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25/11/2015 | LUXEMBOURG | N°37003

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 novembre 2015, 37003


Tribunal administratif N° 37003 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 septembre 2015 Ire chambre Audience publique du 25 novembre 2015 Recours formé par Madame …et consort, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37003 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2015 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, a

vocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madam...

Tribunal administratif N° 37003 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 septembre 2015 Ire chambre Audience publique du 25 novembre 2015 Recours formé par Madame …et consort, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37003 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2015 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Monténégro), agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de son fils mineur, …, né le …, tous de nationalité monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 septembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 17 septembre 2015 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2015 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2015 par Maître Ardavan Fatholahzadeh au nom et pour le compte de ses mandants ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives.

En date du 30 avril 1999, Madame …introduisit ensemble avec son ex-époux auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Cette demande fut rejetée par une décision du 24 juillet 2001. Le jugement du tribunal administratif du 6 juin 2002, inscrit sous le numéro de rôle 14069, ayant rejeté le recours introduit à l’encontre de cette décision fut confirmé par un arrêt de la Cour administrative en date du 5 novembre 2002, enregistré sous le numéro 15065C du rôle.

En date du 5 juin 2015, Madame …, agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de son fils mineur, …, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Madame …sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Le 17 juin 2015, Madame …fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Madame …fut en outre entendue en date 30 juillet 2015 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 17 septembre 2015, notifiée par courrier recommandé remis à la poste en date du 21 septembre 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Madame …qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20, paragraphe (1), points a) et c) de la loi du 5 mai 2006, et que sa demande avait été rejetée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2015, Madame …a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 17 septembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

A l’appui de sa demande et en fait, Madame …fait valoir que sa demande de protection internationale aurait été motivée par des menaces téléphoniques suite à des problèmes en relation avec son ex-époux et la famille de ce dernier, ainsi qu’avec la famille …, dont le fils aurait été blessé par son enfant …, sans qu’elle ne puisse obtenir une protection effective des autorités du Monténégro.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre la décision de statuer sur une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, seul un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre ce volet de la décision ministérielle déférée. Le recours en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse souligne en premier lieu que le refus ministériel reposerait sur une fausse application de la loi sinon d’une appréciation erronée des faits d’espèce, alors que le Monténégro ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr à son égard et que les faits à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer si elle remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Madame …précise à ce titre qu’elle n’aurait pas pu recourir à la protection de la police, non seulement en raison du fait que la personne qui la menaçait lui aurait dit de ne pas y aller en menaçant son fils, mais aussi en raison du fait qu’elle ne ferait pas confiance aux autorités policières monténégrines.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse souligne que le Monténégro ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr à son égard en se rapportant à la résolution du Parlement européen du 11 mars 2015 d’après laquelle la corruption resterait un sujet très préoccupant au Monténégro et que des réformes relatives à l’état de droit resteraient à faire.

Elle fait encore valoir que le Monténégro serait loin des critères nécessaires à un Etat démocratique.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, au motif que le ministre aurait à juste titre statué sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Madame …dans le cadre d’une procédure accélérée, dès lors que la situation de la demanderesse correspondrait aux deux hypothèses visées par le ministre comme fondement de sa décision.

Il y a lieu de relever que la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20, paragraphe (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Par ailleurs, il convient de relever que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-

fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement en ce qui concerne le point c) de l’article 20, paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant en cause que le Monténégro figure sur la liste des pays sûrs établie par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ».

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que la demanderesse a la nationalité monténégrine et qu’elle a habité au Monténégro avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer dans le cadre de la procédure accélérée.

Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21, paragraphe (2) de la même loi oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, en tout état de cause, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, il ressort de la lecture de la décision litigieuse que le ministre a bien procédé à un examen de la situation individuelle de la demanderesse avant de conclure qu'elle provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20, paragraphe (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si la demanderesse lui soumet, conformément à l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, de sorte à renverser la présomption établie à l’article 1er du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007.

Or, l'analyse de la situation décrite par la demanderesse lors de son audition ainsi qu’au cours de la présente instance ne permet pas au tribunal d'en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption et pour pouvoir conclure en conséquence à l’illégalité de la décision déférée.

En effet, au regard de la présomption se dégageant du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, en ce qu’il qualifie le Monténégro comme pays d’origine sûr, dont la légalité n’a pas été contestée par la demanderesse, il aurait appartenu à celle-ci de démontrer concrètement pour quelles raisons elle n’a pas accès à la protection de la part des autorités monténégrines, des considérations générales étant insuffisantes à cet égard. Or, dans le cadre de son recours, la demanderesse explique que la personne qui l’aurait menacée lui aurait interdit de porter plainte auprès de la police et qu’une amie aurait déposé plainte contre son mari qui serait restée sans résultat dans la suite. Or, ces affirmations seules ne prouvent pas que la police monténégrine n’ait pas voulu lui accorder une protection et sont insuffisantes afin de renverser présomption que le Monténégro est à qualifier de pays d’origine sûr.

Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection. En effet, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut. 1 Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces de mort communément la forme d’une plainte.

Dès lors, le tribunal est amené à conclure que la demanderesse omet de lui soumettre des éléments suffisamment convaincants pour conclure qu’en raison de sa situation particulière, elle n’avait pas accès à la protection des autorités monténégrines.

Par conséquent, c’est à bon droit que le ministre a statué sur la demande de protection internationale sous analyse dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20, paragraphe (1) sous c) de la loi du 5 mai 2006. Partant, le recours en annulation dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu 1 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

d’analyser les conditions retenues à l’article 20, paragraphe (1) sous a) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision ministérielle déférée, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance, la demanderesse se rapporte tout d’abord à la sagesse du tribunal quant à l’octroi du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et conclut partant au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection adéquate contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des éléments soumis à son appréciation, du risque d’être persécuté que le demandeur d’une protection internationale encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Lors de son audition auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, la demanderesse a indiqué comme raisons à la base de sa demande de protection internationale des appels téléphoniques menaçants prétendument orchestrées par la famille d’un camarade de classe de son fils, suite à une bagarre des deux garçons à l’école, ainsi qu’un incident lors duquel le frère de son ex-mari l’a poussé tout en lui causant une fracture du bras.

Quant au champ d’application de la Convention de Genève, le tribunal est amené à retenir, au vu des déclarations actées dans le rapport d’audition, que les menaces proférées contre la demanderesse n’ont pas été motivées par un des motifs de fond de la Convention de Genève, mais étaient de nature purement privée.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a refusé d’octroyer à la demanderesse le statut d’asile.

Quant à la protection subsidiaire, la demanderesse fait valoir qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 sous b) de la loi du 5 mai 2006 sans que les autorités étatiques seraient en mesure de lui accorder une quelconque protection.

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la décision ministérielle déférée.

Aux termes de l’article 2 sous f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 sous f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que la demanderesse avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’elle encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

A cet égard, le tribunal est amené à constater que Madame …a été blessée une fois par son beau-frère et qu’elle a fait l’objet d’appels téléphoniques par des personnes inconnues à cinq reprises lui ordonnant de quitter le pays. Si ces faits sont certes condamnables, ils n’atteignent néanmoins pas le seuil de gravité nécessaire pour être qualifiés de traitements dégradants et inhumains, voire de tortures.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est également à bon droit que le ministre a refusé à la demanderesse l’octroi de la protection subsidiaire, de sorte que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 17 septembre 2015 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En l’espèce, la demanderesse sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant rejet de lui accorder le bénéfice de la protection internationale.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de la demanderesse, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens soulevés par la demanderesse, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à son égard.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 17 septembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 17 septembre 2015 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 17 septembre 2015 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 25 novembre 2015 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25/11/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 37003
Date de la décision : 25/11/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-11-25;37003 ?

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