Tribunal administratif N° 36951 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2015 3e chambre Audience publique extraordinaire du 30 octobre 2015 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36951 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2015 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Bosnie-
Herzégovine), de nationalité bosnienne, demeurant à …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 septembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du même ministre du 10 septembre 2015 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 octobre 2015.
En date du 17 avril 2015, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg furent actées dans un procès-verbal du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale du même jour.
En date du 29 avril 2015, Monsieur … fit l’objet d’un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des états membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».
1 Monsieur … fut encore entendu en date du 30 juillet 2015 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
A cette occasion, Monsieur … déclara être issu d’une famille traditionnelle musulmane et avoir quitté la Bosnie-Herzégovine en raison de problèmes familiaux dus à son homosexualité. Monsieur … expliqua plus particulièrement qu’après que ses parents lui avaient trouvé une épouse et arrangé un mariage, il aurait dû leur avouer son orientation sexuelle. Suite à cet aveu, une dispute aurait éclaté et son père, en essayant de l’égorger, lui aurait dit qu’il préfère le tuer que d’avoir un fils homosexuel à la maison. Monsieur … ajouta n’avoir survécu que grâce à l’aide de son frère. En ce qui concerne son père, il précisa encore que celui-ci serait alcoolique et instable d’un point de vue psychologique, tout en soulignant qu’il aurait toujours eu des problèmes avec celui-ci. Il ajouta qu’il n’aurait pas déclaré cet incident à la police par peur que son père devienne encore plus agressif et s’en prendrait à sa mère. Monsieur … souligna avoir quitté la maison familiale tout de suite après la dispute et s’être réfugié pendant 8 à 9 jours chez sa tante avant de quitter la Bosnie-Herzégovine, pays dans lequel les homosexuels seraient discriminés.
Par décision du 10 septembre 2015, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 11 septembre 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 20, paragraphe (1) sous a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
La décision du ministre est tout d’abord motivée par la considération que, selon les dispositions de l’article 1er, paragraphe (1) du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », Monsieur … proviendrait d’un pays d’origine sûr au sens des dispositions de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, c’est-à-dire d’un pays dans lequel il n’existerait généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci -après désignée par « la Convention de Genève ».
Le ministre releva par ailleurs que les raisons qui auraient amené Monsieur … de quitter son pays d’origine ne seraient pas motivées par un des critères de fond définis par la Convention de Genève ou la loi du 5 mai 2006. Il souleva en effet que sa demande de protection internationale serait avant tout basée sur des problèmes familiaux ne rentrant pas dans le champ d’application de la Convention de Genève. A cet égard, il fit valoir que les insultes et coups et blessures de la part de son père ne seraient pas d’une gravité suffisante pour justifier l’octroi de la protection internationale et il donna à considérer que ces incidents constituent en tout état de cause des délits de droit commun, émanant d’une personne privée, punissables d’après la loi bosnienne et qui ne sauraient être qualifiés de persécutions au sens de la Convention de Genève qu’en cas de défaut de protection des autorités en place, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Le ministre souligna plus particulièrement que le demandeur n’aurait pas porté plainte contre son père et il donna à considérer que les déclarations du demandeur selon lesquelles la 2police bosnienne refuserait d’intervenir en cas de problèmes familiaux seraient purement hypothétiques. En se basant sur des rapports internationaux, il mit par ailleurs en exergue la possibilité de se plaindre auprès d’une autorité supérieure, telle que la Section de contrôle interne et le Bureau public des plaintes, en cas d’un refus d’aide effectif de la part des policiers locaux.
Toujours en se basant sur des sources internationales, le ministre retint par ailleurs que les autorités bosniennes condamneraient non seulement les discours de haine contre les minorités en raison de leur orientation sexuelle, mais luteraient activement contre de telles discriminations, de sorte que Monsieur … aurait pu solliciter une protection appropriée.
Il soutint ensuite que Monsieur … aurait pu bénéficier d’une fuite interne, dans la mesure où les problèmes dont il a fait état n’auraient qu’un caractère local et n’auraient pas une ampleur telle que seule une fuite vers l’étranger aurait été possible.
S’agissant de la protection subsidiaire, le ministre conclut que le récit de Monsieur … ne comporterait aucun motif sérieux et avéré de croire qu’il court un risque réel de subir l’une des atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 10 septembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par rapport aux faits à la base de sa demande de protection internationale, le demandeur reprend en substance l’exposé des faits décrit lors de son audition.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 10 septembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance le demandeur estime tout d’abord que ce serait à tort que le ministre, pour traiter sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, s’est notamment basé sur le fait que la Bosnie-Herzégovine est désignée comme étant un pays d’origine sûr par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007.
Il estime en effet que les critères prévus par l’article 21, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006, qui doivent être pris en compte pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr, ne seraient pas remplis en l’espèce, étant donné que les éléments, qui avaient été pris en considération pour décider que la Bosnie-Herzégovine doive figurer sur la liste des 3pays d’origine sûrs fixée par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, ne seraient pas intangibles et devraient faire l’objet d’une évaluation régulière compte tenu des indications factuelles. Il ajoute que la Bosnie-Herzégovine n’aurait pas bonne réputation en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme et il met en évidence une prétendue instabilité des institutions étatiques se traduisant par un manque d’indépendance du système judiciaire et par la corruption.
Monsieur … fait encore plaider qu’en retenant que les faits exposés par lui seraient sans pertinence et insignifiants au regard de sa demande de protection internationale, le ministre n’aurait pas correctement évalué sa situation.
Il estime dès lors que la décision ministérielle de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée devrait encourir l’annulation.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait statué à juste titre sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée et conclut partant au rejet du recours en annulation afférent.
Tel que relevé ci-avant, la décision ministérielle déférée est fondée sur les dispositions des points a) et c) de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 aux termes desquelles « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20, paragraphe (1) sous a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande ou, encore, si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 de vérifier, sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application du prédit article afin de décider de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.
4 En ce qui concerne plus particulièrement le point c) de l’article 20 paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Plus particulièrement quant à l’application éventuelle de l’article 20, paragraphe (1) c) de la loi du 5 mai 2006, il se dégage de la lecture de l’article 21, paragraphe (2), précité, qu’un pays peut être qualifié de pays d’origine sûr soit si le demandeur en a la nationalité, soit s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays.
Il est constant en cause qu’en vertu du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, la Bosnie-Herzégovine figure sur la liste des pays d’origine sûrs.
En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier administratif que le demandeur a la nationalité bosnienne et qu’il habité en Bosnie avant de rejoindre le Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.
Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21, paragraphe (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné 5comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, en tout état de cause, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale du demandeur, a conclu qu’il proviendrait d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20, paragraphe (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
Or, l'analyse de la situation décrite par le demandeur lors de son audition ainsi que dans le cadre du présent recours ne permet pas au tribunal d'en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption en ce qui le concerne et pour conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle sous analyse.
En effet, il ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que les conditions pour qualifier un pays d’origine sûr ne seraient pas, dans son chef, vérifiées en l’espèce. Ainsi, le demandeur ne soumet au tribunal aucun élément concret tendant à renverser la présomption qu’il existe en Bosnie-Herzégovine un système judiciaire indépendant, que les libertés et les droits démocratiques de base y sont reconnues et que des mécanismes de recours y existent si ces droits ou libertés sont violés ou encore qu’il y existe des organisations de la société civile.
Ainsi, et en ce qui concerne l’affirmation tout à fait générale quant à un non-respect des droits de l’homme dans son pays d’origine et d’un manque d’indépendance du système judiciaire, sans étayer ces affirmations par des sources internationales ou en indiquant un lien concret de son vécu personnel avec les défaillances du système judiciaire et politique de son pays d’origine qu’il allègue, une telle affirmation ne saurait emporter la conviction du tribunal.
A cet égard, il y a plus particulièrement lieu de souligner qu’au regard de la présomption se dégageant du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, il aurait appartenu au demandeur de démontrer concrètement pour quelles raisons il estime ne pas être protégé de la part des autorités bosniennes. Or, dans le cadre de son recours, le demandeur n’a pas soumis au tribunal des circonstances susceptibles d’illustrer que la police bosnienne, respectivement les instances judiciaires, ne seraient pas capables ou disposées à le protéger ou encore, en cas de carence des autorités policières, qu’il n’aurait pas eu accès aux autorités supérieures citées par le ministre auxquelles il aurait pu s’adresser. Au contraire, il se dégage des propres déclarations du demandeur qu’en ce qui concerne le seul incident dont il a été personnellement victime, à savoir l’agression physique par son père, il ne s’est jamais adressé à la police pour porter plainte contre ce dernier.
Or, à défaut d’avoir au moins tenté de porter plainte contre son père auprès des autorités policières bosniennes, le demandeur ne saurait leur reprocher une quelconque inaction 6volontaire ou un refus de l’aider, ce d’autant plus qu’il n’a en particulier pas fait état de ce que malgré sa volonté de déposer une plainte, un tel dépôt lui aurait été refusé par des policiers bosniens. Force est à cet égard encore de relever qu’il ressort des explications du ministre, sources internationales à l’appui, que les autorités bosniennes luttent activement contre toute discrimination et tout discours et actes de haine vis-à-vis des minorités sexuelles.
En tout état de cause, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de violences et de menaces, communément la forme d’une plainte.
Par ailleurs, si le demandeur avait effectivement eu l’impression que certains policiers locaux pourraient refuser d’accueillir sa plainte en raison de la nature de ses problèmes, il lui aurait toujours été possible de se plaindre du comportement desdits policiers auprès d’une autorité supérieure ou de porter sa plainte par-devant d’autres policiers, ce qu’il n’a toutefois pas non plus fait. Force est à cet égard encore de relever qu’il ressort des explications circonstanciées et non contestées de la partie étatique qu’il existe en Bosnie-
Herzégovine une Section de contrôle interne et un Bureau public des plaintes qui est compétent pour toute plainte envers les forces de l’ordre et de sanctionner les éventuels excès et les autres formes de comportement non professionnel ou indécent des fonctionnaires de police et autres employés du ministère. Il ressort en outre des explications de la partie étatique que le demandeur aurait par ailleurs pu s’adresser à l’Ombudsman lequel joue un rôle particulier en matière de protection contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, voire l’Agency for Gender Equality.1 Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur n’invoque pas des faits démontrant que la Bosnie-Herzégovine ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef, de sorte que c’est à bon droit que le ministre, après analyse de sa situation concrète, a conclu qu’il est originaire d’un pays d’origine sûr, et qu’il a à bon droit statué sur sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.
Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20, paragraphe (1) a) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 10 septembre 2015 portant refus d’une protection internationale Dans la mesure où l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours en réformation, le demandeur se base sur les mêmes faits que 1 Trib. adm. 14 mai 2013, n°31564 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu 7ceux invoqués dans le cadre de son recours contre la décision ministérielle de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée. Il reproche encore au ministre d’avoir retenu que la situation générale du pays d’origine ne saurait être prise en compte pour faire droit à une demande de protection internationale en affirmant qu’un examen sérieux et objectif de sa demande de protection internationale ne saurait être valablement effectué en faisant abstraction de la situation générale de son pays d’origine.
Dans le cadre du recours sous analyse, il se prévaut encore d’un traumatisme psychologique et physique dû à son appartenance à une minorité sexuelle, tout en mettant en avant l’inaction des autorités bosniennes en vue de le protéger, ainsi que l’hostilité de la population bosnienne envers les homosexuels. Le demandeur estime que ces violences seraient à qualifier de persécutions au sens de la Convention de Genève et il conclut que ce serait à tort que le ministre a retenu qu’il s’agirait d’actes punis par le droit commun.
Il estime encore qu’en cas de renvoi dans son pays d’origine, il serait exposé au risque de rencontrer à nouveau les mêmes difficultés.
Finalement, il exclut toute possibilité de fuite interne dans la mesure où toute la population de Bosnie-Herzégovine aurait une attitude négative envers la communauté homosexuelle, le demandeur se prévalant à cet égard d’agressions qui auraient été commises par un groupe de wahhabites lors d’une manifestation de la communauté gaye, à savoir le « Queer Srajevo Festival » en 2008.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Par ailleurs, aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de 8l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
9Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
En concerne la demande en obtention du statut de réfugié, le demandeur soutient que les faits invoqués devraient être qualifiés de persécutions puisqu’il aurait subi des persécutions d’ordre psychologique et physique dans la mesure où il aurait été agressé et menacé par son père, sans pour autant pouvoir compter sur une protection des autorités bosniennes, le demandeur ayant à cet égard encore mis en avant une prétendue discrimination des homosexuels dans son pays d’origine, due à une certaine homophobie qui y régnerait.
Force est au tribunal de relever que si l’agression physique et les menaces dont le demandeur fait état ont certes comme toile de fond son appartenance à un groupement social, à savoir des homosexuels, de sorte à tomber a priori dans le champ d’application de la Convention de Genève, il y a cependant également lieu de constater que l’auteur des seules menaces et de l’unique agression dont le demandeur se prévaut, à savoir son père, est une personne privée, sans lien avec l’Etat. Le demandeur ne saurait dès lors faire valoir un risque réel de subir des persécutions ou des atteintes graves que si les autorités bosniennes ne veulent ou ne peuvent lui fournir une protection effective contre ces persécutions ou atteintes graves, en application de l’article 28 précité de la loi du 5 mai 2006.
En effet, tant la notion de « réfugié » que d’ailleurs celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent, outre nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine, une absence de protection dans le pays d’origine, soit que la personne concernée a de bonnes raisons de refuser d’accepter la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès.
En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte.
Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut2.
L’essentiel est en effet d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. En cas de persécution ou d’atteinte grave infligée par 2 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.
10des entités non étatiques, la crainte d’être persécuté est considérée comme fondée si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.
Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.
En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
Le tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation, vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que le ministre a valablement pu considérer que le demandeur est originaire d’un pays d’origine sûr au sens de la loi impliquant plus particulièrement l’existence d’un système de recours efficace contre les violations des droits de l’homme et des libertés couvertes par la Convention européenne des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et partant qu’il n’est pas établi que les autorités bosniennes ne sont pas disposées ou pas capables de fournir une protection au demandeur.
Actuellement, le tribunal, statuant par rapport au volet du rejet de la demande en obtention de la protection internationale en tant que juge de la réformation, ne saurait que réitérer son analyse précédente au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale pris en son double volet, le demandeur n’ayant en effet fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, aucun élément complémentaire pertinent permettant de conclure que les autorités bosniennes seraient dans l’incapacité de lui fournir concrètement une protection au sens de l’article 29, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006.
Il y a encore lieu de souligner qu’il ressort des explications circonstanciées de la partie étatiques, sources internationales à l’appui, que les autorités bosniennes luttent activement contre toute discrimination envers les minorités sexuelles, en ayant mis en place une 11législation anti-discrimination. En ce qui concerne l’incident mis avant par le demandeur et qui a eu lieu lors du « Queer Srajevo Festival », force est de constater que ces agressions datent non seulement de plus de 7 ans, mais aurait par ailleurs été commises d’après les explications du demandeur-même, par des wahhabites, c’est-à-dire par des représentants d’une mouvance extrémiste de l’Islam, qui ne représentent cependant qu’une partie minoritaire de la population bosnienne. Ainsi et même à admettre que la Bosnie-Herzégovine se caractérise par une certaine homophobie et que des efforts sont encore à réaliser dans l’application de la législation anti-discrimination, cette circonstance n’est pas de nature à conclure à un défaut de volonté des autorités bosniennes d’appliquer la législation anti-
discrimination ou d’offrir une protection au demandeur. 3 Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se 3 Trib. adm. 14 mai 2013, n°31564 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu 12reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.
Or, tel que cela a été développé ci-avant dans le cadre de l’analyse de la demande en obtention du statut de réfugié, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le demandeur ne saurait se prévaloir de la protection des autorités de son pays d’origine, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de lui accorder la protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation la décision du ministre du 10 septembre 2015 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 10 septembre 2015 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant rejet de lui accorder le bénéfice de la protection internationale.
Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour, de sorte qu’au regard du refus en l’espèce du statut de la protection internationale, le ministre a valablement pu assortir sa décision d’un ordre de quitter le territoire.
A défaut d’autres moyens soulevés par le demandeur, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à son égard.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
13Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 10 septembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 10 septembre 2015 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 10 septembre 2015 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Thessy Kuborn, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 30 octobre 2015 à 11.00 heures par le vice-
président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 octobre 2015 Le greffier du tribunal administratif 14