport grec.

Etant donné que le demandeur se trouve ainsi dépourvu de tout document d’identité, les autorités luxembourgeoises ont valablement pu s’adresser aux autorités compétentes des Pays-

Bas en vue de la délivrance d’un laissez-passer dans le cadre de l’organisation du transfert du demandeur vers les Pays-Bas.

Ceci étant relevé, il appartient au tribunal de vérifier si la mesure de placement, telle qu’elle est prévue aux termes de l’article 10, paragraphe (1) d) de la loi du 5 mai 2006 s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers les Pays-Bas. Cette question est à examiner en rapport avec la motivation de la décision déférée relative au risque de fuite, telle que rédigée en ces termes : « (…) Considérant qu’il existe un risque de fuite non négligeable, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement (…) ».

La Cour administrative a eu l’occasion de préciser la portée de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 dans un arrêt du 23 octobre 2014 portant le numéro 35301C du rôle1. La Cour a dit en substance que si ni l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, ni les dispositions de la loi du 29 août 2008 auxquelles l’article 10 précité renvoie, n’envisagent expressément la condition tenant à l’existence d’un risque de fuite, cette exigence se trouve implicitement, mais nécessairement inscrite dans l’article 10, paragraphe 1er, point d) de la loi du 5 mai 2006 sur lequel le ministre s’était basé en l’espèce, dans la mesure où le constat d’une nécessité d’un placement afin de ne pas compromettre le transfert de l’intéressé vers le pays responsable de l’examen de sa demande de protection internationale se trouve nécessairement fondé sur la prémisse qu’en l’absence d’une telle mesure restrictive de la liberté de mouvement, les autorités ne pourraient pas être assurées dans un cas particulier d’avoir l’intéressé à leur disposition au moment de l’exécution du 1 disponible sous www.jurad.lu transfert, donc en d’autres termes, que l’intéressé présente un risque de se soustraire à l’exécution du transfert.

Elle a encore précisé que si l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 ne définit pas lui-même des critères permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite et ne comporte aucun renvoi à une autre disposition légale comportant une telle définition, il y a lieu, au vu du renvoi autonome de l’article 2, point n) du règlement Dublin III à une disposition nationale posant les critères objectifs permettant d’admettre un risque de fuite, de faire application de l’article 111, paragraphe 3, point c) de la loi du 29 août 2008, si nécessaire par analogie, dans le cadre de l’application de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 même en l’absence d’un renvoi afférent contenu dans la loi du 5 mai 2006 même.

L’article 111, paragraphe 3, point c) de la loi du 29 août 2008 pose des critères généraux pour pouvoir faire état d’un risque de fuite de la manière suivante : « L’étranger est obligé de quitter le territoire sans délai : (…) s’il existe un risque de fuite dans le chef de l’étranger. Le risque de fuite est présumé dans les cas suivants :

1. Si l’étranger ne remplit ou plus les conditions de l’article 34 ;

2. Si l’étranger se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

3. si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

4. si une décision d’expulsion conformément à l’article 116 est prise contre l’étranger ;

5. si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;

6. si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, ou qu’il s’est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125.

Le risque de fuite est apprécié au cas par cas. (…) » Conformément au point 6 de l’article 111, paragraphe 3, point c) de la loi du 29 août 2008, le risque de fuite est ainsi légalement présumé si l’intéressé ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité.

En l’espèce, force est de relever qu’il n’est pas contesté en cause que lors de son contrôle par la police à l’aéroport de Luxembourg, le demandeur n’a pas pu présenter un document justifiant son identité, en présentant au contraire un passeport grec falsifié, de sorte qu’il ne peut pas justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité.

Ainsi, le cas d’ouverture d’absence de possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité se trouve vérifié pour voir utilement présumer le risque de fuite dans son chef.

Nonobstant ce qui précède, la Cour décida encore dans son arrêt précité qu’au-delà de la présomption du risque de fuite se dégageant de l’article 111, paragraphe 3, point c) de la loi du 29 août 2008 qui, à elle seule, est insuffisante, il faut, conformément à l’article 28 du règlement Dublin III, qu’un risque « non négligeable » de fuite se trouve vérifié.

Or, le tribunal est amené à constater que ni le ministre ni le délégué du gouvernement ne font état de circonstances spécifiques en la cause visant à qualifier le risque de fuite, non pas conformément à l’article 111, paragraphe 3, point c) de la loi du 29 août 2008, mais conformément à l’article 28 du règlement Dublin III, à savoir suivant le critère du caractère « non négligeable » du risque de fuite qui recèle intrinsèquement un niveau d’intensité supérieur au risque de fuite défini à l’article 111, paragraphe 3, point c) précité, les allégations du délégué du gouvernement selon lesquelles aucune mesure moins coercitive n’existerait en l’espèce et que le demandeur n’aurait pas de domicile régulier au Luxembourg étant sans incidence quant à l’exigence du critère du caractère « non négligeable » du risque de fuite mais concernent plutôt la condition d’une assignation à résidence. Il s’ensuit que le moyen afférent est fondé étant donné que la condition de l’existence d’un risque de fuite non négligeable n’est pas donnée en l’espèce au sens des dispositions combinées de l’article 28 du règlement Dublin III, de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 et de l’article 111, paragraphe 3, point c) de la loi du 29 août 2008.

Il y a partant lieu de réformer la décision déférée et d’ordonner la libération immédiate du demandeur, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser plus en avant les autres moyens développés par celui-ci.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 décembre 2015, ordonne la libération immédiate du Centre de rétention de Monsieur ….., alias ….. ….., alias ….. et renvoie le dossier en prosécution de cause audit ministre ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare avoir demandé l’assistance judiciaire ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Annick Braun, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 24 décembre 2015 à 10.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24.12.2015 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 37301
Date de la décision : 24/12/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-12-24;37301 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award