Tribunal administratif N° 35476 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 novembre 2014 3e chambre Audience publique du 28 octobre 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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Vu la requête, inscrite sous le numéro 35476 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2014 par Maître Laurent Backes, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, sans état connu, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 septembre 2014 refusant la validation de l’engagement de prise en charge signé en date du 8 juillet 2014 pour l’obtention d’une autorisation de séjour en faveur de Madame … ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Laurent Backes et Madame le délégué de gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries à l’audience publique du 21 octobre 2015.
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Suivant un formulaire, entré au Ministère des affaires étrangères le 10 juillet 2014, Monsieur … s’engagea à prendre à sa charge les frais de séjour et de retour de sa belle-fille, Madame …, désireuse de séjourner au Luxembourg pour une durée de six mois dans le cadre d’une visite familiale.
Par un courrier du 22 septembre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-
après désigné par « le ministre », informa Monsieur … de son refus de valider ledit engagement de prise en charge. Cette décision est fondée sur la considération que Monsieur … ne remplirait pas la condition fixée à l’article 4, paragraphe (2) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », en faisant valoir que conformément à l’article 3, point b) du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 portant sur l’attestation de prise en charge en faveur d’un étranger prévue à l’article 4 de la loi du 29 août 2008, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 », le niveau des ressources serait apprécié par référence à la moyenne du taux mensuel du salaire social minimum d’un travailleur non qualifié sur une durée de douze mois et par rapport à la durée et à l’objet du séjour envisagé par le bénéficiaire de la prise en charge.
Or, le revenu de Monsieur … se composerait du revenu minimum garanti octroyé par le Fond national de solidarité, de sorte que la condition requise ne serait pas remplie, ses ressources n’étant ni suffisantes ni stables pour souscrire un engagement de prise en charge pour un séjour de six mois.
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2014, Monsieur … a fait introduire un recours principal en réformation, sinon subsidiaire en annulation contre la décision du ministre du 22 septembre 2014, précitée.
Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit.
Le tribunal est dès lors incompétent pour connaître du recours principal en réformation.
En revanche, il est compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur invoque l’article 4 de la loi du 29 août 2008, ainsi que l’article 3 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008, et fait valoir qu’il bénéficierait du revenu minimum garanti depuis le 1er mars 2000, s’élevant actuellement au montant de … euros brut, que ce revenu serait stable depuis 14 ans et que, par ailleurs, les conditions de remboursement inscrites à l’article 28 de la loi modifiée du 29 avril 1999 portant création d’un droit à un revenu minimum garanti, ci-après désignée par « la loi du 29 avril 1999 », ne seraient pas remplies ni actuellement ni à l’avenir.
Il fait encore valoir que le salaire social minimum d’un travailleur non qualifié s’élèverait à 247,82 euros par mois à l’indice 100, soit à un montant de 1.921,03 euros par mois à l’indice 775,17, et conclut que le niveau de ses ressources serait supérieur à la moyenne du taux mensuel du salaire minimum d’un travailleur non qualifié, de sorte qu’il aurait rapporté la preuve qu’il dispose de ressources stables, régulières et suffisantes.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en invoquant plus particulièrement un arrêt de la Cour administrative du 17 juin 2010, inscrit sous le numéro 26685Cdu rôle. Il dégage de la solution retenue par la Cour administrative que l’argumentation du demandeur devrait être écartée pour défaut de pertinence puisque le bénéfice du revenu minimum garanti ne serait visiblement pas suffisant pour garantir les frais de séjour et autres frais visés par la loi au titre de l’engagement de prise en charge.
L’article 4, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008 dispose que :
« […] (2) La personne qui signe l’engagement de prise en charge doit rapporter la preuve qu’elle dispose de ressources stables, régulières et suffisantes. Elle est, pendant une durée de deux ans, solidairement responsable avec l’étranger à l’égard de l’Etat du remboursement des frais visés au paragraphe (1). » Le niveau des ressources financières ainsi défini est prévu à l’article 3 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008, lequel dispose dans son dernier alinéa :
« Le niveau des ressources est apprécié par référence à la moyenne du taux mensuel du salaire social minimum d’un travailleur non qualifié sur une durée de douze mois et par rapport à la durée et à l’objet du séjour envisagé par le bénéficiaire de la prise en charge. » Tel que cela a été retenu dans l’arrêt de la Cour administrative du 17 juin 2010, précité, invoqué par la partie étatique, en raison du caractère propre du revenu minimum garanti, en ce qu’il est destiné à constituer un revenu suffisant pour la communauté domestique visée, par principe le revenu minimum garanti ne peut être considéré comme un revenu suffisant susceptible de constituer la base exclusive d’un engagement de prise en charge. En effet, le montant du revenu minimum garanti institué par la loi du 29 avril 1999 est justement fixé plus particulièrement par rapport à la composition de la communauté domestique concernée, c’est-
à-dire des personnes qui vivent ensemble dans le cadre d’un foyer commun et dont il faut admettre qu’elles disposent d’un budget commun et qui ne peuvent fournir les preuves matérielles qu’elles résident ailleurs, et est dès lors considéré comme suffisant pour ceux-ci, à l’exclusion d’autres personnes ne faisant pas partie de la communauté domestique, de sorte que nécessairement le revenu minimum garanti ne peut plus être considéré comme suffisant si d’autres personnes rejoignent cette communauté domestique ou s’il est destiné à couvrir frais d’autres personnes. Tel est en l’espèce le cas de Madame …, dans le cadre de la demande d’autorisation de séjour de laquelle a été prise la décision ministérielle actuellement litigieuse.
Dès lors, le revenu minimum garanti dont bénéfice Monsieur … ne saurait répondre au caractère suffisant des ressources pour pouvoir garantir les frais de séjour et autres frais visés par la loi au titre de la garantie souscrite par lui.
Il s’ensuit que le ministre a valablement pu retenir que les conditions de l’article 4, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008 ne sont pas rempli dans le chef du demandeur.
Il s’ensuit qu’à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties , reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Thessy Kuborn, premier juge, et prononcé à l’audience publique du 28 octobre 2015 par le vice-président en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 octobre 2015 Le greffier du tribunal administratif 4