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23/11/2015 | LUXEMBOURG | N°35145

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 novembre 2015, 35145


Tribunal administratif N° 35145 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 septembre 2015 1re chambre Audience publique du 23 novembre 2015 Recours formé par Monsieur Paul …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’aides pour la mise en valeur des sources d’énergies renouvelables

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35145 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 septembre 2014 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant aux termes de son dispositif à la réformation,...

Tribunal administratif N° 35145 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 septembre 2015 1re chambre Audience publique du 23 novembre 2015 Recours formé par Monsieur Paul …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’aides pour la mise en valeur des sources d’énergies renouvelables

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35145 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 septembre 2014 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant aux termes de son dispositif à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision « de Monsieur Robert Schmit, Ministre de l’Environnement » (sic) du 2 juin 2014 lui allouant une aide financière en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie et de la mise en valeur des sources d’énergies renouvelables ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fahime BOUCHRA-AYADI, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, en sa plaidoirie à l’audience publique du 16 novembre 2015.

_____________________________________________________________________

En réponse à une demande d’aide financière lui adressée le 28 février 2014 par Monsieur …, le ministre de l’Environnement lui accorda, par décision du 2 juin 2014, une aide d’un montant total de … euros pour son projet relatif à l’utilisation rationnelle de l’énergie et de la mise en valeur des sources d’énergies renouvelables à …, et consistant en l’installation d’un capteur solaire photovoltaïque.

Par requête déposée en date du 2 septembre 2014, inscrite sous le numéro 35145 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle pré-relatée du 2 juin 2014.

Il y a lieu de relever d’abord que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal bien que la requête introductive ait été valablement notifiée par la voie du greffe au délégué du gouvernement en date du 2 septembre 2014. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Aucun recours spécifique n’étant prévu en la matière, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation, recours de droit commun, est en principe admissible contre la décision déférée ; il est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, Monsieur … reproche en substance au ministre de l’Environnement de ne lui avoir accordé qu’une aide financière de … euros, correspondant à seulement 20 % des coûts effectifs engagés pour son installation de panneaux photovoltaïques après avoir pris en compte comme date de réalisation dudit projet, la date de la dernière facture reçue sinon la date de la demande d’aide financière, alors pourtant que ces dates seraient toutes deux postérieures à l’installation du capteur solaire photovoltaïque et de son raccordement au réseau, Monsieur … se prévalant à cet égard encore d’un contrat de fourniture d’énergie électrique avec la société … à compter du 27 décembre 2012.

Il relève encore qu’il ressortirait des vérifications de la société … que le fonctionnement de la nouvelle installation à panneaux photovoltaïques aurait été vérifié en date du 11 décembre 2012 par la société …et qu’il aurait été procédé aux vérifications de protection en date du 28 décembre 2012, pour en conclure que ce serait à tort que le ministre de l’Environnement aurait appliqué le règlement grand-

ducal du 12 décembre 2012 instituant un régime d’aides pour la promotion de l’utilisation rationnelle de l’énergie et la mise en valeur des énergies renouvelables dans le secteur du logement, alors que son installation relèverait du règlement grand-

ducal du 20 avril 2009 instituant un régime d’aides pour la promotion de l’utilisation rationnelle de l’énergie et la mise en valeur des énergies renouvelables, dont l’article 8 prévoirait la possibilité d’une aide financière à hauteur de 30 % des coûts effectifs.

Il en conclut que ce serait à tort qu’il se serait vu attribuer une aide financière moindre et ceci par l’application d’une législation postérieure à la réalisation de son projet relatif à l’utilisation rationnelle de l’énergie et de la mise en valeur des sources d’énergies renouvelables.

Comme relevé ci-avant, l’Etat n’a pas fait déposer de mémoire en réponse au recours introduit par le demandeur et n’a pas pris position par rapport à l’argumentation de ce dernier.

Il convient de surcroît de relever que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas communiqué le dossier administratif au tribunal administratif, et ce nonobstant le prescrit de l’article 8 (5) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, qui impose à l’autorité qui a posé l’acte visé par le recours de déposer le dossier au greffe sans autre demande, dans le délai de trois mois à partir de la communication du recours, bien que la requête introductive ait été valablement notifiée par la voie du greffe au délégué du gouvernement en date du 2 septembre 2014.

Dès lors, en principe faute par l’administration défenderesse d’avoir effectivement manifesté un intérêt à l’instance en présentant ses observations afin de justifier sa décision ou ne serait-ce qu’en produisant le dossier administratif, le tribunal devrait, d’une part, considérer que les faits allégués dans la requête introductive d’instance, sont à considérer comme établis, dans la mesure où la partie demanderesse apporte des indices et des indications auxquels l’administration aurait dû répondre1, et d’autre part, retenir un manquement flagrant à l’obligation primordiale de collaboration du pouvoir exécutif à la bonne administration de la justice. Or, lorsque l’administration manque à son obligation de rendre compte envers les administrés de l’exercice des compétences lui dévolues et lorsqu’elle refuse de collaborer à la manifestation de la vérité et entrave le fonctionnement de la justice, en mettant le juge dans l’impossibilité d’exercer sa mission de contrôle, son comportement pour le moins désinvolte et dilatoire doit a priori se résoudre dans l’annulation pure et simple de la décision litigieuse2.

Toutefois, comme relevé ci-dessus, la sanction de l’attitude de l’Etat présuppose à tout le moins que la partie demanderesse apporte des indices et des indications auxquels l’administration aurait dû répondre. En effet, l’absence de collaboration procédurale de l’Etat ne dispense pas le juge administratif d’un examen a minima de l’argumentation produite devant lui par le demandeur, argumentation devant être de nature à renverser la présomption de régularité dont bénéficient les actes administratifs, le demandeur étant en effet, dans un premier temps, appelé à effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué3.

A ce titre, le tribunal est en droit d’attendre du demandeur un exposé sommaire de ses moyens, l’exposé d’un moyen de droit requérant en effet tant de désigner la règle de droit qui serait violée, que la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué.

En l’espèce, force est de constater que la seule affirmation non autrement précisée et circonstanciée que le demandeur devrait pouvoir bénéficier du régime plus favorable du règlement grand-ducal du 20 avril 2009 plutôt que de celui instauré par le règlement grand-ducal du 12 décembre 2012, et ce au vu de la date d’installation du capteur solaire photovoltaïque, respectivement de la date de son raccordement au réseau, sans indiquer la disposition règlementaire précise régissant l’éligibilité ratione temporis et matérielle du projet, manque manifestement de rencontrer les exigences relatives à la précision de l’exposé des moyens, le demandeur en particulier n’ayant pas indiqué quelle disposition règlementaire ou autre militerait en faveur de la prise en compte de la date de réalisation effective de l’installation, au lieu de la prise en compte de la date de la facture afférente.

Le tribunal relève de surcroît à cet égard que tant le règlement grand-ducal du 20 avril 2009 que le règlement grand-ducal du 12 décembre 2012 prévoient des dispositions précises et complexes régissant l’éligibilité d’un tel projet, a priori basée sur la facture afférente, laquelle, en ce qui concerne le règlement grand-ducal du 20 avril 2009, doit avoir été établie entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2012 1 Trib. adm. 21 mars 2002, n° 13690, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 645.

2 Trib. adm. 14 mai 2005, n° 18700, ibidem.

3 Trib. adm. 30 septembre 2015, n° 34571.

inclus4, et, en ce qui concerne l’application du règlement grand-ducal du 12 décembre 2012, notamment pour les installations solaires photovoltaïques, entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 20165.

Or, en l’espèce, outre que le demandeur n’a pas indiqué laquelle des dispositions régissant l’éligibilité serait par lui visée, il n’a pas non plus communiqué au tribunal de facture, ni d’ailleurs sa demande telle qu’adressée aux services du ministère, le tribunal relevant à cet égard que la pièce n° 3 de la farde versée lors de l’audience publique, identifiée erronément comme « demande d’aide financière », est en fait la décision ministérielle du 2 juin 2014, et non la demande de Monsieur ….

Il convient à cet égard de rappeler que le tribunal est saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, de sorte que l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré, mais que son rôle ne consiste en revanche pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse. Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif, mais il appartient au requérant d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée : le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

quant au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 novembre 2015 par :

4 Article 17 du règlement grand-ducal du 20 avril 2009.

5 Article 15 du règlement grand-ducal du 12 décembre 2012.

Marc Sünnen, président Alexandra Castegnaro, juge, Hélène Steichen, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23/11/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 35145
Date de la décision : 23/11/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-11-23;35145 ?

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